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lundi 21 août 2023

La présomption de non-rétrospectivité des lois

R. c. Brossoit, 2023 QCCS 706

Lien vers la décision


[54]        Les tribunaux reconnaissent depuis longtemps le caractère exceptionnel des mesures législatives applicables rétrospectivement.  Dans R. c. Dineley, la Cour suprême stipule que les mesures touchant les droits substantiels d’un accusé sont présumées n’avoir d’effet que pour l’avenir à moins qu’il soit possible de discerner une intention claire du législateur qu’elles s’appliquent rétrospectivement :

[10] […] Vu le besoin d’assurer la certitude des conséquences juridiques découlant des faits et des actes antérieurs, les tribunaux reconnaissent depuis longtemps le caractère exceptionnel des mesures législatives applicables rétrospectivement.  Plus précisément, ils ont jugé indésirable l’application rétrospective de dispositions législatives portant atteinte à des droits acquis ou substantiels.  Ainsi, une nouvelle mesure législative qui porte atteinte à de tels droits est présumée n’avoir d’effet que pour l’avenir, à moins qu’il soit possible de discerner une intention claire du législateur qu’elle s’applique rétrospectivement […].  Les nouvelles dispositions procédurales destinées à ne régir que la manière utilisée pour établir ou faire respecter un droit n’ont pour leur part pas d’incidence sur le fond de ces droits.  De telles mesures sont présumées s’appliquer immédiatement, à la fois aux instances en cours et aux instances à venir […].[36] (Notre emphase)

[55]        Dans Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), la Cour suprême souligne que la présomption de non rétrospectivité des lois touchant les droits substantiels découle de la primauté du droit et fait intervenir des principes d’équité à l’égard des personnes visées par les nouvelles mesures[37].  La Cour réitère aussi que :

[48] La présomption est un outil pour cerner la portée temporelle voulue de la loi.  En l’absence d’une indication selon laquelle le législateur a envisagé qu’une loi soit rétrospective et ainsi possiblement inéquitable, il faut présumer qu’il n’a souhaité ni l’un ni l’autre :

Il n’existe aussi aucune exigence générale que la législation ait une portée uniquement prospective, même si une loi rétrospective et rétroactive peut renverser des expectatives bien établies et être parfois perçue comme étant injuste : voir E. Edinger, « Retrospectivity in Law » (1995), 29 U.B.C. L. Rev. 5, p. 13. Ceux qui partagent cette perception seront peutêtre rassurés par les règles d’interprétation législative qui imposent au législateur d’indiquer clairement les effets rétroactifs ou rétrospectifs souhaités. Ces règles garantissent que le législateur a réfléchi aux effets souhaités et [traduction] « a conclu que les avantages de la rétroactivité (ou du caractère rétrospectif) l’emportent sur les possibilités de perturbation ou d’iniquité » : Landgraf c. USI Film Products, 511 U.S. 244 (1994), p. 268. [Soulignés dans la décision de la Cour suprême]

(Imperial Tobacco, par. 71, le juge Major)

[49] La présomption existe pour garantir que les lois ne s’appliquent rétrospectivement que lorsque le législateur a clairement indiqué qu’il a mis en balance les avantages du caractère rétrospectif, d’une part, et l’iniquité potentielle, d’autre part. Sans cela, il faut présumer que le législateur n’a pas souhaité de tels effets.[38] (Notre emphase)

[56]        Dans R. v. Bengy[39], la Cour d’appel de l’Ontario devait déterminer si les modifications aux dispositions concernant la légitime défense, adoptées en 2012 et entrées en vigueur en 2013, avaient un effet rétrospectif ou non.  Comme le législateur n’avait incorporé aucune disposition transitoire, cette question avait fait l’objet de plusieurs décisions de première instance et de courants jurisprudentiels divergents.

[57]        Concluant dans un premier temps que les modifications législatives touchaient l’étendue d’un moyen de défense, et donc les droits substantiels, la Cour d’appel s’est livrée à une analyse de l’ensemble des circonstances afin de déterminer s’il était possible de discerner une intention claire du législateur de réfuter la présomption de non rétrospectivité.  En concluant que les modifications ne s’appliquaient pas de manière rétrospective, la Cour d’appel mentionne :

[66] The court’s task, as mandated by the Supreme Court in Dineley, is limited to ascertaining whether there is clear evidence of a Parliamentary intent that the legislation be given retrospective effect. Absent clear legislative intent, courts have no residual discretion to rewrite the law to accord with a subjective view of optimal fairness.

[67] The presumption against retrospectivity is a long-standing doctrine. Parliament can be assumed to understand the impact of not explicitly dealing with the issue of retrospectivity in the legislation it passes. As there is nothing in the Citizen’s Arrest and Self-defence Act suggesting a contrary intention, the presumption has not been rebutted and therefore applies.[40] (Notre emphase)

[58]        En l’espèce, je suis d’avis que la présomption de non rétrospectivité n’a pas été réfutée. Dans le contexte de la présente affaire, l’analyse globale des termes de la nouvelle loi, de son objet et des circonstances entourant son adoption ne peut conduire à la conclusion qu’elle est rétrospective.

[59]        D’abord, il faut souligner que le fait que le législateur ait adopté le nouvel article 33.1 de manière accélérée ne peut en soi signifier qu’il souhaitait qu’elle ait une portée rétrospective.  La volonté de combler rapidement « un vide juridique » en adoptant une mesure corrective n’implique pas nécessairement et forcément qu’elle doit pour autant être rétrospective.  Comme le mentionne la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt R. v. Evans: « the fact that legislation is remedial does not, by necessary implication, mean that [it] is intended to apply retrospectively »[41].

[60]        Ensuite, le fait que la modification soit destinée à protéger le public ne peut non plus, en l’absence d’autres indices clairs ou apparents, être en soi considéré comme conférant un caractère rétrospectif à la loi.  Dans la cinquième édition de leur ouvrage Interprétation des lois, les auteurs Pierre-André Côté et Mathieu Devinat écrivent ce qui suit sur cette question :

Le fait qu’une loi soit « destinée à protéger le public » a été souvent invoqué pour justifier de l’appliquer en raison de faits survenus avant son entrée en vigueur.  Ce courant jurisprudentiel repose, à notre avis, sur une interprétation discutable de l’arrêt Brosseau c. Alberta Securities Commission, une interprétation qui a été écartée par la Cour suprême dans l’arrêt Tran c. Canada (sécurité publique et Protection civile).  Il ressort des motifs de la Cour dans cet arrêt que le fait qu’une loi soit « destinée à protéger le public » n’autorise pas, à lui seul, à conclure à son application en raison de faits survenus avant son entrée en vigueur.[42] (Citations omises) (Notre emphase)

samedi 30 novembre 2013

Les rubriques d’une loi peuvent, à bon droit, être prises en considération pour déterminer les intentions du législateur

R. c. Lucas, 1998 CanLII 815 (CSC), [1998] 1 RCS 439

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47                           Les rubriques d’une loi peuvent, à bon droit, être prises en considération pour déterminer les intentions du législateur (Law Society of Upper Canada c. Skapinker1984 CanLII 3 (CSC), [1984] 1 R.C.S. 357, à la p. 377; R. c. Wigglesworth1987 CanLII 41 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 541).  En réalité, on y a eu recours pour interpréter des dispositions du Code criminel (Skoke‑Graham c. La Reine1985 CanLII 60 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 106, aux pp. 119 à 121; R. c. Kelly1992 CanLII 62 (CSC), [1992] 2 R.C.S. 170, à la p. 189).  Le fait que l’art. 300 se trouve dans cette partie du Code peut être mis en contraste avec la disposition concernant la «diffusion de fausses nouvelles» qui, comme on l’a fait remarquer dans Zundel, précité, à la p. 763, se trouve sous la rubrique «Nuisances».  Finalement, le fait qu’il existe, sous la rubrique «Infractions contre l’ordre public», une disposition précise interdisant les duels (art. 71) confirme que l’objectif premier que le législateur poursuivait en adoptant l’art. 300 était de protéger la réputation plutôt que d’empêcher les violations de la paix.

lundi 29 juillet 2013

Interprétation législative et norme applicable en matière de faute

R. c. A.D.H., 2013 CSC 28 (CanLII)

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[20]                          Il est souvent difficile de dégager l’intention du législateur en ce qui concerne l’élément de faute d’un crime.  Le libellé d’infractions dont on reconnaît depuis longtemps que la perpétration exige une faute subjective ne l’indique pas expressément, et même lorsque le législateur précise quelle norme s’applique, il ne le fait pas de manière uniforme (M. Manning et P. Sankoff, Manning, Mewett & Sankoff : Criminal Law (4e éd. 2009), aux p. 148‑149).  Les tribunaux doivent donc inférer la nature de l’élément de faute, et ils le font souvent : voir, p. ex., Pappajohn c. La Reine1980 CanLII 13 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 120, le juge Dickson (plus tard Juge en chef), à la p. 146; Sweet c. Parsley, [1970] A.C. 132 (H.L.), lord Reid, à la p. 148; K. Roach, Criminal Law (5éd. 2012), 

[26]                          Le professeur Côté précise la manière dont ces présomptions peuvent éclairer le contexte juridique dans lequel une loi a été rédigée.  Il s’exprime comme suit : « Les présomptions d’intention du législateur, dans une certaine mesure, font partie du contexte d’énonciation des textes législatifs en ce sens qu’elles représentent des idées qu’on peut supposer présentes à l’esprit de l’auteur du texte et que ce dernier a dû présumer suffisamment connues de son auditoire pour se justifier de n’en pas parler » (Interprétation des lois (4e éd. 2009), aux p. 510‑511; voir aussi R. Cross, Statutory Interpretation (3e éd. 1995), J. Bell et G. Engle, aux p. 165‑167, et K. Roach, « Common Law Bills of Rights as Dialogue Between Courts and Legislatures » (2005), 55 U.T. L.J. 733).  Il faut considérer que le législateur sait que cette présomption s’appliquera sauf intention contraire ressortant de la loi.

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