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vendredi 15 novembre 2024

La déclaration de la victime et l'admissibilité de son contenu

Crevier c. R., 2024 QCCA 445

Lien vers la décision


[20]      L’appelante soulève que la déclaration de l’une des victimes (G.V.) rapporte illégalement du ouï-dire, soit les propos d’une collègue (D.B.), et qu’elle n’est pas signée tout comme celle de M.H., ce qui serait un préalable essentiel à son admissibilité. Enfin, elle plaide que la déclaration de G.V., comme les deux autres d’ailleurs, ne lui a été communiquée que la journée où les observations sur la peine ont eu lieu, sans toutefois préciser le préjudice que cela lui aurait causé.

[21]      En principe, le ouï-dire, comme tout autre élément d’information qui ne devrait pas se retrouver dans la déclaration, devrait être retranché : paragraphe 722(8) C.cr. Toutefois, le paragraphe 723(5) C.cr. autorise le ouï-dire crédible et fiable au stade de la détermination de la peine[11]. Un juge peut sommer la personne qui a eu une connaissance directe du fait, qui est normalement disponible pour comparaître et qui est contraignable, de témoigner si l’intérêt de la justice le requiert.

[22]      Il est vrai que le dépôt de la déclaration sans le témoignage de la victime fait passer son contenu de ouï-dire à double ouï-dire si la déclaration rapporte les propos d’autres personnes. Cela peut devenir une difficulté qui pourrait exiger un ou des témoignages.

[23]      Le fait qu’une déclaration ne soit pas signée est également un élément qui peut en affecter l’admissibilité puisque l’information qu’elle contient doit provenir, sauf dans les cas prévus au paragraphe 2.2(1) C.cr., de la victime elle-même. Il ne s’agit toutefois pas d’un obstacle dirimant et la preuve de son auteur peut être faite d’une autre façon. Encore une fois, l’intérêt de la justice pourrait aussi exiger que le déclarant soit appelé à témoigner.

[24]      Enfin, on constate que les trois difficultés soulevées par l’appelante sont occasionnées par la pratique mal avisée de communiquer la déclaration uniquement au début de l’audience sur la peine. Dans ces conditions, le poursuivant peut plus difficilement se décharger de son devoir de s’assurer que la déclaration de la victime est conforme à ce qui est autorisé[12]. Cette pratique ne permet pas non plus à la défense de s’assurer de la présence des témoins utiles, y compris la victime elle-même, et d’ainsi préparer sa preuve en toute connaissance de cause.

[25]      Rappelons qu’avant l’entrée en vigueur des articles 722 et 722.1 C.cr., la déclaration de la victime devait être communiquée dès que possible ou sur demande, conformément à l’arrêt R. c. McAnespie1993 CanLII 50 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 501, citant R. c. Stinchcombe 1991 CanLII 45 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 326, 341. Or, laissant de côté le possible accroc constitutionnel, l’article 722 C.cr. a été modifié pour préciser que la déclaration est déposée auprès du tribunal et l’article 722.1 C.cr. précise qu’elle n’est communiquée qu’après la déclaration de culpabilité[13].

[26]      Cela dit, pour éviter toute demande de remise pouvant découler de la lecture de la déclaration de la victime, il serait préférable que le juge, en vertu du paragraphe 722(2) C.cr. et de son obligation de s’enquérir si une telle déclaration est ou sera déposée, s’assure qu’elle est remise aux parties avant de fixer l’audience sur la peine. La proactivité du juge et des parties assurera qu’aucun délai évitable n’en résulte.

dimanche 21 janvier 2024

Un juge peut ordonner une évaluation sexologique en vue de la détermination de la peine

R. c. D'Amico, 2014 QCCQ 21007

Lien vers la décision


[1]           The Crown is asking for a pre-sentence report and a sexual behaviour assessment pursuant to sections 721 and 723 (3) of the Criminal Code.

[2]           The Defence objects to such request.

[3]           The issue here is for the Tribunal to decide if the Court has jurisdiction to order non-consensual pre-sentence and sexual behaviour reports for sentencing purposes.

[4]           There is no obligation for the Tribunal to ask for a pre-sentence report to be done, as it is part of its discretional power[1].

[5]           In Nasogaluak[2], the Supreme Court has re-asserted that:

[…] “The determination of a fit sentence is […], an individualized process that requires the judge to weigh the objectives of sentencing in a manner that best reflects the circumstances of the case”. […]

[6]           In the scope of that goal, the judge, following the general principles at 718 to 718.2, has a large discretion[3]:

[43] The language in ss. 718 to 718.2 of the Code is sufficiently general to ensure that sentencing judges enjoy a broad discretion to craft a sentence that is tailored to the nature of the offence and the circumstances of the offender. The determination of a “fit” sentence is, subject to some specific statutory rules, an individualized process that requires the judge to weigh the objectives of sentencing in a manner that best reflects the circumstances of the case (R. v. Lyons1987 CanLII 25 (SCC), [1987] 2 S.C.R. 309; M. (C.A.); R. v. Hamilton (2004), 2004 CanLII 5549 (ON CA), 72 O.R. (3d) 1 (C.A.)). No one sentencing objective trumps the others and it falls to the sentencing judge to determine which objective or objectives merit the greatest weight, given the particulars of the case. The relative importance of any mitigating or aggravating factors will then push the sentence up or down the scale of appropriate sentences for similar offences. The judge’s discretion to decide on the particular blend of sentencing goals and the relevant aggravating or mitigating factors ensures that each case is decided on its facts, subject to the overarching guidelines and principles in the Code and in the case law.

[7]           The Quebec Court of Appeal has re-affirmed that discretionary power in Nguyen[4].

[8]           In Challes, justice Macleod, from Ontario Superior Court of Justice has asserted that the specific assessment order must be relevant to the issue of determining an appropriate sentence[5].

[9]           Justice Richard Marleau, in J.L.[6] made an exhaustive review of the law and the jurisprudence on a non-consensual request for pre-sentence and psychiatric reports.

[10]        Referring to Blackwell[7], justice Marleau concludes that the Tribunal has jurisdiction to order such reports, despite the absence of consent of the accused.

[11]        The Tribunal shares the same opinion.

[12]        In the scope of section 718 to 718.2 and of section 721(4) and 723(3) of the Criminal Code, the Tribunal is of the opinion that such reports are pertinent to the issue at stake, that issue being to individualize the sentence for the accused in harmony with the general principles of sentencing.

[13]        The Tribunal believes that there is a logical nexus and relevance between the accusations for which the accused has been found guilty and the Crown’s request.

[14]         The accused must know that he can refuse to participate to the evaluations.

[15]        If so, the accused must know that qualified persons for the preparation and the execution of the Tribunal’s order will be entitled to gather information on him and bring them to the Tribunal even if he will not have given his point of view.

[16]        The Tribunal orders that a pre-sentence report and a sexual behaviour assessment report be done in regards to the accused.

[17]        The Tribunal also orders that besides from such reports, other information in regards to 721(4) and 723(3) of the Criminal Code be gathered by qualified persons in the scope of this decision.

Les pouvoirs du juge face au contrevenant inapte au stade de la peine

A.C. c. R., 2023 QCCA 988 

Lien vers la décision


[7]         En droit criminel, il existe un principe séculaire tiré des règles de justice fondamentale selon lequel « [n]o person can be rightly tried, sentenced or executed while insane »[1].

-      Vue d’ensemble

[39]      Il importe de distinguer l’étape de l’enquête visant à établir les « motifs raisonnables de croire » qu’une preuve est nécessaire pour déterminer l’aptitude d’un inculpé de l’étape de l’ordonnance d’évaluation proprement dite.

[40]      Comme je m’apprête à l’expliquer, la première ne repose pas uniquement sur le droit codifié. Elle se fonde également sur les principes de justice fondamentale qui obligent tout tribunal à garantir le respect des intérêts vitaux d’un inculpé. Parmi ceux-ci, il y a le droit à une défense pleine et entière au stade de la peine et celle de ne pas être soumis à une procédure inéquitable en raison de l’absence de connaissance directe, de la part du délinquant, des procédures qui se déroulent devant lui[23].

[41]      Quant au pouvoir d’ordonner une évaluation au stade de la peine, j’estime que l’article 721 et le paragraphe 723(3) C.cr. permettent à un tribunal d’obtenir un rapport d’un agent de probation comportant un volet principal sur l’état de santé mental du délinquant de la nature d’une évaluation psychiatrique aux fins de déterminer s’il est apte à recevoir sa peine.

[42]      Advenant une conclusion d’inaptitude autre que passagère, je propose la suspension de l’instance. Il appartiendra au régime civil en matière de soins de la personne de prendre le relais. Je m’explique.

-      Principes fondamentaux et sous-jacents à l’analyse

[43]      D’importants principes fondamentaux sous-tendent la suite de l’analyse. Même si le Code criminel n’envisage pas la situation de la personne inapte au stade de la peine, l’arrêt Whittle[24] de la Cour suprême enseignait déjà en 1994 que les mêmes normes relatives à la capacité cognitive de l’accusé s’appliquaient tout au long des procédures judiciaires[25], ce qui inclut nécessairement le stade de la peine.

[44]      Notre Cour, dans l’arrêt R.L. a repris ce principe de façon on ne peut plus claire :

[27]      The same may be said for sentencing. While not part of the trial, it would be unfair and contrary to the interests of justice to require a person who was fit during the trial but who subsequently became unfit to participate in a sentence hearing: see R. v. Nehass2017 YKSC 4, par. 23Indeed as a matter of constitutional law, the deprivation of liberty, that may result from sentencing of an unfit person is unlikely to accord with the principles of fundamental justice.[26]

[Soulignement ajouté]

[45]      La doctrine[27] et la jurisprudence canadienne[28] appuient fermement cette position. Elles reconnaissent l’importance pour l’accusé et le délinquant d’être présent à toutes les étapes des procédures criminelles, non seulement physiquement, mais aussi mentalement.

[46]      On peut donc affirmer, sans risque de se tromper, que les garanties constitutionnelles dont jouit l’accusé, notamment celles conférées par l’article 7 de la Charte, ne cessent pas de s’appliquer du fait qu’il est en attente d’une peine[29], car, dans les faits, il demeure toujours un inculpé[30]. Notamment, dans l’arrêt Walker[31], la Cour d’appel de l’Ontario écrit :

[44]      Proceeding against a person who is not mentally present at the proceedings is akin to proceeding against a person who is not physically present at the proceedings. It has the effect of excluding that person from the proceedings. While courtroom efficiency is a laudable goal, it is not to be achieved at all costs. Where fitness concerns arise, they must be addressed. There is nothing irresponsible about halting proceedings to take steps to ensure that the subject of those proceedings is present in mind.

[…]

[56]      Individuals have as much right to be present in mind at proceedings determining their liberty as they have a right to be present in mind at proceedings determining their culpability. The dignity and fairness of our justice system requires that to be so.

[Soulignements ajoutés; renvoi omis]

[47]      Le fait que le régime législatif se contente de couvrir uniquement les procédures en amont du verdict n’y change rien. Sans pour autant s’ingérer dans la stratégie de la défense, le juge de la peine demeure tenu de s’assurer que toutes les procédures se déroulent devant un délinquant présent mentalement, capable de participer efficacement au débat tout en étant en mesure de communiquer avec son avocat[32]. C’est pourquoi un auteur écrit :

There does not appear to be any reason why an accused who has been found unfit at a point in the prosecution beyond the verdict should be treated any differently than an accused found to be unfit prior to the verdict.[33]

[48]      Le poursuivant a toutefois prétendu que les droits fondamentaux de l’appelant n’étaient pas susceptibles d’être compromis puisque la juge était rendue au prononcé de la peine. Je n’accepte pas cette proposition.

[49]      L’infliction de la peine demeure une étape cruciale pour un accusé. J’emprunte ici au juge Dickson cette citation faite dans l’arrêt Gardiner[34] qui lui-même la tenait de Sir James Fitzjames Stephen qui l’avait écrite en 1863 [TRADUCTION] : « la sentence constitue l’essence même de la procédure. Elle est au procès ce que le boulet est à la poudre. » Selon le juge Dickson, cet énoncé était encore vrai en 1982 et, à mon avis, il le demeure en 2023.

[50]      L’objectif de dissuasion  spécifique et générale – poursuivi par le prononcé d’une peine serait sérieusement compromis devant un délinquant inapte, incapable de comprendre les procédures qui se déroulent devant lui. Je ne saurais mieux dire sur cette question que l’auteur Schneider ne l’a fait dans son article intitulé « Fitness to be Sentenced », auquel j’ai fait référence précédemment, pour expliquer l’importance de la pleine lucidité de l’accusé au stade de l’infliction de la peine :

[…] Indeed, to proceed with sentencing in respect of an unfit accused would be to ignore the objective of specific deterrence – an acknowledged principle of sentencing. Specific deterrence is that aspect of sentencing which is designed to bring home to a particular accused the probable consequences of re-offending. Similarly, the general deterrence objective of deterring other “like-minded” accused would appear to be lost if an unfit accused were to be sentenced. Furthermore, a court could not expect an accused who does not have a minimal appreciation of the sentencing process to comply with or be governed by any of the terms the court may impose in its sentence. Finally, an unfit accused who did fail to comply with the terms of the sentence imposed while unfit would inevitably have a defence to any charges laid as a result.[35]

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...