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dimanche 30 décembre 2018

État du droit quant au contre-interrogatoire de l’affiant

Barthelus c. R., 2018 QCCS 4655 (CanLII)

Lien vers la décision


[20]        La Partie VI du Code criminel ne contient aucune disposition permettant le contre-interrogatoire de l’affiant. La jurisprudence a néanmoins reconnu cette possibilité, bien qu’initialement de façon très restrictive. L’encadrement actuel du droit de contre-interroger l’affiant a été établi par l’arrêt de la Cour suprême Garofoli, et confirmé par la même cour dans Pires.
[21]        Selon ce cadre, le Tribunal dispose d’un pouvoir discrétionnaire quant à l’autorisation du contre-interrogatoire. Ce droit n’est donc ni absolu, ni illimité. La défense doit démontrer que le contre-interrogatoire va permettre de réfuter l’existence d’une des conditions préalables à l’obtention de l’autorisation, dont par exemple l’existence de motifs raisonnables et probables. Dit autrement, le Tribunal « doit s’attacher à l’effet probable du contre‑interrogatoire projeté et à la probabilité raisonnable que celui‑ci sape le fondement de l’autorisation ». S’il est peu probable que le contre‑interrogatoire projeté aide à trancher la question de savoir s’il existait des motifs permettant au juge qui a accordé l’autorisation de rendre l’ordonnance, il ne doit pas être autorisé.  Le critère à retenir est celui de l’utilité du contre-interrogatoire pour décider si les conditions requises existaient pour autoriser l'écoute électronique, gardant à l’esprit que celle-ci est un outil d’enquête et qu’« [i]l se peut qu'une enquête plus poussée révèle la fausseté de ces motifs mais ce fait n’invalide pas rétroactivement une autorisation par ailleurs valide ». Cela s’explique entre autres, par le fait qu’il faut évaluer les informations « dont dispose la police au moment de la demande » et non pas celles obtenues par la suite.
[22]        Bien que le contre-interrogatoire de l’affiant ne soit pas de plein droit, la juge Charron de la Cour suprême a rappelé que le critère préliminaire n’est pas exigeant. L’obligation d’obtenir la permission de contre-interroger l’affiant n’est qu’un moyen d’éliminer les instances inutiles, qui n’aideraient vraisemblablement pas à la résolution des questions pertinentes. La raison pour laquelle le critère laisse généralement peu de place au contre‑interrogatoire ne tient pas à sa rigueur, mais plutôt à la gamme restreinte des motifs justifiant l’annulation d’une autorisation.
[23]        Les conditions préalables à l’obtention d’une autorisation d’écoute électronique sont visées à l’article 186(1) et (1.1) C. cr. :
186 (1) Une autorisation visée au présent article peut être donnée si le juge auquel la demande est présentée est convaincu que :
a) d’une part, l’octroi de cette autorisation servirait au mieux l’administration de la justice;
b) d’autre part, d’autres méthodes d’enquête ont été essayées et ont échoué, ou ont peu de chance de succès, ou que l’urgence de l’affaire est telle qu’il ne serait pas pratique de mener l’enquête relative à l’infraction en n’utilisant que les autres méthodes d’enquête.
Exception dans le cas d’une organisation criminelle ou d’une infraction de terrorisme
(1.1) L’alinéa (1)b) ne s’applique pas dans les cas où le juge est convaincu que l’autorisation demandée vise :
a) une infraction prévue aux articles 467.11, 467.111467.12 ou 467.13;
b) une infraction commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle;
c) une infraction de terrorisme.
[24]      S’agissant du critère que l’autorisation doit servir au mieux l’administration de la justice, les tribunaux considèrent que cela signifie qu’il doit y avoir des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise et que l’autorisation sollicitée permettra d’obtenir une preuve de sa perpétration.
[25]      Or, même s’il est établi que les renseignements contenus dans l’affidavit sont inexacts, ou qu’un fait substantiel n’a pas été communiqué, cela ne réfute pas nécessairement la présence de ces conditions légales.
[26]      Donc, « si le contre-interrogatoire projeté n’est pas pertinent à l’égard d’une question substantielle dans le cadre limité de la révision concernant l’admissibilité, il n’y a aucune raison de le permettre ».
[27]        Par exemple, un contre‑interrogatoire qui ne fait que démontrer la fausseté de certains des renseignements sur lesquels se fonde le déposant est peu susceptible d’être utile à moins qu’il ne permette également d’étayer l’inférence que le déposant savait ou aurait dû savoir que ces renseignements étaient faux. 
[28]        La situation est en revanche différente s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’affiant a délibérément tenté d’induire en erreur le juge autorisateur dans une partie de l’affidavit : le contre-interrogatoire devrait alors être généralement autorisé puisque cela peut entacher la fiabilité de l’affidavit en entier.
[29]        Le contre-interrogatoire ne devrait pas non plus être autorisé lorsqu’il vise uniquement une démonstration quant à l’exclusion de la preuve en vertu de l’article 24(2) de la Charte, mais pourrait être autorisé lorsque le contre-interrogatoire est déjà permis pour des motifs liés à la validité de l’autorisation.
[30]        Il faut rappeler que l’affiant qui demande une autorisation ex parte a l’obligation juridique d’exposer de manière complète et sincère les faits considérés et ne devrait pas essayer de tromper le lecteur. Un affiant doit faire particulièrement attention de ne pas faire un tri des faits pertinents dans le but d’obtenir le résultat souhaité.  Le dénonciateur est tenu de présenter tous les faits pertinents, favorable ou non.  Il peut omettre des détails non pertinents ou sans importance au nom de l’objectif louable de la concision, mais il ne peut pas taire des faits essentiels. Il doit veiller à ne pas orienter le juge vers une inférence ou une conclusion à laquelle ce dernier ne serait pas parvenu si les faits omis lui avaient été divulgués.
[31]        Le contre-interrogatoire des sous-affiants est encore plus restreint. L’accusé doit relier tout manquement du sous-affiant à l’affiant. Par contre, le contre-interrogatoire du sous-affiant est généralement accordé lorsque l’affiant est un « homme de paille » (« straw man »).
[32]        Plusieurs préoccupations vont avoir un impact quant à la décision d’autoriser le contre-interrogatoire de l’affiant ou du sous-affiant et son étendue. La première préoccupation qui doit rentrer en ligne de compte dans la décision du Tribunal est l’utilisation judicieuse des ressources judiciaires. En 2005, la juge Charron écrivait que cette préoccupation était toujours légitime, voire davantage qu’elle ne l’était en 1990, lors du prononcé de l’arrêt Garofoli. En 2018, à l’ère post-Jordan/Cody, les délais font partie intégrante des considérations à prendre en compte dans le processus décisionnel du juge de gestion.
[33]        La seconde préoccupation importante est la nécessité de protéger l’identité des informateurs.  Le contre‑interrogatoire du déposant accroît le risque de révéler l’identité des informateurs. La divulgation de détails sur les activités d’enquête et sur l’identité d’informateurs est beaucoup plus probable en contre‑interrogatoire que dans des affidavits. La nécessité de protéger l’identité des sources confidentielles est une préoccupation majeure dans la décision de permettre ou non le contre-interrogatoire, en raison des risques de divulgation qui y sont attachés.
[34]        Une fois autorisé, le contre-interrogatoire peut être limité aux questions qui visent à établir qu'il n'y avait aucun fondement justifiant la délivrance de l'autorisation.  Dans R. v. Silvini, la Cour d’appel de l’Ontario estime que le juge a la discrétion de restreindre l’étendue du contre-interrogatoire à l’avance. Cependant, si le juge pendant le contre-interrogatoire se rend compte que les limites posées au contre-interrogatoire empêchent l’accusé de démontrer les moyens sur lesquels l’autorisation était attaquée, il doit reconsidérer ces limites. Cette approche a été confirmée par la Cour suprême dans R. c. Pires.
[35]        Enfin, il est important de souligner qu’il ne faut pas confondre la demande en contre-interrogatoire de l’affiant avec la demande Garofoli elle-même. Le contre-interrogatoire de l’affiant n’est qu’un moyen. Même sans contre-interrogatoire de l’affiant, la défense peut accomplir le but final de démontrer que l’autorisation était illégale ou inconstitutionnelle.

vendredi 13 mai 2016

Critère applicable à la communication de dossiers en la possession de tiers dans le cadre d’une demande de type Garofoli

Groupe de la Banque mondiale c. Wallace, 2016 CSC 15 (CanLII)
[116]                     Les intimés demandent la communication des dossiers de l’INT dans le cadre d’une demande de type Garofoli présentée en contestation des autorisations d’écoute électronique. La demande de type O’Connor concerne généralement la communication de documents qui se rapportent à des questions importantes ayant une incidence directe sur la reconnaissance de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé. La demande de type Garofoli a une portée plus limitée, car elle concerne la recevabilité de la preuve, à savoir les communications interceptées (Pires, par. 29‑30). Il s’agit d’une distinction importante, qu’il convient de clarifier. La demande de type O’Connor présentée dans le cadre d’une demande de type Garofoli doit être circonscrite aux questions limitées que soulève cette dernière. Les considérations de principe dans ce contexte commandent aussi une démarche restrictive.
[117]                     Le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Garofoli permet d’apprécier le caractère abusif ou non de la fouille ou perquisition que constitue l’écoute électronique interceptant des communications privées. La fouille ou perquisition n’est pas abusive si les conditions légales préalables à la délivrance de l’autorisation d’écoute électronique ont été respectées (Garofoli, p. 1452; R. c. Duarte1990 CanLII 150 (CSC)[1990] 1 R.C.S. 30, p. 44‑46).
[118]                     En l’espèce, l’autorisation a été demandée en vertu des art. 185 et 186 du Code Criminel. Les conditions légales préalables sont simples : l’octroi de l’autorisation doit servir au mieux l’administration de la justice (Code criminel, al. 186(1)a)). Il doit donc exister des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise et que des renseignements relatifs à l’infraction seront obtenus (Duarte, p. 45). D’autres méthodes d’enquête doivent également avoir « été essayées et [avoir] échoué » ou avoir « peu de chance de succès », ou l’urgence de l’affaire doit être « telle qu’il ne serait pas pratique de mener l’enquête relative à l’infraction en n’utilisant que les autres méthodes d’enquête » (Code criminel, al. 186(1)b)).
[119]                     La demande de type Garofoli vise, non pas la question de savoir si les affirmations qui fondent la dénonciation en vue d’obtenir l’autorisation d’écoute électronique sont vraies — une question qui sera tranchée au procès —, mais celle de savoir si le déposant a « une croyance raisonnable en l’existence des motifs légaux requis » (Pires, par. 41). Ce qui importe, c’est ce que le déposant savait ou aurait dû savoir au moment où il a souscrit l’affidavit accompagnant la dénonciation. Comme le dit la Cour dans Pires, dans le contexte du droit de contre‑interroger le déposant :
                    . . . un contre‑interrogatoire qui ne fait que démontrer la fausseté de certains des renseignements sur lesquels se fonde le déposant est peu susceptible d’être utile à moins qu’il ne permette également d’étayer l’inférence que le déposant savait ou aurait dû savoir que ces renseignements étaient faux. Il ne faut pas oublier que l’autorisation d’écoute électronique constitue un outil d’enquête. [par. 41]
Il convient d’avoir ce critère étroit à l’esprit lorsqu’il s’agit d’autoriser ou non l’accusé voulant obtenir des éléments de preuve pour étayer sa demande de type Garofoli à procéder au contre‑interrogatoire. Comme nous allons l’expliquer, le même critère s’applique s’il sollicite la communication de dossiers par des tiers.
[120]                     En règle générale, il existe deux motifs de contestation d’une autorisation d’écoute électronique : le dossier dont disposait le juge qui a accordé l’autorisation ne permettait pas d’établir l’existence des conditions légales préalables, ou le dossier ne représentait pas fidèlement ce que le déposant savait ou aurait dû savoir et, s’il avait constitué un reflet fidèle, n’aurait pas justifié l’autorisation (R. c. Araujo2000 CSC 65 (CanLII)[2000] 2 R.C.S. 992, par. 50‑54; Pires, par. 41; voir également R. c. Grant1993 CanLII 68 (CSC)[1993] 3 R.C.S. 223, à propos de l’exclusion de renseignements obtenus de manière inconstitutionnelle et consignés dans les dénonciations en vue d’obtenir le mandat). En l’espèce, la contestation repose sur le deuxième motif (parfois appelée contestation au fond).
[121]                     Étant donné que la contestation au fond porte sur ce que le déposant savait ou aurait dû savoir au moment où il a souscrit l’affidavit, la fidélité de ce dernier est déterminée à la lumière de la croyance raisonnable du déposant au moment pertinent. Le juge Smart de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a résumé ainsi l’analyse relative à une contestation au fond d’une dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition :
                    [traduction]
                    Si le requérant démontre que le déposant savait ou aurait dû savoir la preuve fausse, inexacte ou trompeuse, cette preuve doit être retranchée de la [dénonciation] lorsqu’il s’agit de statuer sur la légalité du mandat. De même, si la défense démontre l’existence d’une autre preuve connue du déposant ou que ce dernier aurait dû connaître et inclure dans la [dénonciation] pour assurer une communication entière, impartiale et sincère, cette preuve peut être ajoutée lorsqu’il s’agit de statuer sur la légalité du mandat.
                    (R. c. Sipes2009 BCSC 612 (CanLII), par. 41 (CanLII))
[122]                     Les commentaires du juge Smart peuvent s’appliquer à une demande de type Garofoli (voir R. c. McKinnon2013 BCSC 2212 (CanLII), par. 12 (CanLII); voir aussi Grant, p. 251; R. c. Morelli2010 CSC 8 (CanLII)[2010] 1 R.C.S. 253, par. 40‑42). Ils vont dans le même sens que l’observation de la Cour dans Pires selon laquelle une erreur ou une omission n’est pas pertinente dans le cadre d’une demande de type Garofoli si le déposant ne pouvait pas raisonnablement en connaître l’existence (par. 41). S’il fallait évaluer l’affidavit à la lumière de la vérité ultime plutôt que de la croyance raisonnable du déposant, l’audition de la demande de type Garofoli servirait à faire le procès de chaque affirmation dans l’affidavit, ce que la Cour veut depuis longtemps éviter (Pires, par. 30; voir aussi R. c. Ebanks2009 ONCA 851 (CanLII)97 O.R. (3d) 721, par. 21).
[123]                     Il importe de souligner, pour le tribunal appelé à examiner une contestation au fond, que le déposant ne peut faire abstraction des éléments donnant à penser que d’autres agents peuvent l’induire en erreur ou omettre des renseignements importants. Toutefois, en l’absence de tels signes, il n’a pas à mener sa propre enquête (R. c. Ahmed2012 ONSC 4893[2012] O.J. no 6643 (QL), par. 47; voir Pires, par. 41).
[124]                     Ayant ces principes à l’esprit, nous n’écartons pas la possibilité qu’une personne se prévale de la procédure de type O’Connor pour obtenir des documents à l’appui d’une demande de type Garofoli, mais le critère de pertinence dans ce cas est plus restrictif que celui qui s’applique ordinairement à la première. Plus précisément, l’accusé prétendant que des documents en la possession de tiers sont pertinents pour sa demande de type Garofoli doit démontrer qu’il est raisonnablement probable que ces documents auront une valeur probante quant aux questions que soulève sa demande. Le fait que les documents soient susceptibles de démontrer des erreurs ou omissions dans l’affidavit ne suffit pas à miner l’autorisation. Ils doivent aussi permettre de démontrer que le déposant connaissait ou aurait dû connaître l’existence des erreurs ou des omissions. Si les documents dont la communication est sollicitée ne sauraient étayer cette inférence, ils ne sont pas pertinents dans le cadre de la demande de type Garofoli (Pires, par. 41).
[125]                     Ce critère, qui régit la communication de documents par des tiers, s’applique également — à juste raison — à une autre forme d’enquête préalable menée dans le cadre d’une demande de type Garofoli : le contre‑interrogatoire du déposant. Les deux formes visent des objets similaires et soulèvent des préoccupations de principe semblables. Elles doivent être traitées de la même façon.
[126]                     L’accusé qui présente une demande de type Garofoli ne peut contre‑interroger le déposant qu’avec l’autorisation du juge du procès, qui l’accorde si l’accusé démontre « qu’il existe une probabilité raisonnable que le contre‑interrogatoire du déposant apporte un témoignage probant à l’égard de la question soumise à l’appréciation du juge siégeant en révision » (Pires, par. 3; voir aussi Garofoli, p. 1465). Bref, l’accusé doit démontrer que le contre‑interrogatoire est raisonnablement susceptible de se révéler utile lorsqu’il s’agit de trancher sa demande.
[127]                     Dans l’arrêt Pires, la Cour a confirmé la constitutionnalité de l’exigence subordonnant le contre‑interrogatoire du déposant à l’autorisation judiciaire ainsi que du critère applicable, et ce, pour trois raisons. Premièrement, le critère applicable à une demande de type Garofoli circonscrit le type de questions sur lesquelles peut porter le contre‑interrogatoire (Pires, par. 40‑41). Le critère sert principalement à assurer la pertinence du contre‑interrogatoire (par. 3 et 31). Deuxièmement, le contre‑interrogatoire comporte le risque que l’identité confidentielle des informateurs soit révélée par inadvertance (par. 36). Troisièmement, le contre‑interrogatoire peut entraîner du gaspillage et des retards inutiles. Le critère « n’est rien de plus qu’un moyen de s’assurer que [. . .] l’instance demeure sur la bonne voie » (par. 31).
[128]                     Ces trois raisons s’appliquent avec autant de force à la demande de communication par des tiers. Premièrement, les questions que soulève une demande de type Garofoli sont limitées. La pertinence des renseignements demandés s’apprécie en fonction de ces questions limitées. Une conclusion quant à la fausseté d’un renseignement dans les affidavits du serg. Driscoll n’est pertinente que dans la mesure où elle étaye l’inférence qu’il le savait ou aurait dû le savoir faux.
[129]                     Deuxièmement, la communication de documents auxquels le déposant n’a pas eu accès risque de révéler l’identité confidentielle d’informateurs. Bien qu’il est plus facile de censurer des documents que le témoignage d’un déposant, la Cour a reconnu qu’il est « quasi impossible pour le tribunal de savoir quel détail peut permettre de révéler l’identité d’un indicateur anonyme » (R. c. Leipert1997 CanLII 367 (CSC)[1997] 1 R.C.S. 281, par. 28). Les tribunaux d’instance inférieure ont également reconnu qu’il est long et difficile pour la police de censurer adéquatement les notes originales des informateurs, ce qui, dans une affaire complexe, est susceptible de représenter des centaines de rapports et d’occuper plusieurs agents (Ahmed, par. 46; R. c. Croft2013 ABQB 705 (CanLII)576 A.R. 333, par. 32).
[130]                     Enfin, les demandes en vue d’obtenir la communication de volumineux dossiers par des tiers risquent de perturber les étapes préalables au procès. En l’espèce, l’ordonnance de communication pourrait viser des centaines, voire des milliers, de pages. Les demandes de divulgation massive sont une cause fréquente de retards (P. J. LeSage et M. Code, Rapport sur l’examen de la procédure relative aux affaires criminelles complexes (2008), p. 54‑66). Il en va de même des demandes de communication de dossiers par des tiers. La procédure qui consiste à obtenir, réviser et censurer les documents dans les affaires d’écoute électronique peut requérir d’importantes ressources policières (voir, à ce sujet, R. W. Hubbard, P. M. Brauti et S. K. Fenton,Wiretapping and Other Electronic Surveillance : Law and Procedure, (feuilles mobiles), vol. 2, p. 8‑12 à 8‑12.7). Ce serait la même chose pour les tiers dans le cas d’une demande de type O’Connor. Un critère de pertinence étroit est donc nécessaire pour faire obstacle aux demandes de communication « qui reposent sur la conjecture et qui sont fantaisistes, perturbatrices, mal fondées, obstructionnistes et dilatoires » (R. c. Chaplin1995 CanLII 126 (CSC),[1995] 1 R.C.S. 727, par. 32; cité par le juge en chef Lamer et le juge Sopinka, majoritaires sur ce point, dans O’Connor, par. 24).
[131]                     Les tribunaux inférieurs ont reconnu ces préoccupations, que les documents soient entre les mains de la police ou de tiers (AhmedR. c. Ali,2013 ONSC 2629 (CanLII)R. c. Alizadeh2013 ONSC 5417 (CanLII)CroftR. c. Way2014 NSSC 180 (CanLII)345 N.S.R. (2d) 258). Nous n’avons pas à examiner la portée du régime de divulgation de la preuve établi dans l’arrêt Stinchcombe dans le contexte d’une demande de type Garofoli, car nous ne sommes pas saisis de cette question. Toutefois, il est clair que les tribunaux inférieurs assimilent au contre‑interrogatoire la divulgation de la preuve par la Couronne et la communication d’autres documents. Ils ont donc appliqué le même critère de pertinence. Lorsqu’ils y ont dérogé, c’était parce que les documents demandés appartenaient au genre de renseignements qui doivent être divulgués suivant l’arrêt Stinchcombe (voir R. c. Bernath2015 BCSC 632 (CanLII), par. 78‑80 (CanLII); R. c. Edwardsen2015 BCSC 705 (CanLII)338 C.R.R. (2d) 191, par. 73‑74; R. c. Lemke2015 ABQB 444 (CanLII)). Il va sans dire que si les documents en question sont en la possession des autorités et que les règles de divulgation établies dans l’arrêt Stinchcombe s’y appliquent, ils doivent faire l’objet de la divulgation.
[132]                     Nous convenons que ces deux outils d’enquête préalable — le contre‑interrogatoire du déposant et l’ordonnance de communication de dossiers par des tiers — doivent être assujettis au même critère de pertinence. Par conséquent, pour obtenir la communication de dossiers par des tiers dans une demande de type Garofoli, l’accusé doit démontrer qu’il existe une probabilité raisonnable que les dossiers demandés auront une valeur probante quant aux questions que soulève la demande. Comme c’est le cas pour le contre‑interrogatoire d’un déposant, il doit être raisonnablement probable que les dossiers se révèlent utiles.
[133]                     Le critère de la « probabilité raisonnable » convient à une demande de type Garofoli. Il est équitable pour l’accusé, qui n’a pas à prouver au préalable la preuve sollicitée. Du même coup, il empêche les recherches à l’aveuglette et assure une utilisation efficace des ressources judiciaires. Bref, il circonscrit l’analyse aux questions pertinentes à l’égard d’une demande de type Garofoli, qui sont plus limitées que celles qui intéressent l’affaire dans son ensemble.
[134]                     Comme lorsqu’il demande la permission de contre‑interroger le déposant, l’accusé a déjà accès aux documents dont disposait le juge qui a accordé l’autorisation, y compris l’affidavit présenté en vue d’obtenir l’autorisation (Code criminel, par. 187(1.4)Pires, par. 25‑26). Ces documents sont manifestement pertinents, et l’accusé est présumé y avoir droit (Code criminel, par. 187(1.4)Pires, par. 25‑26; Ahmed, par. 30). L’accusé a également le droit de consulter le reste du dossier d’enquête selon les normes de divulgation établies dans l’arrêt Stinchcombe, sous réserve, évidemment, des exceptions énoncées dans ce dernier et dans l’arrêt McNeil. Cette divulgation devrait suffire à établir le bien‑fondé de sa demande de communication de dossiers par des tiers, si elle est effectivement fondée. Certes, l’accusé a droit à la communication des documents pertinents, or rien ne lui permet de se lancer dans une recherche à l’aveuglette. Ce droit ne s’étend pas à tous les documents se rapportant à l’affaire, peu importe qui les a en sa possession et où ils se trouvent, tout particulièrement si leur communication est demandée à l’appui d’une demande de type Garofoli.

samedi 6 février 2016

Saisir un message texte déjà transmis n'équivaut pas à une interception nécessitant une autorisation d'écoute électronique

R. v. Belcourt, 2015 BCCA 126 (CanLII)

Lien vers la décision

[42]        In my opinion, it is necessary to closely examine the nature of the private communications sought to be obtained in this case to determine the appropriate form of authorization required.
[43]        The text messages in question were transmitted and received on or before March 3, 2010. More than 30 days passed before the judicial authorization to seize the stored copies was granted. In my opinion, it is illogical to characterize a technique that seeks production of stored messages as “prospective”.
[45]        I readily concede that the acquisition of a text message by the police in this interim transit period could constitute an interception within the plain meaning of the word. However, this is because the recipient has yet to receive the message, and may never receive the message. In stepping between a sender and recipient to acquire a message and its content before it is received, and when it may never be received, the police are “intercepting” the message in the most literal sense of the word.
[46]         The distinctive feature of the police investigation discussed above is that they interject themselves in the communication process by using an investigative technique that comes between the sender and receiver of a message. As I discuss below, and as Moldaver J. observes in his reasons in Telus,this is exactly the type of technique that Part VI authorization was meant to encompass. This investigative technique, however, is different from the case where the police seek to obtain a stored electronic record of a text message after it has been sent and received.
[47]        The detailed requirements found in Part VI exist to address the fact that the evidence sought to be acquired by the police has not yet come into existence at the time that the judicial authorization for its acquisition is being sought: see R. v. Finlay (1985), 1985 CanLII 117 (ON CA)23 C.C.C. (3d) 48 (Ont. C.A.) at 63-64. Indeed, the constitutionality of Part VI derives from the safeguards that are imposed by the role of the judge granting the authorization, which exist because of the danger that the interception of private communications could easily transform into a fishing expedition: Finlay78; see also R. v. Araujou2000 SCC 65 (CanLII)[2000] 2 S.C.R. 992 at para. 29. Put simply, it is inherent in the nature of Part VI authorization that the investigative technique to be utilized by the police is prospective, which requires a distinct form of judicial authorization in comparison to other search warrant provisions. In my view, applying Part VI to evidence already in existence is a misapprehension of the form of authorization provided for in that section of the Code.
[48]        It is a necessary consequence of the very nature of the scheme that is set out in Part VI that any retrospective investigation technique is outside its ambit. In contrast to the prospective operation of Part VI, search warrants, whether part of the Code or another Act of Parliament, may not be issued in anticipation of an event or situation in the future which (if it existed in the present) would justify issuing a search warrant: see e.g., R. v. Cameron(1984), 1984 CanLII 474 (BC CA)16 C.C.C. (3d) 240 (B.C.C.A.) at 242. On this point, it is important to note that the law regarding search warrants applies to production orders: see e.g., Canadian Broadcasting Corp. v. Manitoba (Attorney General) (2009), 2009 MBCA 122 (CanLII)250 C.C.C. (3d) 61 (Man. C.A.).
[49]        The requirement that the search warrant only pertain to the search and seizure of specified things already in existence is essential to the operation of the safeguards inherent in the authorization scheme common to s. 487, including s. 487.012 (i.e., that there are reasonable grounds to believe that the specified articles to be seized “will afford evidence with respect to the commission of an offence”): see e.g., CanadianOxy Chemicals Ltd. v. Canada (Attorney General)1999 CanLII 680 (SCC)[1999] 1 S.C.R. 743.
[50]        As I have said, the acquisition of stored, historical communications is not, and cannot be, prospective. As a result, it is outside the ambit of Part VI of the Code to require that existing communications stored in electronic form be authorized under that sectionIn my view, requiring Part VI authorization for acquisitions of evidence already in existence is inconsistent with the law of search and seizure in Canada.
[52]        The mischief created by an overly broad application of the reasons in Telus is exemplified by R. v. Sandhu, 2014 BCSC 303. In that case, the court found that text messages sent by an accused and received and stored on the phone of an extortion victim were “intercepted” when read much later by the police. In my opinion, such a finding is clearly beyond the scope contemplated by the decision in Telus. With respect, the court in Sandhu focused too narrowly on the purported nature of the intrusion by the police into the privacy interest of the accused without regard to the character of the evidence that the police sought to acquire to aid in their investigation.
[53]        As the Crown points out in its factum, the reasoning in Sandhu is problematic because it would have the effect of requiring Part VI authorization for a plethora of investigative techniques that, as yet, have not and have never required such authorization. As a general principle, I consider the court inSandhu erred in failing to closely consider the nature of the evidence sought to be obtained by police or the investigative technique to be used in obtaining the evidence. This error misdirected the court, resulting in an overbroad interpretation of Part VI.
[54]        The nature of the intrusion by an investigative technique into the privacy interest of the target of an investigation does not, by itself, determine the appropriate form of authorization required for the police to lawfully seize evidence relevant to an investigation. For example, it is well-established that the privacy interests that are at issue in personal and workplace computers is substantial: see e.g., R. v. Morelli, 2010 SCC 8 (CanLII), at para. 105R. v. Cole2012 SCC 53 (CanLII)[2012] 3 S.C.R. 34 at para. 3. That does not mean, however, the general search and seizure provision in s. 487 is inadequate for the purpose of ensuring that the state intrusion into the privacy of the investigation target is justified. The appropriate form of authorization is determined by the nature of the evidence sought to be acquired by the police and the type of investigative technique to be used in acquiring it. This explains the separate schemes for the production of data or documents held by third parties (s. 487.012), the production of financial data or documents in particular (s. 487.013) and the acquisition of bodily (DNA) samples (ss. 487.05-487.091). Where the question concerns the proper form of prior judicial authorization, it is imperative to pay close attention to the evidence that the police seek to acquire.
[55]         In conclusion, I would not give effect to the argument that the use of a production order in the circumstances of this case constituted a breach of Belcourt’s privacy rights under the Charter. Privacy rights are not absolute. In this case, the acquisition of the historical text messages by police was authorized by law by way of s. 487.012. No issue has been raised as to the reasonableness of that provision and, as I discuss below, there is no issue as to the reasonableness of the search conducted by police. Consequently, there has been no Charter breach: see Collins v. The Queen1987 CanLII 84 (SCC),[1987] 1 S.C.R. 265.
[59]        As a result of that information, the production orders were directed at two specific telephone numbers and all incoming and outgoing calls made to and from those numbers within a particularly narrow period of time. The issuing judge also attached four conditions to the order, including the non-production of data subject to solicitor-client privilege, and the non-production of “mail” (which I understand to mean the messages themselves) unless or until it is delivered or deemed by law to have been delivered to the addressee (which addresses the concern regarding the status of messages that might be “in transit” at the time the production order is pronounced).
[60]        The foregoing authorization cannot be said to be overbroad. It clearly establishes that the police had reasonable grounds to believe that the specific information mentioned in the ITO would be found in the sought-after text message communications, which satisfies the requirement in s. 487.012(3)(b). There is a clear evidentiary nexus between those items sought to be disclosed under the production order and the offence which was being investigated by the police. As a result, there is no question that the judge could have, on the basis of the ITO, determined whether the text messages were “relevant or rationally connected to the incident under investigation”: CanadianOxy Chemicals Ltd. at 750-751.
[61]        I note that, in any event, the production order in this case clearly provided the voir dire judge with sufficient material to assess whether the police had adequate grounds for seizing the text messages. The materials included information on the following matters: the facts relied upon to justify a belief that the authorization sought be given together with the particulars of the offence under investigation; the type of private communication that was to be acquired by the police; the identity of all known persons of whose private communications there were reasonable grounds to believe may assist with the investigation of the offence; along with a description of the sought-after messages and the proposed mode of acquiring them; and the period of time over which access to the communication was sought. This is the kind of evidence that would have been adduced to obtain authorization under Part VI (see s. 185(1)(c)-(g)). In this regard, it is difficult, in my view, to say that Belcourt did not have the benefit of a probing inquiry into whether an intrusion into his constitutionally protected privacy interest was warranted by public interest in having the police investigate a criminal offence: see e.g., Araujo at para. 29.
[62]        Finally, in my opinion, the search conducted, pursuant to the production order, was not the kind of intrusive search discussed in R. v. Vu2013 SCC 60 (CanLII).
[63]        The Court in Vu was concerned with the issue of whether the doctrine that permitted police to search any receptacle in a location authorized for search included the authorization to search any computer or cellar device that the police found at that location. The Court concluded that prior authorization was required for the police to search the computer or cellular device discovered in the execution of a search warrant: Vu at paras. 40-45. Prior and specific authorization was required on account of the substantial privacy interest that attaches to information stored on a computer or cell phone.
[64]        In this case, the police had the kind of prior authorization that the Court in Vu held was required so as to ensure that the state’s interest in conducting the search justifies the intrusion into individual privacy on the basis of the production orders issued for the text messages under s. 487.012. As I described above, the search was otherwise reasonable and authorized by law. It was, therefore, not intrusive.

mercredi 12 novembre 2014

La participation d'un agent de l'État à une conversation à partir du téléphone portable d'un destinataire sous garde ne constitue pas une interception électronique illégale

R. c. Bonneau, 2009 QCCS 6556 (CanLII)


[29]            Les tribunaux canadiens reconnaissent également que la participation d'un agent de l'État à une conversation à partir du téléphone portable d'un destinataire sous garde ne constitue pas une interception électronique illégale de cet entretien téléphonique (R. c. McQueen,reflex, (1975) 25 C.C.C. (2d) 262 (C.A.Alb.) – R. c. Perri, 2007 A.B.P.C. 229 (C.P.Alb.), puisque l'agent de la paix ne s'interpose pas entre le point d'origine et celui de la destination de l'appel pour en capter le contenu de la conversation.

[30]            De même, le fait pour le policier de se comporter de telle façon à faire croire à ceux qui initient ces appels qu'il est réellement celui à qui ils sont destinés n'est pas, non plus, cause d'exclusion de la preuve qui en résulte. Bien que trompeuse, une telle conduite ne porte pas atteinte aux droits d'un accusé (R. c. Caster2001 BCCA 633 (CanLII), 159 C.C.C. (3d) 404 (C. A. C. B.) et R. c. Ramsum, 2003 A.B.Q.B. 45 :
« [28]   I conclude that the police fortuitously received of cell phone calls and pages from persons who clearly had no expectation of privacy, as was quite evident from the fact that the callers did not seem very concerned with who they were talking with.
[29]      The defence's application was wisely abandoned before trial given that there was no interception of the phone calls,simply an answering of ringing cell phone calls received by a police officer, notwithstanding they did impersonate or claim to be the Accused Mr. Ramsum.
[30]      There was no Section 8 violation with respect to the initial seizure of the cell phone and pager from the person of Mr. Ramsum.
[31]      I conclude that the answering of the cell phone calls in the police station, and the initiation of the call as a result of a page received on a pager found on Mr. Ramsum are nothing more than good police investigative tactics based on a fortuitous set of circumstances.”

lundi 20 janvier 2014

Le droit relatif à l'écoute électronique

Mervilus c. R., 2009 QCCA 1716 (CanLII)


[22]           L’arrêt Duarte nous enseigne que, si la surveillance électronique par un organisme de l’État est une fouille au sens de l’article 8 de laCharte, le Parlement a néanmoins mis en place un régime législatif qui assure un juste équilibre « entre le droit à la vie privée sur lequel empiète l'écoute électronique et les besoins des organismes d'application de la loi dans le cadre de la dure lutte qu'ils mènent contre certaines formes perfectionnées et dangereuses de criminalité », tel que l'écrit le juge LeBel dans R. c. Araujo.
[23]           La norme de protection édictée par la loi repose sur la règle que, sauf exception, aucune écoute électronique n'est permise sans une autorisation judiciaire préalable. Cette permission ne sera délivrée que si le juge est convaincu qu’il y a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise ou est sur le point de l’être, que l’écoute électronique sollicitée permettra d’en recueillir la preuve et que les autres méthodes d’enquête ont été essayées et ont échoué ou ont peu de chance de réussir (le critère de nécessité examiné par le juge LeBel dans Araujo). L’article 186(1.1) C.cr. exclut cette dernière exigence si l’autorisation vise certaines infractions et particulièrement le gangstérisme.
[24]           Le rôle du juge dont on sollicite l’autorisation est décrit par le juge La Forest dans Duarte :
[…] la loi soumet l'obtention d'une telle autorisation à une norme sévère. En effet, le juge doit être convaincu que d'autres méthodes d'enquête échoueraient certainement ou vraisemblablement et que l'autorisation est le meilleur moyen de servir l'administration de la justice. Comme le juge Martin dans l'affaire R. v. Finlay and Grellette, j'estime que cette dernière condition comporte tout au moins l'exigence que le juge donnant l'autorisation soit convaincu de l'existence de motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction a été commise ou est en voie de l'être et que l'autorisation sollicitée permettra d'obtenir une preuve de sa perpétration. Je tiens pour évident que les dispositions et les sauvegardes que comporte la Partie IV.1 du Code ont été conçues pour empêcher les organes de l'État d'intercepter des communications privées sur la foi d'un simple soupçon.
[La référence est omise.]
[25]           Le juge de première instance, qui est aussi celui qui doit réviser l’autorisation attaquée, a pour mission d’en contrôler la légalité. Il n’agit pas de novo ni ne doit substituer sa propre opinion à celle du juge qui a autorisé l’écoute. À ce propos, le juge Sopinka, dans R. c. Garofoli,fait siennes les remarques du juge Martin sur la façon dont devrait procéder le juge saisi de la contestation de l’autorisation d'écoute :
[TRADUCTION] Si le juge du procès conclut, d'après les documents dont disposait le juge ayant accordé l'autorisation, qu'il n'existait aucun élément susceptible de le convaincre que les conditions préalables pour accorder l'autorisation existaient, il me semble alors que le juge du procès doit conclure que la perquisition, la fouille ou la saisie contrevient à l'art. 8 de la Charte.
[26]            C’est donc à partir des renseignements qui ont été fournis au juge qui a accordé l’autorisation que le juge de première instance déterminera si les conditions à l’octroi de l’écoute sollicitée sont satisfaites. Ces informations doivent être incluses dans l’affidavit exigé par l’article 185(1) C. cr. qui doit être complet et fiable.
[27]            Il sera complet s'il démontre des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise ou est sur le point de l’être et que les autres moyens d’enquête ont été essayés et ont échoué, ou ont peu de chance de succès, ou qu’il y a urgence. Cette dernière condition, aussi dite exigence de nécessité pour l’enquête, a été étudiée par le juge LeBel dans l’arrêt R. c. Araujo. Le juge LeBel invite les tribunaux à examiner la condition relative aux exigences de l’enquête dans une démarche contextuelle :
Le critère approprié, je le répète, consiste à déterminer si, en pratique, il existe ou non un autre moyen d'enquête raisonnable.
[28]           Appliquant cette norme au cas dont il faisait l’étude, le juge LeBel écrit :
[43]    En l'occurrence, l'objectif de l'enquête policière était de traduire en justice les têtes dirigeantes du réseau, et non seulement d'arrêter quelques revendeurs susceptibles d'être remplacés. Les appelants contestent notamment le droit de la police de définir les objectifs de ses enquêtes pour le motif qu'elle peut le faire de manière à faciliter l'obtention d'une autorisation d'écoute électronique. Cependant, il est clair que la police avait en l'espèce des motifs probables d'enquêter sur les crimes graves en cause. Ce volet du critère applicable à l'écoute électronique — l'existence de motifs probables de croire qu'un crime grave risque d'être commis — fait en sorte qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les doutes que tentent de faire naître les appelants. Dans la mesure où la police a des motifs probables de faire enquête au sujet d'un crime grave, elle peut recourir à l'écoute électronique, si elle satisfait à l'exigence de nécessité pour l'enquête. Il n'est aucunement pernicieux que l'objectif de l'enquête intervienne dans l'analyse relative à la nécessité pour l'enquête. Dans la présente affaire, la police avait davantage besoin de l'écoute électronique, car elle tentait d'atteindre le sommet de la hiérarchie et d'arrêter les dirigeants du réseau. Cet élément milite à juste titre en faveur d'un constat de nécessité pour l'enquête décrite dans l'affidavit. 
[29]           L’affidavit doit en second lieu être fiable. Il ne doit pas chercher à tromper. Certes, une erreur peut s’y être glissée, une information consignée peut être erronée, voire délibérément trompeuse. Cela n’a pas nécessairement pour effet d’invalider de manière automatique la demande d’autorisation si une fois ce renseignement ou cette affirmation retiré du document, l'affidavit satisfait toujours les conditions de la loi.

samedi 22 août 2009

La nécessité de l’écoute électronique

R. c. Camillucie, 2002 CanLII 39327 (QC C.S.)

[10] En vertu de l’article 186(1), le juge autorisateur doit être convaincu ou satisfait (si l’on se réfère au texte anglais qui emploie le mot « satisfied ») que 1) l’interception servirait au mieux l’administration de la justice, en considérant les faits au soutien de cette demande et de l’existence d’une infraction, comme le prévoit l’alinéa c) de l’article 185(1), et en considérant les motifs invoqués, qui doivent être raisonnables, de croire que cette interception pourra être utile à l’enquête, comme l’énonce l’alinéa e) de cette disposition, et 2) que d’autres méthodes d’enquête ont échoué après essai ou ont peu de chance de succès, ce qui découle de l’alinéa h) de l’article 185(1). Depuis l’arrêt Araujo (2000 CSC 65 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 992), le mot « utile » doit se lire comme signifiant « nécessaire », et non simplement « opportun ». L’affiant doit établir des motifs raisonnables de croire que cette interception pourra être nécessaire à l’enquête.

[45] Voici ce qu’enseigne à ce sujet Araujo 2000 CSC 65 (CanLII), de façon générale :

1. Sur le plan pratique, il ne doit exister aucune autre méthode d’enquête raisonnable, dans les circonstances de cette enquête criminelle (par. 29 et 37);

2. Il faut tenir compte de la réalité et du bon sens (par. 33);

3. L’article 186 n’exige pas l’épuisement de toutes les méthodes alternatives. Cette technique d’enquête peut être employée non seulement lorsque les autres méthodes ont échoué, mais lorsqu’elles paraissent avoir peu de chances de succès, comme l’énonce l’article 186(1) b), (par. 34);

4. Elle ne doit pas constituer une simple expédition de pêche, fondée sur de purs soupçons. Le juge d’autorisation doit être convaincu de la nécessité du recours à cette technique d’enquête (par. 34);

5. La nécessité n’est pas l’opportunité discrétionnaire (par. 39);

6. Il s’agit de décider si les faits énoncés dans l’affidavit suffisent pour justifier l’octroi de l’autorisation (par. 40).

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...