[37] En 1996, le droit de la détermination de la peine fait l’objet d’une réforme substantielle. Dans l’arrêt Proulx, le juge en chef Lamer résume la teneur de celle-ci :
15 Comme l’ont expliqué mes collègues les juges Cory et Iacobucci dans R. c. Gladue, 1999 CanLII 679 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 688, au par. 39, «[l]’adoption de la nouvelle partie XXIII a marqué une étape majeure, soit la première codification et la première réforme substantielle des principes de détermination de la peine dans l’histoire du droit criminel canadien». Ils ont signalé deux des principaux objectifs que visait le législateur en édictant ces nouvelles mesures législatives: (i) réduire le recours à l’emprisonnement comme sanction, (ii) élargir l’application des principes de justice corrective au moment du prononcé de la peine (au par. 48).
[38] Afin de bien signaler sa volonté de réduire le recours à l’emprisonnement, le Parlement adopte l’alinéa 718.2d) C.cr. qui impose au tribunal « l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient ».
[39] Ce principe de modération n’était pas entièrement nouveau.
[40] Dans l’arrêt Biron[15], le juge Rothman explique que l’emprisonnement ne doit être envisagé pour un délinquant primaire que si aucune peine n’est appropriée :
It is now, I think, accepted as a general principle of sentencing that before imposing a custodial sentence on a first offender, a sentencing court should carefully explore the other dispositions available. A custodial sentence should only be imposed in cases where the circumstances are such or the gravity of the offence is such that no other sentence is appropriate. (R. v. Stein (1974), 1974 CanLII 1615 (ON CA), 15 C.C.C.(2d) 376 (Ont. C.A.); R. v. Bates (1977), 1977 CanLII 2054 (ON CA), 32 C.C.C. (2d) 493 (Ont. C.A.))[16].
[Le soulignement est ajouté]
[41] Toutefois, l’alinéa 718.2d) consacrait législativement le principe de modération dans l’utilisation de l’emprisonnement « pour la première fois au Canada »[17] et il marque un pas en établissant que ce principe doit être envisagé à l’égard de tous les délinquants. Ce faisant, le législateur a « positionné l’emprisonnement comme une mesure de dernier recours »[18].
[42] Tout récemment, dans l’arrêt Parranto, la juge Martin rappelle l’importance du principe de la modération dans le recours à l’emprisonnement et le fait que les réformes de 1996 en matière de détermination de la peine visaient à s’attaquer au problème de la surincarcération au Canada :
[45] Les points de départ ne dispensent pas non plus les juges chargés de déterminer la peine de tenir compte de tous les principes applicables en la matière. Les principes de la dénonciation et de la dissuasion sont généralement des objectifs intrinsèques des points de départ et sont reflétés dans les fourchettes de peines, mais [traduction] « on ne saurait permettre à ces objectifs de réduire à néant et de rendre inopérants ou inefficaces d’autres objectifs pertinents de la détermination de la peine » (R. c. Okimaw, 2016 ABCA 246, 340 C.C.C. (3d) 225, par. 90). On s’attend à ce que les juges chargés de déterminer la peine tiennent compte des autres objectifs pertinents relatifs à la détermination de la peine, y compris la réinsertion sociale et la modération quant au recours à l’emprisonnement, lorsqu’ils procèdent à une analyse individualisée. D’ailleurs, notre Cour a jugé que les réformes de 1996 en matière de détermination de la peine visaient à la fois à faire en sorte que les tribunaux tiennent compte des principes de justice réparatrice et à s’attaquer au problème de la surincarcération au Canada (Gladue, par. 57; Proulx, par. 16‑20). Les juges chargés de déterminer la peine jouissent du pouvoir discrétionnaire de décider à quels objectifs il faut accorder la priorité (Nasogaluak, par. 43; Lacasse, par. 54), et ils peuvent choisir d’attribuer plus de poids à la réinsertion sociale et à d’autres objectifs que des objectifs intrinsèques telles la dénonciation et la dissuasion. Les cours d’appel ne devraient pas perdre de vue ces principes — ni la norme de contrôle les obligeant à faire preuve de déférence — lorsqu’elles se penchent sur des peines qui s’écartent d’un point de départ ou d’une fourchette de peines[19].
[Les soulignements sont ajoutés]
[43] Cela dit, « la réalisation de l’important objectif de modération dans le recours à l’incarcération »[20] ne doit pas se faire « à n’importe quel prix »[21]. Comme l’explique le juge Lamer dans l’arrêt Proulx : « pour décider si les circonstances ‘‘justifient’’ des sanctions moins contraignantes ou si des sanctions substitutives sont ‘‘justifiées’’, il faut prendre en compte les autres principes de détermination de la peine visés aux art. 718 à 718.2 »[22].
[44] Même si on peut inférer qu’en imposant une peine d’emprisonnement le juge a écarté l’infliction d’une peine moins privative de liberté, il ne considère pas la possibilité de surseoir au prononcé de la peine et d’imposer une probation de trois ans assortie d’une obligation de faire des travaux communautaires, comme le suggérait l’appelant.
[90] L’appelant ayant déjà purgé 41 jours de détention, je n’ajouterais pas maintenant l’accomplissement de travaux communautaires à la probation, bien qu’il s’agisse d’une mesure de nature à responsabiliser un délinquant[67].