Tontarelli c. R., 2009 NBCA 52
[40] Heureusement, l’arrêt R. c. Caslake est bientôt venu intégrer le paysage jurisprudentiel et a fixé une fois pour toutes les principes régissant le pouvoir de common law de procéder à la fouille d’un véhicule accessoirement à l’arrestation du conducteur pour une infraction liée aux stupéfiants. Une revue des faits qui sous‑tendent cet arrêt-clé est justifiée, ne serait‑ce que pour bien poser le contexte.
[41] Dans l’affaire Caslake, un agent des Ressources naturelles avait trouvé un sac à déchets contenant plusieurs livres de cannabis (marihuana) dans un secteur situé en bordure de la route où il avait aperçu M. Caslake quelques instants avant que celui‑ci ne parte en voiture. L’agent s’était rapidement lancé à la poursuite du véhicule et avait promptement réussi à arrêter M. Caslake pour possession de stupéfiants. M. Caslake avait ensuite été confié à la GRC qui l’avait conduit à un détachement situé non loin de là et avait fait remorquer et saisir son véhicule. Environ six heures après l’arrestation, un agent de la GRC, l’agent Boyle, avait fouillé le véhicule sans la permission de M. Caslake et sans mandat. Il avait découvert 1 400 $ en espèces et deux paquets contenant chacun environ 0,25 gramme de cocaïne. L’agent Boyle a témoigné n’avoir effectué la fouille du véhicule que parce qu’elle était obligatoire en application d’une politique de la GRC qui exigeait qu’un inventaire fût dressé quant à l’état et au contenu d’un véhicule saisi dans le cadre d’une enquête. M. Caslake a été déclaré coupable de possession de cannabis (marihuana) en vue d’en faire le trafic et de possession de cocaïne. Il s’est pourvu contre cette dernière déclaration de culpabilité en faisant valoir que la fouille de son véhicule était abusive selon l’art. 8 de la Charte et que la cocaïne n’aurait pas du être admise en preuve selon le par. 24(2).
[42] Après avoir dit que cette affaire donnait « à la Cour l’occasion de clarifier les principes qui régissent le pouvoir de common law de procéder à une fouille accessoire à une arrestation » (par. 1) et souligné qu’il s’agissait d’un sujet qui avait été bien étudié dans plusieurs décisions des juridictions inférieures, dont l’arrêt Leclerc, le juge en chef Lamer a fait les observations cruciales suivantes en rendant jugement au nom de la majorité :
En l’espèce, le ministère public invoque, à l’appui de la légalité de la fouille, le pouvoir de common law de procéder à une fouille accessoire à une arrestation. Dans Cloutier, précité, ma collègue le juge L’Heureux‑Dubé (au nom de la Cour à l’unanimité) a analysé ce pouvoir en détail. Elle a conclu qu’il constitue une exception aux conditions ordinaires d’une fouille non abusive (énoncées dans Hunter, précité), du fait qu’il ne requiert ni mandat ni motifs raisonnables et probables indépendants. Au contraire, le droit de fouiller découle de l’arrestation même. Cela est justifiable du fait que l’arrestation elle‑même requiert l’existence de motifs raisonnables et probables […]. Cependant, étant donné que la légalité de la fouille dépend de la légalité de l’arrestation, s’il s’avère ultérieurement que l’arrestation était invalide, la fouille le sera aussi. Comme le juge Cory l’a affirmé dans l’arrêt R. c. Stillman, 1997 CanLII 384 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 607, au par. 27, «[a]ucune fouille, si raisonnable soit‑elle, ne peut être validée par ce pouvoir de common law [de procéder à une fouille accessoire à une arrestation] si l’arrestation qui y a donné lieu a été arbitraire ou par ailleurs illégale.»
Dans Cloutier, le juge L’Heureux‑Dubé a aussi reconnu l’étendue potentielle de ce pouvoir de la police. Elle a conclu que la cour doit soupeser l’intérêt qu’a l’État dans l’application de la loi et dans la protection des policiers en fonction du droit à la vie privée de la personne arrêtée, pour déterminer si une fouille constituait un exercice raisonnable et justifiable du pouvoir de la police. Elle a ensuite énoncé trois limites importantes au pouvoir de procéder à une fouille accessoire à une arrestation (p. 186):
1. Ce pouvoir n’impose pas de devoir. Les policiers jouissent d’une discrétion dans l’exercice de la fouille. Dans les cas où ils sont satisfaits que l’application de la loi peut s’effectuer d’une façon efficace et sécuritaire sans l’intervention d’une fouille, les policiers peuvent juger opportun de ne pas procéder à la fouille. Ils doivent être en mesure d’apprécier les circonstances de chaque cas afin de déterminer si la fouille répond aux objectifs sous‑jacents.
2. La fouille doit viser un objectif valable dans la poursuite des fins de la justice criminelle, telle la découverte d’un objet pouvant menacer la sécurité des policiers, du prévenu ou du public, faciliter l’évasion ou constituer une preuve contre le prévenu. Le but de la fouille ne doit pas être étranger aux fins d’une saine administration de la justice, ce qui serait le cas, par exemple, si la fouille avait pour but d’intimider le prévenu, de le ridiculiser ou d’exercer une contrainte pour lui soutirer des aveux.
3. La fouille ne doit pas être effectuée de façon abusive et, en particulier, l’usage de contrainte physique ou psychologique ne doit pas être hors de proportion avec les objectifs poursuivis et les autres circonstances de l’espèce.
Si ces conditions sont respectées toutes les trois, et que l’arrestation elle‑même est légale, la fouille sera «autorisée par la loi» aux fins de l’art. 8 de la Charte. En l’espèce, il n’est pas allégué que l’arrestation était illégale ou que la fouille était abusive. Le problème résulte plutôt du fait que l’objectif et l’étendue de la fouille ont excédé ses limites acceptables. [Par. 13 et 14.]
[C’est moi qui souligne.]
[43] Je suis respectueusement d’avis que ces observations donnent à penser que l’application de l’exception au titre de la fouille accessoire à une arrestation qui a été apportée à la règle générale adoptée dans l’arrêt Hunter a une portée plus étendue que celle qui a été définie dans l’arrêt Leclerc. De l’avis de la majorité dans Caslake, la légalité de l’exercice de ce pouvoir de common law, dans une situation où la fouille d’un véhicule est concomitante de l’arrestation du conducteur, n’est assujettie qu’aux trois conditions énoncées dans l’arrêt Cloutier c. Langlois dont aucune n’exige l’existence d’une situation d’urgence.