Rechercher sur ce blogue

Aucun message portant le libellé Code criminel - Article 686. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé Code criminel - Article 686. Afficher tous les messages

mercredi 2 octobre 2024

Il n’y a pas lieu d’utiliser la disposition réparatrice lorsque l’accusé a été privé d’un moyen de défense vraisemblable

Carrier c. R., 2015 QCCA 1183

Lien vers la décision


[68]        Comme j’en viens à la conclusion que le juge du procès a commis une erreur de droit en ne soumettant pas au jury la défense d’automatisme avec troubles mentaux, se pose la question de savoir si la disposition réparatrice du sous-alinéa 686(1)b)(iii) du Code criminel peut trouver application. L’arrêt R. c. Robinson[21] rendu par la Cour suprême en 1996 nous invite à répondre par la négative à cette question. Il ressort en effet des motifs du juge en chef Lamer, pour la majorité, qu’il n’y a pas lieu d’utiliser la disposition réparatrice lorsque l’accusé a été privé d’un moyen de défense vraisemblable[22] :

Le ministère public appelant nous a pressés d’appliquer la disposition réparatrice du sous-al. 686(1)b)(iii) du Code pour corriger les erreurs que comportait l’exposé du juge du procès au jury. Cependant, je suis d’avis que, dans un cas comme la présente affaire, il n’y a pas lieu d’appliquer le sous-al. 686(1(b)(iii), étant donné qu’on a refusé à l’accusé un moyen de défense que le droit lui reconnaissait. J’en arrive à cette conclusion pour des motifs d’équité et de logique. En l’espèce, la défense d’intoxication était vraisemblable en ce sens qu’il y avait des éléments de preuve à partir desquels un jury ayant reçu des directives appropriées aurait pu raisonnablement rendre un verdict de culpabilité d’homicide involontaire. En raison des directives données par le juge du procès, l’intimé n’a pu obtenir qu’un jury composé de ses pairs détermine qu’il n’avait pas, en raison de son état d’intoxication, l’intention spécifique de tuer la victime. Il n’appartient pas à notre Cour, dans ce type d’affaire, de réévaluer la preuve et d’examiner des questions de crédibilité afin de déterminer si un jury raisonnable ayant reçu des directives appropriées aurait rendu le même verdict que celui qui a été rendu.

[69]        Notre cour, dans l’arrêt Dyckow[23], a rappelé récemment ce principe dans les termes suivants :

[9]        Selon l’intimée, ces erreurs sont toutefois sans conséquence puisque la légitime défense est rejetée en raison de l’absence d’appréhension raisonnable d’une attaque et de l’utilisation disproportionnée de la force. Ainsi, la disposition dite réparatrice, soit l’alinéa 686(1)b)(iii) C.cr., trouverait application.

[10]      L’argument n’est pas convaincant. L’appel doit être accueilli. Il est bien établi que la disposition réparatrice ne peut s’appliquer que lorsqu’il n’existe aucune « possibilité raisonnable que le verdict [ou la déclaration de culpabilité] eût été différent en l’absence de l’erreur ». Il est faux de prétendre que les erreurs sont sans conséquence puisqu’elles touchent le cœur du litige. Notamment, les erreurs de la juge se rapportent directement à l’évaluation des conditions d’ouverture de la légitime défense. La juge a donc erronément écarté cette défense pour deux raisons qui ne trouvent pas appui dans la preuve. Lorsque l’erreur prive l’accusé d’un moyen de défense, on peut plus difficilement invoquer la disposition réparatrice.

                                                                                                [citations omises]

mercredi 3 octobre 2018

L'examen convenable en appel en regard de la question de l’absence de motifs ou leur insuffisance

R. c. Sheppard, [2002] 1 RCS 869, 2002 CSC 26 (CanLII)

Lien vers la décision

46                              J’estime que ces affaires montrent clairement que l’obligation de donner des motifs, lorsqu’elle existe, découle des circonstances d’une affaire donnée.  Lorsque la raison pour laquelle un accusé a été déclaré coupable ou acquitté ressort clairement du dossier, et que l’absence de motifs ou leur insuffisance ne constitue pas un obstacle important à l’exercice du droit d’appel, le tribunal d’appel n’interviendra pas.  Par contre, lorsque le raisonnement qu’a suivi le juge du procès pour démêler des éléments de preuve embrouillés ou litigieux n’est pas du tout évident ou lorsque des questions de droit épineuses requièrent un examen, mais que le juge du procès les a contournées sans explication, ou encore lorsque (comme en l’espèce) on peut donner de la décision du juge du procès des explications contradictoires dont au moins certaines constitueraient manifestement une erreur en justifiant l’annulation, le tribunal d’appel peut, dans certains cas, s’estimer incapable de donner effet au droit d’appel prévu par la loi.  Alors, l’une ou l’autre des parties pourra douter de la justesse du résultat, mais l’absence de motifs ou leur insuffisance l’aura à tort privée de la possibilité d’obtenir un examen convenable en appel du verdict prononcé en première instance.  En pareil cas, même si le dossier révèle des éléments de preuve qui, d’une certaine manière, pourraient appuyer un verdict raisonnable, les lacunes des motifs peuvent équivaloir à une erreur de droit et fonder l’intervention d’un tribunal d’appel.  Il appartiendra à la cour d’appel de décider si, dans un cas donné, les lacunes des motifs l’empêchent de s’acquitter convenablement de ses fonctions en appel.

lundi 21 mai 2018

Les paramètres d’intervention d’une cour d’appel lorsque le moyen d’appel est celui du verdict déraisonnable

Richard c. R., 2015 QCCA 1523 (CanLII)

Lien vers la décision

[23]        L’article 686(1)a)i) C.cr. prévoit qu’une cour d’appel peut, lors d’un appel portant sur une déclaration de culpabilité, accueillir l’appel et infirmer le verdict pour le motif qu’il est déraisonnable ou qu’il ne peut s’appuyer sur la preuve.

[24]        La juge McLachlin (alors juge puînée) écrivait dans R. c. W. (R.) :
Il est donc clair que, pour déterminer si le juge des faits aurait pu raisonnablement conclure à la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable, la Cour d’appel doit réexaminer et du moins, dans une certaine mesure, réévaluer l’effet de la preuve.
[25]        Il y a lieu de retenir des arrêts plus récents de la Cour suprême dans R. c. SinclairR. c. R. (P.) et R. c. W. (H.), les enseignements suivants :
1.         Le tribunal d’appel doit d’abord déterminer si le verdict est un de ceux qu’un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant de manière judiciaire aurait rendus au vu de l’ensemble de la preuve;
2.         Le verdict est déraisonnable si le juge des faits a tiré une inférence essentielle au verdict qui est clairement contredite par la preuve invoquée à l’appui de l’inférence;
3.         Le verdict est déraisonnable si le raisonnement qui le soutient est à ce point irrationnel ou incompatible avec la preuve qu’il a pour effet de vicier le verdict;
4.         Il faut faire preuve d’une grande déférence dans l’appréciation de la crédibilité faite en première instance lorsqu’il s’agit de déterminer si le verdict est déraisonnable;
5.         La cour d’appel qui se prononce sur un verdict de culpabilité doit dûment prendre en compte la position privilégiée des juges des faits qui ont assisté au procès et entendu les témoignages et ne doit pas conclure au verdict déraisonnable pour le seul motif qu’elle entretient un doute raisonnable après l’examen du dossier. Il doit plutôt examiner et analyser la preuve et se demander, à la lumière de son expérience, si l’appréciation judiciaire des faits exclut la déclaration de culpabilité.
[26]        Dans l’arrêt unanime Pardi c. R., notre collègue, Yves-Marie Morissette, écrivait relativement aux paramètres d’intervention d’une cour d’appel lorsque le moyen d’appel est celui du verdict déraisonnable :
[28]      À cette étape, je résume ce qui précède afin de bien situer dans leur cadre les questions à résoudre. Un verdict déraisonnable ou qui ne peut s’appuyer sur la preuve est réformable en appel, et la question de savoir s’il peut être qualifié de tel en est une de droit. Il sera ainsi qualifié s’il s’agit d’un verdict qu’un jury qui aurait reçu les directives appropriées et aurait agi de manière judiciaire n’aurait pu raisonnablement rendre. Dans le cas d’un verdict prononcé par un juge seul, une cour d’appel peut tenir compte des motifs exprimés par le juge pour statuer sur le caractère raisonnable de son verdict, ce qui accroît quelque peu la portée de l’examen à effectuer. Ainsi, une inférence ou une conclusion de fait essentielle au verdict, mais qui est clairement contredite par la preuve à son appui, ou dont on démontre l’incompatibilité avec une preuve qui n’est ni contredite par d’autres éléments de preuve ni rejetée par le juge, autorise une cour d’appel à casser le verdict qu’elle sous-tend au motif qu’il est déraisonnable. Cela ne va pas jusqu’à permettre aux juges d’une cour d’appel de considérer qu’ils ont « le droit d’avoir une perception subjective de la preuve et [le droit] de se demander s’ils sont convaincus du caractère inattaquable du verdict ». Un doute persistant peut justifier un examen plus approfondi de la preuve pour déterminer si, en effet, le verdict est déraisonnable selon la norme que je viens de rappeler. Cela vaut pour le verdict d’un jury comme pour celui d’un juge siégeant seul mais examiné dans ce second cas à la lumière des motifs prononcés par le juge. En tout état de cause, cependant, une cour d’appel n’apporte rien de particulier à l’évaluation de la preuve lorsque le juge expose des motifs de jugement détaillés.

dimanche 15 octobre 2017

Le juge de première instance commet une erreur de droit s'il considère une expertise fournie dans un autre dossier

R. c. Boisvert, 2011 QCCA 886 (CanLII)

Lien vers la décision

[11]        Le ministère public ne peut en appeler sur des questions de fait, ni même en présence d'un verdict qui est déraisonnable (R. c. Biniaris[2000] 1 R.C.S. 3812000 CSC 15 (CanLII)). Il lui faut démontrer une erreur de droit, laquelle doit être déterminante sur le verdict. Cela dispose des moyens relatifs au poids de l'expertise et à l'évaluation de la preuve.
[13]        Une autre erreur de droit commise par la juge de première instance réside dans la prise en considération d'une expertise fournie dans un autre dossier, R. c. Lafleur2005 CanLII 30739 (QC CQ)[2005] R.J.Q. 2726 (C.Q.), pour conclure au par. 139 de son jugement qu’en fonction du taux d’alcoolémie mesuré de l’accusé, ce dernier n'aurait alors qu'été dans un état euphorique plutôt que sédatif (qui expliquerait le sommeil momentané). Cette expertise, en plus de ne pas être en preuve, ne peut servir à démontrer l’état personnel de l’accusé au moment de l'infraction (R. c. Boucher[2005] 3 R.C.S. 4992005 CSC 72 (CanLII)). Cette référence renforce cependant l'impression que la juge croyait qu'une cause possible de l'accident pouvait être un sommeil momentané non relié à la consommation d'alcool.

La norme d'appréciation de la raisonnabilité des verdicts en appel

Richard c. R., 2015 QCCA 1523 (CanLII)

Lien vers la décision

[22]        Les trois questions litigieuses que soulève l’appelant peuvent être fusionnées en une seule qui cible la raisonnabilité des verdicts prononcés.
[23]        L’article 686(1)a)i) C.cr. prévoit qu’une cour d’appel peut, lors d’un appel portant sur une déclaration de culpabilité, accueillir l’appel et infirmer le verdict pour le motif qu’il est déraisonnable ou qu’il ne peut s’appuyer sur la preuve.


[24]        La juge McLachlin (alors juge puînée) écrivait dans R. c. W. (R.) :
Il est donc clair que, pour déterminer si le juge des faits aurait pu raisonnablement conclure à la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable, la Cour d’appel doit réexaminer et du moins, dans une certaine mesure, réévaluer l’effet de la preuve.
[25]        Il y a lieu de retenir des arrêts plus récents de la Cour suprême dans R. c. SinclairR. c. R. (P.) et R. c. W. (H.), les enseignements suivants :
1.         Le tribunal d’appel doit d’abord déterminer si le verdict est un de ceux qu’un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant de manière judiciaire aurait rendus au vu de l’ensemble de la preuve;
2.         Le verdict est déraisonnable si le juge des faits a tiré une inférence essentielle au verdict qui est clairement contredite par la preuve invoquée à l’appui de l’inférence;
3.         Le verdict est déraisonnable si le raisonnement qui le soutient est à ce point irrationnel ou incompatible avec la preuve qu’il a pour effet de vicier le verdict;
4.         Il faut faire preuve d’une grande déférence dans l’appréciation de la crédibilité faite en première instance lorsqu’il s’agit de déterminer si le verdict est déraisonnable;
5.         La cour d’appel qui se prononce sur un verdict de culpabilité doit dûment prendre en compte la position privilégiée des juges des faits qui ont assisté au procès et entendu les témoignages et ne doit pas conclure au verdict déraisonnable pour le seul motif qu’elle entretient un doute raisonnable après l’examen du dossier. Il doit plutôt examiner et analyser la preuve et se demander, à la lumière de son expérience, si l’appréciation judiciaire des faits exclut la déclaration de culpabilité.
[26]        Dans l’arrêt unanime Pardi c. R., notre collègue, Yves-Marie Morissette, écrivait relativement aux paramètres d’intervention d’une cour d’appel lorsque le moyen d’appel est celui du verdict déraisonnable :
[28]      À cette étape, je résume ce qui précède afin de bien situer dans leur cadre les questions à résoudre. Un verdict déraisonnable ou qui ne peut s’appuyer sur la preuve est réformable en appel, et la question de savoir s’il peut être qualifié de tel en est une de droit. Il sera ainsi qualifié s’il s’agit d’un verdict qu’un jury qui aurait reçu les directives appropriées et aurait agi de manière judiciaire n’aurait pu raisonnablement rendre. Dans le cas d’un verdict prononcé par un juge seul, une cour d’appel peut tenir compte des motifs exprimés par le juge pour statuer sur le caractère raisonnable de son verdict, ce qui accroît quelque peu la portée de l’examen à effectuer. Ainsi, une inférence ou une conclusion de fait essentielle au verdict, mais qui est clairement contredite par la preuve à son appui, ou dont on démontre l’incompatibilité avec une preuve qui n’est ni contredite par d’autres éléments de preuve ni rejetée par le juge, autorise une cour d’appel à casser le verdict qu’elle sous-tend au motif qu’il est déraisonnable. Cela ne va pas jusqu’à permettre aux juges d’une cour d’appel de considérer qu’ils ont « le droit d’avoir une perception subjective de la preuve et [le droit] de se demander s’ils sont convaincus du caractère inattaquable du verdict ». Un doute persistant peut justifier un examen plus approfondi de la preuve pour déterminer si, en effet, le verdict est déraisonnable selon la norme que je viens de rappeler. Cela vaut pour le verdict d’un jury comme pour celui d’un juge siégeant seul mais examiné dans ce second cas à la lumière des motifs prononcés par le juge. En tout état de cause, cependant, une cour d’appel n’apporte rien de particulier à l’évaluation de la preuve lorsque le juge expose des motifs de jugement détaillés.

mercredi 16 août 2017

Comment la question du verdict déraisonnable est traitée par une cour d’appel

Savard c. R., 2016 QCCA 380 (CanLII)

Lien vers la décision


[26]        Le sous-alinéa 686(1)a)(i) C.cr. prévoit qu’une cour d’appel peut admettre l’appel si le verdict de culpabilité est déraisonnable ou ne trouve pas appui dans la preuve. La Cour suprême, dans l’arrêt Corbett c. R. précise le sens qu’il faut donner à cette disposition :
[…] Comme on l’a déjà signalé, la question est de savoir si le verdict est déraisonnable, non s’il est injustifié. Le rôle de la Cour n’est pas de se substituer au jury mais de décider si le verdict est l’un de ceux qu’un jury qui a reçu les directives appropriées et qui agit d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre.
[Je souligne]
[27]        Lorsque la question du verdict déraisonnable est posée à une cour d’appel, la juge Charron explique, dans l’arrêt R. c. Sinclair, que l’examen doit se faire en deux étapes lorsque la décision est rendue par un juge seul. Celles-ci sont exposées par l’auteur Tristan Desjardins de la façon suivante :
386. À l’occasion de ce même arrêt, la juge Charron a proposé une méthode pour procéder à l’examen que requiert le sous-alinéa 686(1)a)(i) du Code criminel. Ce faisant, elle a suggéré l’application dans un premier temps du traditionnel critère issu des arrêts Yebes et Biniaris. Une cour d’appel appliquant ce critère devra, lors de la première étape, se poser la question suivante : «le verdict est-il l’un de ceux qu’un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre au vu de l’ensemble de la preuve?» Si la réponse est positive, il faut passer à l’étape suivante en présence d’une décision rendue par un juge seul. Dans le cas contraire, le tribunal siégeant en appel doit accueillir le pourvoi et conclure à l’acquittement.
387. La deuxième étape de cette méthode consiste en l’application du critère de l’arrêt BeaudryAinsi, quoique le tribunal d’appel soit d’avis que le verdict puisse reposer sur la preuve, il doit examiner le caractère raisonnable de la décision rendue en première instance. Cette analyse s’effectue en évaluant les conclusions de fait et inférences tirées par le juge du procès. Pour intervenir, le tribunal d’appel qui s’adonne à cet examen doit conclure à la présence d’une erreur qui vicie le raisonnement ayant mené au verdict de culpabilité ou d’une «erreur véritable» provoquant une erreur judiciaire au sens du sous-alinéa 686(1)a)(iii). Lorsque le tribunal d’appel, au terme de son analyse, en arrive à la conclusion que le raisonnement emprunté en première instance est irrationnel ou incompatible avec la preuve au point de vicier la décision rendue, son intervention est justifiée.
[Je souligne – Références omises]
[28]        Par ailleurs, bien que le caractère raisonnable d’un verdict soit une question de droit, l’appréciation de la crédibilité des témoins demeure une question de fait. Lorsqu’une cour d’appel revoit celle-ci, pour établir si le verdict est déraisonnable, elle ne peut l’écarter que s’il est établi qu’elle ne peut s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve. La juge Deschamps, dans l’arrêt R. c. R.P., mentionne ceci :
[10]      Si le caractère raisonnable d’un verdict est une question de droit, l’appréciation de la crédibilité des témoins constitue elle une question de faits. L’appréciation de la crédibilité faite en première instance, lorsqu’elle est revue par une cour d’appel afin notamment de déterminer si le verdict est raisonnable, ne peut être écartée que s’il est établi que celle-ci « ne peut pas s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve » (R. c. Burke1996 CanLII 229 (CSC)[1996] 1 R.C.S. 474, par. 7).
[29]        En l’espèce, l’appréciation de la crédibilité des témoins est au centre de la décision du juge. La Cour doit donc faire preuve d’une grande déférence à cet égard. Dans l’arrêt R. c. Gagnon, les juges Bastarache et Abella écrivent :
   Apprécier la crédibilité ne relève pas de la science exacte. Il est très difficile pour le juge de première instance de décrire avec précision l’enchevêtrement complexe des impressions qui se dégagent de l’observation et de l’audition des témoins, ainsi que des efforts de conciliation des différentes versions des faits. C’est pourquoi notre Cour a statué — la dernière fois dans l’arrêt H.L. — qu’il fallait respecter les perceptions du juge de première instance, sauf erreur manifeste et dominante.

samedi 7 septembre 2013

Le caractère déraisonnable du verdict

Delisle c. R., 2013 QCCA 952 (CanLII)


[139]     Le paragraphe 686(1)a)(i) C.cr. accorde à l'appelant le droit d'interjeter appel d'un verdict de culpabilité au motif qu'« il est déraisonnable ou ne peut pas s'appuyer sur la preuve/it is unreasonable or cannot be supported by the evidence […] ». Dans ses arrêts de principe R. c. Yebes et R. c. Biniaris, la Cour suprême enseigne qu'un verdict est déraisonnable ou ne peut s'appuyer sur la preuve que si un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant de manière judiciaire ne pouvait raisonnablement le rendre. Rappelant récemment la pertinence de ce critère dans R. c. W.H., le juge Cromwell écrit que le seul fait d'avoir un doute raisonnable, après l'examen du dossier, ne peut permettre à une cour d'appel de conclure au caractère déraisonnable du verdict :
[27]   La cour d’appel qui se penche sur le verdict de culpabilité prononcé par un jury doit respecter deux balises très nettes. D’une part, elle doit dûment prendre en compte la situation privilégiée du jury à titre de juge des faits ayant assisté au procès et entendu les témoignages. Elle ne doit ni devenir un « treizième juré », ni donner suite à un vague malaise ou à un doute persistant qui résulte de son propre examen du dossier, ni conclure au caractère déraisonnable du verdict pour le seul motif qu’elle a un doute raisonnable après examen du dossier.
[140]     Toujours dans R. c. W.H., la Cour suprême précise qu'une cour d'appel doit néanmoins évaluer la preuve, en s'appuyant sur son expérience judiciaire. Voici ce qu'en dit le juge Cromwell :
[28]   D’autre part, le tribunal d’appel ne peut se contenter d’apprécier le caractère suffisant de la preuve. Il ne s’acquitte pas de la tâche qui lui incombe en concluant qu’il existe des éléments de preuve qui, s’il leur est ajouté foi, étayent la déclaration de culpabilité. Il doit plutôt « examiner, [] analyser et, dans la mesure où il est possible de le faire compte tenu de la situation désavantageuse dans laquelle se trouve un tribunal d’appel, [] évaluer la preuve » (Biniaris, au par. 36) et se demander, à la lumière de son expérience, si « l’appréciation judiciaire des faits exclut la conclusion tirée par le jury » (par. 39, italique ajouté). Ainsi, pour déterminer si le verdict est de ceux qu’un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant de manière judiciaire aurait raisonnablement pu rendre, le tribunal d’appel doit se demander non seulement si le verdict s’appuie sur des éléments de preuve, mais également si la conclusion du jury ne va pas à l’encontre de l’ensemble de l’expérience judiciaire (Biniaris, au par. 40).

lundi 29 juillet 2013

Rappel des règles applicables en matière de verdict déraisonnable

Legault c. R., 2013 QCCA 1264 (CanLII)


[67]        Il y a lieu d'admettre l'appel et de rejeter les verdicts au motif que ceux-ci sont déraisonnables ou ne peuvent s'appuyer sur la preuve (al. 686(1)a) C.cr.), et ce, dit avec égards pour le juge de première instance.
[68]        Très récemment, la Cour suprême du Canada a eu l'occasion de faire un rappel des règles applicables en la matière.  Dans R. c. W.H., pour une cour unanime, le juge Cromwell écrit :
Un verdict est déraisonnable ou ne peut s'appuyer sur la preuve lorsqu'un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant de manière judiciaire n'aurait pu raisonnablement le rendre (R. c. Yebes1987 CanLII 17 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 168, à la p. 185, et R. c. Biniaris2000 CSC 15 (CanLII), 2000 CSC 15, [2000] 1 R.C.S. 381, au par. 36).  Le même critère s'est longtemps appliqué tant au verdict d'un jury qu'à celui d'un juge, mais, récemment, notre Cour a quelque peu accru la portée de l'examen qui permet de déterminer que le verdict d'un juge est raisonnable ou non (R. c. Beaudry2007 CSC 5 (CanLII), 2007 CSC 5, [2007] 1 R.C.S. 190, et R. c. Sinclair,2011 CSC 40 (CanLII), 2011 CSC 40, [2011] 3 R.C.S. 3).  Elle a ainsi reconnu l'existence d'une différence d'ordre pratique entre l'examen du verdict d'un juge et l'examen du verdict d'un jury.  En effet, contrairement au jury, le juge motive sa conclusion, de sorte que la cour d'appel peut tenir compte de ses motifs pour se prononcer sur le caractère raisonnable du verdict.  Cependant, cet élargissement de l'examen ne vaut pas pour le verdict d'un jury.
[69]        Dans R. c. Lohrer, la Cour suprême du Canada a adopté la règle énoncée par le juge Doherty de la Cour d'appel de l'Ontario dansR. c. Morrissey pour définir ce qu'est un verdict qui ne peut pas s'appuyer sur la preuve, au sens du sous-alinéa 686(1)a)(i) C.cr.
[70]        Reconnaissant qu'il s'agit d'une norme stricte, le juge Binnie écrit :
2. […] L'interprétation erronée de la preuve doit porter sur l'essence plutôt que sur des détails.  Elle doit avoir une incidence importante plutôt que secondaire sur le raisonnement du juge du procès.  Une fois ces obstacles surmontés, il faut en outre (le critère étant énoncé de manière conjonctive plutôt que disjonctive) que les erreurs ainsi relevées aient joué un rôle capital non seulement dans les motifs du jugement, mais encore « dans le raisonnement à l'origine de la déclaration de culpabilité ».
[71]        Je suis conscient que le malaise ou le doute persistant ressenti à la lecture de la preuve ne constitue pas une raison valable pour casser les verdicts.  Toutefois, l'examen de l'ensemble de la preuve m'amène beaucoup plus loin que ce simple malaise ou ce doute persistant, et ce, même en excluant le témoignage de Legault rejeté par le juge de première instance.

dimanche 14 juillet 2013

Est-ce que l'ordonnance d'un nouveau procès équivaut à une ordonnance d'un nouveau procès complet ou non?

R. c. Gallou, 2009 QCCS 4739 (CanLII)

Lien vers la décision


[12]            Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si l'ordonnance de nouveau procès est une ordonnance d'un nouveau procès complet ou non.
[13]            L'appel à la Cour supérieure est régi par les articles 813 et 822 du Code criminel.
[14]            L'article 822 du Code criminel réfère notamment à l'article 686 du Code criminel.
[15]            Dans l'arrêt R. c. Thomas, le juge en chef Lamer écrit ce qui suit au sujet du par. 686(4) du Code criminel:
Bien que cette disposition ne s’applique qu’aux appels d’acquittements et que la présente affaire porte sur l’appel d’une déclaration de culpabilité, je crois qu’elle donne une indication de l’étendue de la compétence d’une cour d’appel d’ordonner, dans une affaire devant un jury, un nouveau procès limité à certaines questions en vertu du par. 686(8).  Il me paraît évident qu’en ordonnant un nouveau procès en vertu du sous‑al. 686(4)b)(i), une cour d’appel ne peut rendre une ordonnance du genre de celle qui a été rendue en l’espèce en se fondant sur le pouvoir présumément conféré par le par. 686(8).  Agir de la sorte équivaudrait à consigner une déclaration de culpabilité partielle contre l’accusé, ce que le sous‑al. 686(4)b)(ii) empêche expressément une cour d’appel de faire.  En conséquence, un «nouveau procès» au sens du sous‑al. 686(4)b)(i) signifie un nouveau procès complet, et non pas un nouveau procès limité à certaines questions comme celui qui a été ordonné par la Cour d’appel dans la présente affaire.  Il s’ensuit également que les termes «nouveau procès» employés à l’al. 686(2)b) doivent être interprétés de la même manière, à tout le moins dans les cas où il y a eu un procès devant jury.
(Le soulignement est ajouté)
[16]            Le nouveau procès ordonné par le juge Wagner est donc un nouveau procès complet.
[17]            La question de savoir si le juge Wagner aurait pu restreindre le nouveau procès à certaines questions précises est une question qui exige l'examen des décisions rendues par la Cour suprême lors d’une trilogie de décisions dans les affaires R. c. ThomasR. c. Warsing et R. c. Pearson.
[18]            Cette question est toutefois théorique puisque la question n'a pas été soumise à l’attention du juge Wagner et il n'a rendu aucune ordonnance en ce sens.
[19]            La question qui demeure est celle de savoir si le premier juge est lié lors du nouveau procès par les déterminations factuelles et juridiques du juge Wagner dans son jugement.
[20]            Cette question exige l'analyse de la décision de la Cour suprême du Canada dans Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79 
[21]            Dans cette affaire, la juge Arbour écrit ce qui suit au sujet de l’application de la doctrine de l’abus de procédures lorsqu’une partie souhaite remettre en question ou en cause une question qui a fait l’objet d’une décision antérieure :
La doctrine de l’abus de procédure s’articule autour de l’intégrité du processus juridictionnel et non autour des motivations ou de la qualité des parties.  Il convient de faire trois observations préliminaires à cet égard.  Premièrement, on ne peut présumer que la remise en cause produira un résultat plus exact que l’instance originale.  Deuxièmement, si l’instance subséquente donne lieu à une conclusion similaire, la remise en cause aura été un gaspillage de ressources judiciaires et une source de dépenses inutiles pour les parties sans compter les difficultés supplémentaires qu’elle aura pu occasionner à certains témoins.  Troisièmement, si le résultat de la seconde instance diffère de la conclusion formulée à l’égard de la même question dans la première, l’incohérence, en soi, ébranlera la crédibilité de tout le processus judiciaire et en affaiblira ainsi l’autorité, la crédibilité et la vocation à l’irrévocabilité.
[22]             Cette décision a été appliquée par la juge Bourque dans R. c. Cliche.  Dans cette affaire, la juge Bourque devait déterminer si la poursuite pouvait, lors de la continuation d’un procès suite à un avortement de procès, remettre en question les décisions rendues antérieurement quant à l’admissibilité de la preuve.  Elle a répondu négativement à cette question dans les circonstances qui lui étaient soumises.
[23]            Ces décisions n'ont pas été portées à l'attention du juge d’instance lors du débat devant lui.
[24]            Dans Canada (Procureur général) c. Gagné, le Tribunal écrit ce qui suit après avoir analysé les décisions de la Cour d’appel de l’Ontario dans les affaires R. v. Arcand et R. v. 1353837 Ontario Inc.:
On peut donc constater que le pouvoir d'intervention de la Cour supérieure est limité.  Il n'est pas souhaitable que la Cour supérieure intervienne durant la tenue d'un procès devant la Cour du Québec et qu'elle entende des recours de nature interlocutoire à l'égard de questions qui peuvent faire l'objet d'un appel

samedi 19 décembre 2009

Les critères qui permettent une nouvelle preuve en appel

Sauvé c. R. / 2009 QCCA 2446 / No : 200-10-002078-074 (170-01-000302-066) (170-01-000303-064) (170-01-000333-061) DATE : 15 décembre 2009

[20] Les critères qui permettent une nouvelle preuve ont été définis dans Palmer c. R et repris régulièrement par la Cour suprême depuis :

(1) On ne devrait pas admettre une déposition qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite au procès, à condition de ne pas appliquer ce principe général de manière aussi stricte dans les affaires criminelles que dans les affaires civiles.

(2) La déposition doit être pertinente, en ce sens qu'elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès.

(3) La déposition doit être plausible, en ce sens qu'on puisse raisonnablement y ajouter foi, et

(4) elle doit être telle que si l'on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu'avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat.

lundi 22 juin 2009

Le droit d'appel

Me Sabin Ouellet, substitut du procureur général du Québec, a fait un survol des principaux droits d'appel ouverts à l'accusé à l'encontre d'une condamnation criminelle.

Appels sur autorisation

- Pour une question de fait ou mixte de droit et de fait (art. 675. (1) a) (ii) C.cr.)

Une question de fait réfère à la crédibilité des témoins ou au fardeau de la preuve. Une question mixte introduit en plus un élément de droit, par exemple lorsqu'on invoque un verdict déraisonnable, de dire Me Ouellet. « L'erreur doit être manifeste par opposition à une erreur qui n'aura pas de conséquences sur le verdict », précise-t-il.

- Pour motifs jugés suffisants (art. 675.(1) a) iii) C. cr.)

Cette requête pour autorisation est rare. Elle peut être utilisée lorsqu'on se rend compte par exemple après le procès que les notes sténographiques ont été perdues. Le grief invoqué doit être tel que justice apparaisse ne pas avoir été rendue.

- Pour faire modifier la sentence (art. 675. (1) b) C. cr.)

Cet appel vise non seulement la peine, mais toute ordonnance relative à la peine, précise Me Ouellet. « La Cour a le pouvoir autant de réduire que d'augmenter la sentence », souligne-t-il.

Appels de plein droit

- Sur une question de droit uniquement (art. 675. (1) a) i) C. cr.)

Attention, la Cour d'appel peut rejeter la requête si aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave ne s'est produit (art. 686. (1) b) iii) C. cr.).

- Pour faire modifier le délai de libération conditionnelle supérieur à 10 ans (art. 675 (2) C.cr.)

Cet appel vise la personne condamnée à l'emprisonnement à perpétuité pour meurtre au deuxième degré.

Tiré du Journal du Barreau
Volume 34 - numéro 19 - 15 novembre 2002
http://www.barreau.qc.ca/publications/journal/vol34/no19/appel.html

mardi 9 juin 2009

Caractère raisonnable du verdict -- Norme de contrôle

R. c. Biniaris, 2000 CSC 15 (CanLII)

24. Le juge des faits, peu importe qu’il soit un jury ou un juge, jouit d’une grande latitude pour apprécier la preuve et décider des conclusions qu’il faut en tirer, pour évaluer la crédibilité des témoins et, en fin de compte, pour déterminer si le ministère public a présenté, dans l’ensemble, une preuve hors de tout doute raisonnable. Tout système judiciaire doit tolérer les divergences d’opinions raisonnables sur des questions de fait. Par conséquent, il est loisible au juge des faits de tirer toute conclusion de fait, sauf des conclusions déraisonnables qui sous‑tendent une déclaration de culpabilité exécutoire en droit. Bien que des gens raisonnables puissent avoir une appréciation des faits différente, une déclaration de culpabilité, qui a une connotation de légalité, d’autorité et de caractère final, n’est pas une question sur laquelle ils peuvent être en désaccord. Une déclaration de culpabilité ne peut être déraisonnable que sur le plan du droit, et doit être annulée le cas échéant.

36. Le critère qu’une cour d’appel doit appliquer pour déterminer si le verdict d’un jury ou le jugement d’un juge du procès est déraisonnable ou ne peut pas s’appuyer sur la preuve a été énoncé clairement dans l’arrêt Yebes:

[I]l doit y avoir révision judiciaire chaque fois que le jury dépasse une norme raisonnable. [. . .] [L]e critère est celui de savoir «si le verdict est l’un de ceux qu’un jury qui a reçu les directives appropriées et qui agit d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre».

(Yebes, précité, à la p. 185 (citant Corbett c. La Reine, 1973 CanLII 199 (C.S.C.), [1975] 2 R.C.S. 275, à la p. 282, le juge Pigeon).)

Cette formulation du critère implique à la fois une évaluation objective et, dans une certaine mesure, une évaluation subjective. Elle oblige la cour d’appel à déterminer quel verdict un jury raisonnable, ayant reçu des directives appropriées et agissant de manière judiciaire, aurait pu rendre, et ce faisant, à examiner, à analyser et, dans la mesure où il est possible de le faire compte tenu de la situation désavantageuse dans laquelle se trouve un tribunal d’appel, à évaluer la preuve. Ce dernier processus est généralement considéré comme un exercice subjectif qui oblige la cour d’appel à examiner l’importance de la preuve, et non seulement à vérifier si elle est suffisante. Le critère est donc mixte, et il est plus utile de décrire les conséquences de son application que de le qualifier d’objectif ou de subjectif.

37. Le critère de l’arrêt Yebes est formulé en fonction d’un verdict prononcé par un jury, mais il s’applique tout autant au jugement d’un juge siégeant sans jury. L’examen en appel du caractère déraisonnable est toutefois différent et un peu plus facile lorsque le jugement contesté est celui d’un juge seul, du moins quand il y a des motifs de jugement assez substantiels. Le cas échéant, le tribunal d’appel qui procède à l’examen est parfois en mesure de déceler une lacune dans l’évaluation de la preuve ou dans l’analyse, qui servira à expliquer la conclusion déraisonnable qui a été tirée, et à justifier l’annulation.

[…]

Ces exemples démontrent que, dans le cas d’un procès devant un juge seul, la cour d’appel peut souvent identifier les faiblesses de l’analyse qui ont amené le juge des faits à tirer une conclusion déraisonnable, et qu’elle devrait le faire. La cour d’appel est donc justifiée d’intervenir et d’annuler un verdict parce qu’il est déraisonnable, lorsqu’il ressort des motifs du juge du procès qu’il n’a pas tenu compte d’un principe de droit applicable ou qu’il a inscrit un verdict incompatible avec les conclusions de fait tirées. Ces faiblesses discernables s’apparentent parfois elles‑mêmes à une erreur de droit distincte et permettent donc facilement de conclure que le verdict déraisonnable auxquels elles ont donné lieu soulève également une question de droit.

42. Il s’ensuit que les cours d’appel doivent continuer d’appliquer le critère de l’arrêt Yebes pour déterminer si le verdict du jury est déraisonnable ou ne peut pas s’appuyer sur la preuve. Dans la mesure où ce critère a un aspect subjectif, c’est l’appréciation subjective d’une personne qui possède la formation et l’expérience d’un juge qui doit être mise à profit pour examiner la preuve sur laquelle repose une déclaration de culpabilité que l’on prétend déraisonnable. Cela oblige le juge qui procède à l’examen à faire appel à sa connaissance du droit et à l’expertise que les tribunaux ont acquise au fil des ans, et non seulement à sa propre expérience personnelle et à sa propre perspicacité. Cela oblige également le tribunal d’examen à énoncer de façon aussi claire et précise que possible les motifs de son intervention. Je tiens à souligner l’importance d’énoncer explicitement les motifs à l’appui d’une conclusion qu’un verdict est déraisonnable ou ne peut pas s’appuyer sur la preuve. Étant donné, plus particulièrement, qu’une telle conclusion constitue une question de droit susceptible de donner lieu à un appel, de plein droit ou avec autorisation, le processus judiciaire exige la clarté et la transparence, ainsi que l’accessibilité au raisonnement juridique de la cour d’appel. Lorsqu’un juge de la cour d’appel est dissident sur la question du caractère raisonnable du verdict, il faut respecter à la fois l’esprit et la lettre de l’art. 677 du Code criminel. Notre Cour doit disposer des motifs pour lesquels le verdict a été jugé déraisonnable ou non.

mercredi 18 février 2009

Obligation du juge du procès de motiver sa décision en matière criminelle

R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, 2002 CSC 26

Lien vers la décision

L’obligation de donner des motifs est liée à leur fin, qui varie selon le contexte. L’état actuel du droit en ce qui concerne l’obligation du juge de première instance de donner des motifs, dans le contexte de l’intervention d’une cour d’appel en matière criminelle, peut se résumer par les propositions suivantes :

1. Prononcer des décisions motivées fait partie intégrante du rôle du juge. Cette fonction est une composante de son obligation de rendre compte de la façon dont il s’acquitte de sa charge. Dans son sens le plus général, c’est en faveur du public qu’est établie l’obligation de motiver une décision.

2. Il ne faut pas laisser l’accusé dans le doute quant à la raison pour laquelle il a été déclaré coupable. Il peut être important d’exprimer les motifs du jugement pour clarifier le fondement de la déclaration de culpabilité, mais il se peut que ce fondement ressorte clairement du dossier. Il s’agit de savoir si, eu égard à l’ensemble des circonstances, le besoin fonctionnel d’être informé a été comblé.

3. Il se peut que les motifs s’avèrent essentiels aux avocats des parties pour les aider à évaluer l’opportunité d’interjeter appel et à conseiller leurs clients à cet égard. Par contre, il est possible que les autres éléments du dossier leur apprennent tout ce qu’ils doivent savoir à cette fin.

4. Comme le droit d’appel conféré par la loi s’applique à la déclaration de culpabilité (ou, dans le cas du ministère public, au jugement ou au verdict d’acquittement) plutôt qu’aux motifs, chaque omission ou lacune dans l’exposé des motifs ne constituera pas nécessairement un moyen d’appel.

5. L’exposé des motifs joue un rôle important dans le processus d’appel. Lorsque les besoins fonctionnels ne sont pas comblés, la cour d’appel peut conclure qu’il s’agit d’un cas de verdict déraisonnable, d’une erreur de droit ou d’une erreur judiciaire qui relèvent de l’al. 686(1)a) du Code criminel, suivant les circonstances de l’affaire, et suivant la nature et l’importance de la décision rendue en première instance.

6. Les motifs revêtent une importance particulière lorsque le juge doit se prononcer sur des principes de droit qui posent problème et ne sont pas encore bien établis, ou démêler des éléments de preuve embrouillés et contradictoires sur une question clé, à moins que le fondement de la conclusion du juge de première instance ressorte du dossier, même sans être précisé.

7. Il faut tenir compte des délais et du volume des affaires à traiter dans les cours criminelles. Le juge du procès n’est pas tenu à une quelconque norme abstraite de perfection. On ne s’attend pas et il n’est pas nécessaire que les motifs du juge du procès soient aussi précis que les directives adressées à un jury.

8. Le juge de première instance s’acquitte de son obligation lorsque ses motifs sont suffisants pour atteindre l’objectif visé par cette obligation, c’est‑à‑dire lorsque, compte tenu des circonstances de l’espèce, sa décision est raisonnablement intelligible pour les parties et fournit matière à un examen valable en appel de la justesse de la décision de première instance.

9. Les juges sont certes censés connaître le droit qu’ils appliquent tous les jours et trancher les questions de fait avec compétence, mais cette présomption a une portée limitée. Même les juges très savants peuvent commettre des erreurs dans une affaire en particulier, et c’est la justesse de la décision rendue dans une affaire en particulier que les parties peuvent faire examiner par un tribunal d’appel.

10. Lorsque la décision du juge de première instance ne suffit pas à expliquer le résultat aux parties, et que la cour d’appel s’estime en mesure de l’expliquer, l’explication que cette dernière donne dans ses propres motifs est suffisante. Un nouveau procès n’est alors pas nécessaire. L’erreur de droit décelée, le cas échéant, est corrigée au sens du sous‑al. 686(1)b)(iii).

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...