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dimanche 22 juin 2025

Face à un appel du ministère public, l’intervention de la Cour est limitée aux seules questions de droit et même s’il parvient à établir une erreur de droit, l’État doit encore convaincre la Cour que cette erreur a eu une incidence significative sur l’acquittement

R. c. Graveline, 2006 CSC 16 

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13                              Dans bon nombre de ressorts, comme le juge Cory l’a fait remarquer dans R. c. Evans1993 CanLII 102 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 629, p. 645, l’État ne peut interjeter appel du verdict d’acquittement d’un accusé au procès.  Au Canada, ce n’est pas le cas.  L’alinéa 676(1)a) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, prévoit que le procureur général peut introduire un recours devant la Cour d’appel « contre un jugement ou verdict d’acquittement [. . .] pour tout motif d’appel qui comporte une question de droit seulement ».

14                              Il est cependant établi depuis longtemps qu’un appel interjeté par le procureur général ne saurait être accueilli sur une possibilité abstraite ou purement hypothétique selon laquelle l’accusé aurait été déclaré coupable n’eût été l’erreur de droit.  Il faut des moyens plus concrets.  Pour obtenir un nouveau procès, le ministère public doit convaincre la cour d’appel qu’il serait raisonnable de penser, compte tenu des faits concrets de l’affaire, que l’erreur (ou les erreurs) du premier juge ont eu une incidence significative sur le verdict d’acquittement.  Le procureur général n’est toutefois pas tenu de nous persuader que le verdict aurait nécessairement été différent.

15                              Ce fardeau qui incombe au ministère public et qui demeure inchangé depuis plus d’un demi‑siècle (voir Cullen c. The King1949 CanLII 7 (SCC), [1949] R.C.S. 658) a été expliqué comme suit par le juge Sopinka au nom de la majorité dans R. c. Morin1988 CanLII 8 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 345 :  

 

Je reconnais volontiers que cette charge est lourde et que la poursuite doit convaincre la cour avec un degré raisonnable de certitude.  Un accusé qui a déjà été acquitté une fois ne devrait pas être renvoyé à un nouveau procès s’il n’est pas évident que l’erreur qui entache le premier procès était telle qu’il y a un degré raisonnable de certitude qu’elle a bien pu influer sur le résultat.  Tout critère plus strict exigerait qu’une cour d’appel prédise avec certitude ce qui s’est passé dans la salle de délibérations, ce qu’elle ne peut faire.  [p. 374]

 

16                              S’exprimant plus récemment dans un jugement unanime, la Juge en chef a dit ce qui suit dans R. c. Sutton, [2000] 2 R.C.S. 595, 2000 CSC 50 :  

 

Les parties s’entendent pour dire que les verdicts d’acquittement ne sont pas annulés à la légère.  Selon le critère énoncé dans Vézeau c. La Reine1976 CanLII 7 (CSC), [1977] 2 R.C.S. 277, le ministère public doit convaincre la cour que le verdict n’aurait pas été nécessairement le même s’il n’y avait pas eu d’erreurs.  Dans R. c. Morin1988 CanLII 8 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 345, notre Cour souligne le fait que « cette charge est lourde et que la poursuite doit convaincre la cour avec un degré raisonnable de certitude » (p. 374).  [par. 2]

 

17                              Les erreurs alléguées par le ministère public lorsqu’il interjette appel d’un verdict d’acquittement concernent habituellement le ou les moyens de défense invoqués par l’accusé au procès.  Pour cette raison, l’incidence de ces erreurs sur le verdict, si une erreur est démontrée, ne se limitera pas à de simples conjectures.  D’où le troisième aspect inhabituel du présent pourvoi : comme je l’ai déjà mentionné, personne n’allègue en l’espèce que les erreurs imputées au juge du procès ont eu une incidence, directe ou indirecte, sur la légalité d’un acquittement reposant sur le moyen de défense avancé par l’accusée — l’automatisme sans troubles mentaux.

samedi 14 juin 2025

Le juge unique saisi d'une requête pour permission d'en appeler de la peine ne doit pas supputer quel sera le sort réservé à l’appel, mais plutôt déterminer si les moyens d’appel proposés constituent des « motifs ayant suffisamment de mérite et d’importance » pour être soumis à la Cour

Normandin c. R., 2018 QCCA 227

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[11]      À titre de juge siégeant seul et à qui une demande de permission d’appeler est présentée, je ne dois pas supputer quel sera le sort réservé à l’appel, mais plutôt déterminer, comme le requiert la jurisprudence en la matière[6], si les moyens d’appel proposés constituent des « motifs ayant suffisamment de mérite et d’importance » pour être soumis à la Cour, à l’instar de ce qu’écrit la juge Jackson de la Cour d’appel de Saskatchewan dans R. v. Laliberte[7] :

116.     Little is written in Canada about the considerations that lead a Court of Appeal to grant or refuse leave to appeal a sentence under ss. 675(1)(b) or 676(1)(a) of the Criminal Code. Nonetheless, to say that this Court only grants leave if it intends to intervene restricts too narrowly our role in these matters. Take the within appeal as an example.

[…]

119. In my respectful opinion, a Court of Appeal has the authority to grant leave not only when there is an arguable case for intervention but also to settle an issue of significance either in practice or law. The onus on counsel seeking leave is to demonstrate a case of sufficient merit and importance to warrant intervention or review. […]

samedi 7 juin 2025

La norme d'intervention en appel sur les questions constitutionnelles & sur la peine

R v Pietz, 2025 MBCA 5

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[20]                     The applicable standard of review is not in dispute. This Court reviews a Charter decision to ensure the correct legal principles were stated and there was no misdirection in their application. The standard of review is correctness. Deference is applied to the evidentiary foundation forming the basis of the trial judge’s decision. Absent palpable and overriding error, the facts as found by the trial judge should not be disturbed. This Court “will also examine the application of the legal principles to the facts of the case to see if the facts, as found by the judge, satisfy the correct legal test. In the criminal law context, this is a question of law and the standard of review is correctness” (R v Farrah (D)2011 MBCA 49 at para 7(c); see also R v Richard (DR)2013 MBCA 105 at para 48).

[21]                     The standard of review on a sentence appeal is deferential. An appellate court can only intervene with a sentence that is demonstrably unfit or where there is an error in principle that had an impact on the sentence (see R v Friesen2020 SCC 9 at paras 25-29).

vendredi 6 juin 2025

Norme d’intervention en matière d'appel d'une peine

Siciliano c. R., 2025 QCCA 335

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[19]      Une cour d’appel « ne peut substituer sa propre décision à celle du juge de la peine que pour un motif valable »[9] et doit faire preuve de déférence envers le vaste pouvoir discrétionnaire du juge d’instance[10] à qui est dévolue la tâche bien difficile de pondérer tous les facteurs pertinents en matière de détermination de la peine, dans la poursuite des objectifs pénologiques énoncés au Code criminel. Comme l’exprimait le juge Gendreau dans R. c. S.T. :

[14] La détermination de la peine est, sans doute, l’une des tâches les plus difficiles et les plus délicates de la fonction judiciaire. En effet, trouver et appliquer la norme la plus juste et la plus équitable pour l’accusé tout en manifestant la réprobation sociale adéquate et en assurant la protection de la société est un exercice de pondération complexe puisqu’il tend à assurer un équilibre entre des valeurs qui, sans s’opposer, visent des objectifs différents.[11]

[20]      Le caractère strict de la norme d’intervention en la matière est bien connu et réitéré dans tous les arrêts de la Cour où un appelant cherche à faire réformer une peine infligée en première instance.

[21]      L’intervention de la Cour ne sera justifiée que si 1) la peine n’est manifestement pas indiquée; ou 2) le juge a commis une erreur de principe qui a eu une incidence sur la détermination de la peine[12]. Dans l’arrêt Friesen, la Cour suprême mentionne, parmi les erreurs de principe, l’erreur de droit, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant. La pondération des facteurs peut aussi constituer une erreur de principe, mais seulement si le juge a « exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable, en insistant trop sur un facteur ou en omettant d’accorder suffisamment d’importance à un autre »[13].

[22]      Ainsi, rien ne sert à un appelant de replaider — même avec force et conviction — les arguments présentés en première instance, en insistant sur ceux qui justifieraient à son avis une peine plus clémente. Par conséquent, la quête d’une peine juste et appropriée, proportionnelle à la gravité du crime et au degré de responsabilité du délinquant, ne mène pas à une seule peine acceptable, mais plutôt à une fourchette de peines appropriées, dont le choix relève de la discrétion du juge à l’égard de laquelle la Cour doit déférence en l’absence d’une erreur révisable.

dimanche 1 juin 2025

L'appel sur la peine: comment apprécier les blessures à titre de facteur aggravant face à une infraction de voies de fait et l’objectif de dissuasion générale

R. c. Martinez Abarca, 2022 QCCA 1095



[14]      Selon une jurisprudence bien établie, les cours d’appel ne peuvent intervenir en matière de peine que si le jugement de première instance comporte une erreur de principe ou, autrement, est manifestement non indiqué. À ce propos, les cours d’appel ont un rôle important à jouer, qui se décline sous deux axes. D’une part, elles servent de « rempart contre les erreurs de droit commises par les tribunaux chargés de déterminer les peines tout en contrôlant la raisonnabilité de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de ces derniers. »[8] et, d’autre part, elles doivent s’assurer du développement stable du droit. Ce second volet s’incarne par la mise en place de lignes directrices, qui peuvent prendre la forme de fourchettes de peines ou encore d’énoncés généraux sur la gravité des conséquences reliées à certaines infractions[9].

[15]      Les cours d’appel sont donc habilitées à intervenir et modifier une peine, mais seulement dans des circonstances limitées, qui ont été rappelées en 2020 par la Cour suprême dans l’arrêt Friesen qui a confirmé la norme d’intervention énoncée dans l’arrêt Lacasse :

Comme l’a confirmé notre Cour dans Lacasse, la cour d’appel ne peut intervenir pour modifier une peine que si (1) elle n’est manifestement pas indiquée (par. 41) ou (2) le juge de la peine a commis une erreur de principe qui a eu une incidence sur la détermination de la peine (par. 44). Parmi les erreurs de principe, mentionnons l’erreur de droit, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant. La manière dont le juge de première instance a soupesé ou mis en balance des facteurs peut constituer une erreur de principe seulement s’il a « exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable, en insistant trop sur un facteur ou en omettant d’accorder suffisamment d’importance à un autre » (R. c. McKnight (1999), 1999 CanLII 3717 (ON CA), 135 C.C.C. (3d) 41 (C.A. Ont.), par. 35, cité dans Lacasse, par. 49). Ce ne sont pas toutes les erreurs de principe qui sont importantes : la cour d’appel ne peut intervenir que lorsqu’il ressort des motifs du juge de première instance que l’erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine (Lacasse, par. 44). Si une erreur de principe n’a eu aucun effet sur la peine, cela met un terme à l’analyse de cette erreur et l’intervention de la cour d’appel ne se justifie que si la peine n’est manifestement pas indiquée.

Si la peine n’est manifestement pas indiquée ou si le juge de la peine a commis une erreur de principe qui a eu une incidence sur la détermination de la peine, la cour d’appel doit effectuer sa propre analyse pour fixer une peine juste (Lacasse, par. 43). Elle appliquera de nouveau les principes de la détermination de la peine aux faits sans faire preuve de déférence envers la peine existante même si celle-ci se situe dans la fourchette applicable. En conséquence, lorsque la cour d’appel conclut qu’une erreur de principe a eu un effet sur la peine, cela suffit pour qu’elle intervienne et fixe une peine juste. Dans un tel cas, le fait que la peine existante ne soit manifestement pas indiquée ou qu’elle se situe à l’extérieur de la fourchette des peines infligées auparavant ne constitue pas une condition préalable supplémentaire requise pour justifier l’intervention de la cour d’appel[10].

[Soulignements ajoutés]

[16]      Outre ce contrôle judiciaire restreint, et pour identifier une peine juste et appropriée, il est accordé aux juges de première instance un large pouvoir discrétionnaire dans la prise en compte des principes, objectifs et facteurs (atténuants et aggravants), tout comme dans la mise en balance de ces divers éléments. Les objectifs que doit considérer le juge sont inscrits à l’article 718 C.cr., et élaborés dans la jurisprudence pertinente. Ils comprennent la dénonciation du comportement illégal, la dissuasion générale et individuelle, l’isolement du délinquant de la société, la réinsertion sociale, la réparation des torts causés, une prise de conscience chez le délinquant. Précisons que le législateur impose pour certaines infractions l’obligation de porter une attention particulière à certains objectifs. Par exemple, en matière de crimes violents, les tribunaux doivent favoriser les objectifs de dénonciation et dissuasion[11].

[17]      Il n’est cependant pas question d’établir un ordre d’importance entre chaque facteur[12]. Au contraire, le juge doit exercer son pouvoir discrétionnaire et leur accorder une importance plus ou moins grande selon les circonstances. Cette pondération au cas par cas est importante, car la détermination de la peine est un processus individualisé[13]. Cependant, bien que grande, la discrétion des juges, au niveau de la peine, est balisée par le législateur lorsque ce dernier prévoit des peines minimales ou maximales pour une infraction donnée[14].

[18]      En outre, une peine proportionnée doit certes prendre en compte les facteurs propres à l’accusé et l’infraction qu’il a commise, mais elle doit également être considérée d’un point de vue comparatif. C’est-à-dire que « [l]a proportionnalité se détermine [aussi] […] sur une base comparative des peines infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables »[15]. La détermination de la peine vise donc l’harmonisation des peines entre des délinquants similaires qui commettent une infraction similaire dans des circonstances semblables[16]. Pour ce faire, les juges ont souvent recours à ce qu’on appelle « une fourchette de peines ». Il s’agit d’un outil, non contraignant, qui est en quelque sorte un historique des peines infligées pour une infraction donnée[17]. Sans être applicables dans tous les cas, les fourchettes permettent d’éviter les écarts injustifiés entre les peines[18].

Application

[19]      À la lecture du dossier, il est évident que le jugement entrepris est animé par le but d’éviter à l’intimé les conséquences d’un casier judiciaire. À ce propos, la juge explique qu’« [u]ne inscription à la Loi sur le casier judiciaire mettrait fin aux projets réels de l’accusé [devenir pilote de l’air dans les Forces armées canadiennes] ainsi qu’au moyen d’assurer sa subsistance de la façon dont il l’a choisie et ainsi de bien gagner sa vie ». C’est cet objectif qui motive la juge et qui oriente les facteurs et objectifs dont elle tient compte. Cependant, il ne doit s’agir que d’un des considérants[19]. Si l’ensemble de ceux qui doivent être évalués milite pour une peine d’emprisonnement, la seule existence de conséquences découlant d’un casier judiciaire est insuffisante pour justifier une absolution.

[20]      De plus, en refusant de considérer les blessures à titre de facteur aggravant, la juge commet une erreur de principe. Bien qu’il soit vrai qu’un élément essentiel de l’infraction ne devrait pas être considéré comme une circonstance aggravante, car il s’agit d’un facteur pris en compte pour établir la gravité objective de l’infraction alors que le droit cherche à éviter les doubles punitions[20], la situation en matière de voies de fait graves exige que le juge tienne compte dans chaque cas d’espèce de la nature et l’étendue (et non seulement de l’existence) des blessures[21] et il peut même s’agir d’un élément aggravant[22]. Partant, l’importance des blessures dans un cas précis doit être considérée pour pondérer la gravité de l’infraction et en arriver à une peine proportionnelle[23].

[21]      La juge commet donc une erreur de principe en évacuant complètement la nature et l’importance des blessures subies par la victime de l’exercice de pondération de la peine proportionnelle[24]. D’ailleurs, comme le rappelle cette Cour dans Bérubé-Gagnon, « une peine qui est disproportionnée eu égard à la gravité de l’infraction ou au degré de culpabilité du contrevenant est, par définition, manifestement non indiquée »[25]. En omettant ce facteur, la juge n’arrive pas à une peine proportionnelle.

[22]      Qui plus est, à la lecture du jugement, il est difficile de saisir ce que la juge fait de l’objectif de dissuasion générale. Elle affirme seulement que cet objectif a peu d’importance en l’espèce, car il s’agit d’un geste impulsif et contextuel et que le caractère de la dissuasion générale est incertain et limité[26]. Elle ajoute aussi que l’emprisonnement n’est pas la seule peine permettant de l’atteindre[27]. On peut s’interroger sur le caractère impulsif de l’agression sexuelle, quoique la peine sur ce chef ne soit pas en appel. Malgré cela, les circonstances de cette agression, qui précède immédiatement les voies de fait graves, sont pertinentes. On peut aussi se montrer circonspect sur l’affirmation que les voies de fait graves l’étaient tout autant alors qu’elles ont été commises après et en raison de l’agression sexuelle et qu’elles sont constituées non pas de un, mais bien de deux coups de poing.

[23]      Bien qu’il soit souhaitable d’avoir recours avec le plus de modération possible aux peines d’emprisonnement et même parfois préférable de les éviter, il est difficile de voir en quoi l’absolution conditionnelle, dans un cas de voies de fait graves, puisse rencontrer adéquatement l’objectif de dissuasion générale. Les tribunaux ont rappelé fréquemment que les cas de voies de fait graves exigent une réplique suffisante et proportionnelle à la gravité des gestes posés et à la responsabilité morale du contrevenant, quant au principe de la dénonciation[28]. Il en est de même de la dissuasion générale[29].

dimanche 18 novembre 2018

Il ne faudrait pas attribuer aux questions énoncées dans W. (D.) un caractère sacré ou un degré de perfection immuable

R. c. J.H.S., [2008] 2 RCS 152, 2008 CSC 30 (CanLII)

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[13]                          Bref, il ne faudrait pas attribuer aux questions énoncées dans W. (D.) un caractère sacré ou un degré de perfection immuable que leur auteur n’a jamais revendiqué pour elles.  Le message transmis par W. (D.) — soit que le jury doit être informé de manière limpide que le ministère public n’est jamais libéré du fardeau de prouver tous les éléments de l’infraction hors de tout doute raisonnable — est d’une importance capitale; son application ne devrait toutefois pas laisser la forme l’emporter sur le fond.  Dans R. c. S. (W.D.)1994 CanLII 76 (CSC)[1994] 3 R.C.S. 521, le juge Cory a réitéré que les directives énoncées dans W. (D.) n’ont pas à être récitées « mot à mot comme une incantation » (p. 533).  Dans R. c. Avetysan[2000] 2 R.C.S. 7452000 CSC 56 (CanLII), le juge Major qui s’exprimait au nom des juges de la majorité a souligné que, dans toutes les causes où la question de la crédibilité revêt de l’importance, « [c]e qu’il importe vraiment de déterminer, c’est essentiellement si les directives du juge du procès ont donné au jury l’impression qu’il devait choisir entre les deux versions des événements » (par. 19).  L’essentiel c’est que le manque de crédibilité de l’accusé n’équivaut pas à une preuve de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

lundi 5 novembre 2018

LES ATTENTES DE LA COUR D’APPEL EN CE QUI A TRAIT AU JUGEMENT ORAL

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Tiré de : http://courdappelduquebec.ca/fileadmin/Fichiers_client/Informations_generales/Allocutions_de_la_Juge_en_chef/Presentations__articles__ouvrages_-_juges/Les_attentes_de_la_Cour_dappel__04-02-2016_.pdf

4 février 2016
Programme de formation à la Cour du Québec
Présentation par : Guy Gagnon et Lorne Giroux, juges à la Cour d’appel

jeudi 1 novembre 2018

La norme d’intervention en appel quant à la détermination de la peine imposée en première instance

Lepage c. R., 2017 QCCA 956 (CanLII)

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[5]         La détermination de la peine est « l’une des étapes les plus délicates du processus de justice pénale et criminelle ». Il ne s’agit pas d’une science exacte ou d’une procédure inflexible et prédéterminée.
[6]         La Cour suprême a réitéré à de nombreuses reprises l en la matière, dont récemment dans l’arrêt R. c. Lacasse :
[11]         Notre Cour a maintes fois rappelé l’importance d’accorder une grande latitude au juge qui prononce la peine. Comme celui-ci a notamment l’avantage d’entendre et de voir les témoins, il est le mieux placé pour déterminer, eu égard aux circonstances, la peine juste et appropriée conformément aux objectifs et aux principes énoncés au Code criminel à cet égard. Le seul fait qu’un juge s’écarte de la fourchette de peines appropriée ne justifie pas l’intervention d’une cour d’appel. Au final, sauf dans les cas où le juge qui fixe la peine commet une erreur de droit ou une erreur de principe ayant une incidence sur la détermination de cette peine, une cour d’appel ne peut la modifier que si cette peine est manifestement non indiquée.
                                                                                                [Soulignement ajouté]
[7]         De plus, toujours dans l’arrêt Lacasse, la Cour suprême écrivait que :
[44]      [La] présence d’une erreur de principe, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant ne justifiera l’intervention d’une cour d’appel que lorsqu’il appert du jugement de première instance qu’une telle erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine.
[Renvois omis]
[8]         La Cour suprême ajoute que l’examen en appel de la peine est axé sur le principe fondamental de la proportionnalité. Il est donc primordial que la peine soit individualisée en fonction de l’ensemble des circonstances de l’affaire. À cette fin, le Code criminel confère aux juges « un large pouvoir discrétionnaire leur permettant de façonner une peine adaptée à la nature de l’infraction et à la situation du délinquant ». Les cours d’appel doivent alors faire preuve d’une grande retenue dans l’examen de la justesse d’une peine

mercredi 3 octobre 2018

L'examen convenable en appel en regard de la question de l’absence de motifs ou leur insuffisance

R. c. Sheppard, [2002] 1 RCS 869, 2002 CSC 26 (CanLII)

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46                              J’estime que ces affaires montrent clairement que l’obligation de donner des motifs, lorsqu’elle existe, découle des circonstances d’une affaire donnée.  Lorsque la raison pour laquelle un accusé a été déclaré coupable ou acquitté ressort clairement du dossier, et que l’absence de motifs ou leur insuffisance ne constitue pas un obstacle important à l’exercice du droit d’appel, le tribunal d’appel n’interviendra pas.  Par contre, lorsque le raisonnement qu’a suivi le juge du procès pour démêler des éléments de preuve embrouillés ou litigieux n’est pas du tout évident ou lorsque des questions de droit épineuses requièrent un examen, mais que le juge du procès les a contournées sans explication, ou encore lorsque (comme en l’espèce) on peut donner de la décision du juge du procès des explications contradictoires dont au moins certaines constitueraient manifestement une erreur en justifiant l’annulation, le tribunal d’appel peut, dans certains cas, s’estimer incapable de donner effet au droit d’appel prévu par la loi.  Alors, l’une ou l’autre des parties pourra douter de la justesse du résultat, mais l’absence de motifs ou leur insuffisance l’aura à tort privée de la possibilité d’obtenir un examen convenable en appel du verdict prononcé en première instance.  En pareil cas, même si le dossier révèle des éléments de preuve qui, d’une certaine manière, pourraient appuyer un verdict raisonnable, les lacunes des motifs peuvent équivaloir à une erreur de droit et fonder l’intervention d’un tribunal d’appel.  Il appartiendra à la cour d’appel de décider si, dans un cas donné, les lacunes des motifs l’empêchent de s’acquitter convenablement de ses fonctions en appel.

vendredi 8 juin 2018

Une cour d’appel peut accueillir un pourvoi si elle en vient à la conclusion que le verdict est déraisonnable ou qu’il ne peut s’appuyer sur la preuve

Goulet c. R., 2016 QCCA 2090 (CanLII)

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[32]        En vertu du sous-alinéa 686(1)a)(i) C.cr., une cour d’appel peut accueillir un pourvoi si elle en vient à la conclusion que le verdict est déraisonnable ou qu’il ne peut s’appuyer sur la preuve.
[33]        La juge Arbour, se fondant sur l’arrêt Yebes, résume bien le critère d’intervention applicable dans l’arrêt Biniaris en affirmant qu’il faut chercher à savoir « si le verdict est l’un de ceux qu’un jury qui a reçu les directives appropriées et qui agit d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre ». Ce critère est également applicable aux décisions d’un juge seul.
[34]        Dans l’arrêt Molodowic, la juge Arbour explique le cheminement requis pour déterminer si le verdict est raisonnable :
[…] En se livrant à l’exercice prescrit par le sous-al. 686(1)a)(i) du Code criminel, le tribunal d’examen doit réexaminer la preuve en profondeur et mettre à profit toute son expérience pour déterminer si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, le verdict était raisonnable. […] En outre, il ne suffit pas que le juge qui procède à l’examen ait simplement une perception de la preuve différente de celle du jury. La cour d’appel doit, pour écarter le verdict, expliquer ce qui l’incite à conclure qu’il n’est pas conforme aux exigences d’une appréciation judiciaire de la preuve.
[35]        L’examen du caractère raisonnable du verdict a été récemment résumé dans l’arrêt Richard c. R. de notre Cour :
[23]      L’article 686(1)a)i) C.cr. prévoit qu’une cour d’appel peut, lors d’un appel portant sur une déclaration de culpabilité, accueillir l’appel et infirmer le verdict pour le motif qu’il est déraisonnable ou qu’il ne peut s’appuyer sur la preuve.
[24]      La juge McLachlin (alors juge puînée) écrivait dans R. c. W. (R.) :
Il est donc clair que, pour déterminer si le juge des faits aurait pu raisonnablement conclure à la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable, la Cour d’appel doit réexaminer et du moins, dans une certaine mesure, réévaluer l’effet de la preuve.
[25]      Il y a lieu de retenir des arrêts plus récents de la Cour suprême dans R. c. SinclairR. c. R. (P.) et R. c. W. (H.), les enseignements suivants :
1.         Le tribunal d’appel doit d’abord déterminer si le verdict est un de ceux qu’un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant de manière judiciaire aurait rendus au vu de l’ensemble de la preuve;
2.         Le verdict est déraisonnable si le juge des faits a tiré une inférence essentielle au verdict qui est clairement contredite par la preuve invoquée à l’appui de l’inférence;
3.         Le verdict est déraisonnable si le raisonnement qui le soutient est à ce point irrationnel ou incompatible avec la preuve qu’il a pour effet de vicier le verdict;
4.         Il faut faire preuve d’une grande déférence dans l’appréciation de la crédibilité faite en première instance lorsqu’il s’agit de déterminer si le verdict est déraisonnable;
5.         La cour d’appel qui se prononce sur un verdict de culpabilité doit dûment prendre en compte la position privilégiée des juges des faits qui ont assisté au procès et entendu les témoignages et ne doit pas conclure au verdict déraisonnable pour le seul motif qu’elle entretient un doute raisonnable après l’examen du dossier. Il doit plutôt examiner et analyser la preuve et se demander, à la lumière de son expérience, si l’appréciation judiciaire des faits exclut la déclaration de culpabilité.
[26]      Dans l’arrêt unanime Pardi c. R., notre collègue, Yves-Marie Morissette, écrivait relativement aux paramètres d’intervention d’une cour d’appel lorsque le moyen d’appel est celui du verdict déraisonnable :
[28]      À cette étape, je résume ce qui précède afin de bien situer dans leur cadre les questions à résoudre. Un verdict déraisonnable ou qui ne peut s’appuyer sur la preuve est réformable en appel, et la question de savoir s’il peut être qualifié de tel en est une de droit. Il sera ainsi qualifié s’il s’agit d’un verdict qu’un jury qui aurait reçu les directives appropriées et aurait agi de manière judiciaire n’aurait pu raisonnablement rendre. Dans le cas d’un verdict prononcé par un juge seul, une cour d’appel peut tenir compte des motifs exprimés par le juge pour statuer sur le caractère raisonnable de son verdict, ce qui accroît quelque peu la portée de l’examen à effectuer. Ainsi, une inférence ou une conclusion de fait essentielle au verdict, mais qui est clairement contredite par la preuve à son appui, ou dont on démontre l’incompatibilité avec une preuve qui n’est ni contredite par d’autres éléments de preuve ni rejetée par le juge, autorise une cour d’appel à casser le verdict qu’elle sous-tend au motif qu’il est déraisonnable. Cela ne va pas jusqu’à permettre aux juges d’une cour d’appel de considérer qu’ils ont « le droit d’avoir une perception subjective de la preuve et [le droit] de se demander s’ils sont convaincus du caractère inattaquable du verdict ». Un doute persistant peut justifier un examen plus approfondi de la preuve pour déterminer si, en effet, le verdict est déraisonnable selon la norme que je viens de rappeler. Cela vaut pour le verdict d’un jury comme pour celui d’un juge siégeant seul mais examiné dans ce second cas à la lumière des motifs prononcés par le juge. En tout état de cause, cependant, une cour d’appel n’apporte rien de particulier à l’évaluation de la preuve lorsque le juge expose des motifs de jugement détaillés.

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Les prescriptions inhérentes à la présentation d'une requête par un accusé alléguant la violation de l'un des ses droits constitutionnels

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