Rechercher sur ce blogue
dimanche 22 juin 2025
C'est une erreur de principe que de déterminer qu’un accusé soit un nouvel arrivant plutôt qu’une personne née et élevée au Canada soit astreint à une norme de conduite inférieure en matière de violence conjugale
Ce que signifie une preuve accablante dans l'application de la disposition réparatrice
R. c. Trochym, 2007 CSC 6
82 L’affaire qui nous est soumise appartient nettement à la seconde catégorie, soit celle des erreurs graves qui justifieront la tenue d’un nouveau procès, à moins que la preuve produite soit à ce point accablante qu’une déclaration de culpabilité est inévitable ou serait forcément prononcée. Cette norme ne doit pas être assimilée à la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable qui s’applique ordinairement dans un procès criminel. L’application de la disposition réparatrice aux erreurs graves répond à une norme plus rigoureuse, appropriée à une procédure d’appel. La norme que la juridiction d’appel doit utiliser, à savoir déterminer si la preuve contre un accusé est à ce point accablante qu’une déclaration de culpabilité est inévitable ou serait forcément prononcée, est beaucoup plus élevée que celle voulant que le ministère public prouve ses allégations « hors de tout doute raisonnable » lors du procès. Cette norme plus élevée tient compte du fait qu’il est difficile pour une juridiction d’appel, surtout dans le cas d’un procès avec jury où elle ne dispose pas de conclusions détaillées sur les faits, de déterminer rétroactivement quel effet, par exemple, l’exclusion de certains éléments de preuve aurait raisonnablement pu avoir sur l’issue du procès.
La disposition réparatrice peut trouver application si le verdict du jury n'est pas entaché d'erreur juridique à même les directives qu'il a reçu et que ses conclusions sont révélées sans ambiguïté par le verdict
R. v. Ronald, 2019 ONCA 971
[68] There is, however, at least one situation in which the court has applied the curative proviso to the erroneous failure to leave a possible verdict on an included offence. In considering the applicability of the proviso, the court can take into account findings of fact implicit in the verdict or verdicts returned by the jury as long as those verdicts are not tainted by the legal error, and those findings are unambiguously revealed by the verdict: Haughton; R. v. Elkins (1995), 1995 CanLII 3510 (ON CA), 26 O.R. (3d) 161, at pp. 170-172, leave to appeal refused, [1996] S.C.C.A. No. 62; R. v. Mulligan (2006), 2006 CanLII 15625 (ON CA), 80 O.R. (3d) 537, at para. 60 (C.A.); Sarrazin (ONCA), at paras. 70-72; Sarrazin (SCC), at paras. 30-31; R. v. Pilon, 2009 ONCA 248, 243 C.C.C. (3d) 109, at paras. 76-80; R. v. Humaid (2006), 2006 CanLII 12287 (ON CA), 81 O.R. (3d) 456, at paras. 88-90 (C.A.), leave to appeal refused, [2006] S.C.C.A. No. 232.
lundi 16 juin 2025
La disposition réparatrice énoncée au sous-al. 686(1)b)(iii) C. cr. s’applique généralement lorsqu’il n’existe aucune possibilité raisonnable que le verdict eût été différent en l’absence de l’erreur
R. c. Tayo Tompouba, 2024 CSC 16
[76] La disposition réparatrice énoncée au sous-al. 686(1)b)(iii) C. cr. s’applique généralement lorsqu’il n’existe aucune possibilité raisonnable que le verdict eût été différent en l’absence de l’erreur. Cela survient dans deux cas : (1) si l’erreur ou l’irrégularité en question est négligeable ou inoffensive de sorte qu’elle n’a eu aucune incidence sur le verdict; ou (2) si l’erreur ou l’irrégularité, malgré sa gravité qui justifierait la tenue d’un nouveau procès, n’a causé aucun tort important ni erreur judiciaire grave, car la preuve contre l’appelant est à ce point accablante que le juge des faits rendrait inévitablement un verdict de culpabilité (voir Tran, p. 1008-1009; Khan, par. 28-31; Van, par. 34-36; R. c. R.V., 2019 CSC 41, [2019] 3 R.C.S. 237, par. 85; R. c. Samaniego, 2022 CSC 9, par. 65; Vauclair, Desjardins et Lachance, nos 51.237-51.238). Pour ce qui est de la disposition réparatrice prévue au sous-al. 686(1)b)(iv) C. cr., à ce jour, l’analyse de la question du préjudice se fait conformément aux principes du sous‑al. 686(1)b)(iii) (voir Khan, par. 16 et 18; Esseghaier, par. 51-53; Vauclair, Desjardins et Lachance, nº 51.245). En conséquence, [traduction] « le sous‑alinéa 686(1)b)(iv) est dans une large mesure parallèle au sous‑alinéa 686(1)b)(iii), mais il ne s’applique qu’à une gamme étroite d’irrégularités procédurales entraînant une erreur de compétence qui ne pourrait être qualifiée de pure erreur de droit » (Coughlan, p. 582).
Le fait de ne pas soumettre une théorie de la défense à l'attention du jury ou de ne pas instruire ce dernier sur une possible infraction moindre et incluse peut n'avoir aucune incidence sur le verdict dans certaines circonstances
R. v. Ali, 2021 ONCA 362
[88] In some situations, an argument moving backwards from the verdict returned can be persuasive in demonstrating that a failure to leave a certain theory of the defence or an included offence with a jury had no effect on the verdict returned: R. v. Sarrazin, 2011 SCC 54, at paras. 30-31. Given the structure of this charge, that reasoning does not assist the Crown.
La disposition réparatrice et l'infraction moindre et incluse non soumise à l'attention du juge des faits
R. c. Sarrazin, 2011 CSC 54
[30] Le juge Moldaver était d’avis que la tenue d’un nouveau procès n’était pas nécessaire, mais il a tout de même reconnu que [traduction] « [l]e principe directeur de la disposition réparatrice veut qu’elle ne sera généralement pas appliquée dans les cas où une infraction comprise (ou en l’espèce, une infraction moins grave) n’est pas soumise à l’appréciation du jury et que ce dernier déclare l’accusé coupable d’une infraction plus grave » (par. 137 (je souligne)). Toutefois, selon lui, l’arrêt R. c. Haughton, 1994 CanLII 73 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 516, où la question portait sur la prévision subjective du décès de la victime, permet à une cour d’appel, dans certaines circonstances, d’appliquer la disposition réparatrice en se fondant sur les conclusions factuelles qui se dégagent de la déclaration de culpabilité pour meurtre lorsque le jury reçoit des directives concernant une infraction comprise, mais que ces directives sont entachées d’une erreur de droit.
[31] La question de savoir si les conclusions factuelles implicites peuvent être invoquées à cette fin dans un tel cas dépendra des circonstances, comme le juge Moldaver l’a reconnu (par. 165). Il peut être possible dans le cas de certaines erreurs de droit de « déterminer les incidences sur le verdict et de s’assurer qu’elles n’y avaient rien changé » (Khan, par. 30), mais je ne crois pas que cela puisse se faire en l’espèce. Les erreurs que relève la Cour dans Khan renvoient à des affaires dans lesquelles le « caractère anodin de l’erreur ou l’absence de préjudice résultant d’une erreur de droit plus grave » ont justifié l’application de la disposition réparatrice (ibid.). L’omission de donner au jury des directives relatives à un autre verdict valable n’entre dans ni l’une ni l’autre de ces catégories. Je suis d’accord avec le juge Doherty pour dire que [traduction] « le fait de ne pas donner au jury la possibilité de rendre un verdict relatif à l’infraction comprise, lorsque ce verdict peut raisonnablement être prononcé, constituera dans la plupart des cas une erreur donnant lieu à révision » (par. 87). À mon avis, cette règle générale s’applique en l’espèce et l’argument du ministère public à l’effet contraire devrait être rejeté non pas par crainte que [traduction] « la possibilité d’un autre verdict [l’acquittement] a peut-être influencé la décision du jury » (le juge Moldaver, par. 162), mais parce que le jury ne s’est jamais vu offrir la possibilité de rendre un verdict (la tentative de meurtre) qui correspondait à un aspect important de la thèse de la défense.
dimanche 15 juin 2025
L'accusé a droit à un examen des éléments de preuve qui peuvent lui être favorables et qui se rapportent à la question ultime à trancher. L’omission de ce faire, si l’élément concerné revêt suffisamment d’importance, justifie l’intervention d’un tribunal d’appel
M.G. c. R., 2024 QCCA 28
[47] À moins que l’omission de considérer certains éléments de preuve ne résulte d’une mauvaise application d’un principe juridique, ce qui sera le cas lorsque chaque élément de preuve est abordé isolément plutôt qu’au regard de l’ensemble de la preuve[13], l’erreur qu’allègue l’appelant doit également être analysée à travers le prisme du verdict déraisonnable.
L'appréciation du caractère adéquat des motifs de la décision d'instance par un Tribunal d'appel
R. c. J.J.R.D., 2006 CanLII 40088 (ON CA)
[26] L'une des particularités du système de justice pénale est que si un accusé est jugé par un jury, la loi exige un verdict d'un ou deux mots et interdit toute explication de ce verdict. Cependant, si le même accusé est jugé pour la même accusation par un juge seul, la même loi exige une explication raisonnée du verdict.
[27] Dans les procès devant juge siégeant seul, la plupart des appels portent essentiellement sur les motifs du jugement. Avant l'arrêt R. c. Sheppard (2002), 2002 CSC 26 (CanLII), 162 C.C.C. (3d) 298 (C.S.C.), et l'arrêt connexe, R. c. Braich (2002), 2002 CSC 27 (CanLII), 162 C.C.C. (3d) 324 (C.S.C.), les arguments fondés sur les lacunes des motifs du juge de première instance prenaient l'une ou l'autre de ces deux voies, ou les deux à la fois. Dans certains cas, il a été soutenu que l'insuffisance des motifs découlait d’ une erreur juridique sous-jacente ou implicite dans le processus de raisonnement du juge de première instance. Le meilleur exemple est peut-être l'argument, avancé dans de nombreux appels, selon lequel l'absence de renvoi aux principes énoncés dans l'arrêt R. c. W.(D.), précité, reflète une mauvaise application de la norme du doute raisonnable au regard de la détermination de la crédibilité : voir par exemple R. v. Strong, [2001] O.J. no 1362 (C.A.).
[28] La deuxième approche consiste à souligner les lacunes que présentent les motifs pour étayer une allégation selon laquelle le verdict est déraisonnable au sens du sous-alinéa 686(1)a)(i) du Code criminel. Dans ce contexte, le caractère insuffisant des motifs est censé refléter des erreurs ou des lacunes dans l'analyse juridique du juge de première instance ou dans le traitement de la preuve et est souligné pour expliquer comment le juge, vraisemblablement une personne raisonnable, aurait pu arriver à un verdict déraisonnable : voir par exemple R. c. Biniaris (2000), 2000 CSC 15 (CanLII), 143 C.C.C. (3d) 1, au para. 36 (C.S.C.).
[29] Après les arrêts Sheppard et Braich, un troisième type d'argument fondé sur le caractère censément insuffisant des motifs du juge du procès a souvent été invoqué. Selon cet argument, les lacunes dans les motifs sont suffisantes pour justifier l'annulation en soi, sans qu'il soit nécessaire d'en déduire une erreur de droit sous-jacente et de conclure que le verdict était déraisonnable. La cour d’appel a conclu dans ces deux affaires que l'absence de motifs (Sheppard) ou le caractère gravement insuffisant des motifs (Braich) peut constituer une erreur de droit autonome justifiant l'annulation du verdict et le prononcé d’une ordonnance de nouveau procès.
[30] Dans l'arrêt Sheppard, précité, au par. 53, le juge Binnie a souligné que l'allégation selon laquelle les motifs d'un jugement sont insuffisants et que cette insuffisance équivaut à une erreur de droit doit être vérifiée sur le plan fonctionnel et dans le contexte de l'affaire en question. Il a reconnu, aux par. 18-23, que les motifs servent divers objectifs salutaires dans le processus de justice pénale, y compris la communication de renseignements à la partie perdante quant aux raisons de sa défaite. Dans le contexte de l’examen en appel, cependant, le juge Binnie, au paragraphe 25, a décrit la fonction des motifs de jugement en ces termes :
La question qui nous est soumise présuppose que la décision a fait l'objet d'un recours. Dans ce contexte, l'objectif est, à mon avis, de préserver et d'améliorer le contrôle juridictionnel de la justesse de la décision (qui englobe à la fois les erreurs de droit et les erreurs de fait manifestes et prépondérantes). Si les lacunes dans les motifs n'empêchent pas, dans un cas particulier, un véritable contrôle en appel, mais permettent son plein exercice, elles ne justifient pas une intervention en vertu de l'article 686 du Code criminel. [Soulignement ajouté.]
[31] Après avoir passé en revue la jurisprudence, le juge Binnie est revenu sur ce qu'il considérait comme la question cruciale de l'examen en appel du caractère adéquat des motifs du procès, au para. 46 :
Ces affaires montrent clairement, je pense, que l'obligation de motiver, lorsqu'elle existe, découle des circonstances d'une affaire particulière. Lorsqu'il ressort clairement du dossier qu'un accusé a été condamné ou acquitté et que l'absence ou l'insuffisance des motifs ne constitue pas un obstacle significatif à l'exercice du droit d'appel, la cour d'appel n'interviendra pas pour cette raison. En revanche, lorsque le chemin emprunté par le juge de première instance à travers des preuves confuses ou contradictoires n'est pas du tout évident, ou qu'il existe des questions de droit difficiles qui doivent être confrontées mais que le juge de première instance a contournées sans explication, ou lorsque (comme en l'espèce) il existe des théories contradictoires sur les raisons pour lesquelles le juge de première instance aurait pu décider comme il l'a fait, dont certaines au moins constitueraient clairement une erreur réversible, la cour d'appel peut dans certains cas se considérer comme incapable de donner effet au droit d'appel prévu par la loi. Dans ce cas, l'une ou l'autre des parties peut contester la justesse du résultat, mais elle aura été privée à tort, en raison de l'absence ou de l'insuffisance des motifs, de la possibilité d'examiner correctement le verdict de première instance en appel. Dans ce cas, même si le dossier révèle des éléments de preuve qui, d'un certain point de vue, pourraient étayer un verdict raisonnable, les lacunes dans les motifs peuvent constituer une erreur de droit et justifier l'intervention de la cour d'appel. Il appartiendra à la cour d'appel de déterminer si, dans un cas particulier, l'insuffisance des motifs l'empêche de s'acquitter correctement de sa fonction d'appel. [Soulignement ajouté.]
[32] Les circonstances du cas d'espèce détermineront le caractère adéquat des motifs de jugement et l'effet, le cas échéant, de l'insuffisance des motifs ou de l'issue du recours. Les motifs de jugement doivent être examinés dans le contexte de l'ensemble de l’instance, en particulier la nature des preuves entendues et les arguments avancés.
[33] Les cours d'appel ne devraient pas non plus surestimer la complexité de la plupart des litiges pénaux ou sous-estimer la capacité des personnes participant au procès à comprendre les motifs du résultat. La plupart des procès pénaux, même les plus difficiles, ne sont pas particulièrement compliqués. La plupart des accusés, même ceux qui sont farouchement en désaccord avec le résultat, ne comprennent que trop bien pourquoi ils ont été condamnés. Une fois de plus, je reviens aux mots du juge Binnie dans l'affaire Sheppard, supra, au par. 60 :
[D]ans la grande majorité des affaires pénales, les questions en jeu et le chemin emprunté par le juge de première instance pour parvenir au résultat seront probablement clairs pour toutes les parties concernées. L'obligation de rendre compte vise l'équité fondamentale, et non la perfection, et ne justifie pas que l'on passe indûment de la justesse du résultat à une dissection ésotérique des mots utilisés pour exprimer le processus de raisonnement qui l'a sous-tendu.
[34] Dans ses observations, l'avocat a souligné que les motifs du juge du procès n'expliquaient pas le rejet pur et simple de la preuve de l'appelant. L'avocat a fait valoir que lorsque la preuve du ministère public ne peut être qualifiée d'accablante et que la preuve de l'accusé n'est pas manifestement non fiable ou non crédible, l’omission du juge de première instance de donner une explication motivée pour le rejet de la preuve de l'accusé constitue une erreur de droit.
[35] Assurément, le juge du procès doit expliquer à l'accusé pourquoi il l'a condamné. Lorsque l'accusé a témoigné, le juge doit notamment expliquer pourquoi il a rejeté la dénégation de l'accusé. Toutefois, lorsque le caractère suffisant des motifs est contesté en appel, l'issue de l'appel doit dépendre de la possibilité d'un véritable examen en appel de la procédure de première instance : voir R. c. G.(L.) (2006), 2006 SCC 17 (CanLII), 207 C.C.C. (3d) 353, au par. 14 (C.S.C.). Cela ressort clairement de l'observation faite dans l'affaire Sheppard, supra, au par. 55 :
Lorsque la décision de première instance n'explique pas suffisamment le résultat aux parties, mais que la cour d'appel s'estime en mesure de le faire, l'explication de la cour d'appel dans ses propres motifs est suffisante. Dans ce cas, il n'est pas nécessaire de tenir un nouveau procès.
[36] En mettant l'accent sur la possibilité de réexaminer l’instance en tant que question ultime, je ne diminue pas l'importance de l'absence de toute explication discernable pour le rejet de la dénégation apparemment plausible d'un accusé. L'absence de toute explication peut largement contribuer à mettre les motifs hors de portée d'un véritable examen en appel : voir R. v. Maharaj (2004), 2004 CanLII 39045 (ON CA), 186 C.C.C. (3d) 247, aux par. 26-29 (C.A. Ont.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2004] C.S.C.A. no 340.
[37] Dans certaines circonstances, si le juge de première instance n'explique pas de façon adéquate les motifs pour lesquels il a rejeté la dénégation de l'accusé, il sera impossible pour la cour d'appel de s'assurer que la condamnation était fondée sur l'application des bons principes juridiques aux conclusions de fait que le juge de première instance avait raisonnablement la possibilité de tirer. Il existe plusieurs exemples de circonstances dans lesquelles notre Cour a établi un lien entre l'absence de motifs clairs pour rejeter des éléments de preuve à décharge et l'incapacité de procéder à un contrôle efficace en appel : voir R. c. Maharaj, supra, par. 29 ; R. c. Lagace (2003), 2003 CanLII 30886 (ON CA), 181 C.C.C. (3d) 12, par. 44 (C.A. Ont.) ; R. v. D.(S.J.) (2004), 2004 CanLII 31872 (CA ON), 186 C.C.C. (3d) 304 (C.A. Ont.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2004] S.C.C.A. no 365.
[38] Dans d'autres cas, le fait que le juge de première instance ne mentionne pas explicitement les facteurs de la preuve de l'appelant justifiant son rejet de cette preuve n'empêche pas un examen significatif en appel : voir par exemple R. c. R.L., 2002 CanLII 49356 (ON CA), [2002] O.J. no3061 au par. 3 (C.A.) ; R. v. S.(A.) (2002), 2002 CanLII 44934 (ON CA), 165 C.C.C. (3d) 426, aux par. 33-34 (C.A. Ont.) ; R. v. Tzarfin, 2005 CanLII 30045 (ON CA), [2005] O.J. no3531 au par. 11 (C.A.).
[39] Il n'y a pas de divergence d'opinion jurisprudentielle sous-jacente aux différents résultats obtenus dans les affaires susmentionnées. Les différents résultats reflètent les évaluations fonctionnelles et contextuelles de la justesse des motifs dictées par les arrêts Sheppard et Braich. Selon cette approche, une lacune dans les motifs rendra dans certains cas les motifs inadéquats, mais cette même lacune n'aura pas cet effet dans d'autres cas où le contexte est différent.
[40] Par exemple, dans l'arrêt Maharaj, supra, le juge Laskin, après avoir examiné l'ensemble des motifs et le dossier du procès, a observé au par. 29 :
En outre, l'absence de motifs adéquats pour rejeter les preuves de l'appelant rend problématique un examen significatif en appel. La Cour ne peut être convaincue que le juge de première instance a correctement appliqué la charge de la preuve ou les principes sous-jacents à l'arrêt W.(D.). [Soulignement ajouté.]
[41] Comme la Cour n'a pas pu se convaincre que les principes fondamentaux applicables au fardeau de la preuve avaient été suivis dans l'affaire Maharaj, les motifs ne permettaient pas un examen en appel et étaient tellement insuffisants qu'ils équivalaient à une erreur de droit.
[42] Maharaj peut être comparé à R. v. S.(A.), supra. Le juge Feldman, dans le cadre de l'examen d'un argument relatif au caractère suffisant des motifs du juge de première instance, a déclaré au par. 34 :
Sur la base de l'ensemble de la preuve, le juge du fond est en droit de croire la plaignante et de rejeter les dénégations de l'accusé. En l'espèce, le juge du fond a d'abord rejeté les preuves de l'accusé sans expliquer clairement ce rejet. Toutefois, plus loin dans ses motifs, il a expliqué pourquoi il acceptait les preuves de la plaignante comme étant vraies. Aucun élément de la preuve de l'appelant n'a soulevé de doute dans l'esprit du juge du fond. Il était en droit de procéder à cette évaluation et de tirer ces conclusions en se fondant sur l'ensemble des éléments de preuve considérés dans leur totalité. [Soulignement ajouté.]
[43] Les juges Feldman et Laskin ont tous deux procédé à une analyse contextuelle et fonctionnelle du caractère adéquat des motifs. Se fondant sur les dossiers respectifs dont ils disposaient, ils sont parvenus à des conclusions différentes. Le juge Feldman a pu être convaincu que le juge de première instance avait appliqué la norme de preuve appropriée. Le juge Laskin n'a pas pu en être convaincu. Dans l'affaire dont le juge Feldman était saisi, les motifs considérés dans le contexte de l'ensemble du dossier n'ont pas empêché un examen efficace en appel, malgré l'absence d'une explication explicite de la part du juge du procès quant au rejet de la preuve disculpatoire de l'appelant.
[44] J'en viens maintenant aux motifs du jugement dans la présente affaire. Il ne s'agit pas d'un cas comme celui de Sheppard, dans lequel le juge de première instance n'a pas donné de motifs valables. La plainte porte sur le caractère adéquat des motifs. Comme les motifs dans Braich, supra, au par. 20 : « Il n'y a aucun doute sur ce que le juge de première instance a décidé et sur la façon dont il est parvenu à sa décision ».
mardi 3 juin 2025
La motivation du jugement rendu oralement séance tenante et l’expérience personnelle du juge
J.L. c. R., 2017 QCCA 398
[63] L’appelant s’en prend au manque de motivation de la décision. Je ne ferai à cet égard que quelques observations, mais je propose de rejeter ce moyen.
[64] Le jugement est rendu oralement séance tenante. La motivation des jugements est un élément important du processus pénal pour les parties, pour l’examen en appel et pour que le public comprenne l’exercice du pouvoir judiciaire. Il ne fait plus de doute que la partie perdante doit savoir pourquoi elle a perdu : R. c. Sheppard, 2002 CSC 26 (CanLII), [2002] 1 R.C.S. 869, par. 24, 27, 55, et plus particulièrement, l’accusé déclaré coupable doit savoir pourquoi le juge écarte le doute raisonnable : R. c. Gagnon, 2006 CSC 17 (CanLII), [2006] 1 R.C.S. 621, par. 20-21; R. c. Casavant, 2016 QCCA 1340, par. 44-47; LSJPA — 152, 2015 QCCA 39, par. 3; R. c. Aksoy, 2012 QCCA 610, par. 38-39. Cela est tout aussi vrai pour les questions difficiles reliées à la crédibilité : R. c. Dinardo, 2008 CSC 24 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 788, par. 25-27.
[65] Le jugement rendu séance tenante ne peut avoir le même niveau de précision que celui rendu après l’exigeant exercice de l’écriture. Sans aucun doute, le jugement doit être analysé avec ce principe à l’esprit : R. c. L. (J.), 2011 QCCA 1848, par. 25. Il faut, bien sûr, tenir compte des contraintes de temps et du volume des cours criminelles de première instance : R. c. R.E.M., 2008 CSC 51 (CanLII), [2008] 3 R.C.S. 3, par. 13; R. c. Sheppard, 2002 CSC 26 (CanLII), [2002] 1 R.C.S. 869, par. 55.
[66] En retour, en plus de permettre d’organiser la pensée, l’écriture impose un moment de recul, par opposition à une certaine précipitation à élaborer une décision, et cela oblige à prendre une distance avec la forte impression que laissent parfois les faits. Dans l’arrêt R. c. R.E.M., 2008 CSC 51 (CanLII), [2008] 3 R.C.S. 3, la Cour suprême écrit, par. 12 :
… la tâche d’énoncer les motifs attire l’attention du juge sur les points saillants et diminue le risque qu’il laisse de côté des questions de fait ou de droit importantes ou ne leur accorde pas l’importance qu’elles méritent. Un juge a déjà dit : [traduction] « Souvent, la forte impression que les faits sont clairs, selon la preuve, s’estompe lorsque vient le temps d’exprimer cette impression sur papier » (United States c. Forness, 125 F.2d 928 (2d Cir. 1942), p. 942). …
[67] Ou encore comme l’écrivait le juge Laskin de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Maharaj (2004), 2004 CanLII 39045 (ON CA), 186 C.C.C. (3d) 247 (C.A.O.):
[22] To these rationales I add that giving reasoned reasons is an important self-discipline for a judge. The well-known phrase “sometimes it just won’t write” signals that occasionally a judge’s instincts about a case do not stand up to reasoned analysis. The process of putting pen to paper — of articulating the “path” to one’s conclusion — may disclose a flaw in one’s reasoning. As L’Heureux Dubé J. sensibly observed in Baker v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC), [1999] 2 S.C.R. 817, at para. 39: “The process of writing reasons for decision by itself may be a guarantee of a better decision.
[71] La décision aurait-elle pu profiter davantage du recul dont il est question plus haut? Sans doute. Si la motivation de la décision n’est pas parfaite, les références à la preuve illégale qu’on y trouve demeurent le véritable problème.
[72] Il y a d’abord l’allusion à l’expérience personnelle du juge avec ses enfants. Le ministère public concède qu’une telle référence était inappropriée. J’estime pour ma part que le juge erre en droit en faisant reposer l’évaluation de la crédibilité de l’appelant en partie sur des faits extrinsèques à la preuve, qu’il importe lui-même dans sa réflexion.
[73] On comprendra aisément que, à la limite, la question n’a jamais été de savoir si les enfants du juge étaient plus chatouilleux sous les bras, mais si la victime l’était. La preuve ne permettait pas au juge d’évaluer ou de comprendre la tolérance de la jeune fille à se faire chatouiller. Il est donc incorrect de dénigrer l’explication de l’appelant qui affirmait atteindre l’objectif du jeu, soit faire rire l’enfant, en s’arrêtant au genou. Le juge franchit un pas que la preuve ne lui permettait d’aucune façon de franchir et, puisque la crédibilité était au cœur de l’affaire, l’erreur n’est pas aussi banale que le plaide le ministère public, d’autant que le jugement comporte d’autres erreurs.
Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine
Les prescriptions inhérentes à la présentation d'une requête par un accusé alléguant la violation de l'un des ses droits constitutionnels
R. c. Lecompte, 2019 QCCS 5099 Lien vers la décision E- La réponse de la poursuite à une requête sous le par. 24(2) de la Charte [ ...
-
Marcotte c. R., 2017 QCCS 62 (CanLII) Lien vers la décision [ 32 ] Les motifs raisonnables de croire sont définis comme étant ...
-
R. c. Allard, 2014 QCCQ 13779 (CanLII) Lien vers la décision [ 80 ] Quant au chef concernant la possession d'une arme prohi...
-
R. c. Cénac, 2015 QCCQ 3719 (CanLII) Lien vers la décision Tableau de SENTENCES en matière de FRAUDE DE PLUS DE 5 000$ Art. 3...