District of Maple Ridge v. Meyer, 2000 BCSC 902 (CanLII)
[49] The law concerning the appearance of top-free females in public places has been recently considered and defined. The mere act of public nudity is not an offense. [R. v. Jacob 1996 CanLII 1119 (ON C.A.), (1996), 112 C.C.C. (3d) 1 (Ont.C.A.)]
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vendredi 26 août 2011
samedi 19 septembre 2009
Indécence de la conduite au sens du droit criminel - Test fondé sur le préjudice
R. c. Kouri, 2005 CSC 81 (CanLII)
9 Comme il est expliqué plus en détail dans l’arrêt connexe Labaye, le droit canadien ne réduit pas l’indécence à ce qu’un juge estime moralement corrompu. Le droit relatif à l’indécence a évolué vers un critère objectif fondé sur la norme de tolérance de la société qui, à son tour, dépend maintenant du risque de préjudice engendré par les activités contestées. Les sanctions pénales doivent servir à ce que seuls puissent être déclarés obscènes ou indécents le matériel ou les actes qui créent un risque appréciable de préjudice incompatible avec le bon fonctionnement de la société.
10 Les présents pourvois exigent que nous précisions la structure de l’examen à effectuer pour conclure à l’indécence criminelle. Compte tenu des principes directeurs dégagés dans l’arrêt R. c. Butler, 1992 CanLII 124 (C.S.C.), [1992] 1 R.C.S. 452, cette analyse devrait être effectuée en deux étapes. La conduite criminelle indécente sera établie si le ministère public prouve, hors de tout doute raisonnable, les deux éléments suivants :
1. De par sa nature, la conduite en litige cause ou présente un risque appréciable que soit causé, à des personnes ou à la société, un préjudice qui porte atteinte ou menace de porter atteinte à une valeur exprimée et donc reconnue officiellement dans la Constitution ou une autre loi fondamentale semblable, notamment :
a) en exposant les membres du public à une conduite qui entrave de façon appréciable leur autonomie et leur liberté;
b) en prédisposant autrui à adopter un comportement antisocial;
c) en causant un préjudice physique ou psychologique aux personnes qui participent aux activités.
2. Le préjudice ou le risque de préjudice atteint un degré tel qu’il est incompatible avec le bon fonctionnement de la société.
12 Comme il est expliqué plus en détail dans l’arrêt connexe Labaye, le préjudice que l’infraction d’indécence cherche avant tout à prévenir est l’entrave à l’autonomie et à la liberté des membres du public qui seraient exposés involontairement à la conduite litigieuse. Le risque qu’un tel préjudice survienne dépend de la mesure dans laquelle des personnes ont été involontairement spectateurs de cette conduite. Le lieu où les actes ont été accomplis, la manière dont ils ont été accomplis et la composition de l’auditoire sont des facteurs pertinents à prendre en compte : R. c. Tremblay, 1993 CanLII 115 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 932.
15 Il s’agit donc à cette étape de se demander si la preuve établit l’existence d’un risque appréciable d’atteinte à l’autonomie et à la liberté des membres du public. Cet exercice nécessite une appréciation contextuelle du risque de préjudice pour les personnes susceptibles d’être exposées involontairement à cette conduite. Les mécanismes de contrôle destinés à avertir les gens et à s’assurer que leur entrée dans les lieux procède d’un choix éclairé sont essentiels pour cette appréciation. Il s’agit de savoir si ces mécanismes limitaient adéquatement l’accès au lieu aux personnes informées de la nature de l’endroit et disposées à voir les activités qui s’y déroulaient ou à y participer. Pour prouver que des actes sont indécents, le ministère public doit établir hors de tout doute raisonnable que les mécanismes de contrôle étaient insuffisants pour prévenir les risques d’exposition involontaire. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la preuve soumise en l’espèce ne satisfait pas à la norme de preuve requise en matière pénale.
17 À l’instar des juges majoritaires de la Cour d’appel, je suis convaincue que les mesures de contrôle appliquées à la porte, situées dans leur contexte, étaient assez claires et suffisantes. Seuls les couples étaient admis. La politique du club exigeait du portier qu’il demande à chaque couple s’il était « un couple libéré ». L’extérieur de l’établissement était placardé de grandes affiches montrant des danseurs partiellement dévêtus. Tout cela indiquait bien que l’on pouvait s’attendre à ce que des activités sexuellement explicites se déroulent à l’intérieur.
18 Le ministère public plaide l’absence d’avertissement précis quant à la nature et à l’étendue réelles des activités qui se déroulaient sur la piste de danse. Il est vrai qu’il n’y avait aucun avertissement exprès. Aucune affiche ne proclamait : « Attention, des activités sexuelles peuvent se dérouler à l’intérieur » et le portier ne faisait aucune mise en garde de la sorte. Il est cependant difficile de concevoir qu’un couple, après être passé devant les descriptions sexuellement explicites ornant les murs extérieurs des bâtiments et avoir répondu par l’affirmative à la question de savoir s’il était « un couple libéré », puisse ne pas comprendre qu’il entrait dans un endroit où il était possible que des activités sexuelles aient lieu.
22 Quant au deuxième type de préjudice, rien ne prouve qu’une personne ou un groupe ait subi un traitement dégradant, abusif ou humiliant qui aurait favorisé des attitudes antisociales. Comme dans l’affaire connexe Labaye, personne n’a été contraint de se livrer à des activités sexuelles, n’a été payé pour s’y livrer, ni n’a été traité comme un simple objet servant à la gratification sexuelle des autres. Compte tenu des faits de l’espèce, l’aspect commercial de l’entreprise de l’intimé n’est guère pertinent relativement à ce type de préjudice. Les frais d’entrée n’étaient pas acquittés par certaines personnes en vue d’obtenir des faveurs sexuelles d’autres personnes. Ils permettaient simplement à tous les clients d’accéder au bar et de participer d’égal à égal aux activités s’y déroulant. Comme tel, le paiement des frais d’entrée peut déprécier la valeur morale accordée aux activités en cause, mais ce fait n’est pas utile lorsqu’il s’agit de déterminer en quoi ces activités peuvent générer un préjudice consistant à encourager une attitude qui favorise des comportements antisociaux.
23 Enfin, rien n’indique que les participants aient subi un préjudice physique ou psychologique. De nouveau, il semble que la seule source de préoccupation à cet égard soit le risque que la participation à ces activités sans protection adéquate présente pour la santé. Or, comme il est expliqué dans Labaye, ce type de risque n’a pas de lien conceptuel ni causal avec l’indécence et ne saurait étayer de façon indépendante une conclusion d’indécence criminelle
9 Comme il est expliqué plus en détail dans l’arrêt connexe Labaye, le droit canadien ne réduit pas l’indécence à ce qu’un juge estime moralement corrompu. Le droit relatif à l’indécence a évolué vers un critère objectif fondé sur la norme de tolérance de la société qui, à son tour, dépend maintenant du risque de préjudice engendré par les activités contestées. Les sanctions pénales doivent servir à ce que seuls puissent être déclarés obscènes ou indécents le matériel ou les actes qui créent un risque appréciable de préjudice incompatible avec le bon fonctionnement de la société.
10 Les présents pourvois exigent que nous précisions la structure de l’examen à effectuer pour conclure à l’indécence criminelle. Compte tenu des principes directeurs dégagés dans l’arrêt R. c. Butler, 1992 CanLII 124 (C.S.C.), [1992] 1 R.C.S. 452, cette analyse devrait être effectuée en deux étapes. La conduite criminelle indécente sera établie si le ministère public prouve, hors de tout doute raisonnable, les deux éléments suivants :
1. De par sa nature, la conduite en litige cause ou présente un risque appréciable que soit causé, à des personnes ou à la société, un préjudice qui porte atteinte ou menace de porter atteinte à une valeur exprimée et donc reconnue officiellement dans la Constitution ou une autre loi fondamentale semblable, notamment :
a) en exposant les membres du public à une conduite qui entrave de façon appréciable leur autonomie et leur liberté;
b) en prédisposant autrui à adopter un comportement antisocial;
c) en causant un préjudice physique ou psychologique aux personnes qui participent aux activités.
2. Le préjudice ou le risque de préjudice atteint un degré tel qu’il est incompatible avec le bon fonctionnement de la société.
12 Comme il est expliqué plus en détail dans l’arrêt connexe Labaye, le préjudice que l’infraction d’indécence cherche avant tout à prévenir est l’entrave à l’autonomie et à la liberté des membres du public qui seraient exposés involontairement à la conduite litigieuse. Le risque qu’un tel préjudice survienne dépend de la mesure dans laquelle des personnes ont été involontairement spectateurs de cette conduite. Le lieu où les actes ont été accomplis, la manière dont ils ont été accomplis et la composition de l’auditoire sont des facteurs pertinents à prendre en compte : R. c. Tremblay, 1993 CanLII 115 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 932.
15 Il s’agit donc à cette étape de se demander si la preuve établit l’existence d’un risque appréciable d’atteinte à l’autonomie et à la liberté des membres du public. Cet exercice nécessite une appréciation contextuelle du risque de préjudice pour les personnes susceptibles d’être exposées involontairement à cette conduite. Les mécanismes de contrôle destinés à avertir les gens et à s’assurer que leur entrée dans les lieux procède d’un choix éclairé sont essentiels pour cette appréciation. Il s’agit de savoir si ces mécanismes limitaient adéquatement l’accès au lieu aux personnes informées de la nature de l’endroit et disposées à voir les activités qui s’y déroulaient ou à y participer. Pour prouver que des actes sont indécents, le ministère public doit établir hors de tout doute raisonnable que les mécanismes de contrôle étaient insuffisants pour prévenir les risques d’exposition involontaire. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la preuve soumise en l’espèce ne satisfait pas à la norme de preuve requise en matière pénale.
17 À l’instar des juges majoritaires de la Cour d’appel, je suis convaincue que les mesures de contrôle appliquées à la porte, situées dans leur contexte, étaient assez claires et suffisantes. Seuls les couples étaient admis. La politique du club exigeait du portier qu’il demande à chaque couple s’il était « un couple libéré ». L’extérieur de l’établissement était placardé de grandes affiches montrant des danseurs partiellement dévêtus. Tout cela indiquait bien que l’on pouvait s’attendre à ce que des activités sexuellement explicites se déroulent à l’intérieur.
18 Le ministère public plaide l’absence d’avertissement précis quant à la nature et à l’étendue réelles des activités qui se déroulaient sur la piste de danse. Il est vrai qu’il n’y avait aucun avertissement exprès. Aucune affiche ne proclamait : « Attention, des activités sexuelles peuvent se dérouler à l’intérieur » et le portier ne faisait aucune mise en garde de la sorte. Il est cependant difficile de concevoir qu’un couple, après être passé devant les descriptions sexuellement explicites ornant les murs extérieurs des bâtiments et avoir répondu par l’affirmative à la question de savoir s’il était « un couple libéré », puisse ne pas comprendre qu’il entrait dans un endroit où il était possible que des activités sexuelles aient lieu.
22 Quant au deuxième type de préjudice, rien ne prouve qu’une personne ou un groupe ait subi un traitement dégradant, abusif ou humiliant qui aurait favorisé des attitudes antisociales. Comme dans l’affaire connexe Labaye, personne n’a été contraint de se livrer à des activités sexuelles, n’a été payé pour s’y livrer, ni n’a été traité comme un simple objet servant à la gratification sexuelle des autres. Compte tenu des faits de l’espèce, l’aspect commercial de l’entreprise de l’intimé n’est guère pertinent relativement à ce type de préjudice. Les frais d’entrée n’étaient pas acquittés par certaines personnes en vue d’obtenir des faveurs sexuelles d’autres personnes. Ils permettaient simplement à tous les clients d’accéder au bar et de participer d’égal à égal aux activités s’y déroulant. Comme tel, le paiement des frais d’entrée peut déprécier la valeur morale accordée aux activités en cause, mais ce fait n’est pas utile lorsqu’il s’agit de déterminer en quoi ces activités peuvent générer un préjudice consistant à encourager une attitude qui favorise des comportements antisociaux.
23 Enfin, rien n’indique que les participants aient subi un préjudice physique ou psychologique. De nouveau, il semble que la seule source de préoccupation à cet égard soit le risque que la participation à ces activités sans protection adéquate présente pour la santé. Or, comme il est expliqué dans Labaye, ce type de risque n’a pas de lien conceptuel ni causal avec l’indécence et ne saurait étayer de façon indépendante une conclusion d’indécence criminelle
vendredi 28 août 2009
La nudité en soi n'est pas indécente
R. c. Riendeau, 2000 CanLII 21527 (QC C.M.)
La poursuite doit donc prouver que l'accusée a volontairement c'est-à-dire de propos délibéré (wilfully) posé un acte indécent, et que cet acte indécent a eu lieu dans :
a) un endroit public et en présence d'une ou plusieurs personnes, ou
b) un endroit quelconque mais dans l'intention d'insulter ou d'offenser quelqu'un.
Pour commettre le crime décrit à l'article 173 (1) (a) du Code criminel l'action indécente doit être volontaire et délibérée. Dans l'arrêt O'Shaughnessy le juge Wurtele dit ceci
« The offence is, having committed and indecent act wilfully and not having committed it unlawfully.
Wilfully means not merely to commit an act voluntarily but to commit it purposely with an evil intention, or in other words it means to do so deliberately, intentionally and corruptly and without any justifiable excuse. In conjunction with an offence such as that mentioned in sec. 177 of the Criminal Code, the qualification of "wilfully" indicates that the act committed must have been done wantonly, which is to wander from moral rectitude and to do an act licentiously and dissolutely, unrestrained by law and morality, intentionally and without excuse. The word "wilful" is not the synonym of the word "unlawful". »
Ces propos portent à croire que cette offense requiert une intention spécifique par opposition à une intention générale.
Cette distinction entre ces deux types d'intentions a également été reprise par M. le juge Ewaschuk dans l'arrêt Barron de la Cour suprême de l'Ontario :
« Intention may be general or specific. Where general, the appropriate intention will be attributed to the accused as long as the act in question is voluntary and non-accidental.
[...]
Where a specific intention is required, the accused must generally then intend to bring about a particular result, e.g., by s. 302 (c) of the Criminal Code, assaulting a person with intent to steal from him. In other words, the accused must assault the person for the purpose of stealing from that person. But why the accused wants or needs the money or item stolen is his motive. That purpose is not relevant to guilt. »
La poursuite, d'autre part, doit également prouver que l'accusée a commis une action indécente. Aucune définition ne nous est donnée au Code criminel, nous devons faire appel à la jurisprudence pour déterminer ce qui est indécent.
Le juge Jean-Guy Boilard dans l'arrêt Pelletier formule la définition suivante de l'action indécente :
« ... l'indécence vise le comportement sexuel ou sa représentation qui n'est ni obscène ou immorale mais inapproprié selon les normes canadiennes de tolérance à cause du contexte où il survient. En d'autres termes, l'indécence ne provient pas du comportement lui-même mais plutôt des circonstances où il se produit. »
La Cour suprême dans l'arrêt Tremblay s'est également penchée sur la définition de l'acte indécent et elle dit à ce sujet :
« Pour déterminer si un acte est indécent, il faut tenir compte du contexte dans lequel il intervient, car un acte, n'est jamais accompli dans le vide absolu. La norme de tolérance est celle de l'ensemble de la société. Toutefois, ce que la société peut tolérer variera en fonction du lieu où l'acte se produit et de la composition de l'auditoire. »
Les arrêts Mara et Jacob stipulent que tout acte indécent réfère à un contexte, un élément sexuel et un comportement sexuel.
La nudité en soi n'est pas indécente tel que le rappelait M. le juge Hutcheon dans l'arrêt Bennet rendu par la Cour suprême du Canada où il disait :
« In the case of R. v. Beaupre (1971), 7 C.C.C. (2d) 320, Gould, J., held that the mere state of nudity on a public beach was not sufficient, in law, to constitute the offence of doing an indecent act, and at pp. 321-2 he said :
"On examining these two sections, one might fairly conclude that the Parliament of Canada was of the view that being nude in a public place was not an indecent act. Were the view of Parliament otherwise, it would not have been necessary to enact s. 159 (l74(1)a)...
It is clear from s. 159. I think, that the Code clearly has dealt with nudity in a public place, and that the phrase "indecent act" connotes something more active, with greater moral turpitude than the mere state of being nude in a public place."
Depending upon the manner in which it is done and the circumstances of place, time and setting. I am of the view that the act of removing all clothing and standing naked is capable of constituting an indecent act contrary to s. 169, that is to say an act that could be said to be in extremely bad taste. Whether the conduct in a particular case is or is not indecent is a matter for the learned Judge who hears the evidence. »
La nudité n'est pas non plus immorale voir à cet effet l'arrêt Johnson de la Cour suprême du Canada.
Le contexte et l'endroit où survient la nudité doivent être considérés pour décider si elle est indécente. Ainsi traverser, nu, un terrain de football, en courant (streaking) n'est pas une action indécente. M. le juge McIntyre dans l'arrêt Springer s'exprimait ainsi à la page 50 :
« I am of the view that in ordre for an act to be indecent there must be moral turpitude in some degree and, generally speaking. I am. satisfied that there is no sexual deviation or exploitation in "streaking". A great majority of people view the phenomenon with amused tolerance and the circumstances of media coverage of the phenomenon of streaking has made it into a sport and a ritual.
The actions of Mr. Springer in this case had none of the connotations associated with indecency, obscenity or immorality and I hold that Mr. Springer did not commit an indecent act and accordingly I allow his appeal against conviction. »
Des propos semblables ont aussi été tenus par le Juge en chef Stuard dans l'arrêt Hecker :
« Public nudity by itself is not an indecent act. To be an offence under s. 169, the unclad person must act in a base or shameful manner : see R. v. Niman (1975), 31 C.R.N.S. 51. Indecent act denotes something more active with greater moral turpitude than the mere state of being nude in a public place : see R. v. Beaupre (1972), 7 C.C.C. (2d) 320.
In each case the act must be assessed in all of the circumstances, and weighed against the general community standard. The quality of indecency is not absolute, it is relative. Relative to the particular taste of the immediate community and to the evolving mores of a society. Unanimity rarely characterizes the public perception of obscenity, nudity or sexual behaviour. The differences in public opinion concerning the parameters of decent behaviour are naturally prevalent among Judges. Thus similar acts may be found by different Courts to have a different legal character. Streaking in Saskatchewan at a Regina family football club night is a phenomenon accepted by the public with amused tolerance : see R. v. Springer (1975) 24 C.C.C. (2d) 56, 31 C.R.N.S. 48, (1975) W.W.D. 86. The Court considered streaking and mooning as similar conduct. Not so in Ontario.
Although an absolute discharge was granted, streaking in Ontario in the view of Judge Swabey, in R. v. Niman, supra, was found to be an indecent act. »
Dans ce dernier cas l'accusé fut acquitté d'avoir momentanément baissé son pantalon en public (mooning).
On ne peut donc conclure que la seule nudité partielle ou totale d'une personne dans un endroit public puisse être indécente même si elle est observée par d'autres personnes. Il faut également constater que la notion d'indécence a bien évolué depuis les 5 dernières décennies. Un bref examen de la mode et des tenues de plage, à titre d'illustration, nous le démontre très bien. Il faut se souvenir qu'une action ne devient indécente que si elle excède la norme de tolérance de la communauté et comme l'indique la jurisprudence ces normes évoluent avec les époques.
L'arrêt récent de la Cour d'appel de l'Ontario survenu en 1996 dans l'affaire Jacob en est un autre exemple.
La Cour d'appel dans cette affaire a statué qu'une femme qui déambule sur la rue les seins nus sans provocation, et sans comportement sexuel n'avait pas commis d'action indécente et elle fut acquittée. La Cour d'appel a décidé dans cette affaire qu'avant d'appliquer le test de la norme de tolérance de la communauté le juge du procès doit déterminer si l'acte commis par l'accusée a été fait dans un contexte sexuel. Monsieur le juge Weiler dans cet arrêt nous dit ceci à la page 2 du jugement et je cite :
« Not all conduct which is beyond the community standard of tolerance is indecent. A sexual context is required for the standard to be applied. If the context of the conduct is ignored and regard is had only to community standards. There is a danger of a majority deciding what values are important and coercing minorities to conform to those values on the basis of avoiding perceived harm to society from non-conformity. If resort is had only to the community standard of tolerance test without there being a context-based prerequisite, then it is possible that discrimination arising form social stereotyping will be legitimized. In so far as community standards of tolerance are to be applied under s. 173(1)(a) of the Code, then an essential element is that the context of the conduct must first be sexual. In determining whether the accused's conduct had a sexual context, the question was, would a reasonable bystander, fully apprised of all the circumstances, have considered that the accused's act was sexual in the sense that she was exposing her breasts for the sexual gratification of herself or someone else ? In the circumstances of this case, the answer to that question would be "no". Accordingly, the accused's conduct lacked the sexual context for being an indecent act within the meaning of s. 173(1) (a). The trial judge erred in that he did not determine whether the accused's act had a sexual context before applying the community standard of tolerance test. »
La poursuite doit donc prouver que l'accusée a volontairement c'est-à-dire de propos délibéré (wilfully) posé un acte indécent, et que cet acte indécent a eu lieu dans :
a) un endroit public et en présence d'une ou plusieurs personnes, ou
b) un endroit quelconque mais dans l'intention d'insulter ou d'offenser quelqu'un.
Pour commettre le crime décrit à l'article 173 (1) (a) du Code criminel l'action indécente doit être volontaire et délibérée. Dans l'arrêt O'Shaughnessy le juge Wurtele dit ceci
« The offence is, having committed and indecent act wilfully and not having committed it unlawfully.
Wilfully means not merely to commit an act voluntarily but to commit it purposely with an evil intention, or in other words it means to do so deliberately, intentionally and corruptly and without any justifiable excuse. In conjunction with an offence such as that mentioned in sec. 177 of the Criminal Code, the qualification of "wilfully" indicates that the act committed must have been done wantonly, which is to wander from moral rectitude and to do an act licentiously and dissolutely, unrestrained by law and morality, intentionally and without excuse. The word "wilful" is not the synonym of the word "unlawful". »
Ces propos portent à croire que cette offense requiert une intention spécifique par opposition à une intention générale.
Cette distinction entre ces deux types d'intentions a également été reprise par M. le juge Ewaschuk dans l'arrêt Barron de la Cour suprême de l'Ontario :
« Intention may be general or specific. Where general, the appropriate intention will be attributed to the accused as long as the act in question is voluntary and non-accidental.
[...]
Where a specific intention is required, the accused must generally then intend to bring about a particular result, e.g., by s. 302 (c) of the Criminal Code, assaulting a person with intent to steal from him. In other words, the accused must assault the person for the purpose of stealing from that person. But why the accused wants or needs the money or item stolen is his motive. That purpose is not relevant to guilt. »
La poursuite, d'autre part, doit également prouver que l'accusée a commis une action indécente. Aucune définition ne nous est donnée au Code criminel, nous devons faire appel à la jurisprudence pour déterminer ce qui est indécent.
Le juge Jean-Guy Boilard dans l'arrêt Pelletier formule la définition suivante de l'action indécente :
« ... l'indécence vise le comportement sexuel ou sa représentation qui n'est ni obscène ou immorale mais inapproprié selon les normes canadiennes de tolérance à cause du contexte où il survient. En d'autres termes, l'indécence ne provient pas du comportement lui-même mais plutôt des circonstances où il se produit. »
La Cour suprême dans l'arrêt Tremblay s'est également penchée sur la définition de l'acte indécent et elle dit à ce sujet :
« Pour déterminer si un acte est indécent, il faut tenir compte du contexte dans lequel il intervient, car un acte, n'est jamais accompli dans le vide absolu. La norme de tolérance est celle de l'ensemble de la société. Toutefois, ce que la société peut tolérer variera en fonction du lieu où l'acte se produit et de la composition de l'auditoire. »
Les arrêts Mara et Jacob stipulent que tout acte indécent réfère à un contexte, un élément sexuel et un comportement sexuel.
La nudité en soi n'est pas indécente tel que le rappelait M. le juge Hutcheon dans l'arrêt Bennet rendu par la Cour suprême du Canada où il disait :
« In the case of R. v. Beaupre (1971), 7 C.C.C. (2d) 320, Gould, J., held that the mere state of nudity on a public beach was not sufficient, in law, to constitute the offence of doing an indecent act, and at pp. 321-2 he said :
"On examining these two sections, one might fairly conclude that the Parliament of Canada was of the view that being nude in a public place was not an indecent act. Were the view of Parliament otherwise, it would not have been necessary to enact s. 159 (l74(1)a)...
It is clear from s. 159. I think, that the Code clearly has dealt with nudity in a public place, and that the phrase "indecent act" connotes something more active, with greater moral turpitude than the mere state of being nude in a public place."
Depending upon the manner in which it is done and the circumstances of place, time and setting. I am of the view that the act of removing all clothing and standing naked is capable of constituting an indecent act contrary to s. 169, that is to say an act that could be said to be in extremely bad taste. Whether the conduct in a particular case is or is not indecent is a matter for the learned Judge who hears the evidence. »
La nudité n'est pas non plus immorale voir à cet effet l'arrêt Johnson de la Cour suprême du Canada.
Le contexte et l'endroit où survient la nudité doivent être considérés pour décider si elle est indécente. Ainsi traverser, nu, un terrain de football, en courant (streaking) n'est pas une action indécente. M. le juge McIntyre dans l'arrêt Springer s'exprimait ainsi à la page 50 :
« I am of the view that in ordre for an act to be indecent there must be moral turpitude in some degree and, generally speaking. I am. satisfied that there is no sexual deviation or exploitation in "streaking". A great majority of people view the phenomenon with amused tolerance and the circumstances of media coverage of the phenomenon of streaking has made it into a sport and a ritual.
The actions of Mr. Springer in this case had none of the connotations associated with indecency, obscenity or immorality and I hold that Mr. Springer did not commit an indecent act and accordingly I allow his appeal against conviction. »
Des propos semblables ont aussi été tenus par le Juge en chef Stuard dans l'arrêt Hecker :
« Public nudity by itself is not an indecent act. To be an offence under s. 169, the unclad person must act in a base or shameful manner : see R. v. Niman (1975), 31 C.R.N.S. 51. Indecent act denotes something more active with greater moral turpitude than the mere state of being nude in a public place : see R. v. Beaupre (1972), 7 C.C.C. (2d) 320.
In each case the act must be assessed in all of the circumstances, and weighed against the general community standard. The quality of indecency is not absolute, it is relative. Relative to the particular taste of the immediate community and to the evolving mores of a society. Unanimity rarely characterizes the public perception of obscenity, nudity or sexual behaviour. The differences in public opinion concerning the parameters of decent behaviour are naturally prevalent among Judges. Thus similar acts may be found by different Courts to have a different legal character. Streaking in Saskatchewan at a Regina family football club night is a phenomenon accepted by the public with amused tolerance : see R. v. Springer (1975) 24 C.C.C. (2d) 56, 31 C.R.N.S. 48, (1975) W.W.D. 86. The Court considered streaking and mooning as similar conduct. Not so in Ontario.
Although an absolute discharge was granted, streaking in Ontario in the view of Judge Swabey, in R. v. Niman, supra, was found to be an indecent act. »
Dans ce dernier cas l'accusé fut acquitté d'avoir momentanément baissé son pantalon en public (mooning).
On ne peut donc conclure que la seule nudité partielle ou totale d'une personne dans un endroit public puisse être indécente même si elle est observée par d'autres personnes. Il faut également constater que la notion d'indécence a bien évolué depuis les 5 dernières décennies. Un bref examen de la mode et des tenues de plage, à titre d'illustration, nous le démontre très bien. Il faut se souvenir qu'une action ne devient indécente que si elle excède la norme de tolérance de la communauté et comme l'indique la jurisprudence ces normes évoluent avec les époques.
L'arrêt récent de la Cour d'appel de l'Ontario survenu en 1996 dans l'affaire Jacob en est un autre exemple.
La Cour d'appel dans cette affaire a statué qu'une femme qui déambule sur la rue les seins nus sans provocation, et sans comportement sexuel n'avait pas commis d'action indécente et elle fut acquittée. La Cour d'appel a décidé dans cette affaire qu'avant d'appliquer le test de la norme de tolérance de la communauté le juge du procès doit déterminer si l'acte commis par l'accusée a été fait dans un contexte sexuel. Monsieur le juge Weiler dans cet arrêt nous dit ceci à la page 2 du jugement et je cite :
« Not all conduct which is beyond the community standard of tolerance is indecent. A sexual context is required for the standard to be applied. If the context of the conduct is ignored and regard is had only to community standards. There is a danger of a majority deciding what values are important and coercing minorities to conform to those values on the basis of avoiding perceived harm to society from non-conformity. If resort is had only to the community standard of tolerance test without there being a context-based prerequisite, then it is possible that discrimination arising form social stereotyping will be legitimized. In so far as community standards of tolerance are to be applied under s. 173(1)(a) of the Code, then an essential element is that the context of the conduct must first be sexual. In determining whether the accused's conduct had a sexual context, the question was, would a reasonable bystander, fully apprised of all the circumstances, have considered that the accused's act was sexual in the sense that she was exposing her breasts for the sexual gratification of herself or someone else ? In the circumstances of this case, the answer to that question would be "no". Accordingly, the accused's conduct lacked the sexual context for being an indecent act within the meaning of s. 173(1) (a). The trial judge erred in that he did not determine whether the accused's act had a sexual context before applying the community standard of tolerance test. »
mardi 14 juillet 2009
L'exhibition d’une partie du corps (souvent des parties génitales) n'est pas un aspect constituant un élément essentiel de l’infraction d'indécence
R. c. Vallée, 2004 CanLII 58258 (QC C.M.)
[13] Il n’est pas contesté que les gestes posés ont eu lieu dans un endroit public, en présence d’autres personnes. Il reste à décider si ces gestes constituent une action indécente.
[14] Le Code criminel ne définit pas la notion «d’indécence». Il faut donc se référer aux décisions jurisprudentielles.
[15] La Cour d’appel du Québec souligne que pour décider si un acte est indécent le juge doit considérer les éléments suivants:
1. la norme de tolérance de la société (et non d’un particulier)
2. la nature des actes incriminés
3. le contexte ou les circonstances dans lesquelles les actes ont été commis.
[16] Afin de déterminer la norme de tolérance de la société, la Cour suprême dans R.c. Tremblay a adopté le critère émis par R.c.Butler soit celui du degré de préjudice qui peut résulter de l’acte reproché. Plus forte sera la conclusion de l’existence d’un risque de préjudice, moins grandes seront les chances de tolérance :
«The court must determine … what the community would tolerate others being exposed to on the basis of the degree of harm that may flow … harm in this context means that it predisposes persons to act in an antisocial manner… »
[17] Un comportement antisocial est celui que la société reconnaît comme incompatible avec son bon fonctionnement.
[18] Naturellement pour bien évaluer la norme de tolérance, il faut tenir compte du contexte dans lequel l’acte est posé incluant le lieu et les personnes visées. L’indécence ne provient pas du comportement lui-même mais plutôt du contexte dans lequel il se produit.
[19] De plus, il n’est pas nécessaire que l’acte visé ait une connotation sexuelle.
[20] Il est à noter par contre, que le voyeurisme, généralement, ne peut constituer une action indécente.
[21] Dans l’arrêt R.v. Jacob, la Cour d’appel de l’Ontario a souligné que la poursuite doit faire la preuve que l’acte indécent a été commis avec l’intention d’insulter ou offenser, en plus de constituer un acte indécent.
[22] La défense a raison de souligner que dans la quasi-totalité des causes rapportées au sujet des actes indécents, nous retrouvons une exhibition d’une partie du corps et souvent des parties génitales.
[23] Par contre, ni le Code criminel, ni la jurisprudence ne prévoit que cet aspect constitue un élément essentiel de l’infraction.
[24] D’ailleurs, la Cour d’appel de l’Ontario nous met en garde de ne pas ajouter des éléments à l’infraction qui ne se retrouvent pas dans l’article 173 du Code criminel.
[25] Tenant compte de la nature du geste reproché et le contexte dans lequel ce geste a été commis, et en appliquant les critères de la jurisprudence, ce geste est incompatible avec le «bon fonctionnement» de la société. Il constitue donc clairement un acte indécent, et ce malgré l’absence d’une exhibition du corps ou des parties génitales.
[13] Il n’est pas contesté que les gestes posés ont eu lieu dans un endroit public, en présence d’autres personnes. Il reste à décider si ces gestes constituent une action indécente.
[14] Le Code criminel ne définit pas la notion «d’indécence». Il faut donc se référer aux décisions jurisprudentielles.
[15] La Cour d’appel du Québec souligne que pour décider si un acte est indécent le juge doit considérer les éléments suivants:
1. la norme de tolérance de la société (et non d’un particulier)
2. la nature des actes incriminés
3. le contexte ou les circonstances dans lesquelles les actes ont été commis.
[16] Afin de déterminer la norme de tolérance de la société, la Cour suprême dans R.c. Tremblay a adopté le critère émis par R.c.Butler soit celui du degré de préjudice qui peut résulter de l’acte reproché. Plus forte sera la conclusion de l’existence d’un risque de préjudice, moins grandes seront les chances de tolérance :
«The court must determine … what the community would tolerate others being exposed to on the basis of the degree of harm that may flow … harm in this context means that it predisposes persons to act in an antisocial manner… »
[17] Un comportement antisocial est celui que la société reconnaît comme incompatible avec son bon fonctionnement.
[18] Naturellement pour bien évaluer la norme de tolérance, il faut tenir compte du contexte dans lequel l’acte est posé incluant le lieu et les personnes visées. L’indécence ne provient pas du comportement lui-même mais plutôt du contexte dans lequel il se produit.
[19] De plus, il n’est pas nécessaire que l’acte visé ait une connotation sexuelle.
[20] Il est à noter par contre, que le voyeurisme, généralement, ne peut constituer une action indécente.
[21] Dans l’arrêt R.v. Jacob, la Cour d’appel de l’Ontario a souligné que la poursuite doit faire la preuve que l’acte indécent a été commis avec l’intention d’insulter ou offenser, en plus de constituer un acte indécent.
[22] La défense a raison de souligner que dans la quasi-totalité des causes rapportées au sujet des actes indécents, nous retrouvons une exhibition d’une partie du corps et souvent des parties génitales.
[23] Par contre, ni le Code criminel, ni la jurisprudence ne prévoit que cet aspect constitue un élément essentiel de l’infraction.
[24] D’ailleurs, la Cour d’appel de l’Ontario nous met en garde de ne pas ajouter des éléments à l’infraction qui ne se retrouvent pas dans l’article 173 du Code criminel.
[25] Tenant compte de la nature du geste reproché et le contexte dans lequel ce geste a été commis, et en appliquant les critères de la jurisprudence, ce geste est incompatible avec le «bon fonctionnement» de la société. Il constitue donc clairement un acte indécent, et ce malgré l’absence d’une exhibition du corps ou des parties génitales.
mardi 14 avril 2009
Indécence — Test fondé sur le préjudice
R. c. Labaye, 2005 CSC 80 (CanLII)
La conduite indécente criminelle sera établie si le ministère public prouve hors de tout doute raisonnable les deux éléments suivants (par 62)
1. De par sa nature, la conduite en litige cause ou présente un risque appréciable que soit causé, à des personnes ou à la société, un préjudice qui porte atteinte ou menace de porter atteinte à une valeur exprimée et donc reconnue officiellement dans la Constitution ou une autre loi fondamentale semblable, notamment:
a) en exposant les membres du public à une conduite qui entrave de façon appréciable leur autonomie et leur liberté;
b) en prédisposant autrui à adopter un comportement antisocial;
c) en causant un préjudice physique ou psychologique aux personnes qui participent aux activités.
2.Le préjudice ou le risque de préjudice atteint un degré tel qu’il est incompatible avec le bon fonctionnement de la société.
La nature du préjudice
Le préjudice a été défini comme le «comportement [...] que la société reconnaît officiellement comme incompatible avec son bon fonctionnement » (par 28)
Deux conditions générales se dégagent de cette définition du préjudice nécessaire pour qu’il y ait indécence criminelle. Premièrement, les mots «reconnaît officiellement» indiquent que le préjudice doit se rapporter à des normes que notre société a reconnues dans sa Constitution ou ses lois fondamentales semblables. Cela signifie que l’examen n’est pas fondé sur une conception individuelle de ce qui constitue un préjudice, ni sur les enseignements de telle ou telle idéologie, mais sur ce que la société, par ses lois et ses institutions, a reconnu comme essentiel à son bon fonctionnement. Deuxièmement, le préjudice doit être grave. Il doit non seulement nuire au bon fonctionnement de la société, mais être incompatible avec celui-ci (par 29)
Pour engager la responsabilité pénale, le préjudice doit être un préjudice que la société reconnaît officiellement comme incompatible avec son bon fonctionnement (par 32)
Jusqu’à maintenant, la jurisprudence a dégagé trois types de préjudices susceptibles d’étayer une conclusion d’indécence:(1)le préjudice causé à ceux dont l’autonomie et la liberté peuvent être restreintes du fait qu’ils sont exposés à une conduite inappropriée; (2)le préjudice causé à la société du fait de la prédisposition d’autrui à adopter une conduite antisociale; et (3)le préjudice causé aux personnes qui participent à la conduite. Chacun de ces types de préjudices est lié à des valeurs reconnues par notre Constitution et nos lois fondamentales semblables. Cette liste n’est pas exhaustive; il pourra être établi que d’autres types de préjudices satisfont aux normes établies dans Butler pour établir l’indécence criminelle. Mais ce sont pour l’instant les types de préjudices que la jurisprudence a reconnus. (par 36)
De même, le fait que la plupart des membres de la collectivité puissent désapprouver la conduite ne suffit pas. Dans chaque cas, il faut plus pour établir le préjudice nécessaire à une conclusion d’indécence criminelle. (par 37)
Le préjudice de la perte d’autonomie et de liberté résultant de l’exposition du public
Le premier type de préjudice est celui qui résulte de l’exposition du public à une conduite inacceptable et inappropriée. Les actes indécents sont proscrits parce qu’ils exposent le public, contre son gré, à une conduite inappropriée.(par 40)
Puisque le préjudice de cette catégorie repose sur l’exposition du public à des actes ou à du matériel insupportables, il est essentiel qu’il y ait un risque que les membres du public soient involontairement exposés à la conduite ou au matériel, ou qu’ils soient tenus de modifier sensiblement leurs habitudes pour éviter d’y être exposés. (par 42)
Pour cette raison, la nature, le lieu et l’auditoire des actes visés par les allégations d’indécence sont pertinents. À cet égard, l’indécence diffère de l’obscénité, l’exposition du public étant un élément qui se présume dans le cas de l’obscénité:Butler, p.485. Comme il est précisé dans R. c. Tremblay, 1993 C[1993] 2 R.C.S. 932, p.960, la question de savoir si un acte est indécent peut varier en fonction «du lieu où l’acte se produit et de la composition de l’auditoire». (par 43)
Bien que ces facteurs guident l’examen factuel et contextuel de l’indécence, ils ne sont que des éléments auxiliaires et accessoires de la détermination ultime du préjudice.La question de savoir si certains actes sont indécents ne saurait dépendre simplement du fait qu’ils sont commis dans un «endroit public» au sens du Code criminel. (...) Fait plus important, s’appuyer exclusivement sur la nature publique du lieu va à l’encontre du principe voulant que ce soit le préjudice qui soit le fondement de l’indécence criminelle. L’indécence vise le préjudice ou le risque appréciable de préjudice causé aux membres du public, qui doit être établi par la preuve et ne saurait être présumé, ni automatiquement inféré de la nature du lieu où se produisent les actes. (par 44)
Le préjudice résultant de la prédisposition d’autrui à adopter un comportement antisocial
La deuxième source de préjudice tient au risque que la conduite ou le matériel puisse prédisposer autrui à commettre des actes antisociaux. (par 45)
Cette source de préjudice ne se limite pas aux invitations explicites ou aux exhortations à commettre des actes antisociaux. Comme il est mentionné dans Butler, l’examen s’étend au préjudice qui touche l’attitude. La conduite ou le matériel qui perpétue des images négatives et dégradantes de l’humanité risque d’ébranler le respect envers les membres des groupes visés et, par conséquent, de prédisposer autrui à agir de manière antisociale envers eux. Une telle conduite peut contrevenir aux normes sociales officiellement reconnues, comme l’égalité et la dignité de tous les êtres humains, protégées par la Charte canadienne des droits et libertés et les lois fondamentales semblables, tels les codes provinciaux des droits de la personne. (par 46)
Comme cette source de préjudice suppose l’exposition de membres du public à la conduite ou au matériel, il convient une fois encore de se demander si la conduite est privée ou publique. Ce type de préjudice ne peut survenir que si les membres du public sont susceptibles d’être exposés à la conduite ou au matériel en cause.
(par 47)
Le préjudice causé aux participants
La troisième source de préjudice est le risque de préjudice physique ou psychologique causé aux personnes qui participent à la conduite litigieuse. (...) Certains types d’activité sexuelle peuvent causer du tort à ceux qui y participent. Les femmes peuvent être contraintes à la prostitution ou à d’autres aspects du commerce du sexe. Elles peuvent être victimes d’agression physique et psychologique. Il arrive parfois qu’elles soient blessées gravement ou même tuées. Des enfants et des hommes peuvent aussi subir des préjudices semblables. La conduite sexuelle qui risque de provoquer cette sorte de préjudice peut contrevenir à des normes sociales reconnues d’une manière qui est incompatible avec le bon fonctionnement de la société et satisfaire ainsi au test énoncé dans l’arrêt Butler afin d’établir l’indécence pour l’application du Code criminel. (par 48)
Le consentement du participant sera généralement important pour déterminer si ce type de préjudice est établi. Toutefois, le consentement peut se révéler plus apparent que réel. Les tribunaux doivent toujours être vigilants et se demander si, en réalité, il n’y a pas victimisation. Lorsque d’autres aspects d’un traitement avilissant sont manifestes, le préjudice causé aux participants peut être établi en dépit de leur consentement apparent. (par 49)
Contrairement aux types de préjudices précédents qui tiennent à l’exposition du public et aux attitudes inculquées, le troisième type de préjudice n’a qu’un lien très ténu avec le fait que la conduite soit privée ou publique, puisque le préjudice qui importe alors n’est pas celui causé à la société ou à ses membres, mais aux personnes mêmes qui participent aux actes. (...) En définitive, la question essentielle n’est pas de savoir comment les membres du public pourraient être touchés, mais comment les participants sont effectivement touchés. (par 50)
Une forme de préjudice causé aux participants, soit le risque de maladies transmissibles sexuellement, mérite une attention spéciale. De toute évidence, il s’agit d’un préjudice important qui peut résulter d’une conduite sexuelle. Il a été considéré comme un facteur pour la question de savoir si la conduite est criminellement indécente (Tremblay), et comme un facteur aggravant un préjudice déjà existant (Mara). Cependant, il est difficile d’attribuer au risque de maladies transmissibles sexuellement un rôle indépendant dans le critère de l’indécence. Le risque de maladies, bien qu’il puisse être lié à d’autres conséquences juridiques, n’a pas de lien conceptuel ni causal logique avec la question de savoir si une conduite est indécente. L’indécence se rapporte aux mœurs sexuelles et non à des questions de santé; une maladie peut être transmise par des actes sexuels qui ne sont pas indécents, et ne pas l’être par des actes sexuels indécents. (par 51)
Le degré du préjudice:le préjudice incompatible avec le bon fonctionnement de la société canadienne
À cette étape, il faut examiner le degré du préjudice pour déterminer s’il est incompatible avec le bon fonctionnement de la société. Le critère applicable est exigeant. Il veut qu’en tant que membres d’une société diversifiée, nous soyons prêts à tolérer des comportements que nous désapprouvons, à moins qu’il puisse être établi objectivement, hors de tout doute raisonnable, qu’ils nuisent au bon fonctionnement de la société. (par 52)
Le test objectif que la Cour préconise depuis longtemps pour établir l’indécence criminelle requiert une analyse attentive et explicite de la question de savoir si la preuve démontre que le préjudice allégué est réellement incompatible avec le bon fonctionnement de la société canadienne. Cela suppose des jugements de valeur. Qu’est-ce que le «bon» fonctionnement de la société? À quel moment pouvons-nous affirmer qu’une activité est «incompatible» avec celui-ci? (par 53)
Dans ce domaine du droit, comme dans bien d’autres, les jugements de valeur sont inévitables. Ce qui ne signifie pas que le processus décisionnel soit subjectif ou arbitraire. Premièrement, les juges qui s’apprêtent à porter des jugements de valeur doivent être conscients du risque de fonder leur décision sur des valeurs ou des idées préconçues non exprimées et non reconnues. Deuxièmement, ils doivent appuyer leurs jugements de valeur sur la preuve et sur un examen complet du contexte factuel et juridique pertinent, de sorte que leurs jugements ne soient pas influencés par leurs opinions subjectives, mais qu’ils résultent de l’application de critères pertinents et objectivement éprouvés. Troisièmement, les juges doivent soupeser soigneusement et nommer les facteurs qu’ils prennent en compte pour rendre leurs jugements de valeur. En adoptant de telles pratiques, il est possible d’atteindre l’objectivité. (par 54)
Ce n’est que lorsque les conséquences des actes, au regard du degré de préjudice, risquent réellement de porter atteinte à l’autonomie et à la liberté des membres du public, jugées selon des normes contemporaines, que l’indécence peut être établie. (par 55)
L’incompatibilité avec le bon fonctionnement de la société va plus loin qu’un test fondé sur la tolérance. La question n’est pas de savoir ce que les personnes ou la société pensent de la conduite, mais si l’autoriser entraîne un préjudice qui menace fondamentalement le fonctionnement de notre société. À la première étape, ce critère veut que le préjudice soit lié à une valeur officiellement reconnue. Mais au-delà, il doit être établi hors de tout doute raisonnable que la conduite, en raison non seulement de sa nature, mais aussi de son degré, va jusqu’à menacer le bon fonctionnement de notre société. (par 56)
Pour décider si tel est le cas, il faut se reporter aux valeurs touchées par le type particulier de préjudice en cause. Si le préjudice tient à la menace pour l’autonomie et la liberté qui résulte, par exemple, d’une exposition involontaire à un type particulier de conduite sexuelle, le ministère public doit établir que cette conduite risque réellement d’avoir des effets importants et négatifs sur la façon de vivre des gens. Le nombre de personnes involontairement exposées à la conduite et les circonstances dans lesquelles elles y sont exposées sont des éléments cruciaux relativement à ce type de préjudice. Si toutes les personnes qui ont participé à la conduite ou en ont été témoins l’ont fait volontairement, l’indécence fondée sur ce type de préjudice ne sera pas établie. (par 57)
Si le préjudice tient à la prédisposition d’autrui à des comportements antisociaux, l’existence d’un risque réel que la conduite ait cet effet doit être établie. De vagues généralisations portant que la conduite sexuelle en cause entraînera des changements d’attitude et, par voie de conséquence, des comportements antisociaux ne suffiront pas. Le lien de causalité entre la représentation des choses sexuelles et les comportements antisociaux ne saurait être présumé. Les attitudes ne sont pas en soi criminelles, si déviantes soient-elles ou si dégoûtantes puissent-elles paraître. Ce qui est requis, c’est la preuve d’un lien, premièrement, entre la conduite sexuelle en cause et la formation d’attitudes négatives et, deuxièmement, entre ces attitudes et le risque réel de comportements antisociaux. (par 58)
De même, si le préjudice tient au dommage physique ou psychologique subi par les participants, il faut là encore démontrer que le préjudice a été causé ou qu’il existe un risque réel qu’il sera causé. Des témoins peuvent attester du préjudice réel. Des témoins experts peuvent attester des risques de préjudice appréhendé. Dans l’examen du préjudice psychologique, il faut se garder de substituer le dégoût suscité par la conduite visée à la preuve d’un préjudice causé aux participants. Dans les cas où les participants sont vulnérables, il peut être plus facile d’inférer un préjudice psychologique que dans les cas où ils agissent d’égal à égal, en toute autonomie. (par 59)
Un test fondé sur le préjudice ou sur le risque appréciable de préjudice incompatible avec le bon fonctionnement de la société est plus exigeant. En général, il est peu probable que le juge et les jurés soient en mesure d’apprécier le risque de préjudice et ses conséquences sans l’aide des témoins experts. Certes, des cas évidents peuvent survenir où il est impossible de prétendre que la conduite établie par la preuve est compatible avec le bon fonctionnement de la société, ce qui éliminera la nécessité de recourir à un témoin expert. Le fait de tuer quelqu’un au cours de rapports sexuels, pour donner un exemple évident, répugne en soi à notre droit et au bon fonctionnement de notre société. Mais dans la plupart des cas, une preuve d’expert sera requise pour établir que la nature et le degré du préjudice le rendent incompatible avec le bon fonctionnement de la société. Dans chaque cas, la déclaration de culpabilité doit être fondée sur une preuve établissant hors de tout doute raisonnable l’existence d’un préjudice réel ou d’un risque appréciable de préjudice réel. L’accent mis sur la preuve contribue à accroître l’objectivité de la démarche. Il ne la transforme toutefois pas pour autant en une pure question de fait. Pour conclure à l’indécence, il faut appliquer une norme juridique aux faits et au contexte qui entoure les actes reprochés. C’est cette norme juridique que le test fondé sur le préjudice vise à formuler. (par 60)
Lorsque l’existence d’un préjudice réel n’est pas établie et que le ministère public invoque l’existence d’un risque, le critère de l’incompatibilité avec le bon fonctionnement de la société lui impose d’établir l’existence d’un risque appréciable. Le risque est un concept relatif. Plus la nature du préjudice est extrême, moins le degré de risque requis pour entraîner la sanction ultime du droit criminel sera élevé. Parfois, un risque assez mince peut être considéré comme incompatible avec le bon fonctionnement de la société. (par 61)
La conduite indécente criminelle sera établie si le ministère public prouve hors de tout doute raisonnable les deux éléments suivants (par 62)
1. De par sa nature, la conduite en litige cause ou présente un risque appréciable que soit causé, à des personnes ou à la société, un préjudice qui porte atteinte ou menace de porter atteinte à une valeur exprimée et donc reconnue officiellement dans la Constitution ou une autre loi fondamentale semblable, notamment:
a) en exposant les membres du public à une conduite qui entrave de façon appréciable leur autonomie et leur liberté;
b) en prédisposant autrui à adopter un comportement antisocial;
c) en causant un préjudice physique ou psychologique aux personnes qui participent aux activités.
2.Le préjudice ou le risque de préjudice atteint un degré tel qu’il est incompatible avec le bon fonctionnement de la société.
La nature du préjudice
Le préjudice a été défini comme le «comportement [...] que la société reconnaît officiellement comme incompatible avec son bon fonctionnement » (par 28)
Deux conditions générales se dégagent de cette définition du préjudice nécessaire pour qu’il y ait indécence criminelle. Premièrement, les mots «reconnaît officiellement» indiquent que le préjudice doit se rapporter à des normes que notre société a reconnues dans sa Constitution ou ses lois fondamentales semblables. Cela signifie que l’examen n’est pas fondé sur une conception individuelle de ce qui constitue un préjudice, ni sur les enseignements de telle ou telle idéologie, mais sur ce que la société, par ses lois et ses institutions, a reconnu comme essentiel à son bon fonctionnement. Deuxièmement, le préjudice doit être grave. Il doit non seulement nuire au bon fonctionnement de la société, mais être incompatible avec celui-ci (par 29)
Pour engager la responsabilité pénale, le préjudice doit être un préjudice que la société reconnaît officiellement comme incompatible avec son bon fonctionnement (par 32)
Jusqu’à maintenant, la jurisprudence a dégagé trois types de préjudices susceptibles d’étayer une conclusion d’indécence:(1)le préjudice causé à ceux dont l’autonomie et la liberté peuvent être restreintes du fait qu’ils sont exposés à une conduite inappropriée; (2)le préjudice causé à la société du fait de la prédisposition d’autrui à adopter une conduite antisociale; et (3)le préjudice causé aux personnes qui participent à la conduite. Chacun de ces types de préjudices est lié à des valeurs reconnues par notre Constitution et nos lois fondamentales semblables. Cette liste n’est pas exhaustive; il pourra être établi que d’autres types de préjudices satisfont aux normes établies dans Butler pour établir l’indécence criminelle. Mais ce sont pour l’instant les types de préjudices que la jurisprudence a reconnus. (par 36)
De même, le fait que la plupart des membres de la collectivité puissent désapprouver la conduite ne suffit pas. Dans chaque cas, il faut plus pour établir le préjudice nécessaire à une conclusion d’indécence criminelle. (par 37)
Le préjudice de la perte d’autonomie et de liberté résultant de l’exposition du public
Le premier type de préjudice est celui qui résulte de l’exposition du public à une conduite inacceptable et inappropriée. Les actes indécents sont proscrits parce qu’ils exposent le public, contre son gré, à une conduite inappropriée.(par 40)
Puisque le préjudice de cette catégorie repose sur l’exposition du public à des actes ou à du matériel insupportables, il est essentiel qu’il y ait un risque que les membres du public soient involontairement exposés à la conduite ou au matériel, ou qu’ils soient tenus de modifier sensiblement leurs habitudes pour éviter d’y être exposés. (par 42)
Pour cette raison, la nature, le lieu et l’auditoire des actes visés par les allégations d’indécence sont pertinents. À cet égard, l’indécence diffère de l’obscénité, l’exposition du public étant un élément qui se présume dans le cas de l’obscénité:Butler, p.485. Comme il est précisé dans R. c. Tremblay, 1993 C[1993] 2 R.C.S. 932, p.960, la question de savoir si un acte est indécent peut varier en fonction «du lieu où l’acte se produit et de la composition de l’auditoire». (par 43)
Bien que ces facteurs guident l’examen factuel et contextuel de l’indécence, ils ne sont que des éléments auxiliaires et accessoires de la détermination ultime du préjudice.La question de savoir si certains actes sont indécents ne saurait dépendre simplement du fait qu’ils sont commis dans un «endroit public» au sens du Code criminel. (...) Fait plus important, s’appuyer exclusivement sur la nature publique du lieu va à l’encontre du principe voulant que ce soit le préjudice qui soit le fondement de l’indécence criminelle. L’indécence vise le préjudice ou le risque appréciable de préjudice causé aux membres du public, qui doit être établi par la preuve et ne saurait être présumé, ni automatiquement inféré de la nature du lieu où se produisent les actes. (par 44)
Le préjudice résultant de la prédisposition d’autrui à adopter un comportement antisocial
La deuxième source de préjudice tient au risque que la conduite ou le matériel puisse prédisposer autrui à commettre des actes antisociaux. (par 45)
Cette source de préjudice ne se limite pas aux invitations explicites ou aux exhortations à commettre des actes antisociaux. Comme il est mentionné dans Butler, l’examen s’étend au préjudice qui touche l’attitude. La conduite ou le matériel qui perpétue des images négatives et dégradantes de l’humanité risque d’ébranler le respect envers les membres des groupes visés et, par conséquent, de prédisposer autrui à agir de manière antisociale envers eux. Une telle conduite peut contrevenir aux normes sociales officiellement reconnues, comme l’égalité et la dignité de tous les êtres humains, protégées par la Charte canadienne des droits et libertés et les lois fondamentales semblables, tels les codes provinciaux des droits de la personne. (par 46)
Comme cette source de préjudice suppose l’exposition de membres du public à la conduite ou au matériel, il convient une fois encore de se demander si la conduite est privée ou publique. Ce type de préjudice ne peut survenir que si les membres du public sont susceptibles d’être exposés à la conduite ou au matériel en cause.
(par 47)
Le préjudice causé aux participants
La troisième source de préjudice est le risque de préjudice physique ou psychologique causé aux personnes qui participent à la conduite litigieuse. (...) Certains types d’activité sexuelle peuvent causer du tort à ceux qui y participent. Les femmes peuvent être contraintes à la prostitution ou à d’autres aspects du commerce du sexe. Elles peuvent être victimes d’agression physique et psychologique. Il arrive parfois qu’elles soient blessées gravement ou même tuées. Des enfants et des hommes peuvent aussi subir des préjudices semblables. La conduite sexuelle qui risque de provoquer cette sorte de préjudice peut contrevenir à des normes sociales reconnues d’une manière qui est incompatible avec le bon fonctionnement de la société et satisfaire ainsi au test énoncé dans l’arrêt Butler afin d’établir l’indécence pour l’application du Code criminel. (par 48)
Le consentement du participant sera généralement important pour déterminer si ce type de préjudice est établi. Toutefois, le consentement peut se révéler plus apparent que réel. Les tribunaux doivent toujours être vigilants et se demander si, en réalité, il n’y a pas victimisation. Lorsque d’autres aspects d’un traitement avilissant sont manifestes, le préjudice causé aux participants peut être établi en dépit de leur consentement apparent. (par 49)
Contrairement aux types de préjudices précédents qui tiennent à l’exposition du public et aux attitudes inculquées, le troisième type de préjudice n’a qu’un lien très ténu avec le fait que la conduite soit privée ou publique, puisque le préjudice qui importe alors n’est pas celui causé à la société ou à ses membres, mais aux personnes mêmes qui participent aux actes. (...) En définitive, la question essentielle n’est pas de savoir comment les membres du public pourraient être touchés, mais comment les participants sont effectivement touchés. (par 50)
Une forme de préjudice causé aux participants, soit le risque de maladies transmissibles sexuellement, mérite une attention spéciale. De toute évidence, il s’agit d’un préjudice important qui peut résulter d’une conduite sexuelle. Il a été considéré comme un facteur pour la question de savoir si la conduite est criminellement indécente (Tremblay), et comme un facteur aggravant un préjudice déjà existant (Mara). Cependant, il est difficile d’attribuer au risque de maladies transmissibles sexuellement un rôle indépendant dans le critère de l’indécence. Le risque de maladies, bien qu’il puisse être lié à d’autres conséquences juridiques, n’a pas de lien conceptuel ni causal logique avec la question de savoir si une conduite est indécente. L’indécence se rapporte aux mœurs sexuelles et non à des questions de santé; une maladie peut être transmise par des actes sexuels qui ne sont pas indécents, et ne pas l’être par des actes sexuels indécents. (par 51)
Le degré du préjudice:le préjudice incompatible avec le bon fonctionnement de la société canadienne
À cette étape, il faut examiner le degré du préjudice pour déterminer s’il est incompatible avec le bon fonctionnement de la société. Le critère applicable est exigeant. Il veut qu’en tant que membres d’une société diversifiée, nous soyons prêts à tolérer des comportements que nous désapprouvons, à moins qu’il puisse être établi objectivement, hors de tout doute raisonnable, qu’ils nuisent au bon fonctionnement de la société. (par 52)
Le test objectif que la Cour préconise depuis longtemps pour établir l’indécence criminelle requiert une analyse attentive et explicite de la question de savoir si la preuve démontre que le préjudice allégué est réellement incompatible avec le bon fonctionnement de la société canadienne. Cela suppose des jugements de valeur. Qu’est-ce que le «bon» fonctionnement de la société? À quel moment pouvons-nous affirmer qu’une activité est «incompatible» avec celui-ci? (par 53)
Dans ce domaine du droit, comme dans bien d’autres, les jugements de valeur sont inévitables. Ce qui ne signifie pas que le processus décisionnel soit subjectif ou arbitraire. Premièrement, les juges qui s’apprêtent à porter des jugements de valeur doivent être conscients du risque de fonder leur décision sur des valeurs ou des idées préconçues non exprimées et non reconnues. Deuxièmement, ils doivent appuyer leurs jugements de valeur sur la preuve et sur un examen complet du contexte factuel et juridique pertinent, de sorte que leurs jugements ne soient pas influencés par leurs opinions subjectives, mais qu’ils résultent de l’application de critères pertinents et objectivement éprouvés. Troisièmement, les juges doivent soupeser soigneusement et nommer les facteurs qu’ils prennent en compte pour rendre leurs jugements de valeur. En adoptant de telles pratiques, il est possible d’atteindre l’objectivité. (par 54)
Ce n’est que lorsque les conséquences des actes, au regard du degré de préjudice, risquent réellement de porter atteinte à l’autonomie et à la liberté des membres du public, jugées selon des normes contemporaines, que l’indécence peut être établie. (par 55)
L’incompatibilité avec le bon fonctionnement de la société va plus loin qu’un test fondé sur la tolérance. La question n’est pas de savoir ce que les personnes ou la société pensent de la conduite, mais si l’autoriser entraîne un préjudice qui menace fondamentalement le fonctionnement de notre société. À la première étape, ce critère veut que le préjudice soit lié à une valeur officiellement reconnue. Mais au-delà, il doit être établi hors de tout doute raisonnable que la conduite, en raison non seulement de sa nature, mais aussi de son degré, va jusqu’à menacer le bon fonctionnement de notre société. (par 56)
Pour décider si tel est le cas, il faut se reporter aux valeurs touchées par le type particulier de préjudice en cause. Si le préjudice tient à la menace pour l’autonomie et la liberté qui résulte, par exemple, d’une exposition involontaire à un type particulier de conduite sexuelle, le ministère public doit établir que cette conduite risque réellement d’avoir des effets importants et négatifs sur la façon de vivre des gens. Le nombre de personnes involontairement exposées à la conduite et les circonstances dans lesquelles elles y sont exposées sont des éléments cruciaux relativement à ce type de préjudice. Si toutes les personnes qui ont participé à la conduite ou en ont été témoins l’ont fait volontairement, l’indécence fondée sur ce type de préjudice ne sera pas établie. (par 57)
Si le préjudice tient à la prédisposition d’autrui à des comportements antisociaux, l’existence d’un risque réel que la conduite ait cet effet doit être établie. De vagues généralisations portant que la conduite sexuelle en cause entraînera des changements d’attitude et, par voie de conséquence, des comportements antisociaux ne suffiront pas. Le lien de causalité entre la représentation des choses sexuelles et les comportements antisociaux ne saurait être présumé. Les attitudes ne sont pas en soi criminelles, si déviantes soient-elles ou si dégoûtantes puissent-elles paraître. Ce qui est requis, c’est la preuve d’un lien, premièrement, entre la conduite sexuelle en cause et la formation d’attitudes négatives et, deuxièmement, entre ces attitudes et le risque réel de comportements antisociaux. (par 58)
De même, si le préjudice tient au dommage physique ou psychologique subi par les participants, il faut là encore démontrer que le préjudice a été causé ou qu’il existe un risque réel qu’il sera causé. Des témoins peuvent attester du préjudice réel. Des témoins experts peuvent attester des risques de préjudice appréhendé. Dans l’examen du préjudice psychologique, il faut se garder de substituer le dégoût suscité par la conduite visée à la preuve d’un préjudice causé aux participants. Dans les cas où les participants sont vulnérables, il peut être plus facile d’inférer un préjudice psychologique que dans les cas où ils agissent d’égal à égal, en toute autonomie. (par 59)
Un test fondé sur le préjudice ou sur le risque appréciable de préjudice incompatible avec le bon fonctionnement de la société est plus exigeant. En général, il est peu probable que le juge et les jurés soient en mesure d’apprécier le risque de préjudice et ses conséquences sans l’aide des témoins experts. Certes, des cas évidents peuvent survenir où il est impossible de prétendre que la conduite établie par la preuve est compatible avec le bon fonctionnement de la société, ce qui éliminera la nécessité de recourir à un témoin expert. Le fait de tuer quelqu’un au cours de rapports sexuels, pour donner un exemple évident, répugne en soi à notre droit et au bon fonctionnement de notre société. Mais dans la plupart des cas, une preuve d’expert sera requise pour établir que la nature et le degré du préjudice le rendent incompatible avec le bon fonctionnement de la société. Dans chaque cas, la déclaration de culpabilité doit être fondée sur une preuve établissant hors de tout doute raisonnable l’existence d’un préjudice réel ou d’un risque appréciable de préjudice réel. L’accent mis sur la preuve contribue à accroître l’objectivité de la démarche. Il ne la transforme toutefois pas pour autant en une pure question de fait. Pour conclure à l’indécence, il faut appliquer une norme juridique aux faits et au contexte qui entoure les actes reprochés. C’est cette norme juridique que le test fondé sur le préjudice vise à formuler. (par 60)
Lorsque l’existence d’un préjudice réel n’est pas établie et que le ministère public invoque l’existence d’un risque, le critère de l’incompatibilité avec le bon fonctionnement de la société lui impose d’établir l’existence d’un risque appréciable. Le risque est un concept relatif. Plus la nature du préjudice est extrême, moins le degré de risque requis pour entraîner la sanction ultime du droit criminel sera élevé. Parfois, un risque assez mince peut être considéré comme incompatible avec le bon fonctionnement de la société. (par 61)
mercredi 21 janvier 2009
Action indécente
R. c. Desmarais, 2008 QCCQ 7959 (CanLII)
Lien vers la décision
Le geste posé par le défendeur en pleine rue, à savoir celui de représenter (simuler) à une fillette de 12 ans qu'il a sorti son pénis de sa braguette et qu'il lui exhibe dans l'intention arrêtée de lui faire peur et de la faire sortir de l'automobile, dans le contexte d'une soirée où le défendeur était intoxiqué par l'alcool, qu'il avait tenu auprès de la fillette des propos à claire connotation sexuelle durant la soirée et qu'il avait posé un geste déplacé en l'embrassant sur la bouche constitue une action indécente.
Pour en arriver à cette conclusion, le tribunal a appliqué la notion d'indécence juridique développé par la Cour suprême dans les arrêts Labaye et Kouri
Lien vers la décision
Le geste posé par le défendeur en pleine rue, à savoir celui de représenter (simuler) à une fillette de 12 ans qu'il a sorti son pénis de sa braguette et qu'il lui exhibe dans l'intention arrêtée de lui faire peur et de la faire sortir de l'automobile, dans le contexte d'une soirée où le défendeur était intoxiqué par l'alcool, qu'il avait tenu auprès de la fillette des propos à claire connotation sexuelle durant la soirée et qu'il avait posé un geste déplacé en l'embrassant sur la bouche constitue une action indécente.
Pour en arriver à cette conclusion, le tribunal a appliqué la notion d'indécence juridique développé par la Cour suprême dans les arrêts Labaye et Kouri
Action indécente
R. c. Clark, [2005] 1 R.C.S. 6, 2005 CSC 2
Lien vers la décision
La personne qui, sans savoir que des voisins l’observent, se masturbe dans une pièce éclairée, près d’une fenêtre dont les rideaux sont ouverts, ne commet pas une action indécente dans un endroit public.
L’action de l’accusé n’a pas été commise dans un « endroit public » au sens de l’art. 150 et de l’al. 173(1)a) du Code criminel. À l’article 150, l’expression « endroit public » est définie comme étant « [t]out lieu auquel le public a accès de droit ou sur invitation, expresse ou implicite ».
Le terme « accès » désigne la « [p]ossibilité d’aller, de pénétrer dans (un lieu), d’entrer », et non la capacité d’une personne qui n’a pas accès, de droit ou sur invitation, à un lieu de voir ou d’entendre de l’extérieur — par une fenêtre dont les rideaux sont ouverts ou par une porte ouverte — ce qui se passe à l’intérieur.
L’ensemble du par. 173(1) devient plus cohérent si on rattache l’expression « endroit public » à l’accès physique plutôt que visuel, et cette interprétation s’harmonise avec la distinction que le législateur établit, dans le Code criminel, entre la conduite qui est criminelle parce qu’elle est adoptée « dans un endroit public » et celle qui est criminelle parce qu’elle est adoptée « à la vue du public ». [11-14] [42-51]
Lien vers la décision
La personne qui, sans savoir que des voisins l’observent, se masturbe dans une pièce éclairée, près d’une fenêtre dont les rideaux sont ouverts, ne commet pas une action indécente dans un endroit public.
L’action de l’accusé n’a pas été commise dans un « endroit public » au sens de l’art. 150 et de l’al. 173(1)a) du Code criminel. À l’article 150, l’expression « endroit public » est définie comme étant « [t]out lieu auquel le public a accès de droit ou sur invitation, expresse ou implicite ».
Le terme « accès » désigne la « [p]ossibilité d’aller, de pénétrer dans (un lieu), d’entrer », et non la capacité d’une personne qui n’a pas accès, de droit ou sur invitation, à un lieu de voir ou d’entendre de l’extérieur — par une fenêtre dont les rideaux sont ouverts ou par une porte ouverte — ce qui se passe à l’intérieur.
L’ensemble du par. 173(1) devient plus cohérent si on rattache l’expression « endroit public » à l’accès physique plutôt que visuel, et cette interprétation s’harmonise avec la distinction que le législateur établit, dans le Code criminel, entre la conduite qui est criminelle parce qu’elle est adoptée « dans un endroit public » et celle qui est criminelle parce qu’elle est adoptée « à la vue du public ». [11-14] [42-51]
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