Rechercher sur ce blogue

Aucun message portant le libellé Code criminel - Article 434. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé Code criminel - Article 434. Afficher tous les messages

mardi 10 janvier 2012

Facteurs à considérer lors de la détermination de la peine concernant le crime d'incendie criminel

R. c. Gauthier, 2011 QCCQ 3680 (CanLII)

[89] Une revue jurisprudentielle permet de constater que les peines varient relativement aux crimes d'incendie criminel et souvent en considération des motifs ayant justifié les personnes à commettre leurs crimes. Certains ont agi par vengeance. D'autres afin de bénéficier des montants d'une police d'assurance. D'autres étaient payés pour incendier un édifice afin de régler des dettes de drogues. Certains étaient sous l'effet des drogues au moment du délit. Certains ont exprimé des remords, d'autres non. À certains endroits, les dommages étaient sérieux, à d'autres non. Certains incendies ont mis la sécurité des occupants en danger. À d'autres, bien qu'il y avait des occupants, leur sécurité n'a pas été compromise. Bref, autant de circonstances qui ont été prises en considération pour justifier les peines prononcées.

vendredi 21 mai 2010

Les peines imposées par les tribunaux concernant les crimes d'incendie criminel

R. c. Rouillard, 2009 QCCQ 7152 (CanLII)

[15] Dans l'affaire Ménard, l'accusé, un pompier volontaire, a reconnu sa culpabilité à six incendies causant des dommages évalués à près de sept millions de dollars. Âgé de 25 ans, marié, père de deux enfants et ayant deux antécédents judiciaires de fraude et d'introduction avec effraction, il agissait ainsi pour se donner du travail comme pompier volontaire. Il a été condamné à une peine d'incarcération de six ans.

[16] Dans l'affaire Perron, notre Cour d'appel réduisait de trois à deux années d'incarcération la peine imposée par la juge d'instance. L'accusé, âgé de 19 ans, avait participé avec des complices à huit incendies criminels et à deux tentatives d'incendie causant des dommages matériels de plus de 800 000 $. Il n'avait pas d'antécédent judiciaire et s'était soumis à une thérapie dans le cadre de sa mise en liberté provisoire.

[17] Dans l'affaire Bain, l'accusé, âgé de 21 ans, a été condamné à une peine de 24 mois. Il avait provoqué un incendie à une résidence par négligence et causé plus de 30 000 $ de dommages. Il avait des antécédents judiciaires de vols et de voies de fait.

[18] Dans l'affaire Engler, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique maintenait une peine de trois années de pénitencier à l'égard d'un accusé âgé de 20 ans, sans antécédent judiciaire, en retenant le danger causé par de tels gestes et la dissuasion spécifique à l'égard de l'accusé. Il avait incendié un véhicule automobile et trois jours plus tard, il avait mis le feu à 93 unités résidentielles inhabitées, causant des dommages évalués à près d'un million et demi de dollars.

[19] Dans l'affaire Marion, l'accusé, auteur de sept incendies dont un à une maison d'habitation, a été condamné à une peine de 48 mois de détention. Âgé de 19 ans, l'accusé n'avait pas d'antécédent judiciaire. Le rapport présentenciel et l'évaluation psychiatrique lui étaient défavorables et faisaient état de troubles de la personnalité.

[20] Dans l'affaire Oickle, l'accusé était âgé de 26 ans. Il n'avait pas d'antécédent judiciaire et il travaillait comme pompier volontaire. Après avoir été déclaré coupable de sept crimes d'incendie sur une période de neuf mois, il était condamné à une peine de quarante mois d'incarcération. Quatre incendies avaient été provoqués dans des commerces inoccupés, un autre dans un entrepôt, un dans une maison d'habitation inhabitée et finalement un véhicule automobile avait également été incendié.

[21] Dans l'affaire Beauchamps, une décision unanime de notre Cour d'appel rendue en 1984, le juge Kaufman confirme une peine de sept ans de pénitencier imposée à l'accusé auteur de 14 crimes d'incendie commis pendant une période de 18 mois et causant des dommages de plus de 1.5 million de dollars. L'accusé, un pompier volontaire, était âgé de 29 ans. Il était le père d'un enfant et n'avait aucun antécédent judiciaire. Une évaluation psychiatrique montrait que l'accusé souffrait d'un trouble de la personnalité de type borderline. Pendant sa liberté provisoire, il s'était engagé dans une thérapie psychiatrique de longue durée (entre une et quatre années). Son psychiatre mentionnait sa bonne implication dans la thérapie et un « certain progrès ». Ces crimes étaient commis, selon l'accusé, dans le but d'évacuer ses tensions et ses angoisses, de se valoriser et de se défouler. Le juge Kaufman a tenu compte de la période pendant laquelle les crimes ont été commis, du danger pour la vie des personnes, des dommages considérables causés et de la nécessité de protéger la société.

mardi 19 janvier 2010

Jugements ayant déterminé des peines en matière de crime d'incendie

R. c. Villeneuve, 2002 CanLII 23689 (QC C.Q.)

1) R. c. Engler: La Cour d'appel de la Colombie-Britannique confirme le jugement de première instance qui avait déterminé une peine totale de trois ans à l'égard de crimes d'incendie d'une automobile et d'un immeuble de 93 logements. Les facteurs suivants sont considérés: l'ampleur de la conflagration, les dommages supérieurs à un million, la commission du crime pour éprouver des sensations fortes.

2) R. c. Robert: La juge Barrette-Joncas condamne un individu à une peine de 18 mois, entérinant ainsi une suggestion commune des avocats. L'accusé avait alors agi comme simple intermédiaire.

3) R. c. Deen: Un premier juge de la Colombie-Britannique prononce une sentence totale de quatre ans à l'égard de divers crimes, dont celui d'avoir incendié un commerce. Sur division, la Cour d'appel réduit la peine à trois ans, considérant que l'accusé est un membre utile de la société.

4) R. c. Sévigny: Le juge Falardeau impose une peine de deux ans moins un jour à deux individus qui avaient conspiré pour commettre un crime d'incendie et pour avoir commis ce crime. Les circonstances aggravantes sont nombreuses: ampleur de l'incendie, valeur des biens endommagés (cinq millions), risques de perte de vie, motivation lucrative, et préméditation. Le juge considère cependant que la réinsertion sociale des accusés ne pose pas de difficulté.

5) R. c. Plamondon: Le juge St-Cyr condamne l'accusé à purger deux ans moins un jour dans la collectivité. Il s'agissait de l'incendie d'une auberge et les facteurs atténuants sont nombreux: l'accusé est très respecté dans son milieu et constitue un actif. L'appel est accueilli à la seule fin de resserrer l'assignation à domicile.

6) R. c. Nadon: Le juge Plouffe détermine une peine de deux ans moins un jour dans la collectivité pour un crime d'incendie d'un bar. Malgré la préméditation et l'importance de la valeur des dommages (350 000 $), les facteurs atténuants l'emportent: risques de récidive inexistants, personnalité non criminalisée, et stabilité (famille et emploi).

7) R. c. Ford: Le juge Falardeau fixe la peine à deux ans moins un jour dans la collectivité. L'accusé, alors âgé de 19 ans, a mis le feu à un immeuble commercial, causant une perte de deux millions. Le juge retient principalement le jeune âge du délinquant et l'absence de préméditation. Au passage, le juge mentionne ce qui suit: «The caselaw cited by the Crown varies from a 90 day intermittent sentence to a penitentiary term of three years. In all those arson cases cited by the Crown, the fire was set to mask the commission of other offences.»

[40] La poursuite estime que l'arrêt R. c. Charron devrait plutôt servir de guide, même si certaines distinctions doivent être apportées avec la présente affaire.

[41] Dans Charron, l'accusé a plaidé coupable à diverses infractions: incendie criminel ayant causé des lésions corporelles à une adolescente, voies de fait, menaces et manquements à des engagements. Le premier juge impose une peine totale de trente mois, en tenant compte du plaidoyer de culpabilité et du «bon potentiel» que représente l'accusé pour la société. La Cour d'appel réforme cette décision et fixe la peine globale à 8 ½ ans, dont 7 ans pour l'incendie criminel. Le Tribunal souligne les facteurs suivants: les antécédents de violence, la commission du crime de sang froid, de façon préméditée et planifiée, durant une période de probation, les séquelles majeures de la victime. Il s'agit d'un cas qui «regorge» de circonstances aggravantes et dans lequel la réinsertion sociale doit céder le pas aux autres objectifs de l'article 718 du Code criminel.

[42] Le Tribunal a par ailleurs consulté d'autres autorités:

1) R. c. Marceau: Le premier juge impose une peine de deux ans moins un jour à un individu coupable d'avoir mis le feu à un immeuble situé dans un rang. La Cour d'appel annule cette peine en considération de la période de six mois déjà purgée. La Cour note que l'accusé a des capacités intellectuelles limitées et retient le rapport présentenciel favorable, le programme de réhabilitation suivi avec succès et l'absence de risques pour la société.

2) R. c. Massicotte: Le premier juge condamne l'accusé à 90 jours de prison discontinus et à des sursis de sentences. La Cour d'appel réforme cette décision et impose une peine de deux ans moins un jour. L'accusé avait plaidé coupable à diverses infractions dont une d'avoir causé un dommage à un bien par le feu. La Cour considère les facteurs aggravants suivants: la valeur des dommages (près d'un million), les risques de récidive, le manque de collaboration avec l'agent de probation et les remords prenant leur source non pas dans le préjudice causé aux victimes, mais dans les conséquences vécues au niveau de la situation personnelle de l'accusé.

3) R. c. Lokhmachev: La Cour d'appel de Terre-Neuve confirme une peine de sept ans imposée à l'accusé, déclaré coupable de deux chefs d'incendie et d'un chef d'obstruction à la justice. En tenant compte de la détention préventive, l'effet de la peine s'établit à six ans. Dans cette affaire, l'accusé voulait tirer profit d'un contrat d'assurance. Les éléments essentiels de la peine reposent sur la dénonciation et la dissuasion. La Cour d'appel brosse le tableau jurisprudentiel suivant:

«63. In R. v. Quigley (1998), 105 B.C.A.C. 164 (B.C.C.A.), a fifty-six-year-old offender set fire to the residential premises which he occupied as one of several tenants. After being evicted from the building, he used gas and set it on fire. The fire caused a substantial amount of property damage, but no one was killed or injured. Quigley suffered from a personality disorder and had paranoid tendencies. The trial judge emphasized the planned nature of the offence and the need for deterrence and denunciation and sentenced Quigley to eight years' imprisonment. He had been in custody for eleven months before sentencing.

64. The British Columbia Court of Appeal reduced the period of imprisonment to five years. The court noted that when the sentence imposed was combined with the pre-trial custody it resulted in a sentence of nine to ten years, which was beyond the appropriate range.

65. In R. v. Green (1997), 200 A.R. 307 (Alta. C.A.), the accused set fire to the home of his domestic partner's parents. The arson was well planned and no remorse was shown. There was a history of harassment of the partner and her parents. The accused had served six months pre-trial custody. The Alberta Court of Appeal upheld a sentence of five years.

66. In R. v. Webb (1983), 44 Nfld. & P.E.I.R. 272, this Court upheld a sentence of three years' imprisonment for a twenty-two-year-old female with a psychiatric and personality disorder manifested by aggressive and anti-social behaviour. She had set fire to two vacant floors of a hospital. The Court stressed the protection of the public in sentencing for arson.»

dimanche 6 décembre 2009

Jurisprudence - Détermination de la peine pour les crimes d'incendie criminel prévus aux articles 433, 434 et 435 Ccr

R. c. Lalonde, 2009 QCCQ 1669 (CanLII)

[61] Des 36 autorités considérées, 23 concernent des affaires émanant du Québec, dont l'une a été jugée par la Cour suprême du Canada, 13 par la Cour d'appel du Québec, deux par la Cour supérieure et sept par la Cour du Québec. En outre, 17 de ces 23 jugements ont été rendus postérieurement au mois de septembre 1996, période de l'entrée en vigueur de la réforme en matière d'imposition de la peine et de l'introduction, en droit pénal canadien, de la mesure sentencielle de l'emprisonnement avec sursis.

[62] Mais comme l'arrêt de la Cour suprême concerne une affaire d'agression sexuelle et que la Poursuivante ne l'a incorporé à ses Recueils de sources que pour circonscrire la portée du principe de l'harmonisation des peines, c'est en réalité 22 affaires d'incendie criminel qu'elle propose, dont sept émanant de la Cour d'appel dans le contexte où une peine devait être infligée pour une accusation d'incendie criminel ayant mis la vie en danger (art. 433 C.cr.) ou pour une accusation équivalente. On sait en effet que l'article 433 a été adopté, dans sa version actuelle, en 1990 et que c'est à compter du 1er juillet de cette année-là que le nouveau crime créé par cette disposition a formellement commencé à être sanctionné.

[63] Puisque ce sont ces affaires qui sont les plus susceptibles d'être comparables à celle dont le Tribunal est maintenant saisi, ce sont à ces sept arrêts de la Cour d'appel du Québec que l'on s'attardera en premier lieu.

[64] Or, à leur examen, trois constats s'imposent, comme l'on sera à même de le confirmer plus loin.

[65] Le premier, c'est que lorsqu'un chef d'accusation fondé sur l'article 433 C.cr. doit être sanctionné, aucun Tribunal de première instance ou d'appel n'a imposé, dans ces affaires, de peine à purger dans la collectivité.

[66] Le deuxième, c'est que, en semblable contexte, la Cour d'appel n'a jamais infligé une peine d'incarcération inférieure à deux ans non plus, des peines de 18 mois et de deux ans imposées par les juges de première instance ayant en outre été majorées à 30 mois et à quatre ans par l'instance d'appel.

[67] Et le troisième, c'est que, toujours en semblable contexte, les peines finalement imposées ne se sont même jamais rapprochées du plancher de deux ans correspondant aux portes du pénitencier, la durée des peines d'emprisonnement infligées oscillant entre 29 mois et sept ans, avec une médiane avoisinant trois ans et une moyenne légèrement supérieure à cette durée.

[68] Devant une tendance aussi lourde, il est impératif de vérifier si les circonstances dans lesquelles ces crimes avaient été commis peuvent être comparées à celles du présent dossier.

[69] Le premier arrêt considéré est celui rendu par la Cour d'appel dans l'affaire R. c. Samson, 2005 QCCA 1140 (CanLII), 2005 QCCA 1140. L'accusé avait été déclaré coupable, par un jury, d'un chef d'accusation de meurtre au premier degré, et de deux chefs d'incendie criminel, dont l'un mettant en danger la vie humaine: il s'était rendu dans le centre d'hébergement pour femmes violentées où sa conjointe s'était réfugiée, l'avait abattue de sept coups de feu et avait incendié la résidence, après y avoir répandu de l'essence, au moment de quitter les lieux. Bien que la peine de sept ans de pénitencier infligée par la juge du procès, sur le chef d'incendie criminel ayant constitué un danger pour la vie humaine (art. 433 C.cr.), ait été confirmée par la Cour d'appel, il est impossible de dissocier cette sentence de celle d'emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, imposée à l'égard du chef d'accusation de meurtre au premier degré. De sorte que, ultimement, l'intérêt de ce précédent paraît bien secondaire.

[70] Il en va cependant autrement de l'affaire R. c. Gadoury, 2005 QCCA 1005 (CanLII), 2005 QCCA 1005, dans laquelle la Cour d'appel a majoré de deux à quatre ans la peine infligée à un individu psychologiquement instable qui, dans un contexte de conflit conjugal, avait volontairement mis le feu à une maison mobile dans laquelle se trouvaient trois personnes. Elle s'en explique dans les termes suivants, aux paragraphes 5 à 11:

«Le ministère public plaide que la peine de deux (2) ans est nettement déraisonnable dans les circonstances.

La Cour partage cette proposition.

Le crime commis par l'intimé est très sérieux et aurait même pu avoir des conséquences très graves pour les trois personnes qui se trouvaient dans la maison mobile au moment où il y a mis le feu.

Il s'agit d'un crime punissable par l'emprisonnement à perpétuité.

L'attitude de l'intimé après les événements est déplorable, notamment quand il cherche à faire croire qu'il s'agissait d'un accident.

La juge de première instance note, à raison, la nécessité de protéger la société et, au premier chef, les victimes de cet acte criminel.

La peine doit être suffisamment sévère pour rencontrer les objectifs de dissuasion et de dénonciation énoncés à l'article 718 C.cr..»

[71] Par ailleurs, dans l'affaire Verreault c. R., 2005 QCCA 20 (CanLII), 2005 QCCA 20, la Cour d'appel a confirmé la peine de trois ans de pénitencier infligée à un individu qui avait incendié un bâtiment situé à proximité d'une résidence pour personnes âgées. Bien qu'il n'ait pas été formellement accusé d'incendie criminel ayant mis la vie en danger, la Cour supérieure avait néanmoins considéré comme étant une circonstance aggravante très importante le fait que le sinistre ait mis la vie de 15 personnes en danger, dont les 12 voisins âgés et deux policiers. La Cour d'appel a alors réaffirmé la gravité des crimes de cette nature, aux paragraphes 2 et 4:

«Le juge de la Cour supérieure retient essentiellement les facteurs suivants: la préméditation, l'importance de l'incendie et des dommages matériels, les conséquences graves auxquelles les voisins et les pompiers ont été exposés, le jeune âge de l'appelant, l'absence d'antécédents judiciaires.

[…]

Le crime d'incendie criminel est grave. Il est passible d'une peine d'emprisonnement de 14 ans. L'appelant est à l'origine des actes criminels dont il devait être le premier bénéficiaire. Sa responsabilité est engagée au premier plan. Il est le maître d'œuvre des crimes qui ont mis en péril des vies humaines.»

[72] Or, bien que l'accusé n'ait pas été condamné pour le crime créé par l'article 433 C.cr., lequel emporte une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité plutôt que de 14 ans comme on l'a souligné antérieurement, la dynamique qui prévalait dans cette affaire présente une analogie certaine avec le dossier dont le Tribunal est maintenant saisi, la gravité objective du crime ainsi que le «jeune âge» de l'accusé constituant les seuls facteurs de différenciation. Comme ces particularités jouaient en faveur du dénommé Perreault, il faut voir dans cet arrêt un ordre de grandeur relativement fiable de ce que pourrait constituer la limite inférieure de la fourchette sentencielle envisageable dans la présente affaire.

[73] L'autorité qu'il faut accorder à l'arrêt rendu dans l'affaire R. c. Charron, C.A.Montréal 500-10-002318-028 (C.A.), le 22 août 2002, est cependant moindre. Il s'agit d'un dossier dans lequel la Cour d'appel a presque triplé, pour la porter à sept ans, la peine de 30 mois d'emprisonnement initialement imposée à un individu qui, agissant comme homme de main, avait froidement incendié un bâtiment alors qu'il savait très bien qu'une personne se trouvait à l'intérieur. Une jeune fille de 12 ans avait alors «subi de graves brûlures sur le côté gauche de son corps avant de sortir de la maison en flammes par une fenêtre»; elle avait «souffert le martyre et ses traitements […] ont duré de longs mois» (au par. 9). Mais l'accusé avait deux antécédents en matière de violence, avait commis le crime d'incendie alors qu'il était sous probation et devait être sentencé pour d'autres crimes par la même occasion (dont voies de fait, menaces, bris de promesse et bris d'engagement).

[74] Aussi faut-il voir dans ce précédent une indication de la limite supérieure de la fourchette sentencielle envisageable plutôt qu'une mesure de la peine moyenne ou médiane.

[75] L'affaire R. c. Darko, [1985] Q.J. No. 356 (C.A.), est en revanche plus significative. La Cour d'appel a alors porté de 18 mois à 30 mois d'emprisonnement la sentence imposée à un individu qui, à 1:45 heures du matin, avait mis le feu à une conciergerie de trois étages lui appartenant et dans laquelle se trouvaient des occupants. Comme l'article 433 C.cr. n'existait pas encore à l'époque, l'infraction à sanctionner en était une d'incendie criminel avec l'intention de frauder. La Cour n'en a pas moins considéré comme déterminant le fait que la perpétration du crime avait mis la vie d'autrui en danger, au paragraphe 5:

«The Respondent is 30, married, with two children. On the other hand, the crime was clearly premeditated and it represented not only an attempt to defraud the insurance company, but it also posed clear danger to life. For this reason alone, we would have been inclined to be more severe than the learned trial judge.»

[76] Il en est de même aussi de l'affaire R. c. Varin, [1982] J.Q. no 130 (C.A.), dans laquelle une accusation d'incendie criminel mettant la vie humaine en danger aurait peut-être été déposée si le crime avait existé à l'époque, puisque l'accusé avait mis à risque la vie de ses voisins en incendiant le garage dont il était propriétaire. En confirmant la peine d'emprisonnement de 29 mois infligée à cet individu sans antécédent judiciaire et travailleur, comme l'est du reste monsieur Lalonde, la Cour a pris soin de préciser les facteurs qui, à son avis, devaient être considérés comme prééminents, aux paragraphes 6 à 8:

«Varin est âgé de 48 ans, marié, sans enfant. Garagiste de métier, il n'a aucun antécédent judiciaire. Un rapport post-sentenciel, produit avec la permission de notre Cour, souligne son acharnement au travail et l'importance pour lui de pouvoir remettre son garage sur pied. Toutefois, à mon avis, ce rapport apporte peu de chose au dossier.

En imposant la sentence, le juge de première instance a tenu compte surtout des faits que le crime avait été soigneusement planifié et qu'il comportait des risques sérieux pour les occupants des maisons avoisinantes, risques que Varin ne pouvait ignorer. En effet, il y a eu une violente explosion à l'intérieur du garage et la maison contiguë a subi des dommages considérables. Toutefois, le juge n'a pas oublié les autres faits ni les facteurs d'exemplarité, d'uniformité et de réhabilitation. […]

Le crime que Varin a commis l'a rendu passible d'un emprisonnement de 14 ans. Dans les circonstances, je suis d'avis qu'une sentence de 2 ans et 5 mois d'emprisonnement, bien que sévère, ne l'est pas indûment.[…]»

[77] C'est par ailleurs en privilégiant la même grille d'analyse que la Cour d'appel avait confirmé l'imposition d'une peine de trois années de pénitencier dans l'affaire Bernier c. R., (1978) 5 C.R. (3d) S-1 (C.A.): l'accusé avait incendié une maison dont il était le locataire et avait en ce faisant mis la vie d'autrui en danger, mais il n'avait pas spécifiquement été accusé du crime prévu à l'article 433 C.cr. puisque cette infraction n'existait pas à l'époque. Or, la Cour souligne ce qui suit, au paragraphe 7:

«As can be seen from the trial judge's notes, he took into consideration such factors as the serious nature of the offence, exemplarity, and the fact that human life, as well as property, was placed in danger.»

[78] Que retenir de ce survol? Essentiellement que, indépendamment de l'introduction dans le Code criminel de l'infraction distincte d'incendie criminel mettant la vie humaine en danger, la Cour d'appel a réitéré de façon constante, au cours des 30 dernières années, que les crimes d'incendie criminel devaient être sanctionnés par des peines d'incarcération supérieures à deux ans lorsque la perpétration de ces crimes avait sérieusement porté atteinte à la vie ou à la sécurité de tiers. Et aussi que, en pareilles circonstances, une période d'emprisonnement avoisinant les 30 mois constitue en quelque sorte une peine plancher: c'est en effet ce qui ressort des affaires Varin (29 mois), Darko (30 mois), Bernier (trois ans) et Verreault (trois ans), celles-là même qui présentent la plus grande analogie avec le dossier dont le Tribunal est maintenant saisi.

[79] Ces enseignements ont par ailleurs été suivis par les tribunaux de première instance.

[80] Ainsi, dans l'affaire R. c. Westover, 2007 QCCQ 6029 (CanLII), 2007 QCCQ 6029, la Cour du Québec devait infliger une peine à un individu qui, au terme d'un procès, avait été déclaré coupable de sept chefs d'accusation, dont un d'incendie criminel avec intention de frauder et un autre d'homicide involontaire coupable, le chef d'incendie criminel ayant mis la vie d'autrui en danger ayant fait l'objet d'un arrêt conditionnel des procédures en raison de la déclaration de culpabilité sur le chef d'homicide involontaire. L'accusé avait alors accompagné le propriétaire d'une résidence et deux autres complices sur les lieux où ils avaient convenu de mettre le feu, avec l'intention de frauder l'assureur. Mais une explosion survenue au moment de l'épandage de l'accélérant avait embrasé le bâtiment et provoqué la mort du propriétaire, resté prisonnier à l'intérieur. Le complice fut condamné à six années de pénitencier.

[81] De même, dans l'affaire R. c. Bérubé, 2007 QCCQ 7079 (CanLII), 2007 QCCQ 7079, la Cour du Québec a infligé une peine de trois années de pénitencier à un individu déclaré coupable de sept chefs d'accusation, dont celui d'incendie criminel ayant mis la vie d'autrui en danger: propriétaire d'un immeuble, il avait commandé à des complices qu'on l'incendie, de façon à se libérer de la dette hypothécaire qui le grevait. Dans un contexte qui n'est pas sans rappeler celui du présent dossier, le juge Jean-Yves Tremblay a arrêté sa décision en tenant notamment compte du jugement que l'on évoquera maintenant.

[82] En effet, dans l'affaire R. c. Villeneuve, C.Q. Alma 160-01-000170-027, le 11 octobre 2002, la Cour du Québec a imposé une peine de 42 mois de pénitencier à un individu qui avait reconnu avoir incendié sa maison «sans se soucier qu'elle était habitée». Déstabilisé par une rupture conjugale qui avait mal tourné, l'accusé avait réagi à l'appel d'un huissier, l'informant qu'il se rendait chez lui pour saisir ses biens, en répandant de l'essence dans sa maison, en allumant l'incendie avec le chèque de 5 000 $ qu'il devait remettre à son ex-épouse et en avalant une trentaine de somnifères, avant de quitter les lieux. Mais, alerté par l'odeur d'essence, le locataire avait fui et s'était mis à l'abri. Le juge Pierre Lortie y écrit alors, aux paragraphes 47 et 48:

«Ici, le crime d'incendie est passible de la perpétuité en raison du risque causé à la vie du locataire. De plus, l'accusé représente un risque pour la société.

Le Tribunal conclut que les circonstances aggravantes l'emportent et qu'il faut en conséquence donner priorité aux facteurs de dénonciation, de dissuasion et d'isolation prévus à l'article 718. Cela correspond à l'orientation des cours d'appel dans les arrêts Charron [REJB 2002-33390 (C.A.)] et Lokhmachev [161 C.C.C. (3d) 451] précités.»

[83] Il est par ailleurs un autre jugement qui mérite d'être souligné, et ce bien qu'aucune accusation fondée sur l'article 433 C.cr. n'avait été déposée contre l'accusé. En effet, dans l'affaire R. c. Dion, C.Q. Abitibi 620-01-000302-938, le 28 mai 1995, la Cour du Québec devait infliger une peine à un individu déclaré coupable d'avoir incendié sa résidence en vue de percevoir l'indemnité d'assurance: comme dans le présent dossier, «la situation financière de l'accusé n'était pas désastreuse» et il avait commis le crime en vue de se procurer «d'importantes liquidités». En le condamnant à une peine d'incarcération de 20 mois, le juge Guy Gagnon sent le besoin de préciser que «l'accusé, dans son scénario, a pris soin de s'assurer que personne ne soit dans la maison lors du sinistre, l'agenda familial les amenant à Rouyn lors de cette journée» (à la page 2); il ajoute néanmoins (à la page 3) que «ce n'est pas parce que la maison était supposée être vide le jour du sinistre que cela excluait tout risque pour le voisinage immédiat», l'accusé ne tenant «certainement pas compte du danger qu'il ferait courir aux pompiers appelés sur les lieux afin de combattre le sinistre».

[84] C'est aussi une peine de 20 mois d'incarcération qui fut imposée dans l'affaire R. c. Lapointe, [1994] J.Q. no 2322 (C.S.), alors que la juge Dionysia Zerbisias, de la Cour supérieure, devait sanctionner le comportement d'un ancien boucher, devenu propriétaire d'un dépanneur, qui avait versé 5 000 $ à un tiers pour que ce dernier incendie son commerce. En difficultés financières, l'accusé s'était forgé un alibi, s'étant absenté avec sa famille de son logement situé au-dessus du commerce pendant deux samedis consécutifs, dont celui au cours duquel l'incendie avait éclaté; mais, un jeune policier s'était néanmoins précipité au logement de l'étage «pour sauver [les] deux enfants qui n'y étaient pas» (au paragraphe 9).

[85] Si les tribunaux de première instance sont ouverts à l'infliction d'une peine d'incarcération de moins de deux ans quand l'incendie criminel ne menace qu'indirectement la vie humaine (comme le révèlent les peines de 20 mois d'emprisonnement ferme imposées dans les affaires Dion et Lapointe, précédemment citées), il appert cependant, en revanche, que le plancher de 30 mois d'incarcération est généralement respecté lorsque l'incendie criminel a constitué une menace réelle et sérieuse à la vie et/ou à la sécurité de tiers (comme l'illustrent les peines d'incarcération de trois ans et de 42 mois infligées dans les affaires Bérubé et Villeneuve, aussi déjà citées).

[86] En regard de la jurisprudence émanant des tribunaux québécois, le principe de l'harmonisation des peines conduit donc effectivement à l'identification d'une fourchette sentencielle variant de 29 mois à sept ans de pénitencier lorsqu'il s'agit de sanctionner le crime enchâssé à l'article 433 C.cr., seuls les crimes d'incendie criminel causé à des biens n'appartenant pas en totalité à l'auteur du sinistre (art. 434 C.cr.) et d'incendie criminel avec l'intention de frauder un tiers (art. 435 C.cr.) étant susceptibles d'être sanctionnés par une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à deux ans: Sideris c. R., 2006 QCCA 1351 (CanLII), 2006 QCCA 1351, où la Cour d'appel a réduit de quatre à deux ans, conformément à la suggestion commune des procureurs dont le premier juge s'était écarté, la peine infligée à un mari éconduit qui avait mis le feu au restaurant de son ex-beau-père; R. c. Massicotte, EYB 1996-65431 (C.A.), où la Cour d'appel a porté, de 90 jours d'emprisonnement discontinu, à deux ans moins un jour d'emprisonnement ferme la peine infligée à un homme de 38 ans, et sans antécédent judiciaire, qui avait incendié le magasin de meubles de son employeur pour masquer un vol de 3 000 $ qu'il y avait préalablement commis.

[87] Et encore que, même quand il s'agit de sanctionner les crimes prévus aux articles 434 et 435 C.cr. par l'infliction d'une peine d'emprisonnement inférieure à deux ans, la Cour d'appel se montre généralement plus que réticente à envisager l'imposition d'une peine à purger dans la collectivité, comme le révèle l'arrêt récemment rendu dans l'affaire Mastantuano c. R., 2007 QCCA 1325 (CanLII), 2007 QCCA 1325, où la Cour a confirmé une peine de deux ans moins un jour d'incarcération infligée à un individu qui avait incendié l'immeuble commercial dans lequel se trouvait son salon de coiffure.

[88] L'état du droit est par ailleurs, à cet égard, sensiblement le même ailleurs au Canada: R. v. Munro, 2007 BCPC 178 (CanLII), 2007 BCPC 178 (30 mois pour un incendie criminel sans danger pour la vie humaine); R. v. Jones, 2006 BCPC 278 (CanLII), 2006 BCPC 278 (30 mois pour un incendie criminel ayant mis en danger la vie humaine); R. v. Cress, 2005 BCCA 493 (CanLII), 2005 BCCA 493 (32 mois pour un incendie criminel ayant mis en danger la vie humaine); R. v. Ramsey, 2005 WL 2002013 (C.S.Ont.) (30 mois pour un incendie criminel ayant mis en danger la vie humaine, sur suggestion commune des procureurs); R. v. Fournier, 2002 NBCA 71 (CanLII), (2002) 173 C.C.C. (3d) 566 (C.A.N.B.) (30 mois pour un incendie criminel ayant mis en danger la vie humaine, peine confirmée tout en étant qualifiée de clémente par la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick); R. v. Lokhmachev, 2001 NFCA 68 (CanLII), (2001) 161 C.C.C. (3d) 451 (C.A.T.N.) (cinq ans pour un incendie criminel ayant mis en danger la vie humaine, alors qu'un des complices avait été brûlé); R. v. Campeau, 1999 CanLII 2904 (ON C.A.), (1999) 122 O.A.C. 51 (C.A.Ont.) (18 mois d'emprisonnement ferme pour un incendie criminel ayant mis la sécurité de trois adultes et deux enfants en danger, mais dans un contexte où l'accusé avait fait preuve d'un comportement bizarre et largement inexpliqué, ayant apparemment agi sans mobile); R. v. Quigley, 105 B.C.A.C. 164 (C.A.C.B.) (peine de huit ans réduite à celle requise par la Couronne, soit cinq ans, pour un incendie criminel ayant mis la vie des autres locataires de l'immeuble incendié en danger alors que l'accusé éprouvait des problèmes de santé mentale).

[89] Aussi résulte-t-il de ce qui précède que, en réclamant en l'espèce l'infliction d'une peine de trois années de pénitencier, le Ministère public se démarque à peine, au titre du principe de l'harmonisation des peines, de la limite inférieure de la fourchette sentencielle envisageable.

lundi 21 septembre 2009

La jurisprudence sur le crime d’incendiat

R. c. Legault, 2006 QCCQ 6899 (CanLII)

[45] La peine doit toujours être individualisée. Certes, en l’espèce, le montant des dommages est extrêmement important, plus d’un million et demi de dollars. Il s’agit certainement d’un élément à considérer, mais il n’est pas le seul. Dans certains cas, un feu peut être commis sans que toutes les conséquences aient été mesurées. Quelquefois, il pourra pratiquement être associé à un accident. Dans d’autres cas, il sera le fruit d’une personne dépressive qui est aux prises avec un stress inhabituel ou une déroute financière. Il peut aussi s’agir de vengeance, voire d’actes de terrorisme ou de crimes haineux. Dans certains dossiers, le Tribunal considérera le danger de l’incendie eu égard à des vies humaines. Les peines sont donc distinctes selon les circonstances propres à chaque accusé. En l’espèce, il s’agit d’un feu qui a été mis délibérément, de façon préméditée, à un établissement de grande valeur destiné aux loisirs du grand public aux fins de maquiller un crime. Il ne se trouvait cependant personne sur les lieux.

[46] Dans l’affaire Jerkovic c. R., la Cour d’appel maintient une peine d’emprisonnement de neuf mois pour un individu ayant mis le feu à un immeuble et ayant ainsi causé des dommages de 200 000 $.

[47] Dans l’affaire Chouinard c. R., la Cour d’appel impose une peine équivalant à seize mois d’emprisonnement pour une personne de 28 ans souffrant de troubles psychiatriques ayant mis le feu dans un contexte de tentative de suicide.

[48] Dans l’affaire R. c. Robert, la Cour supérieure impose dix-huit mois d’emprisonnement à un individu ayant agi comme un exécutant dans l’incendie criminel d’un commerce.

[49] Dans l’affaire Hardy c. R., la Cour d’appel impose une peine d’emprisonnement de dix-huit mois pour un individu ayant incendié un camp de pêche d’une valeur de plus de 500 000 $ alors qu’il était en état d’ivresse. La Cour d’appel considère alors qu’il s’agit d’une peine légère pour ce type de crime. L’un des juges est même d’avis qu’il s’agit d’un crime qui aurait requis une peine de cinq ans d’emprisonnement ou plus. Il est cependant d’avis de considérer l’état d’intoxication de l’accusé et le délai de quatre ans écoulé depuis les événements.

[50] Dans l’affaire R. c. Paulin Plamondon, l’accusé est trouvé coupable de complot pour incendie criminel et incendie criminel avec intention de frauder. Le crime concerne une auberge dont l’accusé était propriétaire. Devant les difficultés financières que connaissait l’exploitation de son commerce, l’accusé avait contracté une assurance incendie et accepté la proposition d’un ancien associé de le rémunérer pour la somme de 5 000 $ pour qu’il incendie son auberge. La Cour considère alors le niveau de préméditation, l’objectif de fraude pour un montant de 825 000 $, la rétribution d’un complice, le déboursement d’une somme de 265 392 $ de l’assureur au créancier hypothécaire, la perte d’emplois qu’a engendrée le feu du commerce et le danger potentiel que représente ce genre de crime pour la sécurité et la vie d’autrui. L’accusé était âgé de 55 ans et n’était pas criminalisé, sauf des antécédents judiciaires non significatifs et lointains. Il s’agissait d’un homme d’affaires fort apprécié dans son milieu, impliqué socialement. Le Tribunal est alors d’avis qu’une peine de deux ans moins un jour à purger au sein de la collectivité avec assignation à domicile pour un an, moyennant notamment l’accomplissement de 240 heures de travaux communautaires et le versement de 15 000 $ à différents organismes, contribuerait à atteindre les objectifs de dissuasion nécessaires.

[51] Dans l’affaire R. c. Sévigny et al., après une discussion d’une durée de trois mois, les accusés avaient reçu une commande de mettre le feu à un restaurant moyennant la somme de 15 000 $. Ceux-ci y avaient mis le feu à l’aide de produits accélérants et avaient ainsi causé des dégâts de 5 000 000 $, sans compter le travail de 150 pompiers et du tiers de tous les appareils à incendie de la Ville de Montréal. Il y avait eu un risque important de pertes de vie humaine. Le but de l’incendie était de mettre fin au bail, puisque l’autre copropriétaire avait trouvé un endroit plus économique. L’accusé Sévigny n’était pas criminalisé. Il travaillait régulièrement et était apprécié de ses employeurs. Il éprouvait des problèmes de santé. Les procureurs recommandaient une peine conjointe de deux ans moins un jour, mais ne s’entendaient pas quant à savoir si elle devait être purgée au sein de la communauté. La Cour est alors d’avis que le critère de dénonciation ne peut être satisfait par un emprisonnement avec sursis et condamne les accusés à purger deux ans moins un jour d’emprisonnement dans une institution carcérale.

[52] Dans l’affaire R. c. Massicotte, la Cour d’appel impose une peine de deux ans moins un jour de prison à un individu ayant plaidé coupable à des accusations d’incendie criminel, de fraude et de vol. L’accusé avait notamment volé 3 000 $ à son employeur, un vendeur de meubles, et, pour masquer le vol, avait mis le feu à l’édifice abritant le magasin, causant ainsi tout près de 1 000 000 $ de dommages. L’accusé était âgé de 38 ans et sans antécédents judiciaires.

[53] Dans l’affaire Verreault c. R., la Cour d’appel maintient la peine de trois ans imposée à un jeune homme pour des accusations d’incendie criminel, de complot et de fraude. L’incendie avait été allumé avec préméditation. Il avait causé d’importants dommages matériels et des conséquences graves chez les voisins et les pompiers. L’incendie avait, par ailleurs, mis en péril des vies humaines. La Cour d’appel tient alors compte du jeune âge de l’appelant et de son absence d’antécédents judiciaires.

[54] Dans l’affaire R. c. Boudreault, la Cour d’appel impose une peine de trois ans à un individu souffrant de troubles mentaux ayant plaidé coupable à l’accusation d’incendie criminel. L’accusé était considéré potentiellement dangereux, étant incapable de contrôler ses pulsions et émotions. Il avait de nombreux antécédents judiciaires et un urgent besoin de soins psychiatriques dans un milieu spécialisé.

[55] Dans l’affaire R. c. Villeneuve, la Cour d’appel maintient une peine équivalant à 42 mois pour un individu âgé de 58 ans ayant menacé d’incendier et incendié la maison familiale afin d’éviter de la partager avec son épouse. Le locataire qui y vivait était présent. Il avait cependant pu sortir à temps. L’accusé était sans antécédents judiciaires et avait, par la suite, abordé une démarche de réflexion par rapport à son crime et aussi pris des démarches pour indemniser partiellement sa conjointe. La Cour considère alors le fait que les gestes ont été posés dans le contexte d’une profonde désorganisation suite à la rupture du couple, laquelle désorganisation a même conduit l’accusé à des tentatives de suicide.

[56] Dans l’affaire R. c. Gadoury, la Cour d’appel double la peine initialement imposée de deux ans pour la fixer à quatre ans pour un accusé ayant été reconnu coupable d’avoir allumé l’incendie criminel d’une maison mobile qui était habitée. La Cour d’appel insiste sur les conséquences très graves pour les personnes qui se trouvaient dans la maison au moment de l’incendie et sur la nécessité d’atteindre les objectifs de dénonciation.

[57] Dans l’affaire Tiermersma c. R., la Cour d’appel impose une peine équivalente de cinq ans d’emprisonnement à une accusée de 37 ans, sans antécédents judiciaires, qui, après une discussion orageuse avec son amie, s’était rendue à l’église où elle travaillait depuis onze ans et y avait mis le feu après avoir ouvert les valves d’un poêle à gaz. Dix heures plus tard, elle y était retournée afin d’avertir le gardien et sa famille qui habitaient sur place du danger qu’ils couraient. Elle avait appelé les pompiers, s’était présentée au poste de police pour y faire une déclaration. Deux pompiers étaient morts en combattant l’incendie.

[58] Dans l’affaire Samson c. R., la Cour d’appel maintient deux peines équivalant à sept et cinq ans à être purgées de façon concurrente à une peine d’emprisonnement à perpétuité pour le meurtre au premier degré de l’épouse de l’accusé. L’accusé avait incendié la résidence familiale pour éviter de la partager dans un contexte de dispute familiale. Il avait aussi mis le feu au centre d’hébergement pour femmes où se trouvait la victime, sans se soucier des conséquences de son acte. La Cour d’appel émet le point de vue que les peines ne sont pas déraisonnables vu la gravité des crimes, leur planification et le caractère aggravant des circonstances de leur commission. La Cour d’appel insiste aussi sur le facteur dissuasion.

[59] Dans l’affaire Beauchamp c. R., la Cour d’appel impose une peine de sept ans d’emprisonnement à un individu âgé de 29 ans, sans antécédents judiciaires, marié, père d’un enfant et bachelier en sociologie, qui, alors qu’il travaillait comme pompier volontaire, a allumé quatorze incendies. Les dommages matériels étaient estimés à plus de 1 500 000 $. Le Cour d’appel considérait le besoin de thérapie à long terme pour les problèmes de comportement de l’accusé, la longue période de commission des infractions, des importants dommages aux propriétés et la nécessité de la protection de la société.

[60] Dans l’affaire R. c. Charron, la Cour d’appel rend une peine équivalant à huit ans et demi de prison, dont sept ans pour incendiat, pour un jeune individu ayant reconnu sa culpabilité sur des chefs d’accusation d’incendie criminel causant des lésions corporelles à une adolescente, des voies de fait causant des lésions corporelles à un jeune homme ainsi qu’à un agent de la paix et des menaces de mort ou des lésions corporelles. Au moment où le crime d’incendiat a été commis, l’accusé était sous probation. Il avait mis le feu à une résidence privée tout en sachant que quelqu’un s’y trouvait. Son comportement était caractérisé par de la violence. Il avait commis le crime, alors qu’il était sous le coup d’une promesse faite pour recouvrer sa liberté. L’accusé s’était muni d’un bidon d’essence et d’une fusée éclairante. Une adolescente avait subi de graves brûlures sur son corps. La Cour d’appel est alors d’avis que trop d’importance a été portée par le tribunal de première instance au jeune âge de l’accusé.

vendredi 4 septembre 2009

Analyse exhaustive de la jurisprudence rendue en matière de sentence pour l'infraction d'incendie criminel

R. c. Plamondon, 1999 IIJCan 10445 (QC C.Q.)

24 L'ensemble des objectifs et des principes contenus aux articles 718 et suivants du Code criminel doivent être envisagés lors du processus de détermination de la peine.

25 Cependant, relativement aux faits de la présente cause, ceux qui retiennent l'attention du tribunal sont la dénonciation du comportement illégal, la dissuasion des délinquants et la volonté de responsabiliser l'accusé relativement à son crime.

26 C'est à juste titre que les tribunaux doivent signifier par leur sentence, que la société désapprouve ceux qui comme l'accusé, commettent ce genre de crime pour régler leurs problèmes financiers. La sentence doit avoir un effet dissuasif suffisant pour décourager les gens qui seraient tentés d'utiliser les mêmes moyens frauduleux.

27 Dans sa recherche d'une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant, la motivation, le degré de préméditation et l'ampleur des pertes matérielles sont des critères importants dont doit tenir compte le juge.

28 Ainsi, dans R. c. Petropoulos, la cour d'Appel de la Colombie-Britannique diminuait une sentence de 5 ans de pénitencier à 3 ans et demie suite à une condamnation pour incendie frauduleux. Bien que l'accusé âgé de cinquante-trois ans n'avait pas d'antécédent criminel et présentait une image fort positive, la Cour a retenu comme facteurs aggravants, le degré élevé de préméditation et de planification dans l'accomplissement du crime. Le montant de la perte monétaire évalué entre 800 000 $ et 1 000 000 $ ainsi que la faillite de commerces qui y étaient situés ont également été envisagés par la Cour.

29 Cette dernière stipulait que l'éventail normal des sentences pour ce genre d'offense varie entre 2 et 3 ans de pénitencier.

30 Dans R. c. Singh, la cour d'Appel de l'Ontario réitérait l'importance d'une sentence qui doit tenir compte de la responsabilité de chacun des accusés dans la commission d'un crime. La Cour soulignait également que la société s'attendait à ce que les sentences aient un caractère dissuasif important pour ce genre d'offense.

31 Dans cette cause, l'accusé ainsi que son complice associé en affaires furent condamnés pour incendie criminel suite à la destruction de leur commerce après qu'ils l'eurent assuré. La diligence des pompiers a fait en sorte que les vies humaines de deux (2) personnes ont été sauvées in extremis.

32 L'accusé âgé de 45 ans n'avait aucun antécédent judiciaire et était marié et support de famille. Voulant distinguer le degré de responsabilité de chacun, la Cour imposa une peine de trois ans de détention à l'instigateur et de 21 mois à son complice.

33 D'autre part, les cours tiendront également compte de certains facteurs atténuants pour réduire des sentences initialement élevées.

34 Ainsi, dans R. c. Debock, la cour d'Appel de l'Alberta réduisait à deux ans et demie une sentence de 4 ans prononcée par le Tribunal de première instance. L'accusé avait fait mettre le feu à son hôtel dans le but d'en retirer les assurances. La cour d'Appel, en tenant compte du fait que le complice avait reçu une sentence de 18 mois de détention,réduisait la sentence de Debock en soulignant qu'au moment de l'incendie, il n'y avait personne dans l'hôtel. Elle prit également en considération l'âge de l'accusé et de l'absence d'antécédent judiciaire.

35 Dans R. c. Robert Martin, la juge Claire Barrette Joncas imposait une sentence de 18 mois à un individu trouvé coupable d'incendie criminel et de complot. La détention préventive avait été de deux mois et le montant des dommages se situait entre 400 000 $ et 430 000 $. L'accusé n'avait aucun antécédent judiciaire et était âgé de 20 ans.

36 La cour d'Appel de la Colombie-Britannique dans R. c. Deen, réduisait à 2 ans une sentence de 4 ans pour un incendie criminel dont l'ampleur des dommages dépassait ceux du présent dossier.

37 Dans Szabo c. la Reine, la cour d'Appel du Québec imposait une sentence de 90 jours d'emprisonnement de façon discontinue à un homme et une femme sans antécédent judiciaire, qui avaient incendié leur commerce et causé ainsi des dommages minimes.

38 Dans R. c. McIntyre, l'accusé âgé de quarante (40) ans, sans antécédent judiciaire, a plaidé coupable à un crime d'incendie. Ce dernier qui avait mis le feu à sa résidence, traversait des problèmes financiers et souffrait d'une détresse psychologique. Par ailleurs, son offense était préméditée et avait été faite dans le but de frauder les assurances. Considérant que l'accusé démontrait plusieurs aspects positifs, tout en admettant le sérieux du crime, la Cour lui imposait une sentence de 2 ans moins un jour à être purgée dans la collectivité.

39 Dans R. c. François Sévigny et Famir Nached, le juge condamnait les deux accusés à purger une sentence de 2 ans moins un jour dans une institution carcérale se refusant d'appliquer dans leurs cas, la peine dans la collectivité prévue à 742.1. Il s'agissait de l'incendie criminel d'un commerce dans le but de mettre fin prématurément au bal désavantageux. L'incendie causa des dommages de cinq millions et requit l'intervention de cent cinquante (150) pompiers de la ville de Montréal. Après avoir analyser l'ensemble des facteurs pertinents, le juge considéra que les critères qui devaient être privilégiés étaient la dénonciation et la dissuasion. Il condamna les deux accusés, sans antécédent judiciaire, à ce qui peut être considéré comme le milieu de l'éventail des sentences pour ce genre d'affaire, soit deux ans moins un jour de prison.

40 Bien qu'il admettait qu'une sentence d'emprisonnement avec sursis dans certaines circonstances pouvait satisfaire aux critères de dénonciation et de dissuasion, le juge privilégia la détention pour y satisfaire.

41 L'application d'une sentence juste et appropriée demeure pour le Tribunal un exercice hautement subjectif. Dans cette recherche de la sentence appropriée, la Cour est aidée par les balises jurisprudentielles et par l'interprétation des principes généraux que doit appliquer tout Tribunal dans l'imposition d'une sentence.

42 Dans R. c. M.C.A. à la page 558, l'honorable juge Lamer formulait la remarque suivante:

En contexte criminel, le châtiment se traduit par la détermination objective raisonnée et mesurée d'une peine appropriée reflétant adéquatement la culpabilité morale du délinquant compte tenu des risques pris intentionnellement par le contrevenant, du préjudice qu'il a causé en conséquence et du caractère normatif de sa conduite.

De plus, contrairement à la vengeance, le châtiment intègre un principe de modération; en effet, le châtiment exige l'application d'une peine juste et appropriée, rien de plus.

43 Et comme le soulignait monsieur le juge Chamberland dans R. c. Rodrigue:

Le but fondamental de la sentence est de préserver l'autorité des Lois et d'en promouvoir le respect par l'imposition de sanctions justes; la peine est appropriée dans la mesure où elle est proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité de son auteur. Dans cette perspective, la sentence est modulée en fonction de la personnalité de l'accusé: elle est individualisée. Chaque cas est un cas d'espèce et la sentence doit refléter l'ensemble des circonstances du dossier.

44 L'application des principes et objectifs de 718 et 718.1 ainsi que du principe de 718.2 b), et le survol des décisions jurisprudentielles précitées, fait en sorte que le bilan entre les facteurs aggravants et les facteurs atténuants dans le cas de Paulin Plamondon milite pour l'imposition d'une sentence se situant dans la limite inférieure des sentences pour les cas similaires.

45 Selon le Tribunal, l'exemplarité et la dissuasion commandent ici une sentence d'emprisonnement. Il serait cependant inapproprié de conclure que seule une sentence de deux ans de pénitencier puisse atteindre ce double objectif.

46 Le Tribunal considère qu'une sentence de deux ans moins un jour contribuerait à atteindre les mêmes objectifs. Conclure à une sentence de deux ans de pénitencier dans le but de se soustraire à l'application de 742.1 ne rencontrerait pas selon l'avis du Tribunal, les fins de la justice. Les faits du présent dossier justifient une analyse plus approfondie de l'applicabilité de l'emprisonnement avec sursis.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le privilège de l’informateur

Autorité des marchés financiers c. Lacroix, 2022 QCCQ 1698 Lien vers la décision [17]          Au Canada, la nécessité de protéger les indic...