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dimanche 26 octobre 2025

La compétence du Tribunal pour entendre une affaire

R. c. Okojie, 2021 ONCA 773



[59]      En règle générale, les tribunaux d’une province ne sont pas compétents pour juger une infraction entièrement commise dans une autre province (Code criminel, par. 478(1)). Cependant, le Code criminel reconnaît que, dans certaines circonstances, des infractions peuvent être commises dans plus d’une circonscription territoriale. Par conséquent, le Code criminel confère aux tribunaux la compétence de juger les infractions commises dans plus d’une « circonscription territoriale » au sens de l’art. 2 du Code criminel.

[60]      Les infractions commencées dans une circonscription territoriale et consommées dans une autre sont réputées avoir été commises dans chacune des circonscriptions territoriales (Code criminel, al. 476b)). Dans de tels cas, les tribunaux de l’une ou l’autre circonscription sont habilités à connaître de l’affaire.

[61]      L’infraction d’importer des substances contrôlées peut être commise n’importe où au Canada. De plus, une infraction peut être commise en tout ou en partie à plus d’un endroit au Canada. Par exemple, un importateur dans une circonscription territoriale peut prendre toutes les dispositions et poser tous les actes nécessaires pour faire importer une substance contrôlée dans une autre circonscription. Dans un tel cas, nous pouvons dire que l’importateur a commis une infraction qui a eu lieu à deux endroits, ou une infraction qui a été commencée dans une circonscription territoriale et consommée dans une autre. Cette infraction peut être jugée là où les objets interdits sont entrés au pays, ou alors là où l’importateur a posé les actes ou pris les dispositions ayant mené à l’importation (Bell, à la p. 491).

jeudi 31 juillet 2025

Bien que le ministère public doive prouver que la Cour a juridiction pour entendre l’affaire, l’endroit où l’infraction a été commise n’est pas un élément essentiel de l’infraction

R. c. Ibeagha, 2019 QCCA 1534



[17]        The strength of the evidence on the general issue of guilt or innocence is an entirely different matter.  It will be seen in the passages quoted above the judge effectively concludes that he had no jurisdiction because the evidence was insufficient to sustain a finding of guilt.  It might well be that an acquittal would be justified on the merits after a thorough analysis of the elements of the offences charged and the admissible evidence.   But that would not be for lack of jurisdiction.  That would be the result if the trier of fact in a court with territorial jurisdiction concluded that the evidence did not prove the charges beyond reasonable doubt.  To the extent that the judge declined jurisdiction because the evidence was insufficient it is an error that compels a new trial.  For this reason it is unnecessary for the purposes of this appeal to examine the judge’s consideration of the substantive elements of the offences charged.

[18]        Whether a court has jurisdiction is a condition precedent to a trial of the merits and this is as true of territorial jurisdiction as it is of temporal jurisdiction, jurisdiction over the person or jurisdiction over the subject-matter of an offence.  It is a preliminary matter that affects the authority of a court to proceed at trial and ideally should be resolved before the presentation of evidence on the general issue.  This does not mean that the issue cannot be raised later in a trial but the question of jurisdiction and the general issue are conceptually distinct.  In the present case the question of territorial jurisdiction was only raised by the judge in the final pleadings of the prosecution and in a manner that suggested that territorial jurisdiction was an element of the offence rather than a condition precedent to proceeding on the merits at trial.

[19]        Although it was not argued on the appeal, it is an error to acquit in a case where the court lacks territorial jurisdiction.  Such a conclusion presupposes that the court is properly seized of the offence so as to render a decision on the general issue of guilt or innocence.  But territorial jurisdiction is not a substantive defence.  In a case where the court genuinely lacks territorial jurisdiction the only appropriate remedy is a stay by the prosecution that would permit a competent court in another territorial division to be seized of the prosecution.

lundi 28 juillet 2025

La juridiction territoriale & la détermination du lieu où le crime a été commis, particulièrement dans le cas de menaces par téléphone, la poste ou internet, lorsque les propos proviennent d’un endroit et sont reçus dans un autre

Roy c. R., 2022 QCCS 4726

Lien vers la décision


[27]        La juridiction pour entendre une affaire consiste en l'autorité légale de la Cour pour juger du pouvoir de décider dans quel district une affaire doit être entendue, malgré le choix initial de la poursuite[9].

[28]        Le Code criminel prévoit qu’une cour supérieure de juridiction criminelle est compétente pour entendre une affaire si le prévenu est trouvé, arrêté ou sous garde dans la juridiction territoriale du tribunal, en vertu de l’article 470 C.cr.

[29]        De surcroit, le dossier peut être entendu où les faits sont survenus ainsi qu’aux endroits précisés dans l’article 504:

504. Quiconque croit, pour des motifs raisonnables, qu’une personne a commis un acte criminel peut faire une dénonciation par écrit et sous serment devant un juge de paix, et celui-ci doit recevoir la dénonciation, s’il est allégué, selon le cas :

a) que la personne a commis, en quelque lieu que ce soit, un acte criminel qui peut être jugé dans la province où réside le juge de paix et que la personne :

(i) ou bien se trouve ou est présumée se trouver,

(ii) ou bien réside ou est présumée résider,

dans le ressort du juge de paix;

b) que la personne, en quelque lieu qu’elle puisse être, a commis un acte criminel dans le ressort du juge de paix;

c) que la personne a illégalement reçu, en quelque lieu que ce soit, des biens qui ont été illégalement obtenus dans le ressort du juge de paix;

d) que la personne a en sa possession, dans le ressort du juge de paix, des biens volés.

[30]        Il y a également l'article 476b) C.cr. qui précise que lorsqu’une infraction est commencée dans une circonscription et consommée dans une autre(« completed »), l’infraction est censée avoir été commise en n’importe laquelle de ces circonscriptions territoriales[10].

[31]        Du côté de la common law, on dénote qu’en principe, « l'accusé subi[t] son procès dans le district du lieu de la commission de l'infraction reprochée »[11].

[32]        Nous pouvons donc constater qu’une infraction peut se dérouler dans plus d’une division territoriale et faire l'objet d'une poursuite dans différents districts, comme le souligne l’auteur Ewaschuk:

The “venue of the offence” is where the offence entirely happened. Subject to a judicial “change of venue” order “changing the place of trial” to elsewhere in the province, the “venue of the trial” is generally held in the “territorial division” where the offence happened. However, the offence may have occurred in more than “one territorial division”, each having a “real and substantial link to the offence”, e.g., where any element, or part, of the offence takes place thereso that the “venue of the offence” may comprise “several territorial divisions” each having jurisdiction to try the offencewhich may be said to be “potential venues for the trial” depending on where the charges are laid. Furthermore, there are “statutory exceptions” giving jurisdiction over the offender in different territorial divisions, thereby permitting the holding of the trial elsewhere than the place where the offence happened. Thus, there may be more than one “venue of the offence” where different territorial divisions have jurisdiction to try the offence or offender, though there usually is only one final “venue of trial”[12].

[Soulignements ajoutés]

[33]        En résumé, lorsqu’il s’agit d’une situation où l’infraction est « commise » sur plusieurs territoires, la circonscription territoriale compétente sera celle où le poursuivant a déposé l’accusation, à sa discrétion, le tout sujet à une intervention de la Cour[13].

3.3  Illustrations jurisprudentielles

[34]        Les auteurs Manning, Mewett et Sankoff reconnaissent qu’il peut être difficile de déterminer où un crime a eu lieu, particulièrement dans le cas de menaces par téléphone, la poste ou internet, lorsque les propos proviennent d’un endroit et sont reçus dans un autre[14].

[35]        L’arrêt de principe Libman semble toutefois avoir résolu cette situation en appliquant la méthode du lien réel et substantiel entre une infraction et le Canada[15].

[36]        Il est important de noter que ce lien réel et substantiel n’est pas limité aux éléments essentiels de l’infraction[16].

[37]        Dans l’affaire Bigelow[17] où un enfant avait été enlevé en Ontario et retrouvé en Alberta, la Cour d’appel d’Ontario a conclu que les deux provinces étaient compétentes pour entendre l’affaire. Elle a notamment identifié ces trois exemples d’infractions interprovinciales : (1) si une continuité des opérations s’étend sur plusieurs provinces, (2) si un acte manifeste est commis dans cette province, et (3) si les effets de l’infraction commise dans une province sont ressentis dans une autre[18].

[38]        Dans l’arrêt Ibeaghala Cour d’appel du Québec mentionnait que selon les enseignements de Bigelow, il s’agit de déterminer si un fait pertinent pour prouver un élément essentiel s’y est produit. Elle a ainsi confirmé qu'il n’est pas nécessaire qu’un des éléments essentiels de l’infraction à proprement parler ait été commis dans une juridiction pour lui donner compétence[19].

[39]        Une précision a cependant été apportée dans Webber par la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse eu égard à la rédaction de l'acte d’accusation qui doit mentionner un lieu d'infraction concordant avec l'endroit où les accusations sont déposées. Dans cette affaire, on lisait que les actes avaient été commis au Nouveau-Brunswick alors que l'acte d'accusation avait été déposé en Nouvelle-Écosse, ce qui faisait obstacle à la compétence d’un juge de cette dernière province[20].

[40]        Dans l’affaire Hirsch[21], l’accusé avait affiché des menaces à l’endroit de son ex-conjointe sur son propre profil Facebook. La victime n’avait pas accès à la page Facebook de l’accusé, mais un ami l’a informée de la situation et lui a transmis des captures d’écran. L’accusé soulevait l’absence de juridiction en Saskatchewan alléguant qu’il aurait pu être à l’extérieur de la province lorsqu’il a affiché les messages.

[41]        Cet argument a été rejeté par la Cour d’appel de la Saskatchewan qui a rappelé qu’une infraction n’a pas à être commise sur un seul territoire. Un lien réel et substantiel entre l’infraction et le territoire où elle est poursuivie suffit. Ainsi, le seul fait que la victime ait reçu les menaces en Saskatchewan était suffisant pour conférer la compétence de cette province sur cette infraction.

[42]        Dans l’affaire Fournier, la Cour supérieure de la Colombie-Britannique a conclu que le fait de recevoir l’appel téléphonique menaçant en Colombie-Britannique suffisait à donner juridiction à cette province, malgré l’absence d’information sur le lieu d’origine de l’appel. La Cour a déterminé qu’une infraction de menaces peut avoir été commise à la fois au lieu où elles ont été proférées ainsi qu’au lieu de réception de l’appel menaçant[22].

[43]        Dans l'arrêt Bekar, la Cour d'appel d'Alberta a conclu que le lieu où les lettres de menaces avaient été reçues constituait l'endroit de la commission de l'infraction alléguée[23].

[44]        Enfin, dans Ross[24], il était reproché à l’accusée d’avoir publié un message sur Facebook dans lequel elle transgressait une ordonnance de non-publication. Le message a été rédigé au Nouveau-Brunswick, mais consulté notamment au Québec. La Cour du Québec a reconnu sa compétence puisque les effets de la transgression de l’ordonnance ont été ressentis au Québec, au sens de Bigelow[25].

[45]        À la lumière de ces exemples jurisprudentiels, je suis convaincue que la Cour supérieure a compétence pour entendre la présente affaire à Montréal.

[46]        Le fait que les messages aient été reçus par la plaignante dans le district judiciaire de Montréal crée un lien réel et substantiel suffisant pour confirmer la juridiction, quel que soit le lieu d’émission desdits messages.

[47]        Plus précisément, la réception des messages par la plaignante et l’effet qu’ils ont produit à son endroit sont des éléments factuels pertinents pour prouver un ou des éléments essentiels des infractions reprochées, soit le harcèlement criminel et l’intimidation d’une personne associée au système judiciaire[26].

dimanche 22 juin 2025

On n’a pas besoin d’un plaignant pour débuter une enquête criminelle

R. c. Lajoie, 2017 QCCQ 10228



[55]        Il est vrai, qu’habituellement, une victime communique avec les policiers qui mènent ensuite une enquête[19]. Toutefois, ce n’est pas l’unique voie. Comme le mentionne le juge Michel Babin de la Cour du Québec dans Gagnon c. R.[20], on n’a pas besoin d’un plaignant pour débuter une enquête criminelle. Dans cette affaire Gagnon, un policier est d’abord enquêté sur une question d’abus de confiance. Le tout conduit à une enquête sur un autre sujet (prévarication à l’égard de constats d’infraction), et ce, sans plaignant formel. Le juge rejette la requête du policier en abus de procédure.

[56]        En outre, selon l'article 504 C.cr. « Quiconque croit, pour des motifs raisonnables, qu’une personne a commis un acte criminel peut faire une dénonciation par écrit et sous serment devant un juge de paix, et celui-ci doit recevoir la dénonciation […] »[21]. La procédure pénale ne se limite donc pas à la victime.

dimanche 25 mai 2025

Le droit de déposer une plainte

Service de police de la Ville de Montréal c. Me A, 2020 QCCS 1830

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[18]      Dans l’arrêt Procureur général du Québec c. Lechasseur[6], le juge en chef Laskin rappelle la règle fondamentale du droit criminel canadien qui prévoit le droit de tout citoyen « victime d’un acte criminel, de faire une dénonciation contre l’auteur de l’acte »[7].

[19]      Comme il l’explique, « [l]e public s’est vu attribuer un rôle dans la mise en application de l’ordre public et son apport au processus pénal a été incorporé dans les règles canadiennes »[8] à l’article 504 du Code criminel.

[20]      En effet, l’article 504 « permet qu’une accusation d’acte criminel soit soumise à un juge de paix ou à un magistrat pour déterminer s’il y a lieu de délivrer une sommation ou un mandat en ce qui concerne l’accusation. Le processus pénal est ainsi mis en marche et cette mise en marche fait partie intégrante du processus »[9].

[21]      Dans l’arrêt Lacombe c. André[10], le juge Proulx de la Cour d’appel réitère que « le droit de déposer une dénonciation pour la commission d'un crime appartient à toute personne »[11] et qu’il ne peut être déroger à ce droit[12].

[22]      Ainsi, l’analyse de la protection accordée au secret professionnel, au privilège relatif au litige et au privilège relatif aux règlements doit tenir compte du « droit fondamental et historique du citoyen d’informer sous serment un juge de paix de la perpétration d’un acte criminel »[13]

[23]      De nos jours, la mise en œuvre de ce droit se réalise plus souvent par une plainte auprès d’un corps policier[14].

jeudi 25 juillet 2013

Les limites du principe de la territorialité

Libman c. La Reine, 1985 CanLII 51 (CSC)

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74.              Je pourrais résumer ainsi ma façon d'aborder les limites du principe de la territorialité. Selon moi, il suffit, pour soumettre une infraction à la compétence de nos tribunaux, qu'une partie importante des activités qui la constituent se soit déroulée au Canada. Comme l'affirment les auteurs modernes, il suffit qu'il y ait un "lien réel et important" entre l'infraction et notre pays, ce qui est un critère bien connu en droit international public et privé; voir Williams et Castel, ainsi que Hall, précités. Comme le professeur Hall le note (à la p. 277), cela n'exige aucun texte de loi. Après tout ce sont les tribunaux qui ont défini la façon dont le principe de la territorialité s'applique et le critère proposé équivaut simplement à rétablir la formulation antérieure de ce principe. C'est en réalité le critère qui s'accorde le mieux avec tous les arrêts. Les seuls arrêts qui n'y sont pas conformes sont ceux qui, à mon avis, ne doivent plus être suivis, tels les arrêts Harden et Rush.

mercredi 23 mai 2012

La question de la juridiction VS la compétence concurrente

R. c. Edwards, 2008 NBCP 40 (CanLII)

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[12] Les tribunaux ont interprété cet article d’une façon telle que, indépendamment de la règle générale voulant qu’une infraction soit instruite dans la [TRADUCTION] « circonscription territoriale » où elle a été commise, lorsqu’une infraction est commencée dans une circonscription territoriale et consommée dans une autre, chacune de ces circonscriptions territoriales a [TRADUCTION] « compétence concurrente » pour instruire l’infraction étant donné que l’on peut dire que, dans certaines circonstances, des crimes ont été perpétrés dans plus d’un endroit ou dans plus d’une province. Voir Re Bigelow and the Queen reflex, (1982), 69 C.C.C. (2d) 204 (C.A. Ont.); R. c. Gelinas 1994 CanLII 5891 (QC CA), (1994), 94 C.C.C. (3d) 69 (C.A.Q.).

[13] Dans l’arrêt Libman c. La Reine, 1985 CanLII 51 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 178, 21 C.C.C. (3d) 206, la Cour suprême du Canada a statué que la « circonscription territoriale » dans laquelle la « matière » ou l’« élément essentiel » de l’infraction s’est produit n’a pas compétence exclusive pour instruire l’infraction. Il peut y avoir plusieurs États ou circonscriptions territoriales dans l’État qui ont compétence pour instruire l’infraction pourvu qu’il existe « un lien réel et important » entre l’État et l’infraction.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...