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lundi 28 juillet 2025

Le renvoi devant le tribunal d’une autre circonscription territoriale (aussi appelé changement de venue)

A c. R., 2025 QCCA 300

Lien vers la décision


[41]      L’affaire a évidemment fait grand bruit là où elle est survenue, mais aussi à la grandeur du Québec. Or, l’article 599 C.cr. prévoit qu’un tribunal peut renvoyer l’affaire devant le tribunal d’une autre circonscription territoriale de la même province (ou « district judiciaire », comme on dit au Québec) si « la chose paraît utile aux fins de la justice / it appears expedient to the ends of justice ».

[51]      Une telle décision relève de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge, ce qui signifie que la déférence s’impose en appel : R. v. Charest (1990), 76 C.R. (3d) 63, p. 100 et 102, 1990 CanLII 3425 (C.A. Qc). De plus, il n’existe pas de droit de choisir le district où aura lieu le procès. Les parties ont eu l’occasion de présenter leur preuve et leurs arguments. Le juge a tout simplement estimé qu’ils ne permettaient pas de trancher en faveur du district de Montréal. Je ne vois aucune erreur dans cette conclusion. S’il est vrai que Montréal est le district le plus populeux du Québec, il reste que cette affaire a fait grand bruit partout au Québec, de sorte que la situation à cet égard serait analogue dans toutes les circonscriptions territoriales.

[52]      Après que le juge a conclu que le procès ne pouvait décemment se tenir à Granby (district de Bedford), le choix du district lui revenait en fonction de la preuve, d’autant qu’il a laissé pleine liberté aux parties de présenter les éléments factuels qu’elles considéraient pertinents.

[53]      Or, le dossier ne fait état d’aucun préjudice subi par l’appelante en raison du renvoi à Trois-Rivières plutôt qu’à Montréal, alors que le préjudice constitue le principal élément lors de l’analyse de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire.

[54]      En somme, l’appelante a présenté une preuve satisfaisante que le procès ne pouvait avoir lieu dans le district de Bedford, ce que le juge a reconnu au motif que la population de la région de Granby était davantage touchée par ces événements que celle des autres régions du Québec, de sorte que le renvoi pouvait constituer une solution utile pour assurer un procès équitable. En revanche, la seule preuve portant sur un autre district cherchait à démontrer que Montréal était un endroit approprié parce que populeux et susceptible de faciliter la constitution d’un jury impartial, sans toutefois que la preuve justifie l’exclusion de Trois-Rivières. Le juge rappelle d’ailleurs que la présomption d’impartialité du jury s’applique à tous les districts judiciaires et, évidemment, pas seulement à celui de Montréal. Il devait aussi tenir compte de la durée du procès et de la nécessité qu’il se tienne dans des délais raisonnables.

[55]      Bref, l’appelante a été pleinement entendue sur son choix, mais n’a pas déposé de preuve permettant de conclure que seul ce choix pouvait assurer la tenue d’un procès équitable. À cet égard, la situation ne se compare pas à celle de Supermarchés Jean Labrecque inc. c. Flamand1987 CanLII 19 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 219, sur lequel elle se fonde au motif que la situation serait semblable à celle du présent dossier. Il n’en est rien. En effet, dans cette affaire, contrairement à la présente, le juge avait, d’office, transféré le procès dans un autre district judiciaire à une autre date, sans même en informer les parties.

[56]      En l’espèce, le juge a exercé son pouvoir discrétionnaire et l’appelante ne démontre pas d’erreur pouvant mener à la réformation de la décision. Je rappelle qu’une cour d’appel n’interviendra en la matière qu’en présence d’une erreur de principe ou de l’exercice déraisonnable du pouvoir discrétionnaire, notamment lorsque le juge omet de tenir compte des facteurs pertinents ou tient compte de facteurs non pertinents : R.B. c. R., 2018 QCCA 1761, paragr. 43. Ce n’est pas le cas ici.

La requête en renvoi de l'affaire devant le tribunal d'une autre circonscription territoriale (changement de venue)

Godbout c. R., 2012 QCCA 59

Lien vers la décision


[13]        L'article 599 du Code criminel autorise le renvoi d'une affaire dans une circonscription territoriale autre que celle où l'infraction serait autrement jugée lorsque « la chose paraît utile aux fins de la justice ».

[22]        En principe, le procès doit se tenir dans le district où le crime a été commis, le renvoi devant le tribunal d'un autre district constituant l'exception.

[23]        L'article 599 du Code criminel pose le critère relatif au renvoi d'une affaire en termes très généraux, « [lorsque] la chose paraît utile aux fins de la justice »[1].   Face à un texte aussi clair, on peut se demander pourquoi le juge exige la « démonstration claire » que le procès ne serait pas juste et équitable s'il était tenu – comme le veut la règle – dans le district où le crime est présumé avoir été commis.

[24]        Ceci étant, à la lecture de l'ensemble de la décision, il ne me semble pas que le juge a été, dans les faits, plus exigeant envers l'appelant qu'il devait l'être.

[25]        Dans R. v. Charest[2], la Cour opte pour un critère qui combine à la fois la nécessité d'un jury impartial et celle, plus englobante, d'un procès juste et équitable, tout en rappelant la discrétion dont jouit le juge de première instance en matière de renvoi.   Le juge Fish écrit, à la page 349 :

With respect, I prefer the test formulated in Collins[3] to the narrower one laid down by Aikins J. in Beaudry.   It adds to the "impartial jury" standard the additional and broader concept of a fair trial.   In my view, a fair trial can be conducted only in a reasonably serene environment.   Extensive prejudicial publicity shortly before the trial, pronounced hostility toward the accused, widespread sympathy for the victim, and a frightened or enraged community, surely create – especially in a small judicial district – the kind of emotionally charged atmosphere in which the ends of justice may be best served by removal of the trial to another venue.

(Je souligne.)

[26]        20 ans plus tard, cet enseignement est toujours valable et c'est, selon moi, celui que le juge de première instance a suivi.   L'accusé qui demande le renvoi de l'affaire a donc le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que cela est nécessaire pour lui garantir un procès juste et équitable devant un jury impartial ou, dit autrement, que les fins de la justice commandent que le procès se tienne dans un autre district.

mardi 14 janvier 2014

L'état du droit quant au changement de venue

P.B. c. R., 2007 QCCQ 13206 (CanLII)


[10]            Le principe de base est que le procès d’un accusé se tient au lieu où le crime reproché aurait été commis.
[12]            L’article 599 C.cr. prévoit qu’un juge peut ordonner, sur demande à cet effet, que le procès soit tenu dans une autre circonscription territoriale et c’est de cette disposition que l’accusé se prévaut. Pour ce faire, le juge doit considérer si la chose paraît utile aux fins de la justice.  
[13]            Les auteurs Béliveau et Vauclair abordent ainsi le sujet du changement de venue :
«1921. Pour ce qui est du changement de venue, le Code prévoit que, lorsque la chose paraît utile aux intérêts de la justice, généralement parce qu’il semble impossible de tenir un procès équitable en raison, notamment, de la publicité suscitée par une affaire, le poursuivant, l’accusé ou le juge lui-même peuvent demander un changement de venue, c’est-à-dire requérir que le dossier soit transféré dans un autre district judiciaire. Le juge accordera une telle requête si l’intérêt de la justice le requiert et, si la demande a été faite par la poursuite, il pourra prévoir des mesures pour indemniser l’accusé pour les dépenses additionnelles encourues.»
[14]            La règle générale est la tenue du procès à l’endroit où le crime aurait été commis : cette règle sert les intérêts de la communauté et de l’accusé.
[15]            Plusieurs arrêts de jurisprudence ont confirmé que la communauté d’une région a le droit de savoir ce qui s’est passé dans une affaire pénale émanant de cet endroit. Il y va de la justice et de l’image qu’elle projette en cette matière. Ce principe passe par la tenue de procès publics dans la communauté.
[18]            Bref, l’intérêt de la justice n’est pas limité à celui de l’accusé. Un procès implique aussi les victimes, les autres témoins et la communauté où les crimes allégués auraient été commis. (...)
[19]            Les auteurs Béliveau et Vauclair retiennent d’abord que les changements de venue sont envisagés généralement quand « il semble impossible de tenir un procès équitable, en raison notamment (soulignement du Tribunal) de la publicité suscitée par une affaire ». Cette préoccupation est applicable quand on veut garantir le choix d’un jury impartial.
[20]            Les auteurs Béliveau et Vauclair précisent qu’il ne suffit pas de déterminer qu’il y a eu une publicité importante, s’inspirant des principes édictés dans l’affaire R. c. Proulx. Ils rajoutent qu’il faut que cette publicité mette en cause :
1-     le droit de l’accusé à un procès juste;
2-     devant un jury impartial;
3-     siégeant dans une atmosphère sereine.
[21]            En l’espèce, outre le fait qu’il ne s’agit pas d’un procès devant jury, il n’y a aucune démonstration que la présente affaire ait été médiatisée ni qu’aucune des trois situations ci-devant énoncées ne soit mise en cause.
[23]            Or, les coûts envisagés ou appréhendés, ainsi que les contraintes pour certains témoins ne peuvent, à eux seuls, être considérés comme un élément justifiant un changement de venue.
[24]            L’article 599(3) C.cr. limite par ailleurs les mesures prévoyant le paiement des dépenses additionnelles causées à l’accusé par un changement de venue aux seuls cas où le renvoi fait suite à une demande du poursuivant.
[25]            L’accusé, qui en avait le fardeau, n’a pas fait la preuve prépondérante de situations pouvant justifier que sa requête soit accordée (...)

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...