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mardi 10 juin 2025

La relation entre la diligence raisonnable et la notion de négligence pour les infractions de responsabilité stricte

CFG Construction inc. c. R., 2023 QCCA 1032

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[149]   Conceptuellement, le cadre d’analyse entourant l’admissibilité de la preuve de faits similaires se révèle totalement inadéquat, car fondamentalement mal conçu pour l’évaluation de la négligence ou l’absence de diligence raisonnable[73]. En effet, un fondement crucial de l’admissibilité d’une preuve de faits similaires est l’établissement de l’improbabilité d’une coïncidence[74], une question totalement sans pertinence à l’évaluation de la négligence.

[150]   Pour cette raison, je partage l’opinion formulée par les auteurs de l’ouvrage Regulatory Offences in Canada: Liability and Defences au sujet du caractère incompatible du concept de preuve de propension en droit réglementaire :

[T]here is a fundamental disconnect between a consideration of character or disposition evidence in the criminal arena and similar fact evidence in regulatory prosecutions.

In the regulatory field, the conduct itself is not inherently evil, reprehensible, morally repugnant or felonious. The activities being regulated are legal, except when an accused fails to live up to the standards imposed in legislation. In that context, it makes no sense to talk about the “forbidden reasoning” that prevents the admissibility of similar fact evidence.

[…]

We argue that it is wrong to characterize evidence relating to due diligence as evidence of propensity at all. Evidence of past incidents may inform first and foremost the question of foreseeability. It may establish that the accused was on notice of a problem, whether through an earlier incident or a warning given by the regulatory agency, employees, consultants, contractors or others. The alternatives available to the accused might also be proven by what was done on earlier occasions. Evidence of prior incidents might also be relevant to proof of the actus reus as indicative of the control that an accused might exercise[75].

[151]   Bien que ces observations aient été formulées dans un ouvrage concernant le droit réglementaire, leur application ne pose aucun problème dans le présent dossier. En effet, la diligence raisonnable et la négligence constituent les deux revers d’une même médaille.

[152]   La distinction entre les infractions de responsabilité stricte et celles de négligence pénale ou criminelle se reflète dans la différence des fardeaux de preuve, de même que dans le degré d’écart requis pour établir la commission de la preuve.

[153]    Les infractions de négligence pénale ou criminelle formulent la norme de diligence devant être respectée et qui doit être prouvée hors de tout doute raisonnable par la poursuite alors que le défendeur inculpé d’une infraction de responsabilité stricte doit établir sa diligence raisonnable par prépondérance de preuve.

[154]   Voici comment le professeur Roach décrit la relation entre la diligence raisonnable et la notion de négligence pour les infractions de responsabilité stricte :

Although the fault element for a strict liability offence is negligence, the Crown need not prove negligence beyond a reasonable doubt. Rather, the accused must prove a defence of due diligence or lack of negligence on a balance of probabilities.

[…]

The burden on the accused is an important component of the halfway house approach of strict liability offences, because it means that the Crown is not required to prove negligence beyond a reasonable doubt and that the accused is not acquitted because there is a reasonable doubt as to negligence[76].

[155]   Manifestement, la preuve de la négligence d’une personne morale comporte un risque plus faible de préjudice moral ou par raisonnement, car l’évaluation requise par la nature même de l’infraction exige une évaluation qualitativement différente. De plus, ce risque s’avère moins considérable dans le cadre d’un procès devant une juge seule[77].

[156]   Ainsi, la juge d’instance ne fait pas erreur au sujet de l’admissibilité de la preuve lorsqu’elle affirme que : « la nature de l'infraction alléguée doit être considérée, soit de la négligence criminelle, une infraction qui peut permettre l'admissibilité en preuve, selon les circonstances, d'éléments touchant les comportements antérieurs »[78].

[157]   À mon avis, il ne s’avère pas nécessaire de réévaluer l’admissibilité de chacun des témoignages. La lecture du jugement démontre indubitablement que la juge a correctement utilisé la preuve présentée pour évaluer si l’appelante avait été négligente et non pour conclure que celle-ci avait une propension à l’être.

[158]   Certes, la preuve présentée par la poursuite ne concernait pas uniquement l’entretien du camion et de ses freins. L’éventail de la preuve administrée par la poursuite était vaste, mais celle-ci était logiquement pertinente à l’égard d’un fait en cause, soit la négligence de l’appelante.

[159]   Toutefois, les facteurs qui peuvent être considérés pour déterminer soit la diligence raisonnable, soit la négligence pénale ou criminelle, s’avèrent similaires. Le professeur Roach en présente une synthèse fort utile dans son ouvrage Criminal Law :

The courts look to a large range of factors in determining whether the accused has established a defence of due diligence to a regulatory offence. Relevant factors include: the likelihood and gravity of the risk, including whether it was foreseeable and the effect that it could have on vulnerable people and neighbourhoods. Other factors look to the ability of the accused to control or manage the risk of the prohibited act from occurring. Factors such as alternative solutions, regulatory compliance, industry standards and preventive systems, efforts made to address the problem, and the promptness of the accused’s response are significant. Other matters such as factors beyond the control of the accused, technological limitations, skill level expected of the accused, complexities involved, and economic considerations can be relevant in determining whether the accused has taken all reasonable steps to prevent the risk. Courts will consider the perspective of the reasonable person when applying the due diligence defence. They will examine the training and supervision that was or was not given to employees. The focus in due diligence is on whether the accused has taken reasonable steps to prevent the commission of the offence[79].

[160]   À la lumière de ces facteurs, même si je considérais qu’une partie de la preuve avait une pertinence qui s’éloignait des questions en litige – une détermination à laquelle je ne parviens pas en raison du seuil peu élevé applicable à la notion de pertinence[80] – je n’identifie aucun préjudice dans le présent dossier, car la condition mécanique du camion après l’accident établissait de toute façon, et de manière autonome, que son entretien avait été nécessairement négligé durant la période visée par l’acte d’accusation ce qui établissait un écart marqué et important avec la conduite d’une personne raisonnable dans ce domaine d’activité.

mercredi 28 mai 2025

Les règles entourant la preuve documentaire en présence d'un document électronique lorsque celui-ci consiste en des données générées automatiquement par un instrument technologique

Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Leblanc, 2022 QCCS 4444

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[24]        Il importe de distinguer l’admissibilité d’un élément de preuve, à titre de question de droit, de sa valeur probante, à titre de question de fait. L’admissibilité d’un élément de preuve concerne sa recevabilité légale au procès. Comme le rappelle la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Schneider2022 CSC 34, l’admissibilité d’un élément de preuve est déterminée par le juge du droit selon une analyse en trois points :

         Premièrement, la preuve proposée doit être pertinente. Il s’agit d’une condition nécessaire et indispensable. Une preuve est pertinente si elle tend, selon la logique et l’expérience humaine, à accroitre ou à diminuer la probabilité de l’existence d’un fait en litige. La pertinence concerne essentiellement la signification de la preuve, et non sa force probante ni même sa véracité.

         Deuxièmement, il faut appliquer les règles d’exceptions visant la preuve proposée. En principe, une preuve pertinente est admissible. Cependant, le droit prévoit diverses exceptions ou règles spécifiques qui peuvent entrainer l’exclusion d’une preuve pertinente qui serait autrement admissible.

         Troisièmement, le juge peut, en vertu de son pouvoir discrétionnaire résiduel, exclure une preuve qui comporte un effet préjudiciable qui surpasse sa valeur probante.

[25]        Ensuite, les principes et les règles de preuve du droit criminel s’appliquent au droit pénal québécois, avec quelques réserves incluant l’application de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, RLRQ c C-1.1. L’art. 61 du Code de procédure pénale stipule ce qui suit :

61. Les règles de preuve en matière criminelle, dont la Loi sur la preuve au Canada (Lois révisées du Canada (1985), chapitre C-5), s’appliquent en matière pénale, compte tenu des adaptations nécessaires et sous réserve des règles prévues dans le présent code ou dans une autre loi à l’égard des infractions visées par cette loi et de l’article 283 du Code de procédure civile (chapitre C-25.01) ainsi que de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (chapitre C-1.1).

Les dispositions du Code criminel (Lois révisées du Canada (1985), chapitre C-46) relatives aux dépositions à distance des témoins s’appliquent, compte tenu des ressources mises à la disposition du tribunal, à l’instruction des poursuites intentées conformément au présent code.

[26]        Une règle spécifique s’applique à la preuve documentaire. Pour être admissible, un document doit minimalement être appuyé par une preuve étayant son authenticité, c’est-à-dire une preuve pouvant établir que le document est véritablement ce que l’on prétend qu’il est. Au stade de l’admissibilité, il s’agit seulement pour le juge du droit de vérifier l’existence d’une preuve pouvant fonder l’authenticité du document, car l’appréciation de la valeur probante du document doit être laissée au juge des faits. Le plus souvent, l’authenticité d’un document repose sur les explications d’un témoin, son auteur ou une personne autrement capable de le reconnaitre. Toutefois, l’authenticité peut être démontrée d’une autre façon, par exemple au moyen d’une admission, d’un témoignage d’expert ou même d’une preuve circonstancielle. La règle est essentiellement la même dans le cas d’un document technologique ou généré par un instrument technologique, quoique la question de l’intégrité informatique du document s’ajoute à la question de l’authenticité au sens classique. La notion d’intégrité informatique signifie que les données enregistrées ou produites par un système informatique doivent être intactes (art. 6, 12 à 14 de la La Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, précitée; art. 31.1 à 31.8 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C-5; D. M. Paciocco, P. Paciocco et L. Stuesser, The Law of Evidence, 8e éd., Toronto, Irwin Law, 2020, pp. 561-567; S. N. Lederman, M. K. Fuerst et H. C. Stewart, Sopinka, Lederman & Bryant: The Law of Evidence in Canada, 6e éd., 2022, pp. 1433-1435; G. Chan et S. Magotiaux, Digital Evidence, 2e éd.,Toronto, Emond Montgomery Publications, 2022, pp. 214-230; M. Gourlay, B. Jones, J. Makepeace, G. Crisp et R. Pomerance, Modern Criminal Evidence, Toronto, Emond Publishing, 2021, pp. 538-550; V. Gautrais, La preuve technologique, 2e éd., Montréal, LexisNexis Canada inc., 2018; par. 227; M. Phillips, La preuve électronique au Québec, Montréal, LexisNexis Canada inc., 2010; Benisty c. Kloda2018 QCCA 608, para. 85-105R. c. Major2022 SKCA 80R. c. Durocher2019 SKCA 97, para. 74-96R. c. Richardson2020 NBCA 35R. c. Ball2019 BCCA 32; R. c. Hirsch2017 SKCA 14).

[27]        Toutefois, l’authenticité d’un document (et son intégrité dans le cas d’un document technologique) n’est qu’un critère préliminaire d’admissibilité. Un document ne prouve pas d’emblée la véracité de l’information qu’il contient.

[28]        En effet, l’information que contient un document peut être assimilée à une déclaration extrajudiciaire écrite et constituer du ouï-dire, c’est le cas notamment de communications entre des personnes, de notes personnelles ou de données consignées dans un registre. Il s’agit alors de déterminer si l’information contenue au document peut être admise pour faire la preuve de sa véracité en vertu d’une règle d’exception au ouï-dire ou d’une règle spécifique en matière de preuve documentaire, notamment selon la Loi sur la preuve au Canada (M. Vauclair et T. Desjardins, Traité général de preuve et de procédure pénales, 29e éd., Montréal, Yvon Blais, 2022, para. 44.63-44.69). Il importe de rappeler, au passage, qu’une déclaration écrite est parfois produite non pas pour établir sa véracité, mais simplement pour établir son existence.

[29]        Par ailleurs, lorsque l’information contenue au document consiste en des données générées automatiquement par un instrument technologique, la preuve ne peut pas être aisément assimilée à une déclaration extrajudiciaire. Une machine ne fait pas de déclaration comme une personne humaine. Conséquemment, la règle du ouï-dire ne s’applique pas. Sur le plan conceptuel, une preuve de données produites automatiquement s’approche plutôt de la preuve matérielle. En définitive, il s’agit d’un « objet » soumis à l’appréciation du juge des faits. Le critère d’authenticité demeure, car ce critère s’applique à la preuve matérielle comme à la preuve documentaire (Lederman, M. K. Fuerst et H. C. Stewart, Sopinka, Lederman & Bryant: The Law of Evidence in Canada, 6e éd., 2022, pp. 1476-1477; M. Gourlay, B. Jones, J. Makepeace, G. Crisp et R. Pomerance, Modern Criminal Evidence, Toronto, Emond Publishing, 2021, p. 549; Saturley c. CIBC World Markets Inc., 2012 NSSC 226, para. 11-13).

[30]        Si les données générées automatiquement par un instrument technologique sont présentées au procès pour prouver leur véracité, l’admissibilité du document dépend de l’existence d’une preuve susceptible d’étayer la fiabilité des données comme étant véridiques. Cette exigence de fiabilité n’est pas toujours explicitement énoncée par la jurisprudence et la doctrine, mais elle découle du critère d’authenticité. Ici, une preuve que les données sont authentiques, soit qu’elles sont véritablement ce qu’on prétend qu’elles sont, doit pouvoir démontrer que ces données représentent la vérité. Rappelons qu’il ne s’agit pas d’un fardeau exigeant au stade de l’admissibilité. Le juge du droit doit simplement s’assurer que la fiabilité des données comme étant véridiques prend assise dans la preuve. La nature de cette preuve dépend des circonstances. Une preuve d’expert n’est pas toujours nécessaire, loin de là. Souvent, un témoin ordinaire qui connait bien l’instrument technologique concerné peut témoigner de la fiabilité des données produites par celui-ci, notamment en relatant son expérience d’utilisation de l’instrument ou en expliquant les vérifications qu’il a effectuées. Pour citer un exemple facile, un témoin peut affirmer que sa montre donne l’heure juste, sans qu’il soit nécessaire de faire entendre un expert en horlogerie (R. c. Ball2019 BCCA 32, para. 69R. c. Martin2021 NLCA 1, para. 58R c Major2022 SKCA 80Québec (Procureur général) c. Robitaille1991 CanLII 3772 CAQ; G. Chan et S. Magotiaux, Digital Evidence, 2e éd.,Toronto, Emond Montgomery Publications, 2022, pp. 214-230).

[31]        De plus, toujours pour étayer la fiabilité des données produites automatiquement par un instrument technologique, la partie qui présente la preuve peut, lorsque la situation s’y prête, demander au juge de prendre connaissance d’office de faits notoires et non contestés relatifs à la technologie ou à la science en cause. C’est ainsi que la jurisprudence a reconnu que la mesure de vitesse captée par un radar ou un cinémomètre laser est admissible pour prouver sa véracité, sans qu’il soit nécessaire de présenter une preuve d’expert. Ces appareils de localisation sont d’usage répandu et leur fonctionnement est bien connu. Il en est de même du calcul de la vitesse en physique élémentaire. Chacun sait que la vitesse est calculée en divisant la distance parcourue par le temps de parcours. Toutefois, la connaissance d’office ayant une portée générale, elle ne suffit habituellement pas à étayer la fiabilité de données produites par un instrument technologique précis dans un cas spécifique (Joliette (Ville) c. Delangis1999 CanLII 13438 (CAQ)Baie-Comeau (Ville) c. D'Astous1992 CanLII 2956 (CAQ)Brochu c. R., 2018 QCCA 2205; M. Gourlay, B. Jones, J. Makepeace, G. Crisp et R. Pomerance, Modern Criminal Evidence, Toronto, Emond Publishing, 2021, pp. 554-555).

lundi 13 janvier 2025

La défense de diligence raisonnable à l’égard d’une infraction réglementaire

Céré c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2024 QCCA 344

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[109]   La défense de diligence raisonnable est recevable si le défendeur démontre qu’il a « pris toutes les précautions pour prévenir l’infraction »[81]. Ainsi, « le défendeur qui démontre qu’il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter que l’événement en question ne se produise pourra échapper à la responsabilité »[82].

[111]   L’évaluation du comportement du défendeur « est assujettie à une norme objective et elle suppose l’examen de l’attitude d’une personne raisonnable placée en pareilles circonstances »[85]. La conduite s’évalue notamment « d’après la prudence, les aptitudes et les connaissances que devrait avoir une personne raisonnable placée dans la même situation »[86]. Cela dit, la diligence raisonnable ne requiert pas une conduite parfaite et n’instaure pas une obligation de résultat[87].

[112]   Par ailleurs, dans l’évaluation de la diligence raisonnable, on considère la conduite du défendeur à l’égard de l’infraction commise et non à l’égard de la raisonnabilité générale de la conduite du défendeur ou de sa bonne foi[88]. Cette nuance fait l’objet des commentaires qui suivent du juge Doherty de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Raham :

[47]      A due diligence defence to a strict liability charge amounts to a claim that the defendant took all reasonable care to avoid committing the offence with which he or she is charged. Where the accused contends that he or she operated under a reasonable misapprehension of the relevant facts, the due diligence defence takes the form of a reasonable mistake of fact claim. As explained in Sault Ste. Marie, at p. 1326:

[T]he doing of the prohibited act prima facie imports the offence, leaving it open to the accused to avoid liability by proving that he took all reasonable care. This involves consideration of what a reasonable man would have done in the circumstances.

[48]      The due diligence defence relates to the doing of the prohibited act with which the defendant is charged and not to the defendant’s conduct in a larger sense. The defendant must show he took reasonable steps to avoid committing the offence charged, not that he or she was acting lawfully in a broader sense: see John Swaigen, Regulatory Offences in Canada: Liability & Defences (Toronto: Carswell, 1992), at pp. 98-100. The point is well made in Kurtzman, at para. 37: "The due diligence defence must relate to the commission of the prohibited act, not some broader notion of acting reasonably" (emphasis in original). Just as a due diligence defence is not made out by acting generally in a reasonable way, it is not necessarily lost by virtue of actions surrounding the prohibited act, legal or illegal, unless those actions establish that the defendant, in committing the prohibited act, failed to take all reasonable care[89].

[Le soulignement est ajouté]

[113]   La diligence raisonnable porte donc sur la perpétration de l’infraction elle-même, et non sur la raisonnabilité générale de la conduite du défendeur[90]. Cette distinction s’avère unanimement acceptée par la jurisprudence canadienne[91].

[114]   Les tribunaux examinent un large éventail de facteurs pour déterminer si le défendeur a établi une défense de diligence raisonnable à l’égard d’une infraction réglementaire. Les facteurs suivants ont été jugés pertinents à cet égard : 1) la probabilité que l’acte interdit se produise, sa prévisibilité, la gravité de ses effets, de même que les conséquences qu’il pourrait avoir sur les personnes vulnérables et les quartiers environnants; 2) la capacité du défendeur à contrôler ou gérer le risque que l’acte interdit se produise; 3) les autres solutions envisageables; 4) la conformité de la conduite du défendeur à la réglementation en vigueur; 5) les normes de l’industrie; 6) les mesures de prévention en place; 7) les efforts déployés pour résoudre le problème et la rapidité de l’intervention du défendeur; 8) les facteurs échappant au contrôle du défendeur; 9) les limites de la technologie; 10) le niveau de compétence attendu du défendeur; 11) la complexité en cause; 12) les considérations économiques; 13) la formation et la supervision qui ont été données ou non aux employés[92].

[115]   Comme l’explique la juge Lavallée dans ArcelorMittal Canada inc. « [c]ette nomenclature, sans être exhaustive, est un guide utile lorsqu’il s’agit de décider d’un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable »[93]. Cela dit, ces critères ne conviennent pas nécessairement à l’analyse de tous les types d’infractions réglementaires.

[116]   Autre élément important que relèvent les auteurs de la cinquième édition de l’ouvrage Manning, Mewett & Sankoff: Criminal Law, l’exigence de diligence s’évalue, cela est fort logique, en fonction de la dangerosité de l’activité en cause :

As this excerpt indicates, the due diligence test normally concentrates upon the reasonableness of the precautions taken to avoid the unlawful occurrence, including any steps taken to ensure that the precautionary system operates properly. Offenders should not be excused, therefore, simply because the mistake was not egregious; because it was unintentional; because any resulting prejudice was small; or because there was some sort of reasonable explanation for the failure to comply. The focus is exclusively upon measures taken to prevent the offence. This inquiry certainly includes consideration of how foreseeable the event in question was, as the law does not hold an accused responsible for failure to take reasonable steps against risks that cannot be anticipated. The courts will also consider the dangerousness of the activity being undertaken. As a general rule, the greater the potential the conduct in question has to cause harm, the more precautions the court will require before finding that the accused acted diligently. That said, the goal is to take reasonable precautions; perfection or “superhuman efforts” are not required[94].

[Le soulignement est ajouté; renvois omis]

[117]   Plus une activité est réglementée et dangereuse, plus le devoir de diligence du défendeur sera onéreux[95].

[118]   L’analyse qui précède permet de mieux cerner les moyens de défense pouvant être soulevés à l’encontre d’une infraction de responsabilité stricte. Bien que l’angle développé par l’appelant soit centré sur l’erreur de fait, l’analyse de l’ensemble de ces moyens de défense jette un éclairage complet pour résoudre la question soulevée dans le pourvoi. À mon avis, peu importe le point de vue adopté, l’appelant ne peut être acquitté.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La fourchette de peines applicable aux infractions de production et de possession de pornographie juvénile

R. c. Laganière, 2024 QCCQ 7655 Lien vers la décision [ 26 ]          Selon la Cour d’appel dans l’arrêt  Marien Frenette [62] ,  l’infracti...