R. c. Sadikov, 2014 ONCA 72
Lien vers la décision
La norme qui régit la délivrance de mandats en vertu de l’article 11 de la LRCDAS
[80] Le juge de paix saisi d’une demande ex parte de mandat de perquisition, présentée en vertu du paragraphe 11(1) de la LRCDAS, doit être convaincu sur la foi du contenu de la dénonciation qu’il existe des motifs raisonnables de croire à la présence, en un lieu décrit dans le mandat, d’un ou de plusieurs des articles suivants :
i. une substance désignée ou un précurseur ayant donné lieu à une infraction à la LRCDAS;
ii. une chose qui contient ou recèle une substance désignée;
iii. un bien infractionnel;
iv. une chose qui servira de preuve relativement à une infraction à la LRCDAS ou un produit de la criminalité connexe.
[81] La norme prévue par la loi — les « motifs raisonnables de croire » — n’exige pas une preuve selon la prépondérance des probabilités, encore moins une preuve hors de tout doute raisonnable. La norme légale et constitutionnelle est celle de la probabilité fondée sur la crédibilité (Hunter c. Southam Inc., 1984 CanLII 33 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 145, p. 167; R. v. Law, 2002 BCCA 594, 171 C.C.C. (3d) 219, par. 7). La dénonciation doit démontrer l’existence de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise et que des éléments de preuve se trouvent à l’endroit de la perquisition projetée (Hunter, p. 168). Si les inférences de comportement criminel et la découverte d’éléments de preuve sont raisonnables selon les faits présentés dans la dénonciation, le mandat peut être délivré (R. v. Jacobson (2006), 2006 CanLII 12292 (ONCA), 207 C.C.C. (3d) 270 (C.A. Ont.), par. 22).
[82] Le juge de paix saisi de la demande d’autorisation décide si un mandat doit être délivré ou non à partir de la preuve contenue dans l’ensemble de la dénonciation, en procédant à l’évaluation selon une approche logique, pratique et non formaliste. Tout comme le juge des faits au procès, il peut tirer des inférences raisonnables de la preuve présentée dans la dénonciation (R. c. Vu, 2013 CSC 60, par. 16; R. v. Shiers, 2003 NSCA 138, 219 N.S.R. (2d) 196, par. 13; Wilson, par. 52).
La norme applicable à l’examen d’un mandat
[83] La prémisse de la validité présumée est ce qui sous-tend l’examen d’un mandat (Wilson, par. 63; R. v. Campbell, 2010 ONCA 588, 261 C.C.C. (3d) 1, par. 45, conf. par 2011 CSC 32, [2011] 2 R.C.S. 549). Cette présomption de validité a pour effet d’imposer le fardeau de démontrer l’invalidité à la partie qui l’invoque, soit Sadikov en l’espèce.
[84] L’examen d’un mandat revêt une portée limitée. Son but n’est pas de procéder à l’audition de novo de la demande ex parte. Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge saisi de la demande de mandat (Garofoli, p. 1452; R. v. Ebanks, 2009 ONCA 851, 97 O.R. (3d) 721, par. 20, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, [2010] 1 R.C.S. ix; R. c. Morelli, 2010 CSC 8, [2010] 1 R.C.S. 253, par. 40). La norme consiste à déterminer s’il existe suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre au juge de paix de conclure à l’existence de motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise et que des éléments de preuve touchant la perpétration de cette infraction seraient découverts au moment et au lieu de perquisition précisés (Morelli, par. 40). Autrement dit, le critère consiste à déterminer s’il existait quelque élément de preuve fiable auquel le juge aurait pu — et non pouvait — raisonnablement ajouter foi pour délivrer le mandat (Morelli, par. 40; Araujo, par. 54; Garofoli, p. 1452).
[85] Le tribunal siégeant en révision n’entreprend pas cet examen en se fondant simplement sur la dénonciation telle qu’elle a été présentée au juge saisi de la demande de mandat. Il doit faire abstraction des renseignements inexacts figurant dans la dénonciation initiale et peut avoir recours, dans les limites permises, à d’autres éléments de preuve présentés lors du voir‑dire pour corriger les erreurs mineures figurant dans la dénonciation. Ces preuves complémentaires permettent de corriger des erreurs commises de bonne foi par la police lors de la préparation de la dénonciation, et non des tentatives délibérées d’induire en erreur le juge saisi de la demande d’autorisation (Morelli, par. 41; Araujo, par. 58). Les preuves avancées pour étoffer le dossier doivent être des renseignements dont disposaient les enquêteurs lors de la signature de la dénonciation, et non des renseignements acquis ultérieurement (Morelli, par. 43).
[86] L’examen d’un mandat fait partie intégrante — constitue une première étape — de l’analyse visant à déterminer l’admissibilité des éléments de preuve qu’on projette d’obtenir. Ce n’est pas un procès, et il ne doit pas revêtir les aspects d’un procès au cours duquel la véracité des allégations contenues dans l’acte d’accusation est examinée (Ebanks, par. 21). Lors de l’établissement du dossier pour les besoins de l’examen, il convient de retrancher de la dénonciation les renseignements erronés, et non ceux qui sont exacts, les renseignements qui en contredisent d’autres ou ceux avec lesquels le juge qui siège en révision est en désaccord (Ebanks, par. 21).
[87] L’examen d’un mandat exige une analyse contextuelle. Les erreurs dans la dénonciation ne constituent pas, à elles seules, un fondement suffisant pour conclure à la mauvaise foi ou à l’intention d’induire en erreur, et encore moins pour annuler le mandat (Araujo, par. 54). La fraude, la non‑divulgation, les éléments de preuve trompeurs et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais ils ne sont pas nécessaires à l’examen ni déterminants (Garofoli, p. 1452; Ebanks, par. 20).
[88] Il n’appartient pas au juge qui siège en révision de déterminer s’il délivrerait le mandat sur la foi du dossier étoffé. Il ne lui appartient pas non plus de tirer des inférences ou d’en privilégier une plutôt qu’une autre. L’analyse commence et se termine par une évaluation visant à déterminer si le dossier étoffé contient quelque élément de preuve fiable auquel le juge aurait pu raisonnablement ajouter foi pour délivrer le mandat (Morelli, par. 40).
[89] Un dernier point. La cour d’appel doit faire preuve de retenue à l’égard des conclusions du juge siégeant en révision, tant dans son évaluation du dossier étoffé pour les besoins de l’examen que dans sa décision concernant la demande présentée au titre de l’article 8. En l’absence d’une erreur de droit, d’une interprétation erronée de la preuve ou du défaut de tenir compte d’éléments de preuve pertinents, la cour d’appel devrait refuser d’intervenir dans la décision du juge qui siège en révision (Ebanks, par. 22; et R. v. Grant (1999), 1999 CanLII 3694 (ONCA), 132 C.C.C. (3d) 531 (C.A. Ont.), par. 18, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 150 C.C.C. (3d) vi).