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mercredi 18 septembre 2024

Une agression armée qui a le potentiel de mettre la vie de la victime en danger ne se qualifie pas de facto comme un voies de fait grave si la conséquence prohibée ne se réalise pas

R. v. de Freitas, 1999 CanLII 14071 (MB CA)

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8                                 The Criminal Code defines assault (s. 265) and then creates three categories, simple assault (s. 266), intermediate assault[1] (s. 267) and aggravated assault (s. 268).  The maximum penalty for simple assault is five years’ imprisonment, that for intermediate assault 10 years and that for aggravated assault 14 years.

9                                 The category of simple assault covers all assaults that do not fall into one of the higher categories.  An intermediate assault is defined as one committed by a person who, in committing it, carries, uses or threatens to use a weapon or causes bodily harm while an aggravated assault is defined as one which wounds, maims, disfigures or endangers the life of the complainant.

10                             These graduated categories thus progress from the least serious to the most serious.  The least serious category covers those assaults with the least risk of harm to the victim.  No weapon is involved and no bodily harm is caused.  The intermediate category involves either a more serious manner of carrying out the offence (i.e. involving a weapon) or bodily harm falling short of wounding, maiming or disfiguring the victim.  Finally, we have the most serious category in which the victim is wounded, maimed, disfigured or his or her life endangered.

11                                   What strikes me about the offence of aggravated assault is that it is defined not by reference to the manner in which it is carried out, but rather in reference to a consequence.  No matter how the offence is carried out, it becomes one of aggravated assault if the victim is wounded, maimed or disfigured.  This strongly suggests that, in adding endangerment to life, Parliament intended the phrase to refer to a consequence of an assault rather than a risk which arose from it.

12                             The use of a weapon in an assault will almost always create a risk of the victim being wounded, maimed or disfigured or his or her life endangered.  Yet the legislation does not place an assault with a weapon in the category of aggravated assault.  For this to happen, the risk must become reality.  The victim must actually be wounded, maimed or disfigured or his or her life endangered.  “Endangers the life of the complainant” is thus, in my view, intended to be as much a consequence of the assault as “wounds, maims or disfigures.”

13                             I do, however, agree with Moldaver J. (as he then was) in R. v. Melaragni (1992), 1992 CanLII 12779 (ON SC)75 C.C.C. (3d) 546 (Ont. Ct. (Gen. Div.)), when he held that bodily harm was not a necessary prerequisite of endangerment to life.  He gave the following examples of assaults which endanger life without causing actual bodily harm (at p. 550):

For example, if D. and V. are standing on a 20th-floor balcony and D. pushes V., causing V. to go over the railing, but V. miraculously holds on and is rescued before falling, can it be doubted that D.’s common assault endangered the life of V.?  In this example, D. has assaulted V. and the assault has endangered V.’s life even though V. suffered no bodily injury.  The same could be said if D. pushed V. into a busy intersection in the face of oncoming vehicular traffic.  Assuming that an alert motorist was able to avoid striking V., can it be doubted that V.’s life was endangered?

 

14                             In my opinion, the assaults in those examples qualify as aggravated assaults because endangerment to life is the consequence of the completed assault.  Most assaults with a weapon have such potential at their inception, but do not qualify as an aggravated assault because the potential is unrealized when the assault ends.

jeudi 8 août 2013

L'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles est généralement incluse à celle de voies de fait graves

Lefebvre Boucher c. R., 2013 QCCA 1003 (CanLII)

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[4]         À la fin de l'enquête préliminaire, il y eut renvoi à procès sur ce chef, mais uniquement sur une accusation de voies de fait graves commises « en mettant en danger » la vie de la victime, les autres modes de perpétration de l'infraction étant spécifiquement biffés. En effet, la juge de paix présidant l'enquête préliminaire a estimé qu'il y avait absence de preuve selon laquelle l'appelant aurait blessé, mutilé ou défiguré la victime au sens de l'art. 268 C.cr. Par ailleurs, l'intimée admet que les lésions dont a été victime la plaignante n'ont pas été causées par cette agression, mais plutôt antérieurement à celle-ci.
[5]         Le procès s'est donc tenu sur la base d'un chef d'accusation amputé de toute mention de blessures et limité au fait d'avoir commis des voies de fait graves en mettant en danger la vie de la victime.
[6]         Le juge de première instance a conclu qu'il n'y avait aucune preuve que l'appelant avait mis en danger la vie de la victime et l'a acquitté en conséquence de l'accusation de voies de fait graves. Par contre, étant d'avis que l'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles était incluse, il l'a reconnu coupable de cette infraction.
[7]         Il est vrai que l'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles est généralement incluse à celle de voies de fait graves, puisque les éléments constitutifs de la première sont compris dans la seconde. De plus, elle doit nécessairement être commise dans la perpétration des voies de fait graves, à moins que cette dernière accusation soit autrement particularisée.
[8]         Il existe toutefois des cas où, malgré cette règle générale, l'accusation de voies de fait causant des lésions corporelles n'est pas incluse. C'est le cas ici, alors que seule l'infraction de voies de fait simples l'était.
[9]         Pour que la règle générale puisse s'appliquer en l'espèce, il faudrait que les éléments constitutifs de l'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles soient décrits dans la disposition qui criminalise les voies de fait graves ou dans le libellé du chef d'accusation. Or, quant à cette dernière hypothèse, comme la juge présidant l'enquête préliminaire a ordonné la radiation des termes « en la blessant, mutilant, défigurant » et que l'accusation portée aux fins du procès était conforme à cette ordonnance, l'on ne peut certes pas dire que l'infraction était incluse dans le chef « tel que rédigé », puisqu'il est possible de mettre la vie en danger, sans causer de lésions corporelles.
[10]      Quant à la disposition qui crée l'infraction, s'il est vrai que le paragr. 268(1) C.cr. fait état de lésions corporelles, il faut, vu les circonstances de l'espèce, aborder cette question en tenant compte de l'équité du procès, des spécificités de l'accusation portée et du droit de l'accusé de connaître les infractions incluses auxquelles il doit faire face. Ici, la rédaction du chef particularisait l'infraction en faisant spécifiquement abstraction de toute notion de lésions corporelles, ce qui empêchait l'application, sans distinction, de la définition générale de voies de fait graves pour identifier les infractions incluses. Il fallait donc se limiter au chef tel que libellé.
[11]      Par contre, l'accusation de voies de fait simples était évidemment incluse à l'accusation d'avoir commis des voies de fait graves.

vendredi 25 janvier 2013

Les éléments constitutifs de l'infraction de voies de fait graves

R. c. Arnold, 2012 QCCQ 15670 (CanLII)

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[154]     L'actus reus des voies de fait se compose de :
-l'emploi de la force sur une autre personne;
-l'absence de consentement de la victime.

[155]     Pour l'infraction de voies de fait graves, il faut ajouter aux éléments à démontrer que les blessures, les mutilations, la défiguration ou encore le fait que la vie de la victime ait été mise en danger sont une conséquence factuelle de l'agression subie par la victime.

[156]     Quant à l'élément mental, tant les voies de fait simples que les voies de fait graves sont des infractions d'intention générale qui n'exigent que l'intention minimale d'utiliser la force.

[157]     La mens rea des voies de fait graves a été clairement définie dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans R. c. Godin:
« La mens rea requise aux fins du par. 268(1) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, est la prévision objective de lésions corporelles.  Il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu intention de blesser, mutiler ou défigurer.  Le paragraphe se rapporte à des voies de fait qui ont pour conséquence de blesser, mutiler ou défigurer.  Cela découle des décisions des arrêts R. c. DeSousa, 1992 CanLII 80 (CSC), [1992] 2 R.C.S. 944, et R. c. Creighton, 1993 CanLII 61 (CSC), [1993] 3 R.C.S. 3, de notre Cour. »
[158]     Donc le critère est celui de la prévisibilité objective de lésions corporelles, et non la prévisibilité objective de lésions corporelles graves.  Ceci implique nécessairement que le test ne consiste pas à déterminer si l'accusé, au moment de commettre les voies de fait, avait réellement à l'esprit les conséquences qui sont survenues, mais plutôt à déterminer si, en posant le geste qu'il a posé, l'accusé aurait dû savoir qu'il pouvait causer à la victime des lésions corporelles, tel que définies à l'article 2 du Code criminel.

Les éléments constitutifs des infractions de voies de fait graves & de voies de fait armées

R. c. Martin Champoux, 2012 QCCQ 14905 (CanLII)

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[52]        Relativement à l'infraction de voies de fait graves, pour obtenir une déclaration de culpabilité, la poursuite doit établir hors de tout doute raisonnable que l'accusé a employé la force d'une manière intentionnelle et démontrer une prévision objective de lésions corporelles tel que décidé par la Cour suprême dans l'arrêt Godin. La poursuite n'a pas à prouver que l'accusé avait l'intention de causer les blessures ou de mettre la vie en danger.

[53]        Quant à l'infraction de voies de fait armées, la même intention d'emploi de la force de manière intentionnelle est requise. La poursuite devra aussi démontrer que l'accusé utilisait une arme lors de la commission des voies de fait.

jeudi 1 novembre 2012

La différence entre la lésion corporelle & la blessure

Tremblay c. R., 2012 QCCA 1912 (CanLII)

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[13] Même s’il est exact que, fort heureusement, il n’en est pas résulté de conséquences pour la victime, la blessure au dos n’est pas sans importance. Elle est de la nature des voies de fait graves au sens de l’article 268 C.cr. :

The difference between assault causing bodily harm and aggravated assault is not very substantial, though the suffering that results does have to last longer or be more severe than simple bodily harm. The three primary terms cover just about every type of injury. Wounding refers to an injury that breaks the skin, leading to blood loss, [Littletent, 1985 ABCA 22 (CanLII), [1985] A.J. No. 265, 17 C.C.C. (3d) 520 (Alta. C.A.)], although it does not include cuts or abrasions of a minor sort

mardi 30 octobre 2012

La déchirure du tympan est une blessure au sens de l'article 268 Ccr

R. v. Assiniboine, 2005 BCSC 1053 (CanLII)

Lien vers la décision

[40] In this case the fact that blood was seen coming from Mr. Hogue's nose and eye does not satisfy me that there was a breaking of the skin which the narrow definition of wounding requires. It has been held by at least one appellate court that breaking an eardrum constitutes wounding. I refer to R. v. Littletent, 1985 ABCA 22 (CanLII), (1985) 17 CCC (3d) 520 (Alta. C.A.). In the present case the paramedic testified Mr. Hogue was bleeding from his ear but the medical evidence does not satisfy me beyond a reasonable doubt that the bleeding from the ear resulted from the stomping or kicking and not from Mr. Hogue's head striking the pavement.




vendredi 19 octobre 2012

L’étranglement en droit criminel

Rapport du groupe de travail sur l’étranglement de la section du droit pénal

Lien vers le rapport en question

Les infractions principales applicables à cette conduite sont celles de voies de fait, voies de fait causant des lésions corporelles et voies de fait graves. L’infraction de tentative de meurtre pourrait également s’appliquer lorsque l’intention expresse peut être démontrée. D’autres infractions de tentative pourraient également être applicables.


L’infraction d’étouffement ou d’étranglement en vue de vaincre la résistance est évidemment aussi applicable. Il faut toutefois que la conduite s’accompagne de l’intention de rendre possible la perpétration d’un autre acte criminel ou d’y contribuer.

L’étranglement constituerait manifestement au moins des voies de fait simples. Compte tenu des circonstances, il pourrait bien aussi constituer des voies de fait causant des lésions corporelles ou une tentative de commettes de telles voies de fait selon la nature de la blessure résultante.

Cependant, étant donné les conséquences possiblement mortelles décrites plus précisément ci-dessous, l’accusation la plus appropriée pourrait être celle de voies de fait graves ou tentative de voies de fait grave. Ces infractions sont respectivement assorties de peines maximales de quatorze et de sept ans d’emprisonnement.

Les blessures consécutives à l’étranglement peuvent être suffisantes pour satisfaire aux définitions de blesser, mutiler ou défigurer, que l’on retrouve dans la jurisprudence; dans de nombreux cas, toutefois, l’étranglement constituera une infraction de mettre en danger la vie ou de tenter de le faire. Dans R. c. Williams, la Cour suprême a résumé ainsi la définition de cet élément :

Dans Godin, précité, le juge Cory a déclaré, à la p. 485 : « [l]e paragraphe se rapporte à des voies de fait qui ont pour conséquence de blesser, mutiler ou défigurer » (je souligne) ou (pour compléter la liste) de mettre la vie en danger. Le mot « danger » renvoi à la notion de péril ou de risque, tout comme le terme « endanger », utilisé dans la version anglaise et qui signifie « [p]ut in danger . . . put in peril . . . [i]ncur the risk » : New Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles (1993), vol. 1, p. 816.

Les lésions corporelles ne constituent pas une condition à l’infraction de mettre la vie en danger dans le cas de voies de fait graves. Cependant, les voies de fait commises doivent avoir réellement mis en danger la vie de la victime et non seulement avoir comporté la possibilité d’une telle conséquence.  Voici des exemples hypothétiques d’une telle conduite :

[TRADUCTION] Par exemple, si D. et V. se trouvent debout sur un balcon au vingtième étage d’un édifice et que D. pousse V. et fait passer V. de l’autre côté du garde-fou que V. réussit à s’accrocher miraculeusement jusqu’à ce qu’on vienne à son secours, peut-on douter que les voies de fait de D. ont mis en danger la vie de V. ? Dans cet exemple, D. a commis des voies de fait sur V. et ces voies de fait ont mis la vie de V. en danger même si V. n’a pas subi de lésion corporelle. On pourrait en dire autant si D. avait poussé V. dans un carrefour achalandé malgré la possibilité que des véhicules ne heurtent V. Même si un automobiliste attentif a été capable d’éviter de heurter V., peut-on douter que la vie de V. était en danger ?

Lorsque cet élément n’est pas démontré, une déclaration de culpabilité pour voies de fait graves peut néanmoins être prononcée si l’élément moral de l’infraction est établi et si les actions du délinquant dépassent la simple préparation

Tiré de : Rapport du groupe de travail sur l’étranglement de la section du droit pénal

http://www.ulcc.ca/fr/poam2/Strangulation_Rep_Fr.pdf

mardi 24 avril 2012

L'infraction de voies de fait armés n'est pas nécessairement moindre et incluse à l'infraction de voies de fait graves

R. v. St. Clair, 1994 CanLII 8719 (ON CA)

Lien vers la décision

[13] The Crown conceded in oral argument that the offence created by s. 267 is not an included offence and that the trial judge erred in leaving the offence of assault with a weapon (s. 267(1)(a)) with the jury as a possible verdict. The offence alleged in the indictment was that the appellant committed aggravated assault by wounding. Section 268 provides:

[14] The trial judge, with the apparent consent of both Crown and defence counsel at trial, directed the jury that “assault with a weapon” as set out in s. 267(1)(a), was an included offence and thus a possible verdict. Section 267(1)(a) provides:

[15] The indictment did not set out the means by which the assault was alleged to have been committed. Neither the indictment, nor s. 268 of the Criminal Code (aggravated assault by wounding) makes the offence set out in s. 267 an included offence: see Luckett v. The Queen 1980 CanLII 185 (SCC), (1980), 50 C.C.C. (2d) 489, [1980] 1 S.C.R. 1140, 20 C.R. (3d) 393 (S.C.C.); R. v. Simpson (No. 2) reflex, (1981), 58 C.C.C. (2d) 122, 20 C.R. (3d) 36, 5 W.C.B. 455 (Ont. C.A.). Thus the trial judge erred in leaving the offence set out in s. 267(1)(a) with the jury as an included offence.

samedi 10 décembre 2011

Revue de la jurisprudence sur la détermination de la peine visant l'infraction de voies de fait graves

R. c. Cedar, 2011 QCCQ 14965 (CanLII)

[16] Rappelons que la peine de détention ferme est prononcée en dernier recours.

[17] L’imposition de la peine s’avère une tâche très difficile; tout en étant sensible aux conséquences vécues par les victimes et les proches, il s’agit de punir un individu pour un crime donné et non pas d’agir par vengeance.

[18] La gravité du crime est importante, car le législateur prévoit une peine maximale de 14 ans d’emprisonnement pour l’infraction de voies de fait graves.

[19] La gravité subjective est aussi à souligner. Quoique le crime n’ait pas été prémédité, il s’agit d’une agression gratuite, commise avec un couteau, avec des séquelles importantes pour la victime.

[20] Dans Antonelli c. R, la Cour d’appel du Québec conclut « qu’en matière de voies de fait graves, sans usage d’une automobile, la fourchette des peines va de la sentence suspendue à l’incarcération, mais la jurisprudence n’est pas avare d’affaires où des peines de 3 à 5 ans sont imposées ». Dans ce dossier, il s’agissait de voies de fait graves commises avec une voiture. L’accusé a foncé dans un abribus, dans lequel se trouvaient cinq personnes et il a été condamné à 5 ans d’emprisonnement.

[21] Dans Bouchard-Lebrun c. R., la Cour d’appel maintient la peine de 5 ans pour un accusé, sans antécédents judiciaires, fortement intoxiqué, qui, sans préméditation, a commis des voies de fait graves impliquant que la victime passe le reste de ses jours à l’hôpital.

[22] Dans David Réjouis c. R, la Cour d’appel réduit la peine à une durée de deux ans moins un jour, assortie d'une probation de trois années, pour trois accusations de voies de fait graves. Près de la station de métro, une altercation a lieu avec un autre groupe; l’accusé intervient avec un couteau pour défendre un de ses amis. Trois personnes sont blessées; deux des personnes subissent une blessure superficielle, mais la troisième est atteinte sérieusement aux intestins. Elle doit subir une intervention chirurgicale et être hospitalisée durant deux semaines. L’accusé est jeune, sans antécédents judiciaires et possède de bonnes valeurs familiales.

[23] La Cour d’appel dans Maranda-Duquette c. R., a réduit à 24 mois la peine imposée pour des voies de fait graves. L’accusé a asséné un coup de poing au visage de la victime, qui s’est fracassé la tête sur le sol; victime d’une fracture du crâne, elle a été hospitalisée aux soins intensifs durant une semaine. Aucune arme n’a été utilisée, mais l’accusé avait une condamnation antérieure de voies de fait pour laquelle, il s’est vu infliger une peine de trois jours.

[24] Dans Oweetaluktuk c. R., la Cour d’appel réduit la sentence à 42 mois. L’accusé a asséné deux coups de couteau dans le dos de sa mère, l’a frappée avec une chaise et un tabouret et a frappé sa grand-mère. La Cour d’appel précise que la sentence se situe dans la fourchette des peines imposées pour des infractions commises par des autochtones et des non-autochtones.

[25] Dans R. c. Niedzielski, une peine de 3 ans fut imposée pour un individu qui a agressé, dans une station de métro des personnes, qu’il ne connaissait pas, dont l'une a subi des séquelles très sévères. Cette victime est demeurée dans le coma pendant une longue période et a, en outre, subi plusieurs fractures et des dommages au cerveau. La gravité objective des crimes, la violence gratuite, les gestes posés par l’intimé et les lourdes conséquences pour les victimes sont les facteurs considérés.

[26] La Cour d’appel dans Rioux c. R., impose une peine de 5 ans et 4 mois à un individu qui a commis des voies de fait graves avec un couteau. Le geste impulsif et sans préméditation a eu des conséquences suivantes pour la victime : coma durant un mois, hospitalisation de 2 mois et séquelles importantes. L’accusé n’avait pas d’antécédents judiciaires

[27] Dans R. c. Mark Jackson, La Cour d’appel confirme une peine de 5 ans pour un individu qui s’est bagarré à la sortie d’un bar et qui a utilisé un couteau pour assaillir la victime. L’accusé a de nombreux antécédents judiciaires et a commis le crime alors qu’il purgeait une sentence dans la collectivité.

[28] Dans R. c. Alexandre, la Cour du Québec impose une peine de 5 ans de pénitencier à un individu qui a poignardé la victime à plusieurs reprises. La brutalité de l’infraction, les séquelles importantes, la préméditation, le fait que l’accusé était sur le coup de 3 ordonnances de probation au moment des évènements et avait une condamnation pour négligence criminelle causant la mort ont justifié la peine imposée.

[29] De cette revue de la jurisprudence, il appert que des sentences de 5 ans de pénitencier sont imposées dans les cas où les accusés ont des antécédents judiciaires ou lorsque les séquelles sont plus lourdes que dans la présente affaire.

jeudi 21 juillet 2011

Certains principes concernant les voies de fait, les voies de fait armées, les voies de fait graves et la légitime défense

R. c. Larocque, 2005 CanLII 17593 (QC CQ)

[19] Le Tribunal retient ce qui suit:

- En matière de voies de fait, l'usage de la force doit être intentionnel. La poursuite n'a cependant pas l'obligation de prouver que l'accusé désirait atteindre un but particulier

- Une personne peut commettre des voies de fait si elle menace d'employer la force [article 265 (b)].

- La personne qui menace de frapper avec un objet accomplit le crime de voies de fait armées.

- Pour commettre des voies de fait graves, il n'est pas nécessaire de prouver que l'accusé avait l'intention de causer des blessures. La preuve de la prévisibilité objective sera suffisante.

- Une personne attaquée sans provocation de sa part peut employer la force nécessaire pour se défendre et un test particulier s'applique si des lésions corporelles sont causées. L'accusé n'a qu'à soulever un doute raisonnable qu'il était en état de légitime défense.

- En certaines circonstances, un accusé peut soulever une défense d'accident lorsque les gestes reprochés sont posés de façon non intentionnelle et involontaire.

jeudi 2 juin 2011

Détermination de la peine dans les cas de violence physique envers un enfant

R. c. Vachon, 2010 QCCQ 10405 (CanLII)

1) R. v. Scharf, 1987 CarswellOnt 2322
• Voies de fait graves sur un enfant par un membre de la famille.
• Sentence suspendue.

2) R. v. Hendrickson, 1988 CarswellBC 1140
• Peine de douze mois pour voies de fait graves.

3) R. v. Browning, 1989 CarswellOnt 2632
• Peine de trois ans de pénitencier.

4) R. v. H. (B.J.), 50 C.C.C. (3d) 551
• Peine de douze ans maintenue en appel.
• Multiples fractures à l’enfant qui gardera des séquelles permanentes sur les plans physique et intellectuel.

5) R. v. Evans, [1992] A.J. no 582
• Sentence suspendue.
• Père de famille inapte, ayant une limite intellectuelle

6) R. v. Wilson, 1992 CarswellOnt 2105
• Peine de deux ans.

7) R. v. Fabros, 1993 CarswellMan 507
• Mesures probatoires imposées à la mère.

8) R. v. Brown, 1993 CarswellAlta 893
• Enfant torturée.
• La Cour d’appel impose une peine de six ans.

9) R. v. Hiltermann, 1993 CarswellAlta 627
• L'accusé a plaidé coupable à des voies de fait commises sur son enfant de sept ans.
• L'accusé était atteint de troubles mentaux.
• Probation de trois ans.

10) R. v. Just, 1993 CarswellAlta 919
• La Cour d’appel confirme la peine (sentence suspendue).

11) R. v. Nawakayas, 1994 CarswellSask 349
• Peine de trente mois.
• Enfant battu violemment.
• L'accusée avait un problème d’alcool.

12) R. v. Metcalfe, 1994 CarswellOnt 3369
• Peine de deux ans moins un jour.
• Homme violent qui a abusé de ses enfants.
• L'enfant conserve des séquelles.

13) R. v. Santana, 1995 CarswellOnt 2862
• Peine de quatre ans.
• Dommages sérieux au cerveau.
• Enfant entre la vie et la mort durant plusieurs mois.

14) R. v. McCrindle, 1997 CarswellOnt 5462
• Peine de six ans.
• Limites fonctionnelles permanentes de l'enfant.

15) R. v. Matti, 1998 CarswellOnt 1387
• Peine de trois mois.
• Le juge rejette une suggestion commune (ordonnance de sursis).
• Brûlures causées à l'enfant.

16) R. c. M.M., J.E. 2000-1339 (C.Q.)
• Peine de quatorze mois.
• L'accusé frappe l'enfant qui pleure à plusieurs reprises.

17) R. c. Fournier, B.E. 2000BE-1359 (C.A.)
• Peine de quinze mois.
• Tentatives de mettre fin à la vie de ses deux enfants par strangulation.
• Prise en compte des démarches de l'accusée pour se faire soigner.

18) R. v. Imman, 2002 CarswellOnt 4161
• L'accusée a tenté de noyer ses enfants.
• Elle était affectée par plusieurs limitations fonctionnelles.
• Peine de deux ans moins un jour.

19) R. c. L.B., J.E. 2003-193 (C.Q.)
• Peines totales de six ans pour homicide involontaire coupable (cinq ans) et voies de fait graves (un an).

[55] En matière d'homicide involontaire d'enfants, les décisions des tribunaux canadiens ont imposé des peines variées.

[56] On retrouve des sentences suspendues avec probation, des peines d'emprisonnement avec sursis et des peines d'emprisonnement ferme allant jusqu'à 16 ans de pénitencier.

[57] Il en est de même pour les voies de faits graves, les peines de niveau supérieur se situant à 12 ans.

[58] Pour les fins du présent jugement la Cour a passé en revue plusieurs jugements rendus au Canada ces dernières années. La liste des jugements consultés et les références exactes apparaissent en annexe.

[59] En matière d'homicide involontaire et de voies de fait graves, dont les victimes

sont des enfants, l'on peut dégager de la jurisprudence les constats suivants:

1. les sentences les moins lourdes sont imposées à des personnes au prise avec des problèmes de dépression majeure ou des problèmes psychologiques importants.

Certaines de ces personnes ont elles-même été victimes de violence en bas âge. D'autres sont victimes de violence de la part de leur conjoint.

L'acte à l'origine de l'accusation est isolé. Dans certains cas l'acte relève plus de la négligence grossière que de la violence préméditée ou répétée.

2. par ailleurs, les sentences les plus lourdes sont imposées à des personnes en pleine possession de leurs facultés mentales et qui ont fait usage de violence antérieurement ou sur une longue période. En matière de voies de faits, l'on tient compte évidemment de la gravité des lésions corporelles subies par la victime.

20) R. v. Toledo, 2003 CarswellOnt 6667
• Peine de 25 mois.
• Enfant brûlé.

21) R. c. T.(R.), 2003 CanLII 49052 (QC C.Q.), [2004] R.J.Q. 749 (C.Q.)
• L'accusé déclaré coupable de négligence criminelle causant des lésions corporelles.
• Brûlures infligées à l’enfant.
• Peine de 18 mois.

22) R. v. T. S., 2005 CanLII 1160 (QC C.Q.), 2005 CanLII 1160 (QC C.Q.)
• Enfant battu avec un bâton.
• Peine de 32 mois.

23) R. v. Jamieson, CarswellOnt 3412
• Infirmière déclarée coupable de voies de fait sur un enfant de vingt mois dont elle avait la garde.
• Agression à plusieurs reprises fracturant des membres.
• Peine de cinq ans.

24) R. c. Matteau, 2005 CanLII 18428 (QC C.Q.), 2005 CanLII 18428 (QC C.Q.)
• L'accusée est déclarée coupable de voies de fait graves à l’égard de deux enfants.
• L'accusée opérait une garderie familiale.
• Elle n’a pas averti les parents.
• Peine totale de cinq ans.

25) Queen v. Lockhart, 2005 PESCTD 51 (CanLII), 2005 PESCTD 51 (CanLII)
• L'accusée opérait un centre de jour.
• Elle secoue un enfant de sept mois qui refusait sa bouteille.
• L'accusée a secoué l'enfant.
• Elle ne rapporte pas l’événement.
• Finalement, elle admettra les gestes posés et plaidera coupable.
• L’enfant conservera des séquelles.
• Peine fédérale de deux ans.

26) Baysa c. R., 2006 QCCA 820 (CanLII), 2006 QCCA 820 (CanLII)
• Moment d’impatience qui cause la mort d’un enfant.
• Peine de cinq ans confirmée en appel.
• La dissuasion et la réprobation sont les facteurs dominants de ce type de crime.

27) R. c. E.P., 2006 QCCQ 12800 (CanLII), 2006 QCCQ 12800 (CanLII)
• Déclaration de culpabilité de voies de fait graves.
• La mère avait confié l'enfant à la garde de l'accusé.
• Violence inouïe infligée à l'enfant.
• L'accusé ayant une déficience intellectuelle.
• Peine de 24 mois.

28) R. c. J.C., 2007 QCCQ 7785 (CanLII), 2007 QCCQ 7785 (CanLII)
• L'accusé a notamment pris la main de son enfant et l’a plongée fermement dans l’eau froide.
• Démarches thérapeutiques sérieuses. Déclaration incriminante. Récidive improbable. Bon potentiel de réhabilitation.
• Peine de deux ans moins un jour dans la collectivité.

29) R. c. Gadbois, 2007 QCCS 4660 (CanLII), 2007 QCCS 4660 (CanLII)
• L'accusée trouvée coupable par un jury de voies de fait sur un enfant qu’elle avait sous sa garde.
• Peine de trente mois.

30) R. c. F.C., 2008 QCCQ 6600 (CanLII), 2008 QCCQ 6600 (CanLII)
• L'accusé plaide coupable à une accusation de voies de fait ayant causé des lésions à son enfant.
• L'enfant a subi plusieurs fractures.
• Geste unique et spontané. Absence de séquelles. Collaboration avec la justice. L'accusé a eu un deuxième enfant avec la même conjointe.
• Peine de quinze mois dans la collectivité.

31) R. c. S.T., 2009 QCCQ 12941 (CanLII), 2009 QCCQ 12941 (CanLII)
• Exaspéré par les pleurs de son enfant âgé de vingt jours, l'accusé se livre à des voies de fait graves.
• L'enfant conserve des séquelles graves et irréversibles.
• L'accusé ayant une intelligence limitée.
• Il existe un risque de récidive.
• Peine ayant un effet de trente mois.

mardi 8 mars 2011

L'exigence de lien de causalité participe à l'actus reus de l'infraction de voies de fait grave

R. c. Levasseur, 2002 CanLII 3279 (QC C.Q.)

[13] Il s'agit ici de déterminer la nature du lien entre l'acte illégal, le coup porté à la gorge et la conséquence, la mise en danger de la vie de la victime. Le lien de causalité participe à l'actus reus de l'infraction. La norme causale qu'avait énoncé la Cour suprême dans l'arrêt Smithers c. R., 1977 CanLII 7 (C.S.C.), [1978] 1 R.C.S. 506, en matière d'homicide involontaire, à savoir « contribution plus que mineure » a été appliquée en beaucoup d'autres circonstances par plusieurs Cours d'appel au Canada.

[14] Dans l'arrêt R. c. Nette, [2001] CSC 78, rendu en matière de meurtre, la Cour suprême élève clairement au rang de principe la nécessité d'établir la responsabilité relative à un résultat donné au plan des faits comme au plan du droit. Par contre, la Cour, à la majorité, ne souhaite pas modifier la norme établie à la suite de l'arrêt Smithers mais reformule le concept de la façon suivante « cause ayant contribué de façon appréciable ». Étonnamment, quatre juges de la Cour rédigent une opinion distincte dans laquelle ils réitèrent leur appui à la formulation traditionnelle en illustrant le fait que la formulation proposée par la majorité aurait pour effet de modifier radicalement le contenu du critère de causalité.

[15] Quand même, il se dégage de cette décision que la Cour ne souhaitait pas rehausser le contenu de la norme de causalité formulée dans l'arrêt Smithers même si elle propose une formulation remaniée. Il m'apparaissait important de la rappeler puisque la Cour d'appel du Québec avait le 9 août 2001 dans une décision très intéressante, quelques mois avant que ne soit connu la décision de Nette, procédé à une analyse exhaustive de la norme et suggéré que le temps était peut-être venu de rendre la norme causale plus exigeante, Dwayne Lucas c. R., C.A.Q. 500-10-001508-983.

[16] Je retiendrai donc la nouvelle formulation « cause ayant contribué de façon appréciable » en interprétant le mot appréciable comme signifiant «plus que mineure» donc plus qu'«ayant contribué d'une façon qui n'est ni négligeable ni insignifiante ».

L'exigence de lien de causalité entre l'acte illégal et la prévision objective de lésions corporelles dans le cadre de l'infraction de voies de fait grave

Grégoire c. R., 2010 QCCA 1200 (CanLII)

[11] La mens rea requise pour les voies de fait grave causant des blessures est la prévision objective de lésions corporelles, sans qu'il ne soit nécessaire de démontrer une intention de blesser. L'acte illégal dans la présente affaire est d'ailleurs admis et l'intention de l'accusé de porter deux coups de pied à la tête de la victime n'est pas remise en question. Dans ces circonstances :

Lorsque cet acte illégal est accompagné d'un élément moral requis pour l'infraction reprochée, la question de la causalité ne se pose généralement pas.

La mens rea requise aux fins du par. 268(1) du Code criminel est la prévision objective de lésions corporelles

R. c. Godin, [1994] 2 R.C.S. 484

La mens rea requise aux fins du par. 268(1) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, est la prévision objective de lésions corporelles. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu intention de blesser, mutiler ou défigurer. Le paragraphe se rapporte à des voies de fait qui ont pour conséquence de blesser, mutiler ou défigurer. Cela découle des décisions des arrêts R. c. DeSousa, 1992 CanLII 80 (C.S.C.), [1992] 2 R.C.S. 944, et R. c. Creighton, 1993 CanLII 61 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 3, de notre Cour.

samedi 5 février 2011

Détermination de la peine dans les cas d'infractions d'agressions sexuelles graves lorsque l'acusé, porteur du VIH, a des relations sexuelles non protégées

R. c. Mercier, 2011 QCCQ 198 (CanLII)

[42] Dans W.D. c. R. 2006 2006 QCCA 14 (CanLII), QCCA 14, la Cour d’appel du Québec maintient une peine globale de 11 ans à l’accusé porteur du virus VIH qui le cache à trois victimes, dont une qu’il fréquente durant plus d’un an.

[43] Dans R. c. Williams 2006 ONCJ 484 (CanLII), 2006 ONCJ 484 (CanLII) la Cour de justice de l’Ontario impose une peine globale de 38 mois à l’accusé porteur du virus VIH qui a eu des relations non protégées avec deux femmes qui ne seront pas infectées.

[44] Dans R. c. Lamirande (D.) 2006 MBCA 71 (CanLII), 2006 MBCA 71 (CanLII), la Cour d’appel du Manitoba rétablit la suggestion commune faite de deux ans moins un jour dans la collectivité pour l’accusé porteur du virus VIH qui a eu une seule relation non protégée où la Cour juge que l’accusé a commis « one isolated, unplanned, spontaneous act with none of the elements of will full intent or deceit present in some of the cases described above » (para. 24).

[45] Dans R. v. J.M. 2005 O.J. no 5649, la Cour supérieure de l’Ontario impose à l’accusée, porteuse du virus VIH qui a eu des relations sexuelles non protégées avec deux hommes sans le divulguer, une peine de 12 mois avec sursis, tenant compte d’une détention provisoire de 9 mois.

[46] Dans R. v. Booth 2005 A.J. no 792, l’accusé porteur du virus VIH, a eu six relations sexuelles non protégées avec la même victime sur une période d’une année. La victime supporte l’accusé et veut s’engager dans une relation à long terme avec lui et a clairement manifesté le souhait qu’il ne soit pas incarcéré. Le juge de la Cour provinciale d’Alberta rejette la suggestion commune du « temps fait » (deux mois et demi de détention provisoire) et en vient à la conclusion qu’une peine d’un an de détention est appropriée.

[47] Dans R. v. Smith 2004 BCCA 657 (CanLII), 2004 BCCA 657 (CanLII) la Cour d’appel de Colombie-Britannique maintient une peine de 42 mois à l’accusé « HIV positive and thus carrying the Aids Virus » qui a eu des relations sexuelles non protégées avec une victime sur plusieurs mois.

[48] Dans M.L. c. R. 2010 2010 QCCA 395 (CanLII), QCCA 395, la Cour d’appel du Québec maintient une peine de 10 ans pour un accusé séropositif qui a omis de divulguer à sa conjointe ce fait et qui abusera de la fille de cette dernière par la suite.

[49] Dans R. v. Eaton 2010 O.J. no 1747, la Cour d’appel d’Ontario maintient une peine de 10 ans pour voies de faits graves où l’accusé a sauvagement battu sa victime et l’a mordu en étant porteur du VIH et de l’hépatite B et C.

[50] Dans R. v. Kaonga 2009 M.J. no 185, la Cour d’appel du Manitoba maintient une peine de 4 ans consécutive à 68 mois de détention provisoire à l’accusé qui étant porteur du VIH a omis d’en informer deux partenaires et a eu des relations sexuelles non protégées avec elles.

[51] Dans R. v. Walken, 2007 O.J. no 186, la Cour supérieure d’Ontario impose une peine de 56 mois à l’accusé, qui porteur du virus VIH, a eu des relations non protégées avec deux partenaires sans les aviser. La première victime, âgée de 18 ans, contractera le virus. Il récidive avec la deuxième victime sachant qu’il avait infecté la première.

[52] Dans R. v. Smith, 2007 S.J. no 150 la Cour provinciale de Saskatchewan impose une peine de 6 ans à l’accusé qui infecté du VIH a menti délibérément à deux victimes à ce sujet et a eu de nombreuses relations non protégées avec une, et trois avec l’autre. L’accusé n’avait pas d’antécédents.

[53] Dans R. v. Nduwayo 2006 B.C.J. no 3418 la Cour supérieure de Colombie-Britannique impose une peine globale de 15 ans à un accusé séropositif qui a caché ce fait à de nombreuses victimes dont plusieurs seront infectées après des relations non protégées.

[54] Dans R. v. Williams 2004 N.J. no 140, la Cour d’appel de Terre-Neuve maintient les peines de 2 ans et 3 ans consécutives à l’accusé infecté du VIH qui aura caché cette information à trois victimes dont une sera infectée.

[55] Dans R. v. Miron 2000 M.J. no 500, la Cour provinciale du Manitoba impose une peine de 8 ans à l’accusé criminalisé qui, porteur du VIH, aura des relations non protégées avec 4 victimes, dont deux sont infectées sans que l’on puisse établir qu’elles ont été contaminées par l’accusé.

[56] Dans R. v. Mercev 1993 N.J. no 198, la Cour d’appel de Terre-Neuve impose une peine de 11 ans à l’accusé infecté du VIH qui aura des relations non protégées avec deux victimes de 16 et 22 ans qui seront infectées.

[57] Dans R. v. Winn 1998 O.J. no 393, la Cour d’appel d’Ontario maintient une peine de 12 ans à un accusé hautement criminalisé qui dans le cadre d’une sauvage agression sexuelle éjaculera dans la bouche, le vagin et une plaie ouverte au visage de la victime. L’accusé savait être infecté du VIH. La victime ne sera pas contaminée.

[58] Dans R. c. Dufresne 2009 J.Q. no 18054, la Cour du Québec impose une peine de 3 ans à l’accusé séropositif qui a omis de divulguer ce fait en ayant des attouchements sexuels avec une victime âgée de 12 ans.

[59] Dans R. v. Iamkhong 2009 O.J. no 2446, la Cour d’appel d’Ontario impose une peine de 2 ans moins un jour à une épouse qui a eu des relations sexuelles non protégées avec son mari alors qu’elle était porteuse du VIH, malgré que deux rapports médicaux étaient contradictoires à ce sujet.

[60] Dans R. c. McGregor, 2008 O.J. no 4939, la Cour d’appel de l’Ontario modifie la peine d’un an avec sursis imposée en 1re instance à une peine d’un an d’emprisonnement à l’accusé qui se sachant porteur du virus VIH depuis 15 ans a omis de le divulguer à sa copine et a eu deux relations non protégées durant l’année et demie de fréquentations. L’accusé se protégeait avec elle avec un condom le reste du temps. Il n’avait aucun antécédent.

[61] Dans R. v. Deblois, 2005 O.J. no 2267 la Cour provinciale d’Ontario impose une peine de 3 ans à l’accusé qui infecté du VIH a eu des relations non protégées avec la victime qui sera infectée. L’accusé avait des antécédents qui dataient, mais pas en semblable matière.

[62] Plusieurs de ces décisions comportent évidemment des facteurs beaucoup plus aggravants que dans le présent dossier ou encore des facteurs atténuants différents, tels qu’absence d’antécédents judiciaires, ou le nombre de relations non protégées pour n’en nommer que deux.

[64] On peut conclure que dans des circonstances se rapprochant des faits du présent dossier, la fourchette de peine se situe entre 1 an et 3 ans de détention.

[65] Cette revue de la jurisprudence, non exhaustive, rend pertinentes les prétentions de la poursuite voulant que les tribunaux doivent prioriser les principes de dénonciation et de dissuasion.

jeudi 23 décembre 2010

Le test énoncé par les juges de la majorité dans l'arrêt Cuerrier comporte deux composantes : l'importance du risque et la gravité du préjudice

D.C. c. R., 2010 QCCA 2289 (CanLII)

[102] Un arrêt récent de la Cour d'appel du Manitoba, R. v. Mabior, 2010 MBCA 93 (CanLII), [2010] M.J. No. 308, 2010 MBCA 93, va en ce sens. La juge Steel écrit les motifs unanimes de la Cour. Elle rappelle que le test énoncé par les juges de la majorité dans l'arrêt Cuerrier est un compromis et qu'il implique un certain degré d'incertitude d'autant que les résultats de son application sont appelés à varier dans le temps en fonction des progrès de la médecine.

[103] Le test comporte deux composantes : l'importance du risque, la gravité du préjudice.

[104] À partir de quel niveau le risque est-il assez « important » et le préjudice assez « grave » pour qu'une conduite soit qualifiée de criminelle?

[105] Dans le cas du VIH, la gravité du préjudice ne fait pas de doute. L'infection au VIH demeure une infection grave, « potentiellement mortelle », selon les propos du Dr Routy, et ce, malgré les progrès fulgurants de la médecine au cours des dernières décennies. L'infection au VIH est irréversible, du moins selon les données actuelles de la médecine. Les médicaments mis au point pour la combattre sont efficaces, mais ils comportent des effets secondaires importants et le défi demeure toujours celui de rechercher le point d'équilibre entre le contrôle du virus et la tolérance du patient.

[106] Dans l'arrêt Mabior, la juge Steel écrit, au paragraphe 64 :

64 Nonetheless, I do not think it can be disputed that being infected with HIV subjects an individual to serious bodily harm. Although no longer necessarily fatal if treated medically, HIV is an infection that cannot be cured at this time and is a lifelong, chronic infection. For those who become infected, it is a life-altering disease, both physically and emotionally. Individuals must take medications every day, and the condition is potentially lethal if they do not have access to treatment or fail to take the medications. Even with treatment, HIV infection can still lead to devastating illnesses. Moreover, the emotional and psychological impact of dealing with such a disease is, no doubt, overwhelming. In their factums, both the accused and the intervener acknowledged that acquiring HIV constitutes serious bodily harm.

[107] C'est également mon avis.

[108] L'importance du risque est une question plus délicate à résoudre. À partir de quel niveau peut-on dire d'un risque qu'il est « important » ? 1 sur 50 000, 1 sur 10 000, 1 sur 1 000, 1 sur 100, 1 sur 10, … L'absence totale de risque n'est certes pas le test que l'arrêt Cuerrier invite les juges à appliquer.

[109] L'argument voulant que, vu la gravité du préjudice associé à une infection au VIH, tout risque de transmission soit « important » ne saurait tenir sans dénaturer le test.

[110] Il doit y avoir un risque important de transmission du virus pour que le défaut par une personne porteuse du VIH d'en informer son partenaire soit sanctionné par le droit criminel.

[111] Dans l'arrêt Mabior, la juge Steel écrit, aux paragraphes 68 et 69 :

68 I agree that the nature of the harm can affect the determination of what is considered to be a significant risk. As the magnitude of the harm goes up, the threshold of probability that will be considered significant goes down. However, to have required a complete elimination of risk rather than a significant risk was an error in law.

69 So one must determine what constitutes a "significant risk" of transmission in any particular case. (…)

[112] Je suis d'accord. Chaque cas doit être jugé en fonction des circonstances qui lui sont propres.

[113] Toujours dans l'arrêt Mabior, la juge Steel écrit à ce sujet, au paragraphe 113 :

113 Consequently, no comprehensive statement can be made about the impact of low viral loads on the question of risk. Each case will depend on the facts regarding the particular accused, and each case will depend on the state of the medical evidence at the time and the manner in which it is presented in that particular case.

[114] Ici encore, je suis d'accord.

[115] En l'espèce, selon la preuve au dossier, la charge virale était indétectable, et l'est demeurée, pendant toute la période visée par les deux chefs d'accusation, soit de juin à août 2000. Le risque de transmission du VIH était alors de 1 sur 10 000 advenant une relation sexuelle non protégée. Sans être nul, le risque était, selon la Dre Klein, « très faible, très minime » ou, selon le Dr Routy, « très, très faible ».

[116] Il faut se rappeler aussi qu'en l'espèce il n'y a qu'une seule relation sexuelle non protégée avant que le plaignant soit informé de la séropositivité de l'appelante.

[117] Dans ce contexte, j'estime que le fait pour l'appelante de ne pas avoir dévoilé qu'elle était porteuse du VIH n'a pas eu pour effet d'exposer le plaignant à « un risque important de préjudice grave » au sens de l'arrêt Cuerrier.

[118] Les mots utilisés par les deux experts pour quantifier le risque, soit « très faible », « très minime », « très, très faible », sont incompatibles avec l'existence de quelque risque important que ce soit.

[119] Avec égards pour le juge de première instance, j'estime donc que le ministère public n'a pas établi que le consentement du plaignant à une relation sexuelle non protégée, avant qu'il soit informé de la séropositivité de l'appelante, avait été vicié par la fraude

[120] Il n'y a donc pas eu d'agression sexuelle ni, par conséquent, de voies de fait graves.

[121] Dans l'arrêt Mabior, la juge Steel conclut ses motifs en disant comprendre que, pour les plaignantes, tout risque d'être infectées est un risque de trop et qu'elles auraient bien voulu en être informées avant de consentir aux relations sexuelles. Elle ajoute que ce point de vue est partagé par plusieurs, ne serait-ce que d'un point de vue éthique ou moral, mais que, pour l'instant, tel n'est pas le test que les juges doivent appliquer. Comme le test a été conçu à une époque où la lutte contre le VIH ne faisait que commencer, la juge Steel fait allusion à la possibilité que la Cour suprême veuille revoir le test du « risque important de préjudice grave » afin de dissiper l'incertitude qui lui est inhérente. Je joins ma voix à la sienne, ajoutant que l'initiative de revoir toute la question du risque de transmission de maladies infectieuses graves, dans le contexte du droit pénal canadien, devrait peut-être revenir au législateur vu ses nombreuses ramifications sociales, éthiques et morales

Les éléments essentiels de la fraude en matière de relation sexuelle

D.C. c. R., 2010 QCCA 2289 (CanLII)

[77] Comme ces enseignements sont à la base même de l'analyse qui suit, je crois nécessaire de rappeler ce que la Cour suprême du Canada écrivait dans l'arrêt Cuerrier concernant les éléments essentiels de la fraude en matière de relation sexuelle, soit la malhonnêteté et la privation (ou le risque de privation).

[78] Concernant la malhonnêteté, « [les] actes de l'accusé doivent être appréciés objectivement afin d'établir s'ils seraient considérés comme malhonnêtes par une personne raisonnable. L'acte malhonnête est soit une supercherie délibérée concernant la séropositivité, soit la non-divulgation de cet état de santé » (paragr. 126). « L'obligation de divulguer augmentera avec les risques que comportent les rapports sexuels (…). La nature et l'étendue de l'obligation de divulguer, s'il en est, devront toujours être examinées en fonction des faits en présence » (paragr. 127).

[79] Concernant la privation sous forme de préjudice réel ou, simplement, de risque de préjudice, « [un] préjudice ou risque de préjudice insignifiant ne satisfera pas toutefois à cette condition dans les cas d'agression sexuelle où l'activité aurait été consensuelle si le consentement n'avait pas été obtenu pour fraude » (paragr. 128). « (…) le ministère public devra établir que l'acte malhonnête (…) a eu pour effet d'exposer la personne consentante à un risque important de lésions corporelles graves (…) » (paragr. 128). « L'existence d'une fraude ne devrait vicier le consentement que s'il y a un risque important de préjudice grave » (paragr. 135). « L'expression « risque important de préjudice grave » doit être appliquée aux faits de chaque cas pour décider si le consentement donné dans les circonstances était vicié (…). Cette expression devrait être interprétée en fonction de la gravité des conséquences d'une déclaration de culpabilité d'agression sexuelle et de manière à éviter la banalisation de l'infraction (…) » (paragr. 139).

[86] Selon l'arrêt Cuerrier, un préjudice ou un risque de préjudice insignifiant (par exemple, celui d'attraper un rhume) ne permettrait pas de conclure à l'existence d'une fraude viciant le consentement même si l'un des partenaires avait caché à l'autre son mauvais état de santé. La malhonnêteté doit avoir pour conséquence d'exposer l'autre à « un risque important de préjudice grave ». Le juge Cory poursuit son raisonnement en suggérant que l'utilisation prudente du condom pourrait (« might ») amener un juge à conclure que le risque est à ce point réduit qu'il n'atteint plus le seuil exigeant de la personne séropositive qu'elle dévoile son état de santé avant d'avoir des relations sexuelles.

[87] Selon les enseignements de la Cour suprême, il y a donc définitivement un lien entre le risque que la situation présente et l'obligation pour la personne malade d'informer son partenaire de son état de santé.

[101] La position du ministère public n'est pas dénuée de sens, bien au contraire, mais tel n'est pas l'état du droit au Canada depuis l'arrêt Cuerrier. L'existence d'une fraude ne viciera le consentement, en matière de relations sexuelles, que s'il y a « un risque important de préjudice grave », une expression qui doit être interprétée en ayant toujours à l'esprit la gravité des conséquences d'une déclaration de culpabilité d'agression sexuelle et de manière à éviter la banalisation de l'infraction.

jeudi 18 novembre 2010

Voies de fait graves/ non-divulgation/ relations vaginales non protégées

Résumé : R. c. Cuerrier

« […] le ministère public devra établir que l’acte malhonnête (les mensonges ou
l’omission de divulguer) a eu pour effet d’exposer la personne consentante à un
risque important de lésions corporelles graves. »

Arguments juridiques et questions abordées

La Cour suprême était appelée à se prononcer sur la question de savoir si la non-divulgation de la séropositivité par une personne séropositive pouvait être considérée comme une « fraude » qui viciait le consentement aux termes du droit criminel relatif aux voies de fait (alinéa 265(3) c) du Code criminel). Les sept juges qui ont entendu l’affaire ont conclu que la non-divulgation, par M. Cuerrier, de sa séropositivité pouvait constituer une fraude viciant le consentement. Toutefois, ils étaient divisés sur la manière de définir la fraude, puisqu’ils considéraient que la définition traditionnelle de la fraude qui se limitait « à la nature et au caractère de l’acte » était ici inadéquate.

Les juges majoritaires (les juges Cory, Major, Bastarache et Binnie) ont établi une
nouvelle approche fondée sur le préjudice pour décider ce qui constituera une fraude
viciant le consentement au contact physique, y compris les rapports sexuels. Selon cette approche, la fraude dont il est question à l’alinéa 265(3) c) comprend la « malhonnêteté » (c’est-à-dire la non divulgation de faits importants) qui a pour effet d’exposer la personne qui consent à « un risque important de lésions corporelles graves » (c’est-à-dire une « privation »).

Le raisonnement des juges majoritaires a été exposé en ces termes par le juge Cory :
La première condition pour qu’il y ait fraude est la preuve de la malhonnêteté.
Selon les dispositions de l’art. 265, l’acte ou le comportement malhonnête doit
avoir trait à l’obtention du consentement aux rapports sexuels, en l’occurrence des
rapports non protégés. Les actes de l’accusé doivent être appréciés objectivement
afin d’établir s’ils seraient considérés comme malhonnêtes par une personne
raisonnable. L’acte malhonnête est soit une supercherie délibérée concernant la
séropositivité, soit la non-divulgation de cet état de santé. Il ne faut pas oublier
que les relations sexuelles sont habituellement plus qu’une simple manifestation
de l’instinct de reproduction. Elles peuvent être le point culminant d’une
démonstration d’amour, d’admiration et de respect. Elles représentent les
relations physiques les plus intimes, et les actions et réactions à l’origine du
consentement mutuel à s’y livrer sont complexes et difficiles à saisir
rétrospectivement. Il ne servirait à rien de conjecturer sur la question de savoir si le consentement résulterait plus facilement de mensonges délibérés que de
l’omission de divulguer. La mort est la conséquence possible de rapports sexuels
non protégés avec un partenaire séropositif. Dans ces circonstances, il n’y a
aucune raison d’établir une distinction entre les mensonges et l’omission délibérée
de divulguer.

La deuxième condition de l’existence d’une fraude est que la malhonnêteté
entraîne une privation sous forme de préjudice réel ou, simplement, de risque de
préjudice. Un préjudice ou risque de préjudice insignifiant ne satisfera pas
toutefois à cette condition dans les cas d’agression sexuelle où l’activité aurait été consensuelle si le consentement n’avait pas été obtenu par fraude. […] À mon
avis, le ministère public devra établir que l’acte malhonnête (les mensonges
ou l’omission de divulguer) a eu pour effet d’exposer la personne consentante
à un risque important de lésions corporelles graves. (Nous soulignons)
Selon la Cour, « [l]e risque de contracter le sida par suite de rapports sexuels non
protégés satisferait clairement à ce critère ». Des rapports sexuels non protégés
pourraient poser un risque important de lésions corporelles graves, c’est-à-dire l’infection au VIH, si bien que la non-divulgation de la séropositivité dans ce cas pourrait équivaloir à une fraude qui vicie le consentement du partenaire aux rapports sexuels.

Toutefois, le ministère public serait quand même tenu « de prouver hors de tout doute raisonnable que le plaignant aurait refusé d’avoir des relations sexuelles non protégées avec l’accusé s’il avait été informé qu’il était séropositif ».
Suivant ce raisonnement, le ministère public doit prouver trois éléments pour établir la fraude viciant le consentement du partenaire :

1) l’accusé a commis un acte qu’une personne raisonnable considérerait comme
malhonnête;
2) un préjudice ou un risque important de lésions corporelles graves;
3) le plaignant n’aurait pas consenti à l’acte n’eût été de la malhonnêteté de l’accusé.

Même si les juges minoritaires ne partageaient pas la même conception de la fraude que les juges majoritaires; a) tous les juges ont conclu que la non-divulgation de la séropositivité pouvait constituer une fraude viciant le consentement et b) six des sept juges ont expressément déclaré qu’il devait y avoir un risque important de transmission de VIH pour que la non-divulgation puisse transformer des rapports sexuels autrement consensuels en voies de fait graves.

Enfin, l’infraction de voies de fait « graves » oblige à faire la preuve que les voies de fait « blessent, mutilent ou défigurent le plaignant ou mettent sa vie en danger. » Puisque ni l’une ni l’autres des plaignantes n’avaient été diagnostiquées séropositives à l’époque du procès, si bien qu’aucune lésion corporelle réelle n’avait été subie, le ministère public était tenu de prouver que la vie des plaignantes avait été mise en danger en raison de la force exercée par l’intimé.

La Cour a jugé que cette condition avait été remplie parce que le fait d’avoir des relations sexuelles non protégées créait un risque important à la vie des plaignantes (la transmission du VIH). Selon le juge Cory, « [A]ucune autre conclusion n’est possible compte tenu des conséquences potentiellement mortelles d’une telle infection. »

Commentaires


Dans l’arrêt Cuerrier, la Cour suprême a été invitée, pour la première fois, à déterminer si le droit criminel en matière de voies de fait au Canada pouvait être appliqué dans les affaires de non-divulgation du VIH. La Cour a statué qu’une personne séropositive pouvait être déclarée coupable de voies de fait graves pour non-divulgation lorsque le consentement du partenaire aux relations sexuelles a été obtenu par la fraude et la Cour a profité de cette occasion pour définir le cadre du recours au droit criminel dans les affaires de non-divulgation.

Selon la Cour suprême, la notion de « risque important » joue un rôle capital ce qui
entraine les conséquences suivantes :

- Premièrement, une personne séropositive peut être déclarée coupable de voies de
fait graves même s’il n’y a pas transmission de VIH. La fraude est établie lorsque
la non-divulgation de la séropositivité a eu pour effet d’exposer le partenaire
consentant à un risque important de lésions corporelles graves. Par conséquent, la
simple exposition à un risque important de transmission de VIH est suffisante pour
l’application du droit criminel en matière de voies de fait.

- Deuxièmement, il n’y a pas d’obligation générale de divulguer sa séropositivité
en vertu du droit criminel. La Cour suprême a défini l’obligation de divulgation en
lien avec les « risques que comportent les rapports sexuels »10: plus le risque pour le plaignant est élevé, plus il est probable que l’accusé ait une obligation de divulguer.

Le juge Cory a précisé plus loin qu’il n’y aurait pas d’obligation de divulguer en
l’absence de « risque important de lésions corporelles graves ». En conséquence de
cette décision une personne n’a une obligation juridique de divulguer sa séropositivité à des partenaires sexuels qu’avant des rapports sexuels qui posent un « risque important » de transmission du VIH.

- Troisièmement, une personne séropositive a une obligation juridique de
divulguer sa séropositivité avant d’avoir des rapports sexuels non protégés avec
des partenaires sexuels. Selon la Cour suprême, des rapports sexuels non protégés
constituent un risque important de transmission du VIH qui exige la divulgation.

Dans l’arrêt Cuerrier, la Cour suprême a clarifié l’application du droit criminel dans les affaires de non-divulgation, mais il y a encore bien des incertitudes. La question la plus évidente soulevée par l’arrêt Cuerrier, mais qui demeure sans réponse, est la suivante : qu’est-ce qui constitue, sur le plan juridique, un risque « important » de transmission du VIH?

L’arrêt de la Cour dans l’affaire Cuerrier laisse entendre qu’en droit criminel canadien, des relations vaginales non protégées (et sans doute les relations anales) seront considérées comme comportant un « risque important » de transmission du VIH, sur le plan juridique. Il n’est pas clair quelles autres pratiques seraient visées.

En effet, selon les juges majoritaires, « la nature et l’étendue de l’obligation de divulguer, s’il en est, devront toujours être examinées en fonction des faits en présence ». Les organismes qui sont intervenus dans l’affaire Cuerrier ont plaidé que si la Cour devait imposer la responsabilité criminelle pour la non-divulgation de la séropositivité, celle-ci ne devrait pas concerner les pratiques sexuelles protégées (p. ex. le port du condom). La Cour suprême n’a pas statué de façon définitive sur cette question.

Toutefois, les juges majoritaires ont laissé entendre que si un condom était utilisé, le risque de préjudice ne serait peut-être pas assez important pour justifier la responsabilité criminelle. Par conséquent, il n’y aurait peut-être pas d’obligation de divulguer.

Les relations sexuelles avec une personne séropositive comporteront toujours des
risques. Il se peut que les relations sexuelles qui ne comportent absolument aucun
risque soient impossibles. Toutefois, on pourrait juger que l’utilisation prudente
de condoms réduit tellement le risque de préjudice que celui-ci ne serait plus
considéré comme important, de sorte qu’il se pourrait qu’il n’y ait plus de
privation ou de risque de privation.

Les motifs des juges minoritaires McLachlin et Gonthier appuient également la
conclusion selon laquelle la divulgation ne serait pas exigée dans le cas de rapports sexuels protégés. Là encore, les relations sexuelles protégées ne seraient pas visées, la common law antérieure à la décision Clarence exigeant qu’il y ait une probabilité ou un risque importants de transmission de la maladie […]

Par conséquent, six des sept juges qui ont entendu l’affaire Cuerrier ont indiqué, sans statuer, que la personne qui ne divulguait pas sa séropositivité mais qui avait des rapports sexuels moins risqués ne devrait pas faire l’objet de poursuites criminelles pour sa non-divulgation.

Pareillement, il semble logique et vraisemblable que si l’utilisation du condom était acceptée comme moyen de diminuer le risque au point où celui-ci ne soit plus important sur le plan juridique, les autres rapports sexuels moins risqués, par exemple les relations sexuelles orales sans condom, devraient être traités de la même manière. Qui plus est, les connaissances scientifiques sur le VIH ont grandement évolué depuis l’arrêt Cuerrier en 1998. Il est de plus en plus clair qu’une charge virale indétectable a pour effet de réduire radicalement le risque de transmission; toutefois, ce que cela signifie pour les personnes vivant avec le VIH en termes d’obligation juridique de divulguer leur statut reste encore à
déterminer.

Tiré de:
http://www.aidslaw.ca/FR/kit-avocats/documents/6_a_CuerriersumFR.pdf

vendredi 5 novembre 2010

Il peut ne pas avoir d’obligation de divulgation de sa séropositivité dans certaines circonstances en cas de relations sexuelles

Résumé d'une décision de la Cour d’appel du Manitoba par Le Réseau juridique canadien VIH/sida

R. v. Mabior, 2010 MBCA 93

Pour qu’une personne soit déclarée coupable de voies de fait ou d’agression (sexuelle) (grave(s)) pour n’avoir pas divulgué sa séropositivité au VIH, le risque de transmission du VIH doit avoir été important.
Sur la base des faits ainsi que des preuves médicales présentés dans cette affaire, la Cour d’appel a conclu que si un condom a été utilisé de manière prudente ou si la charge virale de l’accusé était indétectable, l’acte ne comportait pas de risque important de transmission du VIH. Par conséquent, il n’y avait pas d’obligation de divulgation de la séropositivité dans ces circonstances. L’appelant, qui en première instance avait été déclaré coupable de six chefs d’accusation d’agression sexuelle grave en raison de la non-divulgation de sa séropositivité au VIH, a été acquitté sur quatre de ces chefs parce qu’il avait porté un condom de manière prudente ou que sa charge virale était indétectable.

Depuis la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Cuerrier, une
personne qui vit avec le VIH peut être déclarée coupable de voies de fait ou d’agression sexuelle (grave(s)) pour ne pas avoir divulgué sa séropositivité à un partenaire avant une activité comportant un risque important de transmission du VIH.

La Cour d’appel a refusé de suivre le raisonnement du juge de première instance et de la Couronne, et a affirmé très clairement que le test établi dans l’arrêt Cuerrier n’est pas un test de « risque nul », mais requiert la présence d’un risque important. La Cour a de plus expliqué qu’ [TRADUCTION :] un « risque important est quelque chose d’autre qu’un risque ordinaire. Cela signifie un risque significatif, sérieux, substantiel. »

La Cour d’appel a aussi affirmé que [TRADUCTIONS :] « les évaluations légales du
risque, dans ce domaine, devraient être compatibles avec les études médicales
disponibles» et a reconnu que « [l]’application du critère juridique établi dans l’arrêt Cuerrier doit évoluer pour tenir compte des développements scientifiques en matière de traitement du VIH ».

En conséquence, la Cour a jugé que l’utilisation prudente d’un condom OU une charge
virale indétectable peut réduire le risque en dessous du seuil de « risque important ».

Conformément à ces considérations, Mabior a été acquitté de quatre chefs d’accusation lorsqu’il portait un condom de manière prudente mais que sa charge virale n’était pas indétectable, OU qu’il avait une charge virale indétectable mais ne portait pas de condom.

La Cour a fait preuve d’une grande prudence. Elle a refusé de faire une déclaration
générale à l’effet que le port d’un condom ou une charge virale indétectable écarterait automatiquement la responsabilité criminelle. Cette considération dépendra des faits de l’espèce et de la preuve médicale présentée dans chaque affaire. Notamment, il demeure possible pour la Couronne de prouver que des facteurs additionnels ont augmenté le risque de transmission dans une affaire donnée (p. ex., que le condom n’a pas été utilisé de manière prudente ou constante, ou que l’accusé était atteint d’une autre infection transmissible sexuellement au moment de la relation sexuelle en question et que cette infection a pu occasionner un pic de la charge virale), ou de présenter des preuves médicales qui démontreraient qu’il y avait un risque important de transmission.

Par ailleurs, selon la Cour, si le condom se déchire la personne séropositive au VIH a l’obligation de dévoiler sa séropositivité au partenaire sexuel même si la pénétration sexuelle est alors interrompue. La Cour se préoccupait d’assurer au partenaire exposé l’accès au traitement prophylactique post-exposition. Cependant, nous sommes d’avis, qu’à la lecture de cette décision, il ne devrait pas y avoir obligation de divulgation si la charge virale de la personne était indétectable et qu’il n’y avait pas de facteur additionnel d’augmentation du risque de transmission lorsque le condom s’est rompu.

Un autre aspect intéressant de la décision est que la Cour d’appel a reconnu que
l’infection au VIH a changé de caractère depuis que des traitements sont disponibles. Il ne s’agit plus d’un arrêt de mort. La Cour continue de considérer que la transmission du VIH constitue une lésion corporelle grave au sens du droit criminel. Cependant, elle a remis en question le fait qu’exposer une personne à un risque important d’infection par le VIH reviendrait forcément à « mettre en danger » la vie de cette personne. Or une agression sexuelle ou des voies de fait ne seront aggravées (constituant un délit qui emporte une peine maximale plus sévère) que si la conduite de l’accusé a mis en danger la vie d’autrui. La Cour d’appel n’était pas appelée à trancher cette question. Par conséquent, cette partie de l’arrêt n’est qu’une remarque incidente (obiter dictum). Cela démontre toutefois que la Cour a pris en considération l’évolution de la maladie dans sa réflexion sur l’application de certaines dispositions criminelles à la non-divulgation du VIH.

Tiré du site Le Réseau juridique canadien VIH/sida
http://www.aidslaw.ca/publications/publicationsdocFR.php?ref=1125

dimanche 12 septembre 2010

La fourchette des peines selon la Cour d'Appel concernant les infractions de voies de fait graves

Réjouis c. R., 2010 QCCA 1120 (CanLII)

[58] En résumé, des voies de fait graves à l’égard d’une seule victime peuvent justifier une peine de quatre ans lorsqu'il y a peu de facteurs atténuants (Nyongabo), de cinq ans et quatre mois lorsqu'il y a des séquelles permanentes malgré des facteurs atténuants (Rioux), et de cinq ans lorsqu'il y a deux victimes dont l'une garde des séquelles permanentes (Allard).

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...