Rechercher sur ce blogue

Aucun message portant le libellé Code criminel - Article 129. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé Code criminel - Article 129. Afficher tous les messages

dimanche 3 mars 2024

La résistance à un agent de la paix requiert plus qu'une simple non-coopération

R. v. Kennedy, 2016 ONCA 879

Lien vers la décision


[36]      In my view, the offence of resisting a peace officer requires more than being uncooperative: it requires active physical resistance. While this case is at the very low end of the scale of acts of resistance, there was evidence upon which a properly instructed jury could find Mr. Kennedy guilty of the offence. The evidence suggested that he repeatedly turned his body during his arrest. There was also evidence from one officer that he had pulled away. In my view, the jury was entitled to conclude that these acts amounted to active resistance.

dimanche 21 janvier 2024

Quelle est la mens rea de l'infraction prévue à l'article 129 a) Ccr?

R v Alsager, 2016 SKCA 91 

Lien vers la décision


[53]           All of this leads me to conclude that the mens rea aspect of s. 129(a) requires the Crown to prove beyond a reasonable doubt that (a) the accused knew the individual obstructed was a peace officer or other person listed in s. 129(a), (b) the accused knew the individual obstructed was in the execution of his or her duty, and (c) the accused either had an intention to obstruct the peace officer or foresaw with certainty or substantial certainty that doing the act in question would obstruct the peace officer.

jeudi 30 novembre 2023

La résistance visée à l’al. 129a) est une résistance physique active

Martin c. R, 2021 NBCA 53

Lien vers la décision

[7]     L’appelant soutient que la résistance visée à l’al. 129a) est une résistance physique active. La Cour d’appel de l’Ontario abonde dans ce sens dans l’arrêt R. c. Kennedy2016 ONCA 879[2016] O.J. No. 6105 (QL) :

 

[TRADUCTION]

Pour que l’on puisse prouver l’accusation d’avoir résisté à l’arrestation, les actes de l’accusé doivent constituer une « résistance active » et non une « résistance passive ». Dans R. c. Alaimo (1974), 1974 CanLII 1552 (ON CJ), 27 C.C.C. (2d) 491 (C.J. Ont.), le tribunal a conclu, sur le fondement de plusieurs définitions tirées de dictionnaires, que l’infraction exige une altercation physique directe entre le sujet et la police et l’exercice d’au moins un degré minimal de force. Le Black’s Law Dictionary indique que le mot [TRADUCTION] « décrit à juste titre une opposition par une action directe et des moyens ressortissant presque à l’usage de la force ».

 

Dans R. c. Stortini (1978), 1978 CanLII 2552 (ON CJ), 42 C.C.C. (2d) 214 (C.J. Ont.), l’accusé avait été informé qu’il était en état d’arrestation par suite d’un mandat non exécuté. Il a refusé d’accompagner les policiers. En conséquence, les policiers ont soulevé l’accusé en le prenant sous les bras et l’ont transporté au véhicule de police. Il n’a pas exercé de force physique directe à l’endroit des policiers. Le juge du procès a dit ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

[L]e mot « résiste » décrit plus exactement des actes d’opposition aux efforts du policier qui se manifestent par une activité physique directe de la part de l’accusé. Il doit être démontré que celui-ci a exercé une certaine mesure de force. Autrement dit, la conduite de l’accusé doit comprendre davantage que ce que l’on qualifiait autrefois de résistance passive, c’est-à-dire une résistance sans une certaine mesure de force ou de violence, quelque minime soit-elle, avant que l’on puisse dire que l’accusé a commis l’infraction d’avoir résisté. Sans une telle résistance positive, sa conduite peut fort bien constituer une entrave au policier, mais, à mon avis, elle ne constitue pas une résistance au sens de la disposition législative.

 

De même, dans R. c. Bentley[2003] J.Q. n16091 (C.S.), l’accusé n’a pas réagi lorsqu’on lui a demandé de retirer les clés du contact de sa voiture et de sortir du véhicule. Après avoir répété la demande, et n’obtenant aucune réponse, le policier a enlevé l’accusé de son véhicule de force. Pendant qu’on le sortait de sa voiture, l’accusé a placé ses mains fermement sur le volant pour indiquer qu’il n’avait aucunement l’intention de quitter la voiture. Au par. 33, le tribunal a interprété les termes « résistance passive » comme étant [TRADUCTION] « l’absence de toute résistance physique » et a conclu qu’une résistance passive ne constituait pas une résistance pour l’application de l’art. 129 du Code criminel. Le tribunal a toutefois conclu que les actes de l’accusé ne constituaient pas une résistance passive, puisqu’il [TRADUCTION] « a utilisé une force physique pour empêcher qu’on l’enlève de sa voiture » : par. 51. En fin de compte, l’accusé a été acquitté, puisqu’il avait été accusé d’entrave et non de résistance.

 

Dans R. c. Marcocchio2002 NSPC 7, 213 N.S.R. (2d) 86, au par. 113, le tribunal est arrivé à une conclusion semblable :

 

[TRADUCTION]

 

Des actes de résistance physique positive équivalant à ce que l’on appelle « l’utilisation de force » de la part d’un accusé envers un agent de police dans l’exécution de ses fonctions constituent le genre de résistance visé par l’art. 129 du Code criminel. Par contre, l’on considère habituellement que la conduite que l’on qualifie souvent de « résistance passive », c’est-à-dire une résistance sans utilisation de force, ne tombe pas sous le coup de l’art. 129 et n’est pas passible de sanctions pénales.

 

Dans R. c. M.L.M.2007 ABCA 283, 52 M.V.R. (5th) 52, l’accusé a été détenu par des agents de police alors qu’il était assis dans sa voiture. Il n’a pas obtempéré à des ordres de placer ses mains sur le tableau de bord et a plutôt démarré la voiture, a mis celle-ci en marche arrière et a appuyé sur l’accélérateur. L’appelant a soutenu que, bien que sa conduite équivalût à un manque de coopération, elle ne constituait pas de la résistance, parce qu’il n’y a pas eu affrontement physique direct avec les policiers. En rejetant l’appel, le tribunal a conclu, au par. 9, que les actes de l’accusé constituaient davantage qu’une résistance passive et constituaient une [TRADUCTION] « utilisation active de force » à l’endroit d’un agent de la paix.

 

À mon avis, l’infraction de résister à un agent de la paix exige davantage que le manque de coopération; il faut une résistance physique active. […] [par. 31 à 36]

 

[8]                                                               Je fais miennes ces conclusions interprétatives.

lundi 4 décembre 2017

L’entrave dans l’exécution légitime d’un acte judiciaire

R. c. Fournier, 2004 CanLII 8713 (QC CQ)

Lien vers la décision

[109]      L’article 129c) du Code criminel énonce que constitue une infraction l’action de résister à une personne ou volontairement l’entraver dans l’exécution légitime d’un acte judiciaire.
[110]      Il ne fait aucun doute qu’un huissier de justice qui exécute la procédure prévue à l’article 565 du Code de procédure civile[4], faisant partie du chapitre consacré à l’exécution forcée des jugements, accomplit un acte judiciaire au sens de l’article 129c) du Code criminel.
[111]      L’article 8 de la Loi sur les huissiers de justice[5] stipule que constitue l’exercice de la profession de huissier tout acte qui a pour objet, entre autres, de mettre à exécution les décisions de justice ayant force exécutoire.
[112]      Il n’est pas contesté qu’il existe un jugement civil, bien que non déposé au dossier, ayant force exécutoire entre les sociétés SADC et les Entreprises PMB inc portant notamment sur des biens mobiliers à l’égard desquels monsieur Gaston Fournier ne détient aucun droit.
[113]      La contestation de la légalité, s’il en est, de la démarche du huissier paraît porter sur la signature de monsieur Denis Morin apposée le 30 novembre 1998 si l’on en croit le document (pièce D-1) attestant de la réception d’une copie du jugement ordonnant le délaissement des biens mobiliers en faveur de SADC.
[114]      Au procès, monsieur Denis Morin reconnaît sa signature au document et déclare le signer le 7 décembre dans l’immeuble au moment où l'huissier s’apprête à exécuter le jugement en délaissement. Avant ce 7 décembre, il ne signe aucun autre document.
[115]      Monsieur Lessard affirme signifier le jugement ainsi que le bref de prise en possession en même temps, mais en définitive son témoignage  ne parvient pas à expliquer pourquoi le document indique la date du 30 novembre alors que monsieur Morin ne reçoit copie des documents que le 7 décembre.
[116]      Le Tribunal n’y voit pas quelque irrégularité fatale qui puisse invalider la procédure d’exécution entreprise par l'huissier.
[117]      L’article 565 du Code de procédure civile édicte que le demandeur, dans un litige civil, peut être mis en possession de biens si la partie condamnée à les lui livrer ou à les délaisser ne s’exécute pas dans le délai imparti.
[118]      Le délai de 15 jours dont il est question au document (pièce D-1) laisse croire qu’il s’agit vraisemblablement en quelque sorte du sursis, du délai imparti, accordé par le tribunal civil à Entreprises PMB inc.
[119]      Le texte sous lequel monsieur Morin signe comporte aussi une renonciation au bénéfice de ce sursis.
[120]      Dès lors, que la signature ait lieu le 7 décembre plutôt que le 30 novembre n’altère en rien la validité de la procédure dont d’ailleurs monsieur Morin, le principal intéressé après tout, n’attaque nullement la légalité ni du reste ne s’oppose à la prise de possession des biens.
[121]      Enfin, les faits prouvent amplement, notamment les témoignages de messieurs Dumais et même Nolet, que monsieur Lessard s’identifie comme huissier de justice, dénonce la nature de son mandat et montre à monsieur Gaston Fournier des documents qu’il ne veut pas voir en plus de ne vouloir rien entendre.
[122]      Il est difficile de distinguer si le mécontentement de monsieur Fournier tient à la procédure d’exécution elle-même contre des biens qui ne lui appartiennent pourtant pas au motif qu’il les considérait jusqu’alors comme une espèce de garantie en paiement de sa créance pour loyer dû ou plutôt à la façon dont l'huissier s’est introduit dans l’immeuble.
[123]      Mais quoi qu’il en soit, par son attitude d’obstruction à l’égard de monsieur Lessard, monsieur Fournier entrave l’exécution légitime d’un acte judiciaire par une personne autorisée et commet ainsi l’infraction prévue à l’article 129c) du Code criminel.

samedi 21 octobre 2017

Le droit de s’opposer à une arrestation illégale est reconnu

Lacasse c. R., 2017 QCCA 808 (CanLII)

Lien vers la décision

[52]        L’intimée convient que l’appelant était justifié de résister à son arrestation si celle-ci était illégale.
[53]        Je partage son point de vue.
[54]        Le droit de s’opposer à une arrestation illégale est reconnu et n’est tempéré que par l’obligation de ne pas faire preuve de violence excédant les limites raisonnables.
[55]        La poussée au torse de l’agent, avec la main ouverte, à laquelle l’appelant s’est livré ne constitue certes pas une manœuvre violente qui excède les limites raisonnables.

lundi 11 juin 2012

Aucune obligation de s'identifier à la police, à moins que cette obligation ne résulte d’une loi

LSJPA -- 0629, 2006 QCCQ 6028 (CanLII)

Lien vers la décision

[57] Au Canada, contrairement à ce qui existe dans d’autres pays, un citoyen n’a pas l’obligation générale de donner son identité à la police, à moins que cette obligation ne résulte d’une loi : R. c. Gagné 1987 CanLII 508 (QC CA), [1987] R.J.Q. 1008 (C.A.) confirmé par [1989] 1 R.C.S. 584.

[58] Au Québec, le Code criminel et le Code de procédure pénale prévoient que le citoyen à l’égard duquel un agent de la paix a des motifs de croire qu’il a commis une infraction doit s’identifier à défaut de quoi, l’agent de la paix peut l’arrêter et le poursuivre pour entrave à ses fonctions.

Un citoyen n’a pas l’obligation générale de donner son identité à la police, à moins que cette obligation ne résulte d’une loi

R. c. Gagné, 1987 CanLII 508 (QC CA)

Lien vers la décision

Sur le tout, en l'absence de texte législatif spécifique, ou de mandat précis autorisant le constable spécial en question, à arrêter l'intimée sans mandat ou l'autorisant à l'obliger de s'identifier, compte tenu des dispositions de la Loi des Poursuites sommaires du Québec, j'estime que le jugement a quo est bien fondé et en conséquence je rejetterais l'appel.

mercredi 7 mars 2012

Le fait pour une personne de refuser de s'identifier à un agent de la paix lorsqu'elle est arrêtée pour une infraction pénale peut constituer une entrave au sens de l'article 129 du Code criminel

Longueuil (Ville) c. Dumberry, 2004 CanLII 20708 (QC CS)

Lien vers la décision

[41] Par ailleurs, quant au motif d'appel allégué dans l'avis d'appel, le tribunal est d'opinion qu'il est fondé. En effet, le fait pour une personne de refuser de s'identifier à un agent de la paix lorsqu'elle est arrêtée pour une infraction pénale peut constituer une entrave au sens de l'article 129 du Code criminel : R. c. Vigneault, (C.A.M. 500-10-002139-010, 2002-11-19), [2002] J.Q. No 2225 (autorisation d'appel à la Cour suprême refusée, [2003] C.S.C.R. numéro 26); voir également R. c. Moore, 1978 CanLII 160 (CSC), [1979] 1 R.C.S. 195.

[42] L'intimé a été intercepté valablement pour une infraction en vertu du Code de la sécurité routière et devait s'identifier en vertu des articles 35, 36, 97 et 102 du Code de la sécurité routière. À ce propos, la preuve était non équivoque : l'intimé avait brûlé un signal d'arrêt et il a refusé de s'identifier lorsque requis de ce faire. Ces faits étaient établis avant l'arrestation pour capacités affaiblies.

dimanche 31 juillet 2011

Les dispositions du code de procédure pénale VS l'accusation d'entrave

R. c. Keefer, 2003 CanLII 15684 (QC CS)

[45] Quant au second argument de l’intimée, voulant que les policiers aient eu quand même le pouvoir d’arrêter les appelants vu les articles 74 et 75 du Code de procédure pénale, il n’est pas retenu.

74 : Arrêt sans mandat. L’agent de la paix peut arrêter sans mandat la personne informée de l’infraction alléguée contre elle qui, lorsqu’il l’exige, ne lui déclare pas ou refuse de lui déclarer ses nom et adresse ou qui ne lui fournit pas les renseignements permettant d’en confirmer l’exactitude.

75 : Arrêt sans mandat. L'agent de la paix qui constate qu'une personne est en train de commettre une infraction peut l'arrêter sans mandat si l'arrestation est le seul moyen raisonnable à sa disposition pour mettre un terme à la perpétration de l'infraction.

[46] D’une part, la preuve montre à l’évidence que les policiers ont agi en vertu de l’article 9 du règlement municipal et non en vertu du Code de procédure pénale. Les articles 74 et 75 C.p.p. ne sont pas des articles omnibus que l’on peut invoquer à toutes les fois que le véritable motif d’arrestation n’est pas retenu.

[47] La preuve ne montre pas clairement, puisque l’intention était tout autre, que les appelants ont refusé de s’identifier non plus que l’arrestation était le seul moyen raisonnable de faire cesser une infraction qui n’en est pas une.

[48] On lira avec intérêt à ce sujet les commentaires de la juge Arbour dans R. c. Greenbaum repris par le juge Iacobucci dans l’arrêt Sharma

La déclaration d’invalidité d'une Loi par les tribunaux supérieurs VS l’accusation d’entrave

R. c. Keefer, 2003 CanLII 15684 (QC CS)

[42] L’intervention des policiers, en arrêtant les appelants, était fondée exclusivement sur la violation de l’article 9 du Règlement sur le bruit comme la preuve le révèle et comme l’admettent les parties.

[43] La déclaration d’invalidité de l’article 9 par les tribunaux supérieurs rend illégale l’intervention des policiers et l’accusation d’entrave ne saurait être retenue.

[44] Les auteurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon

L’invalidité d’un règlement municipal n’a pas pour seul effet d’empêcher des poursuites pénales en vertu dudit règlement. Elle peut avoir des répercussions sur d’autres infractions tel le crime d’entrave au travail d’un agent de la paix de l’article 129 C.cr. : il est impossible d’inculper d’entrave la personne qui refuse de se conformer aux directives du policier voulant faire respecter un règlement municipal ultra vires des pouvoirs de la municipalité. Le refus obstiné de se soumettre à un règlement municipal jugé par la suite ultra vires ne correspond pas à l’infraction décrite à l’article 129 C.cr.

L'entrave à un agent de la paix VS l'application des règlements municipaux par les agents de la paix

R. c. Sharma, [1993] 1 RCS 650

En accusant l'appelant d'avoir entravé le travail d'un agent de la paix, l'agent en question essayait d'appliquer l'art. 11 du règlement 211‑74 de la Communauté urbaine. Comme il a été jugé que cette disposition excède les pouvoirs de la municipalité, la déclaration de culpabilité de l'appelant pour entrave au travail d'un agent de la paix ne saurait tenir.

En outre, même si l'art. 11 du règlement 211‑74 de la Communauté urbaine était valide, le pouvoir d'arrestation en vue d'appliquer le règlement ne saurait être déduit du texte clair de la Loi sur les municipalités et de la Loi sur les infractions provinciales, qui prévoit des moyens plus modérés de traiter les infractions répétées. L'agent n'avait pas le pouvoir, en common law ou en vertu de la loi, d'arrêter l'appelant pour refus d'obtempérer à l'ordre de mettre fin au comportement interdit par le règlement, et il ne pouvait pas contourner l'absence de pouvoir d'arrestation en l'accusant d'entrave

lundi 7 mars 2011

Est-ce que le fait pour une personne de refuser de s'identifier à un agent de la paix, lorsqu'elle est arrêtée pour une infraction pénale, peut constituer une entrave au sens de l'article 129 C.cr. ?

PHILIPPE VIGNEAULT c. SA MAJESTÉ LA REINE
No de dossier: COUR D'APPEL / 500-10-002139-010
No de dossier: PREMIÈRE INSTANCE ((500-36-002391-012) C.S.M. (198-073-298) C.M.M.)
DATE : 19 NOVEMBRE 2002

[1] La question soulevée par cet appel est assez précise et a été circonscrite, d'abord dans le jugement du juge Morris J. Fish, et deuxièmement dans le jugement de la juge Lise Côté. Elle peut être décrite comme suit :

Est-ce que le fait pour une personne de refuser de s'identifier à un agent de la paix, lorsqu'elle est arrêtée pour une infraction pénale, peut constituer une entrave au sens de l'article 129 C.cr. ?

[2] Nous sommes unanimement d'avis qu'il faut répondre à cette question par
l'affirmative. À cet égard, nous sommes d'accord avec la conclusion de la juge de la Cour supérieure et avec son raisonnement

mercredi 23 février 2011

Exposé des règles juridiques relative à l'entrave à un agent de la paix par le juge Claude Provost

R. c. Gusman, 2007 QCCQ 5110 (CanLII)

[20] La jurisprudence est unanime à l'effet que l'entrave est constituée d'un acte qui affecte le policier dans l'exécution de la fonction qu'il exécute, qui lui nuit, qui le dérange ou qui la rend plus difficile à exécuter.
(références omises)

[21] Par ailleurs, il est acquis qu'il n'est pas nécessaire que l'acte de l'accusé ait empêché le policier d'exercer sa fonction, non plus qu'il n'est nécessaire que la nuisance, le dérangement ou l'entrave ait été majeurs.
(référence omise).

[24] En fournissant une fausse identité alors que la loi l'obligeait à s'identifier, le défendeur a, en pleine connaissance de cause, volontairement contrecarré l'agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions. Il a fait en sorte que l'enquête que le policier menait soit dirigée et orientée vers une autre personne, demeurant à une adresse différente de la sienne.

[27] Dans l'hypothèse où le défendeur serait tombé sur un policier le connaissant parfaitement et connaissant son adresse résidentielle, le fait de lui donner d'entrée de jeu une fausse identité ou une fausse adresse aurait constitué au moins une tentative d'entrave. Mais tel n'est pas le cas en l'espèce.

[28] Le défendeur a fourni de fausses informations à l'agent Roy dans le but manifeste de l'induire en erreur.

[30] Il y a donc entrave à l'exercice des fonctions d'un agent de la paix au sens de la loi et, à cet égard, le Tribunal concourt aux motifs énoncés par l'honorable juge Paul Robertson de l'Ontario Court of Justice dans l'affaire R. c. Walcott, 2006 ONJC 367.

[32] En effet, à l'arrêt Moore c. R. 1979 1 RCS 195, la Cour suprême du Canada a décidé à la majorité que le fait pour un cycliste intercepté par un agent de la paix pour avoir brûlé un feu rouge de refuser de s'identifier le rendait coupable d'avoir entravé un agent de la paix qui cherchait, dans l'exercice de ses fonctions, à mettre en branle une poursuite pénale.

[33] Ainsi, l'Honorable juge Spence écrivait à la page 204:

« Je suis d'avis que l'agent avait l'obligation d'essayer d'identifier le contrevenant et qu'en refusant de donner son identité, ce dernier a entravé un policier dans l'exécution de ses fonctions.

…..le refus de donner son identité dans de telles circonstances crée un inconvénient majeur et une entrave à la police dans l'exercice de ses devoirs légitimes ».

[34] Dans ce contexte, si un citoyen à qui un policier demande de s'identifier et qui refuse de le faire commet l'infraction criminelle d'entrave, à plus forte raison, ce même citoyen qui ment sur son identité commet lui aussi l'infraction d'entrave.

[35] Arriver à une décision contraire équivaudrait à envoyer le message pernicieux que lorsque confronté à l'obligation de donner son identité à un agent de la paix, il est préférable de mentir que de refuser de la donner.

vendredi 18 juin 2010

Pouvoir d'enquête du policier VS Refus de collaborer de la part du justiciable; les principles juridiques applicables

R. c. Ermilus, 2010 QCCQ 2878 (CanLII)

[18] Les agents de la paix ont un rôle essentiel à jouer dans la protection des citoyens; en particulier les policiers qui travaillent la nuit ont une mission importante qui, sous plusieurs aspects, présente certains dangers.

[19] L'arrêt R. c. Mann, 2004 CSC 52 (CanLII), [2004] 3 R.C.S. 59 résume le pouvoir des policiers lorsqu'ils agissent dans leur mission de protection de la paix publique. À la page 9 du jugement, au paragraphe 16, la cour déclare :

"Comme les policiers ont pour mission de protéger la paix publique et d'enquêter sur les crimes, ils doivent être habilités à réagir avec rapidité, efficacité et souplesse pour diverses situations qu'ils rencontrent quotidiennement aux premières lignes du maintien de l'ordre. Malgré l'absence de consensus formel quant à l'existence du pouvoir des policiers de détenir une personne aux fins d'enquête, plusieurs commentateurs signalent que ce pouvoir est utilisé depuis longtemps au Canada en tant que pratique du maintien de l'ordre…"

[20] L'arrêt précise , à la page 12, paragraphe 26, les conditions que doit avoir un policier pour détenir un citoyen aux fins d'enquête:

"… le tribunal s'attache à la nécessité ou à la justification raisonnable de la conduite du policier dans les circonstances particulières de l'affaire."

et à la page 14, au paragraphe 34 :

"… les détentions aux fins d'enquête reposent sur des motifs raisonnables. La détention doit être jugée raisonnablement nécessaire suivant une considération objective de l'ensemble des circonstances qui sont à la base de la conviction du policier qu'il existe un lien clair entre l'individu qui sera détenu et l'infraction criminelle récente ou en cours. La question des motifs raisonnables intervient dès le départ dans cette détermination, car ces motifs sont à la base des soupçons raisonnables du policier que l'individu en cause est impliqué dans l'activité criminelle visée par l'enquête. …le caractère globalement non abusif de la décision de détenir une personne doit également être apprécié au regard de l'ensemble des circonstances, principalement la mesure dans laquelle il est nécessaire au policier de porter atteinte à une liberté individuelle afin d'accomplir son devoir, la liberté à laquelle il est porté atteinte, ainsi que la nature et l'étendue de cette atteinte."

[21] Le deuxième arrêt considéré par le tribunal est l'arrêt R. c. Suberu, 2009 CSC 33 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 460, où la majorité déclare à la page 14, paragraphe 26 puis à la page 15, paragraphe 27 et 28:

" Monsieur Suberu… ne s'exposait pas à une sanction d'ordre juridique en cas de refus d'obtempérer lorsque le policier lui a demandé d'attendre. …

L'agent Roughley l'a immédiatement suivi à l'extérieur et lui a dit: [TRADUCTION] «Attendez une minute! Il faut que je vous parle avant que vous vous en alliez.» Monsieur Suberu n'était pas tenu d'obtempérer à la demande du policier.



Même si un policier demande des renseignements ou de l'aide à un passant, celui-ci n'est pas tenu en droit d'obtempérer."

mercredi 2 décembre 2009

Principes juridiques énoncés par le juge Discepola relatif à l'entrave à un agent de la paix

R. v. Bentley, 2003 CanLII 55414 (QC C.M.)

[12] Sec. 129 of the Criminal Code uses the term “resist” and “obstructs” in the same paragraph. It will be helpful to examine these two concepts and to determine whether they constitute two separate offences or whether they are two ways of committing the same offence.

A) OBSTRUCTION

[13] The prosecution must prove the following essential elements in order to constitute an obstruction:

a) peace officer

b) in the execution of a duty

c) wilfully obstructs.

[14] The defence, and the evidence confirms this, admits that they were police officers in the execution of a duty.

[15] Does the evidence establish the mental element of “wilfully” obstructs?

i) "wilfully"

[16] The notion of "wilfully obstructs a public officer" denotes a voluntary act, committed deliberately and consciously as opposed to an involuntary or accidental gesture, acted out by a person who realises the consequences of his gesture ("objective foreseeability of the result") or should reasonably foresee such consequences taking into account his intellectual ability ("subjective foreseeability").

[17] In R. v. Vukorepa, Justice Taliano defines the term "wilfully" as follows:

"... wilful is defined as something that is done deliberately. It is not accidental it is not without purpose. It is something done of one's own free will and not compulsory. It is the act of doing something in a particular way".

[18] It is therefore not necessary to form a specific intent to act in such a way as to specifically obstruct the peace officer's duty. It is sufficient that the offender have a general intent to do an act which has, in fact, obstructed the peace officer:

« L'entrave d'un agent de la paix est une offense d'intention générale, dont la composante factuelle est simplement d'avoir posé un geste, d'avoir adopté un comportement qui rend plus difficile - pas nécessairement qui empêche - mais qui rend plus difficile, plus onéreux l'activité, le travail de l'agent de la paix." »

ii) "obstructs"

[19] In most cases the accused performs a physical act which obstructs a peace officer in the execution of his duty.

[20] Obstruction is not, however, limited to a physical contact with a peace officer. This concept is wide enough to encompass an unlimited number of acts or circumstances including “non-physical” obstruction. For example:

R. v. Gunn a lawyer told his client, who was about to be legally arrested, to leave the premises. The Alberta Court of Appeal decided that this constituted an obstruction.

R. v. Warrell the judge concluded that a police officer has the power to establish a secure area around his police car when proceeding to arrest an individual. Attempts to enter this area constitutes obstruction.

R. v. Westlie, notifying people of a police presence constitutes an obstruction.

R. v. Akrofi destroying or hiding evidence constitutes an obstruction.

[21] An obstruction can also occur when one does not comply with a police officer’s order or request. However, in such cases the order or request must be authorized by a clear provision of a statute (a by-law or the Criminal Code) or a common law power to issue the request or order or a common law duty to comply with the order or request.

[22] Naturally, common law powers are judge made powers based on policy to enable the police to preserve the public peace, as it relates to the protection of life and property, effectively investigate and prevent crimes.

[23] When police base their power on a statute the statute must specifically provide a legal duty to obey the order or request. If not it can be inferred that the legislator has consciously decided not to grant such a power.

[24] A good example of this principle can be found in R. v. Sharma, where the police officer alleged that he was acting on a municipal by-law when he orders a street vendor to remove his wares. The court concluded that his refusal did not constitute an obstruction since the statute did not contain any arrest powers or power to order removal or any obligation to comply.

[25] On the contrary in Daniluk v. The King, the statute in question did contain a duty to comply with a police officers order and the refusal to comply constitutes an obstruction.

[26] Thus, in R. v. Semeniuk and R. v. Lavin defendants were found not guilty of obstruction since there was no statutory or common law duty to obey an order in the statute on which the police were acting.

[27] Examples of common law powers can be found in :


R. v. Welygan, obstruction for having refused to comply with a police officer’s request to leave the room where the complainant was being interviewed.

R. v. Rosehart, while responding to a call regarding a stolen car, the defendant begins to flee on foot ignoring a police call to stop. He is found guilty of obstructing.

R. v. Watkins, court concluded that there was an obstruction in the refusal to obey a police order to disperse in five minutes since the order to disperse was based on the common law power to preserve the peace.

R. v. Rousseau the court decided that one’s refusal to move out of a secure area at the request of a police officer constituted an obstruction.

R. v. Bouchard et al: instead of obeying an order to disperse the defendants sit passively on the street and interlock arms. The judge found defendants guilty of obstruction most probably because of the act of interlocking arms which constitutes more than mere passive resistance.

R. v. Trépanier, police respond to a complaint of loud music in a dwelling. Defendant refuses to obey an order to open his door. Superior court concludes that defendant had no statutory obligation to open the door. The Court of Appeal grants the appeal and concludes that it is an obstruction.

B) RESIST

[28] There is a wide range of case law dealing with the concept of obstruction, but few cases dealing with the concept of “resists”.

[29] In R. v. Alaimo the court found that the concept of resisting a peace officer requires some direct confrontation with and some small degree of force by the defendant against a peace officer. A charge of resisting by disobeying a police warning was dismissed.

[30] R. v. Marcocchio echoes the same basic reasoning:
“Acts of positive physical resistance amounting to so-called «forcible means » offered by an accused to a police officer... constitutes the sort of resistance that is contemplated by s. 129... resistance without some degree of applied force, is generally found to be outside the scope of s. 129...”

[31] Also R. v. Stortini:
“,,, the word resist is properly descriptive of acts of opposition to the efforts of the officer demonstrated by direct activity of a physical sort... it must be shown that the accused employed « forcible » means to prevent the execution of an endeavour in which force is employed against him.”

[32] It is, however, not necessary that physical force be used directly against the police officer:

R. v. Martin. Defendant struggled for 15 minutes with police who were trying to place him in a police car.

R. v. Nukon defendant found guilty for struggling to avoid being arrested.

R. v. Hutton, defendant determined not to voluntarily enter the police vehicle « maximum effort » was needed to force him into the vehicle.

[33] Naturally, based on the above definition, passive resistance, that is absence of any degree of physical resistance against a police officer does not constitute resistence. In R. v. Stortini, defendant refused to accompany police officers to the police car. He was lifted and carried to the car. No physical force was used by defendant, thus he was found not guilty of resisting.

[34] In R. v. Stortini, the judge underlines the fact that the charge alleged «resist» and not «obstruct». Quare: whether a charge of obstruction could have succeeded? One must keep in mind however, the following passage (not necessarily the prevailing case law) in R. v. Fix:

... passive resistance seems to me you are saying that because the resistance is passive that it’s not resistance... section does not talk about passive or active resistance... it doesn’t matter whether the resistance was passive or active. “

C) RESIST - OBSTRUCT: TWO OFFENCES?

[35] This Court has not found any Superior court case law on this point. A few provincial courts have however, examined this point.

[36] R. v. Alaimo, the judge concluded that “resisting” and “obstructs” are two separate offences. He did so however mainly by reasoning that the two concepts require a different intent. “Wilfully obstruct” requiring a specific intent and “... absence of the word “wilfully” before the word “resists” would seem to dispense with the intentional aspect of the offence of “resisting”. In subsequent cases it was decided that “obstruct” is a general intent offence.

[37] In R. v. Cardinal the judge seems to disagree with R. v. Alaimo:

“... the two words are so similar in meaning that the gravamen of the wrongful act... [is the same] namely: interference with a peace officer executing his duty... they can be alleged in the alternative count.”

[38] The judge seems to suggest that the charge could be amendment from “obstruct” to “resist”, furthermore in the circumstances of the case he felt that it was not necessary to amend it.

L'infraction d'entrave

R. c. Streel, 2006 CanLII 59092 (QC C.M.)

L'infraction d'entrave

[70] Il existe une abondante jurisprudence en matière d'entrave en contravention de l'article 129a) du Code criminel. Ces jugements reconnaissent que les éléments essentiels d'une infraction d'entrave sont les suivants :

1- Le geste posé constitue un geste d'entrave.

2- Le geste est posé à l'égard d'un agent de la paix, alors que celui-ci agit dans l'exécution de ses fonctions.

3- Le geste doit être posé volontairement.

(Vigneault c. R., C.S., REJB 2001-41674, par. 32, confirmée par la Cour d'appel, REJB 2002-41673; R. c. Rousseau, [1982] C.S. 461, p. 463; R. c. McKerness, C.S.P., J.E. 1983-290; R. c. Poulin, C.M., REJB 2000-16138, par. 6; R. c. Jones, C.M., [1995] J.Q. no 2668, par. 8; R. c. Kirsh, C.M., J.E. 1995-545).

Un geste d'entrave

[71] Un geste d'entrave est commis lorsque le comportement d'un individu gêne, nuit ou rend plus difficile l'accomplissement du devoir du policier (Rousseau, précitée, p. 463; R. c. Hudon, [2003] J.Q. no 17721, par. 90 (C.Q.); Jones, précitée, par. 14).

[72] Lorsque l'entrave reprochée consiste dans le fait d'avoir omis de se conformer à une demande ou à un ordre d'un policier, il doit, pour qu'il y ait entrave, exister une obligation légale pour cette personne de se conformer à cet ordre (Moore c. R., 1978 CanLII 160 (C.S.C.), [1979] 1 R.C.S. 195, p. 206 et 210; Lavin c. R., 1992 CanLII 3337 (QC C.A.), [1992] R.J.Q. 1843 (C.A.), p. 1845; R. c. Guthrie, (1982) 28 C.R. (3d) 395, p. 400 (C.A. Alb.); R. c. Rosehart, REJB 2003-39219, par. 8 et 9 (C.Q.)).

Un agent de la paix agissant dans l'exercice de ses fonctions

[73] Lorsque le policier est en uniforme et qu'il se trouve dans une auto-patrouille identifiée, la première partie de cette condition est facilement satisfaite. De toute évidence, il s'agit d'un agent de la paix.

[74] La notion relative à « l'exercice de la fonction » est plus complexe.

[75] Il faut distinguer entre le fait d'être « en devoir » et le fait d'être « dans l'exécution d'une fonction ». Le policier est dans l'exécution de ses fonctions lorsqu'il exerce un devoir ou un pouvoir que lui confère la loi. Ce sont les circonstances de chaque affaire qui permettent de déterminer si cette condition est rencontrée (R. c. Noël, 1995 CanLII 1105 (BC C.A.), (1995) 101 C.C.C. (3d) 183, p. 189 (C.A. C.-B.); Rousseau, précitée, p. 463; Hudon, précitée, par. 90; Poulin, précitée, par. 6).

[76] Dans le cadre des devoirs que leur impose la loi, les policiers ont cependant des pouvoirs limités. Ils n'agissent légalement que lorsque leurs gestes sont autorisés par la loi ou reconnus par la common law, et dans la mesure où ces pouvoirs sont exercés de façon justifiée (Dedman c. R., 1985 CanLII 41 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 2, p. 28, 29 et 33; Noël, précitée, p. 189; R. c. Houle, reflex, (1986) 24 C.C.C. (3d) 57, p. 59 (C.A. Alb.)).

[77] Ainsi, pour qu'il y ait entrave, le policier doit agir légalement dans le cadre de l'exécution de l’un de ses pouvoirs. Pour agir légalement, le policier doit être autorisé par la loi à poser le geste qu'il pose ou à donner l'ordre qu'il intime (R. c. Gagné, 1987 CanLII 508 (QC C.A.), [1987] R.J.Q. 1008, p. 1014 (C.A.), confirmée par la Cour suprême du Canada, [1989] 1 R.C.S. 1534; R. c. Albert, J.E. 2003-1374, par. 25 (C.Q.); Jones, précitée, par. 14 et 15).

[78] Lorsque le policier n'a pas le pouvoir de requérir d'un citoyen qu'il se conforme à son ordre, le policier outrepasse ses pouvoirs. Le policier n'est alors plus considéré comme étant dans l'exécution de ses fonctions (Royer c. R., J.E. 1998-966 (C.A.); Poulin, précitée, par. 10 et 13; R. c. Desilets, J.E. 1996-2109 (C.M.)).

[79] Par conséquent, lorsqu’un policier doit fournir à un suspect les motifs de son intervention pour obliger cette dernière à obéir à son ordre, cette personne n’est pas tenue de s’y soumettre si le policier ne lui en dénonce pas les motifs. Dans ce cas, le non-respect de cette obligation d'information par le policier peut l'entraîner hors du cadre de ses fonctions. Cette absence d'information peut de plus influer sur l'intention de la personne, lorsque l'intention est requise (Rosehart, précitée, par. 31). L'absence d'information peut également servir de justification ou permettre de prétendre à une erreur de fait.

[80] Ainsi, une personne qui n'est pas informée qu'elle est arrêtée, peut prétendre, avec raison, qu'elle n'a pas à se conformer à l'ordre d'un policier de cesser de courir ou de circuler. En l'absence d'obligation imposée à une personne d'arrêter de circuler lorsque requise de le faire par les policiers, cette personne peut décider de ne pas se plier à la demande des policiers (Albert, précitée). Par conséquent, le défaut par une personne de s'arrêter de courir sur l'ordre d'un policier peut ou non, selon les circonstances, constituer une entrave selon que l'ordre est motivé et que la personne est informée des motifs d'intervention du policier (Rosehart, précitée, par. 27 et 34).

Les droits individuels

[81] Lorsque des représentants de l'État exercent leurs pouvoirs à l'égard de citoyens, ces pouvoirs sont toujours confrontés aux droits et libertés des personnes. La loi fait une nette distinction entre les devoirs des policiers et les pouvoirs que ceux-ci exercent à cette fin et les obligations des personnes qu'ils abordent. Tel que déjà mentionnée, la loi doit obliger une personne à se conformer aux ordres des policiers pour qu'elle ait l'obligation de s'y plier (Guthrie, précitée, p. 398-399). Sans cette obligation, il ne peut y avoir entrave aux pouvoirs des policiers (Jones, précitée, par. 19).

Le caractère volontaire du comportement

[82] L'infraction prévue à l'article 129a) en est une d'intention générale. Cette intention doit cependant être en relation avec le but de nuire au pouvoir du policier (R. c. E.(C.), REJB 1998-09569 (C.A.); R. c. Gunn, reflex, (1997) 6 C.R. (5th) 405 (C.A. Alb.)).

Jurisprudence en matière d'entrave en contravention de l'article 129a) du Code criminel

R. c. Matte, 2007 CanLII 58506 (QC C.M.)

[61] Il existe une abondante jurisprudence en matière d'entrave en contravention de l'article 129a) du Code criminel. Ces jugements reconnaissent que les éléments essentiels d'une infraction d'entrave, en matière criminelle, sont les suivants :

1- Le geste posé constitue un geste d'entrave.

2- Le geste est posé à l'égard d'un agent de la paix, alors que celui-ci agit dans l'exécution de ses fonctions.

3- Le geste doit être posé volontairement.

(Vigneault c. R., REJB 2001-41674 (C.S.), par. 32, confirmée par la Cour d'appel, REJB 2002-41673; R. c. Rousseau, [1982] C.S. 461, p. 463; R. c. McKerness, J.E. 1983-290 (C.S.P.); R. c. Poulin, REJB 2000-16138 (C.M.), par. 6; R. c. Jones, [1995] J.Q. no 2668 (C.M.), par. 8; R. c. Kirsh, J.E. 1995-545 (C.M.)).

Un geste d'entrave

[62] Un geste d'entrave est commis lorsque le comportement d'un individu gêne, nuit ou rend plus difficile l'accomplissement du devoir que prévoit la loi (Rousseau, précitée, p. 463; R. c. Hudon, [2003] J.Q. no 17721 (C.Q.), par. 90; Jones, précitée, par. 14).

[63] Lorsque l'entrave reprochée consiste dans le fait d'avoir omis de se conformer à une demande ou à un ordre d'un policier, il doit, pour qu'il y ait entrave, exister une obligation légale pour cette personne de se conformer à cet ordre (Moore c. R., 1978 CanLII 160 (C.S.C.), [1979] 1 R.C.S. 195, p. 206 et 210; Lavin c. R., 1992 CanLII 3337 (QC C.A.), [1992] R.J.Q. 1843 (C.A.), p. 1845; R. c. Guthrie, (1982) 28 C.R. (3d) 395 (C.A. Alb.), p. 400; R. c. Rosehart, REJB 2003-39219 (C.Q.), par. 8 et 9). Les articles 35, 36 et 97 du Code de la sécurité routière comportent implicitement l’obligation d’un conducteur d’un véhicule routier de s’identifier lorsque requis de produire ses documents.

Un agent de la paix dans l’exercice de ses fonctions

[64] Lorsqu’un policier est en uniforme et qu'il se trouve dans une auto-patrouille identifiée, la première partie de cette condition est facilement satisfaite. Il s’agit d’un agent de la paix selon la définition de ce terme à l’article 2 du Code criminel.

[65] La notion relative à « l'exercice de la fonction » est plus complexe.

[66] Il faut distinguer entre le fait d'être « en devoir » et le fait d'être « dans l'exécution d'une fonction ». Un policier est dans l'exécution de ses fonctions lorsqu'il exerce un devoir ou un pouvoir que lui confère la loi. C'est la preuve des circonstances de chaque affaire qui permet de déterminer si cette condition est rencontrée (R. c. Noël, 1995 CanLII 1105 (BC C.A.), (1995) 101 C.C.C. (3d) 183 (C.A. C.-B.), p. 189; Rousseau, précitée, p. 463; Hudon, précitée, par. 90; Poulin, précitée, par. 6).

[67] Dans le cadre des devoirs que leur impose la loi, les agents de la paix ont des pouvoirs limités. Ils n'agissent légalement que lorsque leurs gestes sont autorisés par la loi ou reconnus par la common law et dans la mesure où ces pouvoirs sont exercés de façon justifiée (Dedman c. R., 1985 CanLII 41 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 2, p. 28, 29 et 33; Noël, précitée, p. 189; R. c. Houle, reflex, (1986) 24 C.C.C. (3d) 57 (C.A. Alb.), p. 59).

[68] Ainsi, pour qu'il y ait entrave, le policier doit agir légalement dans le cadre de l'exécution de l’un de ses pouvoirs. Pour agir légalement, le policier doit être autorisé par la loi à poser le geste qu'il pose ou à donner l'ordre qu'il intime (R. c. Gagné, 1987 CanLII 508 (QC C.A.), [1987] R.J.Q. 1008 (C.A.), p. 1014, confirmée par la Cour suprême du Canada, [1989] 1 R.C.S. 1534; R. c. Albert, J.E. 2003-1374 (C.Q.), par. 25; Jones, précitée, par. 14 et 15).

[69] Lorsque le policier n'a pas le pouvoir de requérir d'un citoyen qu'il se conforme à son ordre, le policier outrepasse ses pouvoirs. Le policier n'est alors plus considéré comme étant dans l'exécution de ses fonctions (Royer c. R., J.E. 1998-966 (C.A.); Poulin, précitée, par. 10 et 13; R. c. Desilets, J.E. 1996- 2109 (C.M.)).

Exposé exhaustif sur l'infraction d'entrave à un agent de la paix

R. c. Rosehart, 2003 CanLII 16667 (QC C.Q.)

Nature de l'infraction d'entrave à un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions

1. Acte et/ou omission

[7] Dans l'arrêt R.c.Lavin (C.A.Q.) No 500-10-000148-906 -- le 3 août 1992 --, le comportement constituant l'entrave reprochée aux termes de l'art. 129 (a) était le refus de l'accusé de remettre son détecteur de radar alors que le policier en connaissait l'existence et alors que l'accusé n'en niait pas l'existence. L'énoncé de principe (maintes fois utilisé depuis par la jurisprudence) fut le suivant (les soulignements sont nôtres) :

"It seems to me that wilful obstruction requires either some positive act, such as concealment of evidence, or an omission to do something which one is legally obliged to do; and that neither requirement is fulfilled in this case."

[8] Or, d'énoncer la majorité :

"I am not aware of any provision of law by which he was obliged to agree with the officer's request to give him the detector. If he was under no obligation, surely he had the right to refuse and did not thereby obstruct the officer. On Appellant's refusal, he was arrested; knowing that the arrest gave the officer the right to search him, he immediately handed over the offending apparatus. "

[9] Cet acte en était un d'omission mais sans obligation légale d'agir entraînant donc par le fait même l'acquittement.

[10] Le plus célèbre exemple d'un cas d'entrave par omission se trouve dans l'arrêt Moore 1978 CanLII 160 (C.S.C.), [1979] 1 R.C.S. 195. Il est inutile de s'aventurer dans les tenants et aboutissants de l'arrêt Moore puisque dans le cas qui nous occupe l'acte de continuer de courir est un acte positif et non une omission de faire quelque chose? En effet, continuer de courir tout comme courir est une action,un acte positif; et c'est cette action même de continuer de courir qui aurait nui à l'arrestation que le policier tentait de faire. Il n'y a donc pas lieu d'examiner la question comme relevant de la catégorie des omissions avec ou sans obligation légale d'agir.

2. Entrave à un agent de la paix procédant à une arrestation légale

A. Actus reus

[11] Dans le présent cas, l'agent de la paix avait des motifs raisonnables et probables de croire que l'accusé venait de voler ce véhicule et était dans le processus de procéder à l'arrestation. "L'arrestation", aux termes de l'arrêt Whitfield 1969 CanLII 4 (C.S.C.), [1970] R.C.S. 46, (au par.3), "consiste à se saisir d'une personne physique ou à y toucher dans le but de la détenir. Le seul fait de lui dire qu'on l'arrête ne constitue pas une arrestation à moins que celui qu'on veut arrêter se soumette et suive l'agent qui procède à l'arrestation ". Dans le cas en l'espèce, le policier par son ordre tentait d'amener l'accusé à se soumettre et à le suivre. Il n'existe aucun texte de loi qui crée l'infraction de désobéissance à cet ordre; ce n'est donc pas une infraction en soi. Par contre le fait pour une personne de s'éloigner en connaissance de cause d'un policier qui tente de procéder ainsi à son arrestation est un acte positif qui rend plus difficile l'exercice par le policier des pouvoirs que la loi lui donne dans l'exécution de ses fonctions.

[12] Dans Lavin v. Quebec, [1990] Q.J. No. 719 le juge Boilard , dont le jugement fut porté en appel (dont des extraits ci-dessus de la Cour d'appel du Québec ), avait, après une revue de la jurisprudence, résumé de la façon suivante la notion d'entrave:

¶ 24 Il y aura entrave d'un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions si quelqu'un pose à son endroit un geste volontaire sachant ou prévoyant que cette action aura pour effet de nuire à l'exécution du travail policier ou de le rendre plus difficile, peu importe que le contravenant réussisse son entreprise et quelle que soit sa motivation véritable. (…)

Cette définition nous semble conserver son à-propos sous réserve évidemment de la nuance que la majorité de la Cour d'appel y a apportée comme nous l'avons vu ci-dessus en distinguant les actes des omissions.

[13] Notons également que dans l'arrêt R. c. Whitfield (précité), les juges Hall et Spence dissidents ne sont pas contredits par la majorité relativement aux parties que nous soulignons :

¶ 18 Dans la présente affaire l'agent Kerr avait, d'après la loi, le droit et le devoir de mettre Whitfield en état d'arrestation. Il n'y a aucun doute quant au fait qu'un mandat d'arrêt avait été lancé et que la tentative de Kerr d'arrêter Whitfield était justifiée légalement. (…) Si la personne s'échappe et n'est pas réellement détenue, on ne peut la considérer comme ayant été sous garde légale, mais cela ne signifie pas qu'elle n'a commis aucune infraction. Le Parlement a édicté des dispositions très précises à cet effet. Dans un tel cas, la personne est certainement coupable en vertu de l'art. 110 (a), qui se lit comme suit:

110. Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de deux ans, quiconque

a) volontairement entrave un fonctionnaire public ou un agent de la paix dans l'exécution de son devoir ou toute personne prêtant légalement main-forte à un tel fonctionnaire ou agent, ou lui résiste en pareil cas; ...

[14] Bien qu'à première vue l'on pourrait peut-être nous reprocher de torturer le contenu dans cette dissidence, il en ressort à tout le moins que ces deux juges considéraient, en bout d'analyse, le fait pour une personne non détenue de s'échapper comme une entrave à un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions.

[15] Dans le même ordre d'idées, dans l'arrêt Sharma (précité) un agent de la paix avait, dans le but d'amener M.Sharma à respecter le règlement municipal concernant les vendeurs ambulants, "ordonné" à ce dernier d'enlever ses marchandises du trottoir. Il s'agissait de déterminer entre autres si le défaut de ce vendeur ambulant d'obtempérer à "l'ordre" dudit agent constituait une entrave au travail de l'agent de police justifiant par le fait même le droit de procéder à son arrestation pour entrave à un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions. La Cour décida que l'agent n'avait pas le pouvoir, en common law ou en vertu de la loi provinciale, d'arrêter l'appelant pour refus d'obtempérer à " l'ordre" de mettre fin au comportement interdit par le règlement, et de plus qu'il ne pouvait pas contourner l'absence de pouvoir d'arrestation en l'accusant d'entrave. Bien que les faits et la situation juridique dans l'affaire Sharma s'éloigne quelque peu de ceux de la présente affaire, il nous semble quand même opportun d'en paraphraser le passage suivant :

¶ 33(…) La législature a défini le pouvoir d'application de la loi (the enforcement power) comme consistant à donner des contraventions aux contrevenants, et l'appelant n'a pas gêné l'agent de police dans l'exercice de cette fonction (this duty).

Dans le présent dossier, contrairement au seul pouvoir d'émettre une contravention mentionné dans l'arrêt Sharma, la législature a défini le pouvoir d'application de la loi (the enforcement power )comme consistant non seulement à donner des contraventions aux contrevenants, mais également à procéder à leur arrestation, et l'accusé a gêné l'agent de police dans l'exercice de cette fonction(this duty).

[16] Enfin et cette fois-ci de façon plus pointu, dans R.v. Burdette, Man. Co.ct., (1983), 23 Man. R.(2d) 154, le résumé se lit comme suit:

This was an appeal by the Crown from the accused's acquittal on charges of obstructing a peace officer in the execution of his duty contrary to s. 118(a) of the Criminal Code (…) A police constable had observed the accused standing beside a vehicle at a drive-in theatre holding a can in his hand. Complaints had been made that people were drinking alcoholic beverages while attending the drive-in. When the constable got out of his patrol car and began approaching the accused, the latter ran away spilling the contents of the can as he ran and ignoring the constable's order to stop. The empty can was dropped by the accused and observed by the constable to be labelled "Pabst Blue Ribbon Beer". (..) HELD: The appeal with respect to the charge under s. 118(a) was allowed; Under s. 243(1) of the Liquor Control Act, the constable was authorized to arrest without warrant any person whom he believed on reasonable and probable grounds to be committing an infraction of the Act. In this case, the constable had reasonable and probable grounds to believe the accused was unlawfully consuming beer. In running away, in refusing to stop when yelled at by the constable "Stop, Police" and by wilfully spilling the contents of the can as he ran, the accused was purposely, wilfully and intentionally obstructing the lawful execution of the constable's duty.

[17] Et au par. 16 du jugement :

In this court's opinion anything done or even said by a suspect at the outset of an investigation being properly and lawfully made on reasonable and probable grounds, which indicates a deliberate or wilful intention to interfere or hamper a peace officer in the lawfull performance of his sworn duty is what the Code section in question is all about.

[18] Appliquant ces concepts aux faits du présent dossier, il est évident que l'action de continuer de courir malgré l'ordre d'arrêter donné par le policier a rendu le processus d'arrestation plus difficile. L'actus reus est donc prouvé. Mais qu'en est-il de la preuve de la mens rea.

B. Mens rea

[19] L'accusé n'était pas encore en état d'arrestation puisqu'aucune arrestation n'avait encore eu lieu et puisque l'accusé n'obtempérait pas à l'ordre d'arrêter. Par contre sachant que l'ordre s'adressait à lui l'accusé ne pouvait faire fi de cet ordre sans risquer de commettre une entrave advenant que le policier ait été dans l'exécution de ses fonctions. C'est le risque que prend tout citoyen qui ne s'arrête pas pour à tout le moins dissiper le doute qu'il ne peut qu'avoir eu dans les circonstances particulières du cas d'espèce. À cet effet, nous retenons les propos du juge Wood tenu en 1995 au nom de la Cour d'appel de Colombie-Britannique dans l'arrêt Regina v. Noel, 101 C.C.C. (3d) 183, :

21. However, this does not mean that the intention to obstruct must be tied to a specifically defined duty. In my view, it is sufficient that a person who is charged with an offence under s. 129(a) was aware or knew at the time of the obstructive conduct that the peace officer was engaged in the execution of a duty, whatever that duty may have been. In most cases where the intent to obstruct arises it will be in connection with an obvious duty which the officer is executing. But an intention to obstruct a peace officer engaged in the execution of his duty, even though the specifics of that duty are not known to the accused in every detail, will suffice to incur liability under the section.

[20] Dans la même veine, bien que par analogie seulement, retenons également les propos du juge Laskin ( Laskin, Spence et Dickson) (dissidents mais non contredit par la majorité relativement aux parties que nous soulignons) dans l'arrêt R.c.Biron (précité) :

14 (…) Notre droit n'a pas, comme je le comprends, privé le citoyen de son droit de résister à une arrestation illégale. Sa résistance peut s'effectuer à ses propres risques si l'arrestation s'avère légale, mais il faut que le policier accepte également la possibilité d'avoir procédé à une arrestation légale. Bien sûr, même si l'arrestation à laquelle une personne résiste est illégale, la personne qui résiste peut encore être déclarée coupable si elle emploie une force excessive.

[21] Bien que dans le cas en l'espèce l'action de courir ne constitue pas à proprement parler une "résistance" mais plutôt une action de nature à entraver le policier dans l'exercice de son pouvoir d'arrestation, donc d'une "entrave", par analogie avec les propos (soulignés) du juge Laskin, nous pouvons dire que c'est à ses propres risques si l'ordre s'avère légal que l'accusé continue de courir. Ce risque est celui de l'accusation d'entrave au terme de l'art. 129(a) du Code criminel.

[22] Toujours dans la même veine, retenons également les propos du juge LeDain dans l'arrêt R. c. Therens 1985 CanLII 29 (C.S.C.), [1985] 1 R.C.S. 613; ces propos ont été maintes fois cité avec approbation en matière de "détention psychologique" mais ce sont nos soulignements sur lesquels nous désirons ici porter l'attention:

¶ 53 Bien que cela ne soit pas strictement nécessaire aux fins du présent litige, j'irais encore plus loin. À mon avis, il est, en règle générale, irréaliste de considérer l'obéissance à une sommation ou à un ordre d'un policier comme un acte réellement volontaire en ce sens que l'intéressé se sent libre d'obéir ou de désobéir, même lorsque la sommation ou l'ordre en question n'est autorisé ni par la loi ni par la common law, et que, par conséquent, le refus d'y obtempérer n'entraîne aucune responsabilité criminelle. La plupart des citoyens ne connaissent pas très exactement les limites que la loi impose aux pouvoirs de la police. Plutôt que de s'exposer à l'usage de la force physique ou à des poursuites pour avoir volontairement entravé la police dans l'exécution de son devoir, il est probable que la personne raisonnable péchera par excès de prudence (to err on the side of caution) et obtempérera à la sommation en présumant qu'elle est légale.

[23] Il nous semble s'inférer des passages soulignés que tout choix par un citoyen de ne pas obtempérer à un ordre venant d'un policier entraîne un risque de poursuite pour avoir volontairement entravé la police dans l'exécution de son devoir advenant que l'ordre ait été légal. Nous ajouterions à cette notion de risque que l'imprudence dont ferait preuve un citoyen face à un tel ordre pourra, selon l'ensemble de toutes les circonstances du cas d'espèce, s'élever au niveau de l'aveuglement volontaire, niveau qui selon nous établirait le degré de culpabilité morale suffisant pour entraîner une déclaration de culpabilité.

[24] La dernière question que nous désirons aborder et qui est subsidiaire au dernier point traité est la suffisance de l'ordre d'arrêter tel que donné dans les circonstances de la présente affaire. Nous croyons important d'apporter un nuance quant au degré de suffisance que doit revêtir un ordre d'arrêter avant d'être susceptible de permettre au tribunal de conclure à tout le moins à aveuglement volontaire de la part du citoyen qui n'y obtempère pas. En effet le citoyen qui reçoit un ordre de s'arrêter n'a pas à obéir aveuglément à cet ordre tant que le policier n'a pas motivé cet ordre (et nous ne référons pas ici au domaine très particulier qui est régi par le Code de sécurité routière ou relié à la conduite automobile). En effet comment pourrions nous réconcilier que les règles en matière d'ordre d'arrêter puisse être substantiellement différentes de celles qui s'appliquent au volet informationnel en matière d'arrestation? Or aux termes de l'arrêt R. c. Evans 1991 CanLII 98 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 869, la juge McLachlin traitant de l'art. 10(a) de la Charte Canadienne disait ceci à propos du processus d'arrestation:

¶ 31 Le droit d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation énoncé à l'al. 10a) de la Charte découle fondamentalement de la notion que personne n'est tenu de se soumettre à une arrestation dont il ne connaît pas le motif: R. v. Kelly reflex, (1985), 17 C.C.C. (3d) 419 (C.A. Ont.), à la p. 424.

[25] Quant au juge Sopinka, il disait ceci :

¶ 2 Les alinéas 10a) et b) énoncent des droits fondamentaux garantis à une personne arrêtée ou détenue. Les directives aux autorités qu'ils comportent sont relativement simples. Dans chaque cas, la personne détenue a le droit d'être "informée". Pour ce qui est de l'al. 10a), l'information porte sur les motifs de l'arrestation ou de la détention. Le droit d'être informé des motifs réels de l'arrestation et de la détention est fermement ancré dans la common law qui exige que suffisamment de détails soient donnés au détenu pour qu'il [TRADUCTION] "connaisse l'essentiel du motif que l'on fait valoir pour imposer sa détention" (Christie v. Leachinsky, [1947] A.C. 573, aux pp. 587 et 588). En cas d'arrestation faite conformément à un mandat, les informations sont énoncées dans le mandat. Une arrestation sans mandat n'est légale que si l'information qui aurait figuré dans le mandat est transmise verbalement.

[26] Quant à l'arrêt Kelly auquel référait la juge McLachlin:

[page424] .. the s. 10(a) statement, which is really part of the arresting process itself..

[27] Ne serait-il pas incongru et profondément injuste qu'un citoyen soit susceptible d'être trouvé coupable d'entrave à un agent de la paix pour avoir refusé d'obtempérer à un ordre non motivé de s'arrêter alors que ce même citoyen aurait le droit de résister à l'arrestation si le policier ne la motivait pas? À ce titre nous faisons nôtres la préoccupation dont faisait part le juge Curtis dans l'arrêt R. v. Marchand [1993] B.C.J. No. 2473,

¶ 3 The three constables approached the men on the side walk. Constable Myhre produced his badge, and identified himself as a police officer. He said they were investigating a fight that had apparently just occurred in the Columbus bar, asked them for their names and to relate what had happened inside the bar. Mr. Marchand's companion complied with the request and was allowed to go. Mr. Marchand however told Constable Myhre to "fuck off" and refused to identify himself. He was quite intoxicated.

¶ 4 Constable Myhre testified at trial: "I gave him several chances to identify himself and explain the fact that there had been a fight, that he was drunk and that essentially any second now he was going to have to spend the night in city cells unless he was to identify himself".

¶ 12 (…) Constable Myhre did not testify that he thought he had reasonable and probable grounds to believe Mr. Marchand had committed the offence of causing a disturbance by fighting. Furthermore, Constable Myhre did not tell Mr. Marchand that he had reasonable and probable grounds to believe he had committed the offence of causing a disturbance by fighting before he asked him to identify himself, rather he told him they were investigating a fight. The difference is significant because the person who has just been seen committing an offence may be taken to be aware of his jeopardy and the nature of the police inquiry, while a person in Mr. Marchand's position, may not know that he is reasonably believed to have committed an offence, and thus may not appreciate the compelling nature of the demand for their identify. The facts do not show that Mr. Marchand caused a disturbance by fighting, possibly he did not, and in those circumstances he may well have felt justified in refusing to identify himself.

[28] Nous utilisons cet exemple non pas pour en dégager des principes en matière d'obligation de s'identifier mais plutôt pour illustrer l'interrelation entre l'approche qu'adopte un policier et l'absence de mens rea vu le vide laissé par le policier quant au volet informationnel relatif à la détention.

[29] Dans un arrêt inédit récemment rendu dans le district de Maniwaki, nous avons eu à décider d'un cas analogue à la problématique que nous soulevons ici. Suite à un appel 911 pour violence conjugale, les policiers se sont rendus au domicile d'où originait l'appel. Une fois entrés dans la résidence, ils voient au salon regardant la télévision l'accusé, son épouse (victime allégué lors de l'appel 911) et un enfant. Après quelques réponses de l'épouse à l'effet que tout allait bien et les intimant de partir, l'un des policiers bien "innocemment" invita l'accusé à discuter à l'extérieur de la maison; c'était là un stratagème pour que le deuxième policier puisse parler plus librement avec la conjointe. Après quelques minutes de conversation entre l'accusé et le premier policier à l'extérieur de la maison, l'accusé dit au policier qui semblait mettre en doute sa version de la soirée: "entrons dans la maison et ma conjointe te confirmera mes dire!" Le policier sans plus s'interposa et indiqua à l'accusé qu'il ne pouvait retourner dans la maison. L'accusé persista à vouloir retourner dans son domicile et l'échauffourée s'ensuivit d'où des accusations de voies de fait sur un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions. Le policier n'avait pas pris la peine, alors qu'il aurait pu le faire, d'expliquer à l'accusé que la raison pour laquelle il exigeait que ce dernier demeure dehors était pour leur permettre de terminer leur enquête sur le 911 en parlant privément à la conjointe; l'eut-il expliqué, nous n'aurions eu aucune difficulté non seulement à conclure (nous inspirant du test de l'arrêt Waterfield reconnu entre autres dans l'arrêt Godoy 1999 CanLII 709 (C.S.C.), [1999] 1 R.C.S. 311) que le policier avait le pouvoir de retenir temporairement l'accusé hors du domicile tout comme nous n'aurions alors eu aucune difficulté à conclure que l'accusé qui connaissait le motif de la décision du policier commettait une entrave au travail du policier s'il avait persisté à entrer immédiatement.

[30] Ceci étant dit, nous sommes d'opinion que lorsque la raison pour laquelle le policier n'a pas motivé son arrestation ou son ordre d'arrêter (ou tout autre sorte d'ordre) résulte du comportement de l'accusé lui-même, le tribunal peut selon les circonstances de l'espèce conclure à aveuglement volontaire de la part de l'accusé et en conséquence ne pas retenir ce moyen de défense. Par exemple bien qu'il soit vrai qu'un policier doit donner au citoyen les motifs de son arrestation, le citoyen qui par son comportement trop belliqueux empêche véritablement le policier de lui exprimer les motifs d'arrestation ne pourrait pas (tout dépendant évidemment encore une fois de toutes les circonstances de l'espèce) en même temps plaider qu'il avait le droit de résister à l'arrestation pour le seul motif qu'il n'avait pas été informé des motifs de la dite arrestation.

[31] Dans l'ensemble des circonstances du cas en l'espèce, l'action de continuer de courir après avoir entendu les paroles "Police, arrêtez! Police, stop!" établit hors de tout doute raisonnable autant l'actus reus que la mens rea de l'infraction d'entrave à un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions et ce même si la preuve présentée au procès n'a pas établi hors de tout doute raisonnable que le véhicule avait été volé, pas plus que l'accusé ne savait quelle infraction précise le policier enquêtait.

mercredi 30 septembre 2009

Le fait de nuire et déranger un policier qui agit dans l'exercice de ses fonctions constitue une entrave

R. c. Levasseur (2009 QCCQ 8615) N° : 150-01-020416-070 DATE : 10 septembre 2009

[130] En ce qui concerne les paroles très impolies à l'endroit des policiers, l'accusé les a reconnues de même que leur caractère inapproprié. Il a reçu une infraction pour insulte à un policier.

[131] L'entrave à un policier peut consister en de simples gestes et paroles. «Entraver» signifie «rendre plus difficile le travail des policiers, peu importe le résultat».

[132] C'est ainsi que le fait de nuire et déranger un policier qui agit dans l'exercice de ses fonctions, sachant que ce geste est susceptible de nuire à leur travail, constitue une entrave.

[133] Dans le présent dossier, le simple fait de tenter de s'informer auprès d'un policier ne constitue pas l'entrave, mais cela le devient à partir du moment où le policier demande à l'accusé de se retirer et que celui-ci a omis de le faire et a plutôt insulté le policier ; il a commis une entrave.

[134] Les trois éléments constitutifs de cette infraction se retrouvent ici : 1) l'entrave, 2) le fait que l'agent de la paix était dans l'exercice de ses fonctions et 3) le caractère volontaire de l'acte de l'accusé.

dimanche 6 septembre 2009

Entrave au travail d'un agent de police

Bédard c. R., 2009 QCCA 1473 (CanLII)

[50] Pour être trouvé coupable d'entrave au travail d'un agent de la paix au sens de l'article 129 a) C.cr., la poursuite doit faire la preuve hors de tout doute raisonnable que l'accusé a volontairement entravé le travail d'un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions ou lui a résisté en pareil cas. Le mot « volontairement » a déjà été interprété par la Cour suprême comme exigeant la présence d'une intention en relation directe avec le but prohibé. Il faut donc, en conséquence, que le contrevenant ait eu ce but prohibé à l'esprit lorsqu'il a posé le geste reproché

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le juge a une discrétion afin de permettre l'usage de questions suggestives lors de l'interrogatoire en chef

R. v. Muise, 2013 NSCA 81 Lien vers la décision [ 23 ]                                               The law on the use of leading questions...