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dimanche 6 avril 2025

Le refus du juge de permettre le contre-interrogatoire de l’intimé en utilisant le témoignage qu’il a rendu lors d’un voir-dire

R. c. P.L., 2024 QCCA 1267

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[10]      L’intimé témoigne lors du voir-dire à propos de sa déclaration extrajudiciaire. En contre-interrogatoire, il atténue la portée des réponses qu’il a données au policier en disant qu’il a pu « commettre des gestes », mais que ce n’était « pas nécessairement volontaire ». Voici l’échange et la réponse que voudra utiliser l’appelant :

Q. Donc vous avez, entre autres, répondu aux policiers : “C’est arrivé une couple de fois que oui, ma main est allée sur son vagin, mais pas pour la pénétrer avec mes doigts. Non. C’est - c’était par-dessus la plupart du temps”.

R. Oui.

Q. Vous vous souvenez de cette réponse-là. Puis, ce que vous me dites aujourd’hui, c’est que ça, c’est un mensonge.

R. Ce que je vous dis aujourd’hui, c’est que j’ai pu commettre des gestes. Mais ce n’était pas, ce n’était pas le - nécessairement volontaire ou dans une action pour vraiment.

[11]      Il témoigne plus tard au procès et, cette fois, il affirme qu’il n’a jamais touché « aux parties génitales de la plaignante ». L’appelant veut par conséquent le contre-interroger en utilisant la réponse qu’il a donnée en témoignant lors du voir-dire (« [...] c’est que j’ai pu commettre des gestes. Mais ce n’était pas, ce n’était pas le - nécessairement volontaire […] »).

[12]      L’intimé s’oppose à un tel contre-interrogatoire et le juge ne permet pas la question.

[13]      Il est bien possible, comme le plaide l’appelant, que le juge ait erré en lui opposant la protection conférée à l’intimé par l’art. 13 de la Charte canadienne des droits et libertés. En effet, l’intimé a témoigné volontairement lors du voir-dire et n’a donc pas été contraint de le faire, de sorte qu’on pourrait légitimement plaider que l’art. 13 ne s’applique pas : R. c. Nedelcu2012 CSC 59, [2012] 3 R.C.S. 311, paragr. 3-8; R. v. H.P., 2022 ONCA 419, paragr. 57, question à laquelle la Cour n’entend toutefois pas répondre en raison de son caractère théorique ici.

[14]      En effet, le juge ne se limite pas à invoquer l’art. 13.

[15]      L’extrait du contre-interrogatoire que veut utiliser l’appelant est indissociable de la réponse donnée dans la déclaration extrajudiciaire puisque, pris isolément, l’extrait est incompréhensible et n’a aucune valeur probante sans que l’on démontre le contexte dans lequel il se situe, c’est-à-dire qu’il réfère à des gestes de nature sexuelle. Ce caractère indissociable entre la réponse donnée en contre-interrogatoire et la déclaration faite au policier est d’ailleurs admis par l’appelant au procès :

[…] Pour que Monsieur comprenne bien la question, c’est sûr qu’il faut qu’on fasse référence à la question-réponse. C’est sûr. Pris hors contexte, ça peut vouloir dire plusieurs choses. « Ce que je vous dis aujourd’hui, j’ai pu commettre des gestes ».

[16]      En somme, pour contextualiser la réponse qu’il voulait utiliser, l’appelant devait référer à une partie d’une déclaration extrajudiciaire déjà jugée inadmissible et voulait donc se servir d’un élément de preuve qui avait été exclu du dossier. Ceci revenait à vouloir faire indirectement ce qu’il ne pouvait faire directement. Le juge a d’ailleurs bien saisi le problème en décidant ainsi :

[…] les sujets sont trop proches du contenu de l’interrogatoire vidéo pour ne pas dire qu’ils sont en plein dedans et, pour des motifs à suivre, c’est-à-dire pour des motifs qui seront dans une forme plus limpide, j’accueille l’objection. Puis je ne vous permets pas de poser cette question-là.

[17]      Il précisera plus tard ce qui suit, dans le cadre du jugement final acquittant l’intimé :

La question que voulait poser la poursuite avait fait l’objet d’un extrait de la déclaration vidéo qui a pas été admise en preuve […] elle a été exclue de la preuve […]. Même si les intentions de la poursuite étaient nobles. La conséquence de permettre un, une telle question, eût été de permettre à la poursuite de mettre en preuve une déclaration incriminante, déclaration qui avait été déclarée non admissible en preuve.

[18]      L’utilisation que voulait en faire l’appelant menait nécessairement à employer un élément de preuve non admissible et le juge pouvait certes conclure comme il l’a fait.

jeudi 20 mars 2025

La règle des confessions et le principe interdisant l'auto-incrimination

Comité paritaire de l'industrie de l'automobile des régions Lanaudière-Laurentides c. 9012-0692 Québec inc., 2023 QCCA 100

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[61]      Selon la définition classique de cette règle issue de la common law, la « confession » (qui peut consister en un aveu de culpabilité proprement dit ou une déclaration) qu'une personne en situation d'autorité obtient d'une manière irrégulière est inadmissible en preuve contre le déclarant détenu ou accusé[71]. L'irrégularité peut découler, par exemple, de la coercition, de promesses, de menaces ou de subterfuges et affecte en conséquence le caractère libre et volontaire de la confession.

[62]      L’application de la règle est, « par nécessité, contextuelle ». Aucune règle simple et rigide ne peut en effet tenir compte des diverses circonstances susceptibles de vicier le caractère libre et volontaire d’une confession[72]Conséquemment, la partie qui veut s’en prévaloir doit en principe démontrer lors d’un voir-dire que la confession a été faite de façon libre et volontaire[73].

[63]      L'application, voire la pertinence, de la règle des confessions soulève toutefois certaines interrogations en l’espèce. Deux considérations principales les suscitent.

[64]      D’abord, ni Paradis, ni Papieau, ni Echevarria n’étaient eux-mêmes accusés devant la juge. Seules l’étaient les intimées, personnes morales.

[65]      De plus, outre que la personne qui a recueilli la déclaration ait agi « en situation d’autorité », l’application de la règle des confessions en droit réglementaire soulève aussi des questionnements en raison des obligations de divulgation et de collaboration qui incombent aux personnes qui exercent des activités dans un secteur réglementé. Ces obligations tendent en effet à atténuer la portée de la règle et, par le fait même, sa pertinence en droit réglementaire.

[66]      Dans le présent cas, les obligations de divulgation et de collaboration incombant à un employeur exerçant des activités visées par le Décret découlent, à l’époque en litige, de l’article 1 du Règlement sur le rapport mensuel du Comité paritaire de l’industrie de l’automobile des régions Lanaudière-Laurentides[74] et des articles 22 al. 3 et 33 de la LDCCprécédemment cités[75].

[67]      Dans l’arrêt Fitzpatrick[76], la Cour suprême, prenant notamment appui sur la théorie de l’acceptation des conditions développée dans son arrêt Wholesale Travel[77], a revu l’application de la protection contre l’auto-incrimination dans le contexte d’activités réglementées. Le jugement de la Cour, rendu par le juge La Forest, nuance la portée du principe de protection contre l’auto-incrimination et l’application de son pendant, la règle des confessions, en droit réglementaire. On peut notamment en retenir que :

-           le principe interdisant l'auto‑incrimination n’a pas « une portée prédéterminée »[78];

-           ce serait aller au‑delà des objectifs de la Charte que d'affirmer que ce principe, enchâssé dans l’article 7, empêche de « mobiliser » contre eux‑mêmes les particuliers qui exercent une activité dans un secteur réglementé en utilisant contre eux des renseignements qu'ils sont tenus de fournir comme condition de cet exercice[79];

-           lorsque les renseignements fournis par la personne ne l’ont pas été dans des « procédures l'opposant à l'État », mais conformément à une exigence réglementaire raisonnable applicable dans un domaine d'activité réglementé, le principe interdisant à l’État de contraindre une personne à produire une preuve contre elle-même ne trouvera généralement pas application[80];

-           la théorie de l’« acceptation des conditions » développée dans l’arrêt Wholesale Travel justifie d’assujettir l'analyse d’une faute ou d'une omission fautive dans un domaine d’activité réglementé à une norme d’examen fondé sur la Charte qui soit moins élevée que celle des « crimes proprement dits »[81];

-           il faut en effet présumer que les personnes qui se lancent dans un domaine d’activité visé par une réglementation particulière en connaissent les modalités pertinentes et les ont acceptées, incluant le concept du contrôle qui s’y rattache[82].

[68]      Enfin, bien qu'à la différence de l'arrêt Fitzpatrick, qui concernait l'article 7 de la Charte, l’arrêt Potash[83] concernait quant à lui la protection contre les fouilles et perquisitions abusives garantie par l'article 8, la Cour suprême y a confirmé l’importance et l’étendue des pouvoirs d’inspection conférés aux comités paritaires québécois afin de leur permettre de s’assurer de l’observance de la LDCC et des décrets qu’ils sont chargés de faire appliquer[84].

L'article 7 de la Charte ne s'applique pas aux personnes morales & la production de document par une personne morale ne constitue pas un accroc à la règle prohibant l'auto‑incrimination

Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, commission sur les pratiques restrictives du commerce), 1990 CanLII 135 (CSC)

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En définitive, je conclus que, dans la mesure où il exige la production de documents, l'art. 17 de la Loi ne viole pas l'art. 7 de la Charte.  Quant aux personnes morales, l'art. 7 ne s'y applique pas.  Pour ce qui est des personnes physiques, agissant à titre personnel, il serait vraiment étonnant, sinon paradoxal, qu'un témoin auquel l'art. 13 de la Charte ne s'applique pas puisse jouir d'une protection plus grande en vertu de la protection résiduelle de l'art. 7 de la Charte que celle dont jouit le témoin visé à l'art. 13.  À mon avis, la protection de l'art. 13 ne s'applique pas à la preuve documentaire comme celle envisagée par l'art. 17 de la Loi, et l'art. 7 comporte la même restriction.

 

   Pour ce qui est de l'art. 8 de la Charte, tout en reconnaissant que les subpoenae duces tecum peuvent constituer des "saisies" pour les fins de cette disposition, vu les objectifs importants de la Loi, la nature du régime de réglementation en vigueur ici et les moyens nécessaires pour réaliser ces objectifs, le degré minime d'immixtion du subpoena dans la vie privée des gens, les garanties offertes par la Loi à cet égard et, dans le cas des sociétés commerciales, leurs attentes limitées en matière de respect de leur vie privée face à des demandes de renseignements économiques, je conclus que les subpoena duces tecum délivrés en vertu de l'art. 17 de la Loi ne constituent pas des saisies "abusives".

 

   Pour ces motifs, je suis d'avis que, dans la mesure où il exige la production de documents, l'art. 17 de la Loi ne viole ni l'art. 7 ni l'art. 8 de la Charte.

lundi 17 mars 2025

Ce que constitue un témoignage forcé

R. c. Nedelcu, 2012 CSC 59 

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[101]                     Parmi les principaux moyens qu’il invoque, le ministère public prétend que, lors de l’interrogatoire préalable dans le cadre de l’action civile contre l’intimé, celui‑ci n’était pas « forcé » de témoigner au sens de l’arrêt Henry.  Le ministère public affirme que l’intimé n’était forcé de témoigner ni subjectivement, parce qu’il avait librement décidé de se soumettre à l’interrogatoire préalable [m.a., par. 36], ni objectivement, parce qu’il avait choisi de déposer une défense et donc de [traduction] « s’assujettir aux règles procédurales [. . .] aux termes desquelles il serait, seulement alors, contraint de témoigner » (m.a., par. 37).

[102]                     Bien que le juge Binnie n’ait pas examiné en détail ce qui constitue un témoignage « forcé » au sens de l’arrêt Henry, il a indiqué qu’un accusé qui choisit librement de témoigner à ses deux procès n’est pas un témoin « forcé » et ne bénéficie pas de la protection de l’art.  13 (par. 43).  Il a aussi ouvert une parenthèse pour préciser : « En l’espèce, il y a lieu de considérer la déposition d’un témoin contraignable comme un témoignage forcé même si le témoin n’a pas été assigné formellement » (par. 34 (je souligne)).

[103]                     L’observation du juge Binnie selon laquelle un accusé qui décide de témoigner est un témoin « volontaire » signifie simplement que, du fait qu’un accusé possède le droit de ne pas être contraint de témoigner contre lui‑même en vertu de l’al. 11c) de la Charte, celui qui choisit de témoigner renonce à son droit de ne pas être contraignable.  Par contre, un témoin qui dépose volontairement au procès de quelqu’un d’autre ne témoigne pas « volontairement » au sens de l’arrêt Henry, même s’il le fait de son plein gré, par exemple, pour aider l’accusé.  La différence est celle‑ci : un accusé qui témoigne volontairement renonce à un droit constitutionnel en choisissant de témoigner.  Tout autre témoin peut par ailleurs être forcé, ce qui signifie que le témoin est contraignable en vertu de la loi, qu’il témoigne « volontairement » ou non.  Ce point de vue est également confirmé par l’observation ci-après du juge Binnie : « . . . il y a lieu de considérer la déposition d’un témoin contraignable comme un témoignage forcé même si le témoin n’a pas été assigné formellement. »

[104]                     Par conséquent, le fait que l’intimé a librement décidé de se soumettre à l’interrogatoire préalable n’est pas pertinent.  Le caractère forcé d’un témoignage ne devrait pas être évalué suivant une norme subjective.  Il serait contraire aux principes établis d’accorder au témoin qui offre de témoigner de son plein gré un degré de protection moindre en vertu de la Charte qu’au témoin qui est assigné ou autrement forcé de témoigner, dans le cas où ils auraient tous les deux pu être de toute façon forcés de témoigner en application de la loi.  Par conséquent, afin d’établir s’il y a quid pro quo dans un cas donné, le tribunal devrait vérifier si le témoin était contraignable en vertu de la loi, et non s’il se sentait subjectivement forcé de témoigner.  En l’espèce, la question pertinente est la suivante : l’intimé était‑il forcé, en vertu de la loi, de témoigner dans l’instance?

[105]                     Selon le deuxième moyen soulevé par le ministère public relativement à la contrainte, l’intimé n’a pas été objectivement forcé de témoigner parce qu’il avait choisi de déposer une défense et s’était donc assujetti de son plein gré aux exigences de l’interrogatoire préalable en matière civile.

[106]                     Ce moyen doit également être rejeté.  Premièrement, comme l’a fait remarquer l’intervenante l’Advocates’ Society, l’intégrité de la procédure civile de communication préalable pourrait être compromise si les tribunaux considéraient que les défendeurs dans une action civile ne sont pas des témoins « forcés » pour l’application de l’art. 13.  Les parties dans une instance criminelle pourraient alors trouver avantageux de ne pas coopérer dans une action civile, ce qui forcerait l’autre partie à obtenir une ordonnance pour les contraindre à témoigner lors de l’interrogatoire préalable.

[107]                     Qui plus est, cependant, il existe une raison de principe pour laquelle un défendeur qui témoigne dans le cadre d’une procédure civile de communication préalable constitue un témoin « forcé » pour l’application de l’art. 13.  Encore une fois, la question pertinente est la suivante : L’intimé était-il forcéen vertu de la loi, de témoigner dans l’instance? En l’espèce, la disposition législative aux termes de laquelle le défendeur est contraint de se soumettre à un interrogatoire préalable, qu’il dépose ou non une défense, est la règle 31.04(2) des Règles de procédure civile :

                           31.04 . . .

                           (2)     La partie qui désire interroger au préalable un défendeur peut lui signifier un avis d’interrogatoire, conformément à la règle 34.04, ou un questionnaire, conformément à la règle 35.01, uniquement après :

                           a)        soit la remise de la défense par le défendeur et, à moins que les parties ne conviennent autrement, la signification d’un affidavit de documents par la partie interrogatrice;

                           b)      soit la constatation en défaut du défendeur.

[108]                     Par conséquent, le défaut de déposer une défense ne permet pas à l’intimé [traduction] « d’éviter de s’assujettir aux règles procédurales [. . .] aux termes desquelles il serait, seulement alors, contraint de témoigner », comme le fait valoir le ministère public (m.a., par. 37).  Si le défendeur avait omis de déposer une défense, le demandeur aurait pu le faire constater en défaut et l’obliger ensuite, en vertu de la règle 31.04(2)b), à être interrogé au préalable.  Je note que le fait que le demandeur ait ou non effectivement fait constater l’intimé en défaut n’est pas pertinent.  S’il importe peu pour l’application de l’art. 13 qu’un témoin, susceptible d’être forcé de témoigner en vertu de la loi, choisisse de le faire de son plein gré, il n’importe pas davantage qu’un demandeur n’utilise pas le pouvoir que lui confère la loi de contraindre un défendeur à se soumettre à un interrogatoire préalable.  Dans les deux cas, la loi offre un moyen de contraindre le témoin.  C’est ce qui rend un témoin contraignable.  Que ce moyen ait été utilisé ou non ne change pas le fait qu’il existe et qu’il aurait pu être utilisé.

[109]                     Je conclus donc que l’intimé était un témoin contraignable en vertu de la loi et, par conséquent, un témoin « forcé » au sens de l’arrêt Henry et pour l’application de l’art. 13.

Le principe interdisant l’auto-incrimination « est un principe directeur général de droit criminel, dont il est possible de tirer des règles particulières »

Jacques c. R., 2025 QCCS 485

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[122]     Dans l’arrêt A. (L.L.) c. B. (A.), la Cour suprême résumait les grandes lignes de ce que constitue la règle audi alteram partem[117] :

Le principe audi alteram partem, règle de justice naturelle et précepte fondamental de notre système juridique, exige que les tribunaux accordent aux personnes visées par leurs décisions l'occasion d'être entendues. Les règles de justice naturelle ou d'équité procédurale sont le plus souvent abordées dans le contexte du contrôle judiciaire des décisions d'organismes administratifs, mais c'est en droit criminel qu'on en retrace l'origine.

[123]     Plus récemment, dans l’arrêt Haevischer, elle a aussi souligné l’importance pour les accusés de pouvoir faire valoir leurs droits[118] :

[56] Dans les affaires criminelles, l’équité du procès est plus qu’un objectif de politique générale : c’est un impératif constitutionnel. Un procès criminel porte sur des allégations faites par l’État contre un accusé dont la liberté est souvent en jeu. Le rejet sommaire de requêtes en droit criminel peut restreindre le droit de l’accusé à une défense pleine et entière et son droit à un procès équitable, garantis par l’art. 7 et l’al. 11d) de la Charte, en empêchant celuici de présenter en détail ses arguments et d’obtenir des éléments de preuve à l’appui de sa requête. Il y a, évidemment, des limites à ces droits. Par exemple, les personnes accusées n’ont pas droit à un voirdire et, si un voirdire est ordonné, elles n’ont pas droit au style de voirdire qu’elles préfèrent. Le juge du procès décide s’il y a un voirdire et, le cas échéant, de la façon dont celuici se déroule et s’il devrait comprendre une audition de la preuve. Néanmoins, le rejet sommaire de requêtes présentées dans le contexte du droit criminel met en cause les droits de l’accusé et, dans certaines circonstances, peut les restreindre.

[Références omises]

3.4   Discussion

[124]     À la lumière de ses arguments, l’appelant semble reconnaître que la juge d’instance disposait, par le biais de ses pouvoirs de gestion, de la latitude suffisante pour écarter un argument ayant déjà été tranché. Seulement, il soumet que la question de l’auto-incrimination n’a tout simplement jamais été abordée devant elle, justifiant que « la preuve en cause », soit « le taux d’alcoolémie », soit écartée.

[125]     Avec égards pour la position de l’appelant, le soussigné ne peut en arriver à une telle conclusion.

[126]     Comme l’écrivait la Cour suprême dans l’arrêt Jones, le principe interdisant l’auto-incrimination « est un principe directeur général de droit criminel, dont il est possible de tirer des règles particulières »[119]. Dans l’arrêt White, la Cour énumère certaines de ces règles[120] :

44 Il ressort clairement de la jurisprudence de notre Cour que le principe interdisant l’autoincrimination est un principe prépondérant dans notre système de justice criminelle, duquel émanent un certain nombre de règles issues de la common law et de la Charte, comme la règle des confessions et le droit de garder le silence, parmi tant d’autres. Ce principe peut aussi être la source de nouvelles règles en temps opportun. Dans la Charte, le principe interdisant l’autoincrimination se retrouve dans plusieurs protections procédurales plus précises, comme, par exemple, le droit à l’avocat selon l’al. 10b), le droit à la noncontraignabilité selon l’al. 11c) et le droit à l’immunité contre l’utilisation de la preuve selon l’art. 13. La Charte prévoit également une protection résiduelle de ce principe par son art. 7.

[127]      Encore récemment, dans l’arrêt J.J., la Cour suprême résumait les différentes manifestations du principe interdisant l’autoincrimination, soulignant qu’« [a]vant le procès, la loi empêche qu’un accusé soit contraint de prêter son concours aux poursuites intentées contre lui. Elle le fait au moyen de la règle des confessions, du droit de l’accusé de garder le silence lorsqu’il est interrogé par des agents de l’État et de l’absence d’une obligation générale de communication »[121].

[128]     Ainsi, le Tribunal est d’avis que l’appelant fait erreur en affirmant que le droit au silence et le droit d’être protégé contre l’auto-incrimination sont deux droits distincts, la jurisprudence suggérant plutôt que le premier n’est que l’une des « manifestations »[122] du second.

[129]     Cette conclusion n’est toutefois pas suffisante pour écarter le présent motif d’appel, puisque la juge d’instance aurait très bien pu refuser d’entendre un argument différent de celui sur lequel elle s’était déjà prononcée, qui se serait fondé sur une autre manifestation du principe interdisant l’autoincrimination. Dans la présente affaire, le soussigné ne peut toutefois pas en conclure ainsi.

[130]     En effet, une lecture attentive des arguments que l’appelant entendait soulever dans la deuxième requête en exclusion de la preuve[123] a permis au Tribunal de constater une très grande similitude avec les arguments que l’appelant a plaidé devant le soussigné eu égard à la seconde question en litige, qui portait sur la violation du droit au silence. De toute évidence, il s’agissait essentiellement du même argument, mais présenté sous l’angle du droit à la non-incrimination. Comme ce droit n’existe pas à proprement parler, le cœur de son argumentaire reposait en fait sur le droit au silence.

[131]     Le Tribunal se doit en outre de noter que l’appelant, par le biais de son procureur, cherchait à écarter le taux d’alcoolémie devant la juge d’instance en plaidant le droit d’être protégé contre l’auto-incrimination. Or, même en admettant l’existence d’une violation du principe interdisant l’autoincrimination par les policiers dans l’ambulance, ce que le Tribunal ne reconnaît pas, il convient de souligner que la preuve d’alcoolémie résulte de la mise en œuvre de l’article 254(3) a) C.cr. suivant l’arrestation de l’appelant, alors que celui-ci n’a pas porté en appel la conclusion de la juge d’instance sur la raisonnabilité des motifs d’arrestation. En d’autres termes, même en concluant à une violation d’une des règles émanant du principe interdisant l’autoincrimination par les policiers dans l’ambulance, le soussigné ne croit pas que la juge d’instance aurait été en mesure de rendre la conclusion recherchée par l’appelant.

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