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mercredi 30 novembre 2011

La définition de la prostitution

R. c. Derisca, 2011 QCCQ 4148 (CanLII)

[61] Le Code criminel ne donne pas la définition de la prostitution. Il faut s'en remettre aux jugements des tribunaux pour en saisir le sens.

[62] Dans le Renvoi relatif au Code criminel (Man.), le juge Lamer écrit :

En ce qui concerne les expressions « prostitution » et « actes d'indécence », je souligne que les tribunaux ont souvent eu l'occasion de leur donner un sens et je répète qu'il s'agit essentiellement d'expressions d'usage courant. Par exemple, on a défini la prostitution comme l'offre par une personne de son corps à des fins de débauche en échange d'une somme d'argent : voir l'arrêt R. v. Lantay, [1966] 3 C.C.C. 270 (C.A. Ont.), adoptant la thèse anglaise de l'arrêt R. v. De Munck, [1918] 1 K.B. 635 (C.C.A.). Il me semble qu'il n'y a pas de véritable contestation quant à la définition générale de la prostitution, c'est-à-dire l'offre par une personne de ses services sexuels en échange de paiement par une autre.

[63] Dans les arrêts St‑Onge et Therrien de 2001, la Cour d'appel du Québec déclare :

[3] La seule question que pose ce pourvoi a trait à la définition du mot « prostitution » dans le cadre d'une inculpation pour avoir tenu ou s'être trouvé dans une maison de débauche (art. 210 C. cr.) La définition que donne le législateur d'une maison de débauche, à l'article 197 C. cr., parle d'un lieu fréquenté « à des fins de prostitution » ou « pour la pratique d'actes d'indécence ».

[8] Les appelants proposent que l'absence de contact physique, comme en l'espèce, entre la danseuse et le client est déterminant, arguant que des contacts sexuels sont requis pour constituer un acte de prostitution.

[9] La thèse des appelants doit être rejetée sur la base d'une jurisprudence de cette Cour, déclarant mal fondée la proposition selon laquelle on ne peut parler de « prostitution » en l'absence d'une relation sexuelle complète, de fellation et de masturbation : la Cour a repris à son compte la définition proposée par la Cour suprême dans le Renvoi précité, en affirmant que « la prostitution est le fait d'offrir son corps pour des fins lascives, à tout venant, contre rémunération ». C'est dans le même sens qu'a conclu la Cour d'Appel d'Ontario.

[12] Ce qui caractérise essentiellement un acte de prostitution demeure une activité sexuelle rémunérée, qui peut tout autant être commise privément qu'en public; si commise privément, la question de son caractère indécent ne se pose pas, et si publiquement, alors devrait‑il être démontré que l'acte (de prostitution) répond aux trois critères maintenant bien établis pour décider de l'indécence (R. c. Tremblay, 1993 CanLII 115 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 932. Il n'est pas inhérent à l'acte de prostitution qu'il soit indécent.

[64] Dans l'affaire R. c. Jean‑Pierre, le juge Boyer de la Cour du Québec a examiné la définition de la prostitution, dans le cas de danses contacts. Il écrit aux paragraphes 128 et suivants :

[128] Au cours du procès, le Tribunal a rendu une décision sur présentation d'une motion de non‑lieu relativement aux chefs 6, 8, 9 et 10 de l'acte d'accusation. Le débat portait essentiellement sur la définition du mot "prostitution" que l'on retrouve au texte de chacune des infractions reprochées à l'accusé. La défense alléguait qu'il y avait absence totale de preuve sur cet élément essentiel et ses prétentions étaient à l'effet que les danses‑contact auxquelles se livraient J… M.., V… Le… et J… L… ne constituaient pas des actes de prostitution.

[129] La preuve révélait que les gestes posés par les danseuses étaient les suivants :

- La danseuse se produit nue dans un isoloir pour un client moyennant rémunération;

- Pendant qu'elle danse, le client peut lui toucher aux seins nus ainsi qu'aux fesses par‑dessus la petite culotte;

- Il n'y a ni relations sexuelles, ni fellation, ni masturbation.

- La danseuse caresse le client en frottant son corps contre le sien.

[130] La Cour a rejeté la motion de non‑lieu dans les termes suivants :

"Le législateur n'a pas défini le terme "prostitution". L'on retrouve à la partie VII du Code criminel la définition suivante :

Prostitué (personne de l'un ou l'autre sexe qui se livre à la prostitution).

La jurisprudence n'est pas très abondante sur le sujet; les parties ont soumis les arrêts suivants : R. c. Marceau, R. c. Bedford et R. c. Therrien.

La lecture de cette jurisprudence me convainc que la prostitution ne constitue pas en soi une infraction pénale; elle demeure un sujet de prohibition dans le contexte du proxénétisme. Néanmoins, le législateur n'en propose pas une définition.

Est mal fondée la proposition selon laquelle on ne peut parler de prostitution en l'absence d'une relation sexuelle complète, de fellation et de masturbation. C'est la conclusion à laquelle en arrivent notre Cour d'Appel dans l'arrêt Therrien et celle d'Ontario dans l'arrêt Bedford.

La Cour Suprême a affirmé à propos de la prostitution qu'il s'agit d'une expression d'usage courant que l'on peut définir comme l'offre par une personne de ses services sexuels en échange de paiement par une autre.

Les conclusions des juges de la Cour Suprême dans le renvoi ainsi que celle des juges de la Cour d'Appel d'Ontario sont approuvées par notre Cour d'Appel dans les termes suivants : "la prostitution est le fait d'offrir son corps pour des fins lascives à tout venant contre rémunération".

L'on pourrait trouver de nombreux synonymes à "lasciveté" sans pour autant devoir référer à des actes sexuels spécifiques tels la relation complète, la fellation et la masturbation."

[131] Les conclusions auxquelles j'en arrive dans le cadre juridique d'une motion de non‑lieu reçoivent application dans mon analyse de la preuve au fond puisque ma décision portait exclusivement sur le sens du terme "prostitution" auquel réfère le législateur dans les dispositions pertinentes du Code criminel sur le proxénétisme. Conséquemment, je considère que les gestes décrits pas les témoins J.. M…, V… Le… et J… L… constituent des activités sexuelles rémunérées, donc des actes de prostitution.

[65] Plus récemment, le 15 juin 2010, dans l'arrêt Marceau, la Cour d'appel a de nouveau examiné la question relativement aux danses contacts. Voici ce que le juge Hilton écrit avec l'assentiment du juge Côté :

[6] The ten appellants were tried and convicted of the offence of having been found in a common bawdy‑house without lawful excuse contrary to paragraph 210(2)(b) Cr. C., an offence punishable on summary conviction. The eight female appellants were dancers who offered nude presentations at a bar in Laval known as Lavalois Bar Salon. One of the male appellants was the doorman at the Bar, while the other was a customer in the premises when the appellants were arrested. The evidence was gathered as the result of a police investigation during which several officers who testified before the trial judge observed the activities described below.

[7] For $10, the female appellants offered to perform private nude dances in cubicles to customers. Several of the police officers who participated in the investigation and who testified before the trial judge were so propositioned. The dancers' offers would mention that the customer could touch the dancer anywhere on her body, but that the dancer would go no further.

[8] The police officers could see the activities that took place in the cubicles from tables in the premises where they sat. In all circumstances the customers remained clothed, and the dancers were completely unclothed, except for a g‑string. The police officers observed customers who had accepted the dancers' offers touching or caressing their breasts and buttocks. They also saw dancers rubbing their breasts in the face of customers, as well as sitting on them and engaging in a back and forth movement on their genital area to simulate an act of vaginal penetration. One dancer was seen taking one of her breasts with her hand and bringing it to the mouth of the customer, who simultaneously was caressing the buttocks of the dancer with his right hand for the duration of their time together. Another dancer, with her legs spread apart, straddled a customer while having her breasts and buttocks caressed despite a sign in the cubicle to the effect that "Il est interdit aux danseuses de s'asseoir à cheval sur un client." Another police officer was told, in response to a question he asked a dancer, that while she would not engage in acts of fellatio or intercourse, "sûrement que d'autres filles le font".

[11] At trial in the Municipal Court of Laval, Crown counsel admitted that the acts described above did not constitute "indecency" for the purposes of the prosecution. Rather, Crown counsel characterized the activities as fitting the jurisprudential definition of prostitution.

[16] In their motion for leave to appeal to this Court, the appellants affirmed that "Le débat tant en 1ère instance qu'en Cour supérieure a porté principalement sur la notion de prostitution dans un contexte de « danses à 10,00$ »" in the Lavalois Bar Salon.

[18] Thus, the only issue in this appeal, as it was in the courts below, is whether the jurisprudential definition of prostitution should be modified to take account of the evolutive approach adopted by the Supreme Court of Canada with respect to the concept of indecency in the context of the statutory definition of "common bawdy‑house".

[29] Prior to the recent Supreme Court judgments recalibrating the concept of indecency, but after the Supreme Court's judgment in Tremblay, this Court has adopted the view that it is not necessary for the occurrence of prostitution that the sexual activity involved be characterized as indecent. For example, R. v. Therrien was a case in which there was no sexual contact but the payment of a fee, the amount of which depended on the performance desired. The customer could observe a nude woman performing an erotic spectacle during which she would masturbate, with or without a vibrator, and/or also insert a vibrator in her anus. Arrangements were also available to facilitate the customer masturbating if he chose to do so, albeit at a distance from the dancer.

[30] The Court confirmed a conviction under paragraph 210(1)(b) Cr. C. and held that it did not matter that such conduct was not indecent, since it did amount to prostitution:

[11] Ne peut également être retenue la proposition des appelantes qui soutiennent qu'en plus il devrait être démontré qu'un acte de prostitution est indécent : cela irait à l'encontre de la définition même des deux concepts que sont la prostitution et l'indécence.

[12] Ce qui caractérise essentiellement un acte de prostitution demeure une activité sexuelle rémunérée, qui peut tout autant être commise privément qu'en public; si commise privément, la question de son caractère indécent ne se pose pas, et si publiquement, alors devrait‑il être démontré que l'acte (de prostitution) répond aux trois critères maintenant bien établis pour décider de l'indécence (R. c. Tremblay, 1993 CanLII 115 (CSC), 1993 CanLII 115 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 932). Il n'est pas inhérent à l'acte de prostitution qu'il soit indécent.

[31] In light of the foregoing, and in particular the distinction between prostitution and indecency recognized by the Supreme Court in Tremblay, I am not persuaded that the criteria to establish indecency, as enunciated by the Supreme Court in Labaye and Kouri are of any relevance in determining what constitutes prostitution for the purpose of a prosecution under paragraph 210(2)(b) Cr. C. Whether or not prostitution exists is an objective inquiry, not a subjective one dependent on evolving community standards. The evidence in this case leaves no doubt that the female appellants were engaged in prostitution, as that concept as been interpreted by the courts, by the very nature of the activities in which they engaged, and that the two other appellants were found within the premises without legitimate excuse.

[36] Finally, the nature of the conduct in which the female appellants and their customers engaged were clearly intended to achieve the sexual stimulation of the customers, despite the fact that the customers remained clothed, and irrespective of whether they reached ultimate gratification. A reading of the judgment at trial and the testimony of the police officers who observed the activities in the cubicles leave little doubt in that respect. To characterize those activities as a form of entertainment, even if one were to accept that characterization, makes them no less acts of prostitution. For that matter, intercourse is not a necessary component of prostitution, as Parliament itself has recognized in paragraph 212(1)(b) Cr. C. by distinguishing between "illicit sexual intercourse" and "prostitution".

[66] En conséquence, la Cour est d'avis que les danses contacts telles qu'elles étaient pratiquées au bar Faucon Bleu, alors que la danseuse nue permet au client, moyennant rémunération, de toucher ses seins, ses fesses et tout son corps sauf la région pubienne, constituent des actes de prostitution.

vendredi 9 octobre 2009

Le concept de la maison de débauche nécessite la preuve de la continuité de la fréquence des activités

R. c. Cormier, 1998 CanLII 12751 (QC C.A.)

(...) Cependant, pour démontrer l'existence d'une maison de débauche dans un lieu, il ne suffit pas, selon la jurisprudence, que des actes de débauche occasionnels aient été commis. Il faut établir, à la fois, la fréquence et la continuité de ceux-ci. Ceci ressort notamment des arrêts Patterson c. La Reine, 1967 CanLII 22 (S.C.C.), [1968] R.C.S. 157 et Janoff c. R., 1991 CanLII 3125 (QC C.A.), [1991] R.J.Q. 2427; R. c. Tardif, 1995 CanLII 5290 (QC C.A.), [1991] 97 C.C.C. (3d) 381 (C.A.Q.).

Il ressort particulièrement de l'arrêt Patterson que le concept de maison de débauche exige la démonstration de la continuité de la fréquence des activités. Ces commentaires du juge Spence ont fixé la jurisprudence sur ce point:

«Shroeder J.A. was of the opinion that the words "kept or occupied" and the words "resorted to" as used in s. 168(1)(b)(i) and (ii) connote a frequent or habitual use of the premises for the purpose of prostitution. I am in accord with that view. I have considered all the cases cited and I have noted that there has been evidence, in each case where conviction has resulted, of one of three types,

firstly, there has been actual evidence of the continued and habitual use of the premises for the prostitution as in The King v. Cohen [1938 CanLII 12 (S.C.C.), (1939) S.C.R. 212, 71 C.C.C. 142, 1 D.L.R. 396] and Rex c. Miket [(9138) 2 W., W.R. 459, 70 C.C.C. 202, 53 B.C.R. 37, 3 D.L.R. 710],

secondly, there has been evidence of the reputation in the neighbourhood of the premises as a common bawdy-house, or

thirdly, there has been evidence of such circumstances as to make the inference that the premises were resorted to habitually as a place of prostitution, a proper inference for the court to draw from such evidence.

[...]

It would therefore appear that the element of habitual or frequent use of the place will remain the necessary interpretation of proof despite the amendment of the definition of "common bawdy-house" to add the words "resorted to by one or more persons" and in fact that the word "resorted" itself has been relied upon to support the view that such habitual or frequent use of a place is required (See Rex v. Davidson, supra). So in cases where the Crown has failed to prove a habitual or frequent use of a place for the purposes of prostitution, the conviction has not been upheld.

[...]

I echo the words of Hanrahan P.M., in Rex v. Martin [(1947), 89 C.C.C. 385 at 386], when he said:

It is true convictions have been registered and sustained on appeal on evidence of a single act of prostitution, but always in such cases the surrounding circumstances established the premises has been habitually used for such a purpose and in most cases had acquired such a reputation in the community.

As I have said, there was no evidence in the present case of any reputation in the community and there was no evidence of the use of the premises for prostitution on any occasion than the one which was the subject of this prosecution. There was moreover no evidence upon which the learned magistrate properly could base an inference that the place has been habitually so used.» (opinion du juge Spence, pp. 161-162)

Ainsi, la méthode d'établissement de la continuité ne se limite pas à l'observation constante des lieux ou au défilé d'une parade de témoins ou de clients. Tel qu'il ressort du dernier paragraphe des remarques du juge Spence, la poursuite peut démontrer l'existence d'une maison de débauche soit par la preuve directe de l'utilisation fréquente et continue de l'immeuble à des fins de prostitution, comme par celle de réputation de l'établissement ou enfin par des inférences tirées de l'ensemble de la preuve.

Par ailleurs, les objets saisis sur les lieux contribuent à établir la nature réelle du salon. On a, par exemple, saisi des condoms neufs ou usagés. De plus, le type de costume porté par les masseuses, comme les expectatives des quelques clients qui ont témoigné, ajoutent de même à la preuve de l'existence d'une maison de débauche. L'examen corrélatif de tous ces éléments permet de dégager des inférences de fait convaincantes quant à ces éléments-clés de l'infraction que sont la fréquence et la continuité des actes de débauche.

Se pose ensuite le problème de l'interprétation du concept de tenancière d'une maison de débauche et de la qualification juridique du rôle de l'appelante, qui soutient que son seul rôle fonctionnel de réceptionniste ne permettait pas de la qualifier de tenancière de la maison de débauche. Elle s'appuie à cet égard sur l'arrêt de la Cour suprême dans R. c. Corbeil, 1991 CanLII 96 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 830, pp. 830 à 834. Selon l'opinion du juge en chef Lamer, à laquelle s'est ralliée la majorité de la Cour, l'infraction de tenue d'une maison de débauche suppose un certain degré de contrôle sur le soin et l'administration des lieux et une forme de participation aux activités illicites.

La poursuite n'a pas démontré que l'appelante ait été la propriétaire ou la locataire des lieux. La preuve établit plutôt qu'elle agissait comme salariée pour le compte de personnes inconnues. Toutefois, elle assurait la gestion quotidienne de la maison. En effet, elle ouvrait et fermait les lieux, elle recevait les téléphones et envoyait les clients aux masseuses. Enfin, elle s'occupait de percevoir les sommes dues aux bénéficiaires inconnus de l'établissement. Dans l'ensemble, elle exerçait ainsi le degré de contrôle requis par la jurisprudence sur les activités qui se déroulaient au salon. De plus, connaissant la nature des activités qui se passaient dans cet établissement, elle contribuait illicitement à les favoriser par son travail même. Si elle n'avait pu être considérée comme tenancière au sens strict, à tout le moins l'article 21 C.cr. permettrait de retenir sa culpabilité. La poursuite a cependant présenté une preuve suffisante pour qualifier le rôle de l'appelante comme celui de tenancière sans qu'il soit indispensable d'invoquer le secours de l'article 21 C.cr.

samedi 19 septembre 2009

Indécence de la conduite au sens du droit criminel - Test fondé sur le préjudice

R. c. Kouri, 2005 CSC 81 (CanLII)

9 Comme il est expliqué plus en détail dans l’arrêt connexe Labaye, le droit canadien ne réduit pas l’indécence à ce qu’un juge estime moralement corrompu. Le droit relatif à l’indécence a évolué vers un critère objectif fondé sur la norme de tolérance de la société qui, à son tour, dépend maintenant du risque de préjudice engendré par les activités contestées. Les sanctions pénales doivent servir à ce que seuls puissent être déclarés obscènes ou indécents le matériel ou les actes qui créent un risque appréciable de préjudice incompatible avec le bon fonctionnement de la société.

10 Les présents pourvois exigent que nous précisions la structure de l’examen à effectuer pour conclure à l’indécence criminelle. Compte tenu des principes directeurs dégagés dans l’arrêt R. c. Butler, 1992 CanLII 124 (C.S.C.), [1992] 1 R.C.S. 452, cette analyse devrait être effectuée en deux étapes. La conduite criminelle indécente sera établie si le ministère public prouve, hors de tout doute raisonnable, les deux éléments suivants :

1. De par sa nature, la conduite en litige cause ou présente un risque appréciable que soit causé, à des personnes ou à la société, un préjudice qui porte atteinte ou menace de porter atteinte à une valeur exprimée et donc reconnue officiellement dans la Constitution ou une autre loi fondamentale semblable, notamment :

a) en exposant les membres du public à une conduite qui entrave de façon appréciable leur autonomie et leur liberté;

b) en prédisposant autrui à adopter un comportement antisocial;

c) en causant un préjudice physique ou psychologique aux personnes qui participent aux activités.

2. Le préjudice ou le risque de préjudice atteint un degré tel qu’il est incompatible avec le bon fonctionnement de la société.

12 Comme il est expliqué plus en détail dans l’arrêt connexe Labaye, le préjudice que l’infraction d’indécence cherche avant tout à prévenir est l’entrave à l’autonomie et à la liberté des membres du public qui seraient exposés involontairement à la conduite litigieuse. Le risque qu’un tel préjudice survienne dépend de la mesure dans laquelle des personnes ont été involontairement spectateurs de cette conduite. Le lieu où les actes ont été accomplis, la manière dont ils ont été accomplis et la composition de l’auditoire sont des facteurs pertinents à prendre en compte : R. c. Tremblay, 1993 CanLII 115 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 932.

15 Il s’agit donc à cette étape de se demander si la preuve établit l’existence d’un risque appréciable d’atteinte à l’autonomie et à la liberté des membres du public. Cet exercice nécessite une appréciation contextuelle du risque de préjudice pour les personnes susceptibles d’être exposées involontairement à cette conduite. Les mécanismes de contrôle destinés à avertir les gens et à s’assurer que leur entrée dans les lieux procède d’un choix éclairé sont essentiels pour cette appréciation. Il s’agit de savoir si ces mécanismes limitaient adéquatement l’accès au lieu aux personnes informées de la nature de l’endroit et disposées à voir les activités qui s’y déroulaient ou à y participer. Pour prouver que des actes sont indécents, le ministère public doit établir hors de tout doute raisonnable que les mécanismes de contrôle étaient insuffisants pour prévenir les risques d’exposition involontaire. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la preuve soumise en l’espèce ne satisfait pas à la norme de preuve requise en matière pénale.

17 À l’instar des juges majoritaires de la Cour d’appel, je suis convaincue que les mesures de contrôle appliquées à la porte, situées dans leur contexte, étaient assez claires et suffisantes. Seuls les couples étaient admis. La politique du club exigeait du portier qu’il demande à chaque couple s’il était « un couple libéré ». L’extérieur de l’établissement était placardé de grandes affiches montrant des danseurs partiellement dévêtus. Tout cela indiquait bien que l’on pouvait s’attendre à ce que des activités sexuellement explicites se déroulent à l’intérieur.

18 Le ministère public plaide l’absence d’avertissement précis quant à la nature et à l’étendue réelles des activités qui se déroulaient sur la piste de danse. Il est vrai qu’il n’y avait aucun avertissement exprès. Aucune affiche ne proclamait : « Attention, des activités sexuelles peuvent se dérouler à l’intérieur » et le portier ne faisait aucune mise en garde de la sorte. Il est cependant difficile de concevoir qu’un couple, après être passé devant les descriptions sexuellement explicites ornant les murs extérieurs des bâtiments et avoir répondu par l’affirmative à la question de savoir s’il était « un couple libéré », puisse ne pas comprendre qu’il entrait dans un endroit où il était possible que des activités sexuelles aient lieu.

22 Quant au deuxième type de préjudice, rien ne prouve qu’une personne ou un groupe ait subi un traitement dégradant, abusif ou humiliant qui aurait favorisé des attitudes antisociales. Comme dans l’affaire connexe Labaye, personne n’a été contraint de se livrer à des activités sexuelles, n’a été payé pour s’y livrer, ni n’a été traité comme un simple objet servant à la gratification sexuelle des autres. Compte tenu des faits de l’espèce, l’aspect commercial de l’entreprise de l’intimé n’est guère pertinent relativement à ce type de préjudice. Les frais d’entrée n’étaient pas acquittés par certaines personnes en vue d’obtenir des faveurs sexuelles d’autres personnes. Ils permettaient simplement à tous les clients d’accéder au bar et de participer d’égal à égal aux activités s’y déroulant. Comme tel, le paiement des frais d’entrée peut déprécier la valeur morale accordée aux activités en cause, mais ce fait n’est pas utile lorsqu’il s’agit de déterminer en quoi ces activités peuvent générer un préjudice consistant à encourager une attitude qui favorise des comportements antisociaux.

23 Enfin, rien n’indique que les participants aient subi un préjudice physique ou psychologique. De nouveau, il semble que la seule source de préoccupation à cet égard soit le risque que la participation à ces activités sans protection adéquate présente pour la santé. Or, comme il est expliqué dans Labaye, ce type de risque n’a pas de lien conceptuel ni causal avec l’indécence et ne saurait étayer de façon indépendante une conclusion d’indécence criminelle

samedi 29 août 2009

Éléments constitutifs de l'infraction relativement à la tenue d'une maison de débauche

R. c. Corbeil, [1991] 1 R.C.S. 830

Une personne qui répond à la définition de "tenancier" contenue au par. 197(1) du Code ne "tient" pas nécessairement une maison de débauche aux fins du par. 210(1). Pour que s'applique l'infraction de tenue d'une maison de débauche, deux éléments doivent exister:

(1) l'accusé doit avoir un certain degré de contrôle sur le soin et l'administration des lieux et

(2) l'accusé doit participer dans une certaine mesure aux activités "illicites" qui ont cours dans la maison de débauche.

L'élément de participation n'exige pas une participation personnelle aux actes de nature sexuelle qui ont lieu dans la maison de débauche; il suffit que l'accusé participe à l'utilisation de la maison comme maison de débauche. En l'espèce, on ne retrouve pas l'élément de "soin et d'administration" des lieux.

jeudi 29 janvier 2009

Acte de prostitution

R. c. St-Onge, 2001 CanLII 20173 (QC C.A.)
Lien vers la décision
R. c. Therrien, 2001 CanLII 19789 (QC C.A.)
Lien vers la décision

Résumé des faits
Le commerce impliqué publiait dans les journaux des annonces qui se lisent comme suit:«Pussycorps Enrg. – Viens réaliser tes fantasmes les plus secrets plus osés, avec une jolie demoiselle en privé.

Le client est ensuite informé soit par téléphone ou à la réception que moyennant un coût de 40,00$, une jeune fille de son choix exécuterait devant lui, dans une pièce privée de son choix, un spectacle érotique d'une durée de 20 minutes durant lequel la danseuse se masturberait et qu'il pourrait en faire autant mais sans toucher à la jeune fille.

Analyse
La prostitution ne constitue pas en soi une infraction pénale. Elle demeure un sujet de prohibition dans le contexte de la sollicitation, de la maison de débauche et du proxénétisme. Néanmoins, le législateur n'en propose pas une définition.

Par ailleurs, comme la Cour suprême du Canada l'a affirmé dans le Renvoi Relatif au Code criminel (Man.), 1990 CanLII 105 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 1123, il s'agit d'une expression d'usage courant que l'on peut définir comme l'offre par une personne de ses services sexuels en échange de paiement par une autre

La Cour Suprême a repris à son compte la définition proposée par la Cour suprême dans le Renvoi précité, en affirmant que «la prostitution est le fait d'offrir son corps pour des fins lascives, à tout venant, contre rémunération».

Ce qui caractérise essentiellement un acte de prostitution demeure une activité sexuelle rémunérée, qui peut tout autant être commise privément qu'en public; si commise privément, la question de son caractère indécent ne se pose pas, et si publiquement, alors devrait-il être démontré que l'acte (de prostitution) répond aux de l'indécence. Il n'est pas inhérent à l'acte de prostitution qu'il soit indécent.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le juge a une discrétion afin de permettre l'usage de questions suggestives lors de l'interrogatoire en chef

R. v. Muise, 2013 NSCA 81 Lien vers la décision [ 23 ]                                               The law on the use of leading questions...