mercredi 26 septembre 2012

Les principes qui régissent l'admissibilité d'une preuve recueillie par écoute électronique

Laflamme c. R., 2010 QCCS 5621 (CanLII)

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[20] L'interception d'une communication privée participative ou consensuelle est régie par les dispositions de l'article 184.2 du Code criminel. Un juge de la Cour du Québec ou un juge de la Cour supérieure peut l'autoriser, s'il est convaincu :

(3) a) qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale a été ou sera commise;

b) que l’auteur de la communication privée ou la personne à laquelle il la destine a consenti à l’interception;

c) qu’il existe des motifs raisonnables de croire que des renseignements relatifs à l’infraction seront obtenus grâce à l’interception.

[21] La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt R. c. Pires; R. c. Lising enseigne les principes qui régissent l'admissibilité d'une preuve recueillie par écoute électronique :

« [8] L’admissibilité de la preuve recueillie par écoute électronique est donc régie par les principes suivants.

(1) L’écoute électronique constitue une perquisition ou une saisie au sens de l’art. 8 de la Charte (R. c. Duarte, 1990 CanLII 150 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 30). En conséquence, les dispositions législatives en vertu desquelles elle est autorisée doivent respecter les exigences constitutionnelles minimales de l’art. 8.

(…)

(2) Si elle n’est pas conforme pour l’essentiel au régime établi par la loi, l’écoute électronique est illégale et, vu la correspondance entre les dispositions législatives et les exigences constitutionnelles, elle est également inconstitutionnelle.

Les conditions légales préalables à la délivrance d’une autorisation d’écoute électronique varient selon le libellé de la disposition pertinente. Les demandes d’autorisation sont présentées ex parte et par écrit à un juge, lequel doit être convaincu, sur la foi d’une preuve par affidavit, que les conditions prescrites par la loi sont remplies.

(3) Lorsque l’accusé soutient par la suite que l’écoute électronique a porté atteinte au droit que lui garantit l’art. 8 de la Charte, le juge siégeant en révision doit déterminer si l’interception constitue une perquisition ou une saisie abusive, ce qui implique de vérifier s’il y a eu respect des conditions légales préalables.

La révision porte sur les documents relatifs à l’autorisation (que la défense peut obtenir sur demande suivant le par. 187(1.4) du Code criminel) et les observations des avocats, ainsi que sur les éléments de preuve additionnels qui peuvent y être présentés. Si le juge qui préside l’audience estime que, vu les documents dont disposait le juge ayant accordé l’autorisation et le complément de preuve présenté, rien ne permettait d’établir la présence des conditions préalables à la délivrance de l’autorisation, il conclura que la fouille, perquisition ou saisie contrevenait à l’art. 8 de la Charte. La révision ne constitue pas une nouvelle audition de la demande. La norme de contrôle applicable a été expliquée comme suit dans l’arrêt Garofoli:

Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l’autorisation. Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l’autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision, conclut que le juge qui a accordé l’autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir. Dans ce processus, la fraude, la non-divulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais au lieu d’être nécessaires à la révision leur seul effet est d’aider à décider s’il existe encore un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l’autorisation. [p. 1452]

(4) Dans les cas où il estime que l’écoute électronique contrevenait à l’art. 8 de la Charte, le juge siégeant en révision décide si la preuve doit être écartée en application du par. 24(2) de la Charte. »

[22] Notre Cour d'appel précise, dans l'arrêt Lepage :

« [33] D'autre part, l'autorisation en matière d'écoute électronique participative n'exige pas davantage que ce qui est énoncé à l'article 184.2 C.cr. Selon l'appelante, comme l'affidavit au soutien de la demande d'autorisation ne réfère qu'à l'espoir d'obtenir des aveux, sans plus, cela ne saurait constituer des motifs raisonnables de croire que des renseignements relatifs à l'infraction seront obtenus.

[34] En matière d'autorisation d'écoute consensuelle, l'agent de la paix doit énoncer qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise et le juge qui autorise l'écoute doit s'assurer qu'il existe des motifs raisonnables de croire que des renseignements relatifs à l'infraction visée seront obtenus. Le juge qui siège en révision de l'autorisation ne doit pas substituer son opinion à celle du juge qui l'a accordée, mais doit plutôt s'assurer qu'il existe des éléments de preuve auxquels le juge a ajouté foi pour faire droit à la demande. Le fait que l'affidavit réfère à l'opération d'infiltration, ayant pour but d'obtenir une admission de l'appelante de sa participation aux crimes commis en 1981, n'affecte en rien la conclusion de l'existence de motifs raisonnables de croire que des renseignements seront obtenus. Un aveu ou des informations relatives à la commission d'un crime constituent des renseignements à l'égard de ce crime. L'interception consensuelle avait donc pour objectif de recueillir des éléments de preuve. »

L'arrêt des procédures pour cause de délai préinculpatoire

Lepage c. R., 2008 QCCA 105 (CanLII)

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[21] Tout d'abord, le délai préinculpatoire, en lui-même, n'est pas suffisant pour justifier un arrêt des procédures, à moins que l'accusé n'établisse un préjudice réel dû à ce délai. Le seul écoulement du temps avant l'inculpation ne peut constituer une violation des droits d'un accusé puisque cela équivaudrait à imposer une prescription à l'égard des infractions criminelles. De plus, l'arrêt des procédures ne sera accordé que dans « les cas les plus manifestes » lorsqu'il serait impossible de remédier au préjudice causé au droit de l'accusé à une défense pleine et entière ou lorsque la continuation des procédures causerait un préjudice irréparable.

mardi 25 septembre 2012

Le fait que l'intimé n'a pas tenté de dissimuler ses activités n'est pas une défense recevable contre une accusation d'utilisation non autorisée d'ordinateur

R. c. Parent, 2012 QCCA 1653 (CanLII)

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[58] L'intimé soutient avoir agi en toute transparence, étant conscient que ses utilisations de l'ordinateur étaient facilement repérables. Il ajoute que, dans ces circonstances, il n'a pu avoir l'intention criminelle nécessaire à la commission des infractions reprochées ayant agi au vu et au su des autorités.

[59] Le fait que l'intimé n'a pas tenté de dissimuler ses activités ne tempère en rien le caractère malhonnête des actes qui lui sont reprochés. C'est ce qu'a décidé la Cour d'appel d'Alberta dans l'arrêt Neve avec lequel je suis d'accord :

29 We agree with this interpretation. The reality is that many thefts and robberies are committed openly, without deception or trickery. The fact that an offender openly and blatantly takes property from a victim makes little difference to the victim. Or to anyone else for that matter. The result is the same; the victim's property has been wrongly taken. And the person is a victim of theft whether that taking was accomplished through deceptive guile or physical force. Further s. 322(3) of the Code recognizes the common sense inherent in this approach, making it clear that the mere fact that something is done openly does not, by itself, make it any less fraudulent for purposes of proving theft:

A taking or conversion of anything may be fraudulent notwithstanding that it is effected without secrecy or attempt at concealment

L'actus reus & la mens rea de l'infraction d'utilisation non autorisée d'ordinateur

R. c. Parent, 2012 QCCA 1653 (CanLII)

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[28] Certaines des décisions auxquelles j'ai ci-dessus fait référence laissent entendre que l'intention malhonnête (moralement turpide) serait un élément essentiel de l'infraction contenue à l'article 342.1 (1) a) C.cr. C'est d'ailleurs l'idée à laquelle souscrit le juge de première instance. En matière de fraude, la jurisprudence a plutôt énoncé que le concept de la malhonnêteté se manifestait dans l'acte prohibé et non dans l'état d'esprit de son auteur.

[29] Je me permets ici de référer au crime de fraude (art. 380 C.cr.) puisque, à mon avis, il existe des ramifications suffisamment étroites entre cette infraction et celle de vol pour conclure qu'elles obéissent à des règles semblables ne serait-ce qu'en raison du fait que, dans les deux cas, l'acte reproché se distingue par son caractère malhonnête.

[30] C'est aussi l'avis des auteurs Manning, Mewett et Sankoff qui écrivent :

The decision [Théroux] approved of the obiter reasoning to the same effect in Lafrance, a theft case, and there is no logical reason to distinguish between instances of fraud and theft.

[31] En ce sens, les principes dégagés dans l'arrêt Théroux trouvent application en l'espèce.

[32] Or, la Cour suprême a décidé dans cet arrêt que l'actus reus du crime de fraude était établi par la preuve d'une supercherie, d'un mensonge ou d'un quelque autre acte frauduleux ayant entraîné une privation ou un risque de privation.

[33] Commentant les motifs de la juge McLachlin (qui n'était pas encore Juge en chef) dans Théroux, l'auteure Brenda L. Nightingale s'est dite d'avis que le caractère malhonnête inhérent au crime de fraude relevait au premier plan de l'actus reus de cette infraction et non de la mens rea :

In the review of the development of the law relating to the actus reus of the offence, McLachlin J. raised the problem which existed in Canadian cases with respect to whether the actus reus of the offence was to be determined by use of an objective test and, in particular, whether the issue of "dishonesty" was to be determined objectively as part of the actus reus of the offence. She held:

Olan marked a broadening of the law of fraud in two respects. First it overrules previous authority which suggest that deceit was an essential element of the offence. Instead, it posited the general concept of dishonesty, which might manifest itself in deceit, falsehood or some other form of dishonesty. Just as what constitutes a lie or a deceitful act for the purpose of the actus reus is judged on the objective facts, so the "other fraudulent means" in the third category is determined objectively, by reference to what a reasonable person would consider to be a dishonest act.

It therefore appears clear from this statement that "dishonesty", as an ingredient of the offence, is to be analysed as an element of the actus reus of fraud and not as an element relating to the mens rea of fraud. "Dishonesty" in Canadian law can be said to be characterized as an act rather than a state of mind.

[Référence omise. Je souligne.]

[34] Cela dit, l'acte reproché, pour être rangé parmi les actes dits malhonnêtes, n'a à satisfaire qu'au test de la personne raisonnable. La juge McLachlin, parlant de la troisième catégorie des conduites malhonnêtes mentionnées à l'article 380 C.cr. (les autres moyens dolosifs), écrit au nom de la majorité dans Théroux que :

Le caractère « malhonnête » du moyen est pertinent pour déterminer si la conduite est du genre de celle visée par l'infraction de fraude; ce qu'une personne raisonnable considère malhonnête aide à déterminer si l'actus reus de l'infraction peut être établi en fonction de certains faits.

[35] Rien en principe ne s'oppose à ce que ces enseignements se reflètent dans l'analyse des infractions à l'étude.

[36] Il ne fait aucun doute que l'utilisation non autorisée d'ordinateur s'apparente à un acte dolosif puisqu'un usage volontaire à des fins prohibées constitue à l'évidence un acte malhonnête.

[37] En l'espèce, aux fins de prouver l'actus reus de l'infraction mentionnée à l'article 342.1 (1) a) C.cr., l'appelante devait établir que l'intimé avait obtenu des services d'ordinateur, que cette utilisation était interdite et qu'une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait convenu qu'il s'agissait là d'une activité malhonnête. Elle devait aussi établir que ce détournement était fait « sans apparence de droit ». Ces éléments composent l'actus reus des infractions reprochées à l'intimé.

ii) La mens rea de l'infraction d'utilisation non autorisée d'ordinateur

[38] J'en viens maintenant à la mens rea de l'infraction d'utilisation illégale d'un ordinateur. Aux fins de déterminer qu'elle est l'intention coupable rattachée à cette infraction, il est inutile de considérer l'opinion que l'accusé entretient quant au caractère moral de son acte.

[39] S'engager dans cette voie serait une invitation à juger de la mens rea de l'accusé selon son propre schème de valeurs et le cas échéant de l'acquitter au motif qu'il estime n'avoir rien fait de mal.

[40] Certains ont vu dans le mot « frauduleusement » contenu à l'article 342.1 (1) C.cr. quelque chose de plus que la simple conscience subjective chez l'accusé d'avoir sciemment et volontairement posé un acte malhonnête. La jurisprudence en matière de vol et de fraude répond à cette prétention.

[41] Une première définition du terme « frauduleusement » nous vient de l'arrêt anglais R. v. Williams. Dans cette affaire, le mot « frauduleusement » avait été ainsi défini :

[…] We think that the word "fraudulently" in section 1 [of Larceny Act, 1916] must mean that the taking is done intentionally, under no mistake and with knowledge that the thing taken is property of another person

[42] La décision Williams a été reprise par la Cour suprême dans l'arrêt Lafrance. La Cour y énonce notamment les éléments constitutifs de l'infraction de vol en ces termes :

[…] tous les éléments du vol, définis à l’art. 269 [devenu 322], ont été établis en l’espèce. L’intention était présente, il n’y a pas eu de méprise et l’on savait que le véhicule à moteur appartenait à un tiers. À mon avis, en prenant la voiture dans ces circonstances, on a agi frauduleusement. (Voir R. v. Williams, [1953] 1 Q.B. 660 (C.A.) à la p. 666). L’appelant a pris le véhicule sans apparence de droit et en a temporairement privé son propriétaire.

[43] À la même époque, notre Cour, dans l'arrêt Boger, parvenait à une conclusion semblable :

Il semble donc que le terme frauduleusement se rattache à la prise délibérée de la chose par le prévenu, sachant qu'elle ne lui appartient pas, en toute connaissance d'un état de fait qui ne lui donne pas le droit de le prendre.

[44] En 1993, la Cour suprême confirmait dans l'arrêt Théroux l’autorité de l’arrêt Lafrance. Elle écrivait :

La perception de la mens rea proposée plus haut est conforme aux arrêts antérieurs de notre Cour où on a rejeté l'idée selon laquelle la conscience subjective de l'accusé de sa malhonnêteté est pertinente en ce qui concerne la mens rea de la fraude. Dans l'arrêt Lafrance c. La Reine, 1973 CanLII 35 (CSC), [1975] 2 R.C.S. 201, l'accusé s'était emparé d'une automobile dans l'intention de la ramener plus tard. Notre Cour devait décider si cela constituait un vol. À la page 214, le juge Martland (s'exprimant au nom de la majorité) a conclu que oui et qu'on avait agi frauduleusement en prenant la voiture : « L'intention était présente, il n'y a pas eu de méprise et l'on savait que le véhicule à moteur appartenait à un tiers. À mon avis, en prenant la voiture dans ces circonstances, on a agi frauduleusement. »

[45] Puis, dans l'arrêt Skalbania, la Cour suprême réaffirme son adhésion à la définition du mot « frauduleusement » telle qu'énoncée dans les arrêts Williams et Lafrance :

6 […] Nous sommes d’accord avec le juge Rowles de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique pour dire qu’un détournement intentionnel, et non par erreur, est suffisant pour établir la mens rea requise en vertu du par. 332(1) : voir Lafrance c. La Reine, 1973 CanLII 35 (CSC), [1975] 2 R.C.S. 201; R. c. Williams, [1953] 1 Q.B. 660 (C.A.). Le mot « frauduleusement » utilisé dans ce paragraphe ne connote rien de plus. La malhonnêteté inhérente à l’infraction réside dans l’affectation intentionnelle, et non par erreur, de fonds à une fin irrégulière.

[46] Notre Cour dans l'arrêt Investissements Contempra ltée a appliqué ces règles en affirmant que :

D'une part, l'actus reus du vol consiste dans la prise ou le détournement, acte qui doit être posé à la fois frauduleusement et sans apparence de droit. La mens rea du vol, d'autre part, se distingue par la volonté de poser l'acte constituant l'actus reus, mais en plus par l'intention spécifique ou additionnelle décrite à l'un des sous-paragraphes a), b), c) ou d) de cet article 322.

[Je souligne.]

[47] Il y a aussi la Cour d'appel de l'Alberta dans R. v. Neve qui a retenu la même interprétation de l'arrêt Skalbania :

30 […] we have concluded that for property to be taken "fraudulently", it is enough that the taking be done intentionally, under no mistake, and with knowledge that the thing taken is the property of another person. This will suffice to characterize the taking as fraudulent.

[48] Plusieurs auteurs se sont dits d'avis que l'arrêt Skalbania réglait définitivement la question de l’interprétation du mot « frauduleusement ». Par exemple, Annie-Claude Bergeron et Pierre Lapointe jugent que ce terme n’a pas pour effet de créer une intention supplémentaire. Ils indiquent que ce mot signifie seulement qu'il suffit pour le contrevenant de prendre quelque chose intentionnellement, sachant qu'il ne possède pas ce droit.

[49] Pour leur part, Manning, Mewett et Sankoff écrivent :

It follows that no special type of deceit or evil intent is required for a taking to be fraudulent; nor is secrecy or concealment necessary to prove the mens rea of this offence.

[Références omises.]

[50] La poursuite devait, aux fins de prouver l'infraction prévue à l'article 342.1 (1) a) C.cr., démontrer une obtention par l'intimé de manière consciente et volontaire des services d'ordinateur. Cela nécessitait la preuve de son intention de poser l'acte prohibé, sachant que son geste était interdit au regard des fins projetées par cet usage. Il s'agit à mon avis de la mens rea requise pour la commission des infractions visées par ce pourvoi.

vendredi 21 septembre 2012

Fourchette des peines établies par la Cour d'appel relativement aux fraudes importantes & au recyclage des produits de la criminalité

R. c. Chicoine, 2012 QCCA 1621 (CanLII)

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[75] Or, au moment de déterminer la peine à infliger, vu notamment les modifications législatives, une mise à jour des données disponibles s'imposait. Le principe codifié de l'harmonisation des peines requiert qu'un tel exercice soit fait de sorte que « les délits semblables commis dans des circonstances semblables entraînent des peines semblables ».

"Ranges" are not embedded in stone. Given their nature as guidelines only, I do not view them as being fixed in law, as is the case with binding legal principles. They may be altered deliberately, after careful consideration, by the courts. Or, they may be altered practically, as a consequence of a series of decisions made by the courts which have that effect. If a range moves by virtue of the application of individual cases over time, it is not necessary to overrule an earlier range that may once have been in vogue; it is only necessary to recognize that the courts have adapted and the guidelines have changed.

[76] En ce sens, l'examen de la jurisprudence canadienne récente révèle :

76.1. qu'en matière de fraudes importantes, les peines se situent souvent à l'intérieur d'une fourchette de 6 à 10 ans, et non de 3 à 5 ans, les cas les plus sérieux donnant même lieu à des peines supérieures;

76.2. que sur 54 cas de fraude recensés de plus d'un million de dollars entre 2004 et 2012, la peine est de 3 ans ou plus dans 44 cas, qu'elle est de 4 ans ou plus dans 31 cas, qu'elle est de 5 ans ou plus dans 25 cas et qu'elle est de 6 ans et plus dans 21 cas;

76.3. qu'en matière de recyclage des produits de la criminalité, lorsque le montant avoisine ou est supérieur à un million de dollars, une fourchette de 15 à 48 mois d'emprisonnement semble se dessiner

mardi 11 septembre 2012

L'état du droit concernant 3 types d'identification (l’identification oculaire par un témoin / l’identification à partir d’une cassette vidéo ayant capté la scène du vol / une parade d’identification photographique)

R. c. Thibault, 2012 QCCQ 6465 (CanLII)

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[7] L'identification est au cœur de l'affaire sous étude. Trois types d’identification y sont en cause : 1) l’identification oculaire par un témoin; 2) l’identification à partir d’une cassette vidéo ayant capté la scène du vol; et 3) une parade d’identification photographique. Chacune de ces preuves d’identification répond à des règles particulières.

[8] Le Tribunal résumait ainsi les principes applicables dans l'affaire R. c. Souligny, décision confirmée par la Cour d'appel:

[20] En ce qui concerne la règle de droit applicable en matière de preuve d’identification oculaire, le Tribunal doit se mettre en garde contre les dangers inhérents à ce type de preuve. Le juge de première instance doit considérer non seulement les forces, mais également les faiblesses de cette preuve d’identification. Il doit tenir compte des risques de contamination liés au fait qu’un tiers ait pu suggérer que l’accusé puisse être le voleur. Bref, il doit examiner la fiabilité objective de la preuve d’identification.

[21] Quant à la preuve d’identification à partir du visionnement d’une cassette vidéo ayant capté le larcin, le Tribunal doit, encore là, faire preuve d’une grande prudence. Les Tribunaux ont reconnu l’importance et l’utilité des bandes vidéo dans la recherche de la vérité lors des procès criminels. Ce genre de preuve peut servir à établir tout autant l’innocence d’un accusé que sa culpabilité. La Cour suprême a établi que, parce que la caméra vidéo enregistre fidèlement tout ce qui entre dans son champ, la bande vidéo peut présenter une preuve d’identification aussi claire et convaincante, que le juge des faits peut se fonder uniquement sur celle-ci pour identifier l’accusé devant lui comme étant l’auteur du crime. Pour arriver à une telle conclusion, la bande doit être de bonne qualité et fournir une image claire des évènements et de l’auteur du crime. Comme le rappelle le Juge Cory : "Au cours de ses délibérations, le juge des faits évaluera le poids qui doit être accordé à la preuve apportée par la bande vidéo, tout comme il évalue le poids de la preuve fournie par des témoignages de vive voix."

[22] Outre que le juge des faits est autorisé à procéder à l’identification, il est aussi permis qu’une autre personne, tel un policier, puisse donner son opinion quant à l’identité de l’auteur du crime apparaissant sur la bande vidéo. Avant d’accepter qu’un tel témoignage puisse être entendu, le juge doit tenir un voir-dire pour en déterminer l’admissibilité. Il faut s’assurer que le témoin possède des compétences particulières lui permettant de donner un témoignage d’opinion. Si le Tribunal accepte d’admettre en preuve un tel témoignage, sa valeur probante relève complètement du juge qui peut ajouter foi à la totalité, à une partie du témoignage ou le rejeter tout simplement. C’est ainsi qu’il ne doit pas prêter une valeur supérieure à l’identification faite par un policier à partir de la preuve vidéo. Il s’agit d’un élément de preuve parmi tant d’autres qui doit donc être analysé au regard de l’ensemble de la preuve soumise.

[23] La parade d’identification constitue un autre moyen d’identifier l’auteur d’un crime. Ce principe est reconnu depuis fort longtemps. Elle doit revêtir certaines qualités que résume bien la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’affaire R. c. Vu que nous nous permettons de traduire librement :

a) Il doit être démontré que rien n’a été fait en vue de permettre au témoin d’identifier la personne soupçonnée par les policiers, pas plus que de montrer la photographie du suspect ou d’indiquer sa position dans la parade.

b) Le choix des autres personnes apparaissant à la parade d’identification doit être fait honnêtement, au point que le suspect ne doit pas être substantiellement différent des autres en regard de son âge, de sa stature, son teint, son habillement.

c) La procédure doit être juste en ce que, pour tester l’habileté du témoin à reconnaître le suspect, il doit y avoir plusieurs photographies et l’accusé ne doit pas avoir de différence marquée des autres personnes apparaissant à la parade quant à son âge et son physique.

Les principes sur lesquels un juge doit se baser pour déterminer s’il accepte une preuve de faits similaires et la valeur probante qu'il peut lui accorder

R. c. Larrivée, 2012 QCCQ 3609 (CanLII)

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[283] La Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Arp. [1998] 3 R.C.S. p. 339 et suivantes, établit les principes sur lesquels un juge doit se baser pour déterminer s’il accepte une preuve de faits similaires et quelle valeur probante il peut lui accorder.

[284] La Cour suprême émet d’abord la mise en garde suivante au juge du procès :

[52] in fine « L’appréciation d’une preuve de faits similaires et la détermination de sa valeur probante et de son admissibilité imposent au juge du procès une lourde tâche, tâche qui doit être accomplie avec beaucoup de soin. »

[285] Elle énumère les critères qui doivent guider le juge pour décider de l’admissibilité de cette preuve :

« La meilleure façon de définir la règle autorisant l’admission d’une preuve de faits similaires serait peut-être de dire qu’il s’agit d’une ‘’exception à une exception’’ à la règle fondamentale suivant laquelle tout élément de preuve pertinent est admissible. La pertinence dépend directement des faits en litige dans une affaire donnée. Pour leur part, les faits en litige sont déterminés par l’infraction reprochée dans l’acte d’accusation et par les moyens de défense, s’il en est, qui sont invoqués par l’accusé. Voir Koufis c. The King [1941] R.C.S. 481, à la page 490. Pour qu’un élément de preuve soit logiquement pertinent, il n’est pas nécessaire qu’il établisse fermement, selon quelque norme que ce soit, la véracité ou la fausseté d’un fait en litige. La preuve doit simplement tendre à [traduction] « accroître ou diminuer la probabilité de l’existence d’un fait en litige ». Voir Sir Richard Eggleston, Evidence, Proof and Probability (2e éd. 1978) à la page 83. En conséquence, aucune valeur probante minimale n’est requise pour qu’un élément de preuve soit pertinent. Voir R. c. Morris 1983 CanLII 28 (CSC), [1983] 2 R.C.S. 190 aux pp. 199 et 200. »

[286] Lorsque la question de l’identité de l’auteur des délits est en jeu comme dans notre dossier, nous devons tenir compte des éléments suivants :

[43] « Il s’ensuit que, lorsque l’identité est un point litigieux dans une affaire criminelle et qu’il est démontré que l’accusé a commis des actes présentant des similitudes frappantes avec le crime reproché, le jury n’est pas invité à inférer des habitudes ou de la disposition de l’accusé qu’il est le genre de personne qui commettrait ce crime. Au contraire, le jury est plutôt invité à inférer du degré de particularité ou de singularité qui existe entre le crime perpétré et l’acte similaire que l’accusé est la personne même qui a commis le crime. Cette inférence n’est possible que si le haut degré de similitude entre les actes rend une coïncidence objectivement improbable. Voir Hoch c. The Queen (1988), 165 C.L.R. 292 (H.C.Aust.). En d’autres termes, il est toujours que, par le jeu d’une coïncidence, l’auteur du crime et l’accusé partagent certaines prédilections, ou encore que l’accusé puisse devenir impliqué dans des crimes dont il n’est pas responsable. Toutefois, lorsque la preuve révèle une manière distincte de commettre les actes en question, la possibilité que, par pure coïncidence, l’accusé soit à plusieurs reprises impliqué dans des infractions très similaires s’en trouve de beaucoup réduite. Ce point a été clairement exprimé par le juge Sopinka, dans Morin, précité, où une preuve de faits similaires avait été utilisée pour établir l’identité (à la page 367) :

« Dans les affaires de faits similaires, il ne suffit pas d’établir que l’accusé fait partie d’un groupe anormal qui a les mêmes propensions que l’auteur du crime. Il doit y avoir d’autres caractéristiques distinctives. Par conséquent, si le crime a été commis par quelqu’un qui a des tendances homosexuelles, il ne suffit pas d’établir que l’accusé est un homosexuel actif ni même qu’il a pratiqué de nombreux actes homosexuels. La preuve offerte doit tendre à démontrer qu’il y a des similitudes frappantes entre la manière dont l’auteur du crime a commis l’acte criminel et cette preuve. »

[45] « Au lieu de cela, l’application d’une approche fondée sur des principes pour statuer sur l’admissibilité d’une preuve de faits similaires reposera dans tous les cas sur la conclusion qu’il est improbable que l’implication de l’accusé dans les faits similaires ou chefs d’accusation reprochés soit le fruit d’une coïncidence. Une telle conclusion assure que la preuve a une valeur probante suffisante pour être admise, et elle fera intervenir différentes considérations dans différents contextes. Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, une preuve de faits similaires est produite à l’égard de la question de l’identité, il doit exister un haut degré de similitude entre les faits pour que la preuve soit admise. Par exemple, la présence d’une marque ou signature singulière donnera automatiquement aux faits reprochés une « similitude frappante » et les rendra, par conséquent, extrêmement probants et admissibles. De même, il est possible que, considérées ensemble, un certain nombre de similitudes importantes soient telles que leur effet cumulatif justifie l’admission de la preuve. Ordinairement, lorsque la question de l’identité est en litige, le juge du procès devrait examiner la façon dont les actes similaires ont été commis – c’est-à-dire examiner si ces actes laissent voir une marque singulière ou révèlent un certain nombre de similitudes importantes. Cet examen lui permettra de déterminer si les faits similaires reprochés ont tous été commis par la même personne. Cette constatation préliminaire établit l’improbabilité objective que l’implication de l’accusé dans les actes reprochés soit le fruit d’une coïncidence et confère ainsi à la preuve la force probante requise. En conséquence, lorsqu’une preuve de faits similaires est produite pour établir l’identité, une fois cette constatation préliminaire faite, les éléments de preuve relatifs à l’acte similaire (ou au chef d’accusation, dans un acte d’accusation comportant plusieurs chefs) peuvent être admis pour prouver la perpétration d’un autre acte (ou chef d’accusation). » (Le souligné est du sous-signé)

[48] « En conséquence, lorsqu’une preuve de faits similaires est produite pour prouver un fait en litige, pour décider de son admissibilité le juge du procès doit apprécier le degré de similitude des faits reprochés et déterminer si l’improbabilité objective d’une coïncidence a été établie. Ce n’est que dans ce cas que la preuve aura une valeur probante suffisante pour être admissible. Lorsque le fait en litige est l’identité de l’auteur du crime, alors, dans le cours normal des choses, le juge du procès doit apprécier le degré de similitude qui ressort de la façon dont les actes en cause ont été commis pour déterminer s’il est probable que les actes similaires reprochés ont été commis par la même personne. Une fois qu’il a été établi, selon la prépondérance des probabilités, que les actes similaires reprochés ont été commis par la même personne, la preuve des faits similaires peut être admise pour établir que l’accusé a commis l’infraction ou les infractions en question. » (Le souligné est du sous-signé)

[49] « Afin de décider si une preuve de faits similaires doit être admise pour établir l’identité, le juge du procès doit tenir compte de la manière dont les actes similaires allégués ont été commis. En général, la preuve qui lie l’accusé à chaque acte similaire reproché ne devrait pas faire partie de cette évaluation. Comme le dit Peter K. McWilliams dans Canadian Criminal Evidence (3e éd. 1988 (feuilles mobiles)), à la p. 11-26.1, [traduction] « [1]e lien [avec l’accusé] […] est distinct du lien ou de la connexion […] qui touche à la nature de l’acte et se rapporte à sa similitude ou à sa pertinence qui doit être telle qu’elle écarte la règle générale d’exclusion » (en italique dans l’original). Cette distinction est clairement indiquée dans Case and Comment on R. c. Brown, Wilson, McMillan and McClean, [1997] Crim. L. Rev. 502, à la p. 503 (sommaire de Richard Percival) :

[Traduction]… La preuve révélait des similitudes frappantes entre les deux groupes d’infractions, et il existait une signature ou autre caractéristique spéciale. […] Une fois établi ce lien entre les groupes d’infractions, alors la preuve qui liait un défendeur à chaque groupe d’infractions était admissible contre lui relativement à l’autre groupe. [Je souligne.]

Voir aussi R. c. Barnes, [1995] 2 Cr. App. R. 491 (C.A.), aux pp. 496 à 498. Autrement dit, la similitude des actes indique si une seule et même personne a commis les crimes; dans la plupart des cas, la preuve relative au lien entre l’accusé et chaque acte similaire indique si l’accusé a commis les crimes. Ce n’est qu’après que le juge du procès a examiné la façon dont les actes similaires ont été commis et qu’il est convaincu de l’existence d’éléments de preuve qui pourraient amener le jury a conclure que tous les actes ont été commis par une seule et même personne qu’il doit admettre la preuve se rapportant à chaque acte et la soumettre au jury, y compris la preuve de la participation de l’accusé à la perpétration de chaque acte similaire. »

[50] « En résumé, dans l’examen de la question de l’admissibilité d’une preuve de faits similaires, la règle fondamentale est que le juge du procès doit d’abord décider si la valeur probante de cette preuve l’emporte sur son effet préjudiciable. Dans la plupart des cas où une preuve de faits similaires est produite pour établir l’identité, il pourrait être utile au juge du procès de prendre ne considération les suggestions suivantes lorsqu’il décide si la preuve doit être admise :

(1) En règle générale lorsqu’une preuve de faits similaires est produite pour prouver l’identité, un degré élevé de similitude doit exister entre les actes pour faire en sorte que cette preuve ait une valeur probante qui l’emporte sur son effet préjudiciable, conformément à ce qui est requis pour qu’elle soit admissible. La similitude entre les actes peut consister en une marque ou signature singulière caractérisant une série de similitudes importantes.

(2) Dans l’appréciation de la similitude des actes, le juge du procès devrait uniquement examiner la façon dont les actes ont été commis et non la preuve relative à la participation de l’accusé à chaque acte.

(3) Il est bien possible qu’il y ait des exceptions, mais en règle générale s’il existe entre les actes un degré de similitude tel qu’il est probable que ces derniers ont été commis par la même personne, la preuve de faits similaires aura ordinairement une force probante suffisante pour l’emporter sur son effet préjudiciable et elle peut être admise.

(4) Le jury sera alors en mesure d’examiner toute la preuve relative aux faits qui, prétend-on, sont similaires pour déterminer si l’accusé est coupable d’avoir commis l’un ou l’autre des actes.

Les observations qui précèdent sont faites, répétons-le, non pas en tant que règles rigides, mais simplement en tant que suggestions susceptibles d’aider les juges qui président des procès dans leur façon d’aborder une preuve de faits similaires. »

[51] « Le critère d’admissibilité d’une preuve de faits similaires produite pour prouver l’identité est le même, que les actes similaires allégués soient définitivement attribués à l’accusé ou qu’ils fassent l’objet d’un acte d’accusation reprochant plusieurs chefs d’accusation à l’accusé. Voir Boardman, précité, à la p. 896, lord Wilberforce. »

Le processus que doit suivre un juge lors de la détermination de la peine face à un accusé non citoyen canadien

R. c. Kabasele, 2023 ONCA 252 Lien vers la décision [ 31 ]        En raison des arts. 36 et 64 de la  Loi sur l’immigration et la protection...