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dimanche 18 novembre 2018

Il ne faudrait pas attribuer aux questions énoncées dans W. (D.) un caractère sacré ou un degré de perfection immuable

R. c. J.H.S., [2008] 2 RCS 152, 2008 CSC 30 (CanLII)

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[13]                          Bref, il ne faudrait pas attribuer aux questions énoncées dans W. (D.) un caractère sacré ou un degré de perfection immuable que leur auteur n’a jamais revendiqué pour elles.  Le message transmis par W. (D.) — soit que le jury doit être informé de manière limpide que le ministère public n’est jamais libéré du fardeau de prouver tous les éléments de l’infraction hors de tout doute raisonnable — est d’une importance capitale; son application ne devrait toutefois pas laisser la forme l’emporter sur le fond.  Dans R. c. S. (W.D.)1994 CanLII 76 (CSC)[1994] 3 R.C.S. 521, le juge Cory a réitéré que les directives énoncées dans W. (D.) n’ont pas à être récitées « mot à mot comme une incantation » (p. 533).  Dans R. c. Avetysan[2000] 2 R.C.S. 7452000 CSC 56 (CanLII), le juge Major qui s’exprimait au nom des juges de la majorité a souligné que, dans toutes les causes où la question de la crédibilité revêt de l’importance, « [c]e qu’il importe vraiment de déterminer, c’est essentiellement si les directives du juge du procès ont donné au jury l’impression qu’il devait choisir entre les deux versions des événements » (par. 19).  L’essentiel c’est que le manque de crédibilité de l’accusé n’équivaut pas à une preuve de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

lundi 5 novembre 2018

LES ATTENTES DE LA COUR D’APPEL EN CE QUI A TRAIT AU JUGEMENT ORAL

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Tiré de : http://courdappelduquebec.ca/fileadmin/Fichiers_client/Informations_generales/Allocutions_de_la_Juge_en_chef/Presentations__articles__ouvrages_-_juges/Les_attentes_de_la_Cour_dappel__04-02-2016_.pdf

4 février 2016
Programme de formation à la Cour du Québec
Présentation par : Guy Gagnon et Lorne Giroux, juges à la Cour d’appel

jeudi 1 novembre 2018

La norme d’intervention en appel quant à la détermination de la peine imposée en première instance

Lepage c. R., 2017 QCCA 956 (CanLII)

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[5]         La détermination de la peine est « l’une des étapes les plus délicates du processus de justice pénale et criminelle ». Il ne s’agit pas d’une science exacte ou d’une procédure inflexible et prédéterminée.
[6]         La Cour suprême a réitéré à de nombreuses reprises l en la matière, dont récemment dans l’arrêt R. c. Lacasse :
[11]         Notre Cour a maintes fois rappelé l’importance d’accorder une grande latitude au juge qui prononce la peine. Comme celui-ci a notamment l’avantage d’entendre et de voir les témoins, il est le mieux placé pour déterminer, eu égard aux circonstances, la peine juste et appropriée conformément aux objectifs et aux principes énoncés au Code criminel à cet égard. Le seul fait qu’un juge s’écarte de la fourchette de peines appropriée ne justifie pas l’intervention d’une cour d’appel. Au final, sauf dans les cas où le juge qui fixe la peine commet une erreur de droit ou une erreur de principe ayant une incidence sur la détermination de cette peine, une cour d’appel ne peut la modifier que si cette peine est manifestement non indiquée.
                                                                                                [Soulignement ajouté]
[7]         De plus, toujours dans l’arrêt Lacasse, la Cour suprême écrivait que :
[44]      [La] présence d’une erreur de principe, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant ne justifiera l’intervention d’une cour d’appel que lorsqu’il appert du jugement de première instance qu’une telle erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine.
[Renvois omis]
[8]         La Cour suprême ajoute que l’examen en appel de la peine est axé sur le principe fondamental de la proportionnalité. Il est donc primordial que la peine soit individualisée en fonction de l’ensemble des circonstances de l’affaire. À cette fin, le Code criminel confère aux juges « un large pouvoir discrétionnaire leur permettant de façonner une peine adaptée à la nature de l’infraction et à la situation du délinquant ». Les cours d’appel doivent alors faire preuve d’une grande retenue dans l’examen de la justesse d’une peine

mercredi 3 octobre 2018

L'examen convenable en appel en regard de la question de l’absence de motifs ou leur insuffisance

R. c. Sheppard, [2002] 1 RCS 869, 2002 CSC 26 (CanLII)

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46                              J’estime que ces affaires montrent clairement que l’obligation de donner des motifs, lorsqu’elle existe, découle des circonstances d’une affaire donnée.  Lorsque la raison pour laquelle un accusé a été déclaré coupable ou acquitté ressort clairement du dossier, et que l’absence de motifs ou leur insuffisance ne constitue pas un obstacle important à l’exercice du droit d’appel, le tribunal d’appel n’interviendra pas.  Par contre, lorsque le raisonnement qu’a suivi le juge du procès pour démêler des éléments de preuve embrouillés ou litigieux n’est pas du tout évident ou lorsque des questions de droit épineuses requièrent un examen, mais que le juge du procès les a contournées sans explication, ou encore lorsque (comme en l’espèce) on peut donner de la décision du juge du procès des explications contradictoires dont au moins certaines constitueraient manifestement une erreur en justifiant l’annulation, le tribunal d’appel peut, dans certains cas, s’estimer incapable de donner effet au droit d’appel prévu par la loi.  Alors, l’une ou l’autre des parties pourra douter de la justesse du résultat, mais l’absence de motifs ou leur insuffisance l’aura à tort privée de la possibilité d’obtenir un examen convenable en appel du verdict prononcé en première instance.  En pareil cas, même si le dossier révèle des éléments de preuve qui, d’une certaine manière, pourraient appuyer un verdict raisonnable, les lacunes des motifs peuvent équivaloir à une erreur de droit et fonder l’intervention d’un tribunal d’appel.  Il appartiendra à la cour d’appel de décider si, dans un cas donné, les lacunes des motifs l’empêchent de s’acquitter convenablement de ses fonctions en appel.

vendredi 8 juin 2018

Une cour d’appel peut accueillir un pourvoi si elle en vient à la conclusion que le verdict est déraisonnable ou qu’il ne peut s’appuyer sur la preuve

Goulet c. R., 2016 QCCA 2090 (CanLII)

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[32]        En vertu du sous-alinéa 686(1)a)(i) C.cr., une cour d’appel peut accueillir un pourvoi si elle en vient à la conclusion que le verdict est déraisonnable ou qu’il ne peut s’appuyer sur la preuve.
[33]        La juge Arbour, se fondant sur l’arrêt Yebes, résume bien le critère d’intervention applicable dans l’arrêt Biniaris en affirmant qu’il faut chercher à savoir « si le verdict est l’un de ceux qu’un jury qui a reçu les directives appropriées et qui agit d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre ». Ce critère est également applicable aux décisions d’un juge seul.
[34]        Dans l’arrêt Molodowic, la juge Arbour explique le cheminement requis pour déterminer si le verdict est raisonnable :
[…] En se livrant à l’exercice prescrit par le sous-al. 686(1)a)(i) du Code criminel, le tribunal d’examen doit réexaminer la preuve en profondeur et mettre à profit toute son expérience pour déterminer si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, le verdict était raisonnable. […] En outre, il ne suffit pas que le juge qui procède à l’examen ait simplement une perception de la preuve différente de celle du jury. La cour d’appel doit, pour écarter le verdict, expliquer ce qui l’incite à conclure qu’il n’est pas conforme aux exigences d’une appréciation judiciaire de la preuve.
[35]        L’examen du caractère raisonnable du verdict a été récemment résumé dans l’arrêt Richard c. R. de notre Cour :
[23]      L’article 686(1)a)i) C.cr. prévoit qu’une cour d’appel peut, lors d’un appel portant sur une déclaration de culpabilité, accueillir l’appel et infirmer le verdict pour le motif qu’il est déraisonnable ou qu’il ne peut s’appuyer sur la preuve.
[24]      La juge McLachlin (alors juge puînée) écrivait dans R. c. W. (R.) :
Il est donc clair que, pour déterminer si le juge des faits aurait pu raisonnablement conclure à la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable, la Cour d’appel doit réexaminer et du moins, dans une certaine mesure, réévaluer l’effet de la preuve.
[25]      Il y a lieu de retenir des arrêts plus récents de la Cour suprême dans R. c. SinclairR. c. R. (P.) et R. c. W. (H.), les enseignements suivants :
1.         Le tribunal d’appel doit d’abord déterminer si le verdict est un de ceux qu’un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant de manière judiciaire aurait rendus au vu de l’ensemble de la preuve;
2.         Le verdict est déraisonnable si le juge des faits a tiré une inférence essentielle au verdict qui est clairement contredite par la preuve invoquée à l’appui de l’inférence;
3.         Le verdict est déraisonnable si le raisonnement qui le soutient est à ce point irrationnel ou incompatible avec la preuve qu’il a pour effet de vicier le verdict;
4.         Il faut faire preuve d’une grande déférence dans l’appréciation de la crédibilité faite en première instance lorsqu’il s’agit de déterminer si le verdict est déraisonnable;
5.         La cour d’appel qui se prononce sur un verdict de culpabilité doit dûment prendre en compte la position privilégiée des juges des faits qui ont assisté au procès et entendu les témoignages et ne doit pas conclure au verdict déraisonnable pour le seul motif qu’elle entretient un doute raisonnable après l’examen du dossier. Il doit plutôt examiner et analyser la preuve et se demander, à la lumière de son expérience, si l’appréciation judiciaire des faits exclut la déclaration de culpabilité.
[26]      Dans l’arrêt unanime Pardi c. R., notre collègue, Yves-Marie Morissette, écrivait relativement aux paramètres d’intervention d’une cour d’appel lorsque le moyen d’appel est celui du verdict déraisonnable :
[28]      À cette étape, je résume ce qui précède afin de bien situer dans leur cadre les questions à résoudre. Un verdict déraisonnable ou qui ne peut s’appuyer sur la preuve est réformable en appel, et la question de savoir s’il peut être qualifié de tel en est une de droit. Il sera ainsi qualifié s’il s’agit d’un verdict qu’un jury qui aurait reçu les directives appropriées et aurait agi de manière judiciaire n’aurait pu raisonnablement rendre. Dans le cas d’un verdict prononcé par un juge seul, une cour d’appel peut tenir compte des motifs exprimés par le juge pour statuer sur le caractère raisonnable de son verdict, ce qui accroît quelque peu la portée de l’examen à effectuer. Ainsi, une inférence ou une conclusion de fait essentielle au verdict, mais qui est clairement contredite par la preuve à son appui, ou dont on démontre l’incompatibilité avec une preuve qui n’est ni contredite par d’autres éléments de preuve ni rejetée par le juge, autorise une cour d’appel à casser le verdict qu’elle sous-tend au motif qu’il est déraisonnable. Cela ne va pas jusqu’à permettre aux juges d’une cour d’appel de considérer qu’ils ont « le droit d’avoir une perception subjective de la preuve et [le droit] de se demander s’ils sont convaincus du caractère inattaquable du verdict ». Un doute persistant peut justifier un examen plus approfondi de la preuve pour déterminer si, en effet, le verdict est déraisonnable selon la norme que je viens de rappeler. Cela vaut pour le verdict d’un jury comme pour celui d’un juge siégeant seul mais examiné dans ce second cas à la lumière des motifs prononcés par le juge. En tout état de cause, cependant, une cour d’appel n’apporte rien de particulier à l’évaluation de la preuve lorsque le juge expose des motifs de jugement détaillés.

Les conclusions du juge au procès relativement à la crédibilité des témoins commandent un degré élevé de déférence

Goulet c. R., 2016 QCCA 2090 (CanLII)

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[25]        Les conclusions du juge au procès relativement à la crédibilité des témoins commandent un degré élevé de déférence. L’arrêt W.H.résume parfaitement l’état du droit sur cet aspect :
[33]      Les arrêts R. c. Burke1996 CanLII 229 (CSC)[1996] 1 R.C.S. 474, et R. c. R.P.2012 CSC 22 (CanLII)[2012] 1 R.C.S. 746, même s’ils ont trait à des procès devant juge seul, soulignent eux aussi la grande déférence que doit manifester la cour d’appel à l’égard du tribunal de première instance et de son appréciation de la crédibilité. Dans la seconde décision, la juge Deschamps, s’exprimant au nom des juges majoritaires, rappelle le principe applicable :
Si le caractère raisonnable d’un verdict est une question de droit, l’appréciation de la crédibilité des témoins constitue elle une question de faits.  L’appréciation de la crédibilité faite en première instance, lorsqu’elle est revue par une cour d’appel afin notamment de déterminer si le verdict est raisonnable, ne peut être écartée que s’il est établi que celleci « ne peut pas s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve » (R. c. Burke1996 CanLII 229 (CSC)[1996] 1 R.C.S. 474, par. 7). [Je souligne; par. 10.]
[26]        En l’absence d’erreur manifeste et déterminante sur des conclusions concernant la crédibilité, la Cour doit faire preuve de retenue.
[27]        L’appréciation de la crédibilité de tous les témoins entendus est un exercice à la fois difficile et délicat réservé en principe aux juges de première instance. C’est la raison pour laquelle, dans l’arrêt R. c. Gagnon, les juges Bastarache et Abella écrivent :
[20]      Apprécier la crédibilité ne relève pas de la science exacte. Il est très difficile pour le juge de première instance de décrire avec précision l’enchevêtrement complexe des impressions qui se dégagent de l’observation et de l’audition des témoins, ainsi que des efforts de conciliation des différentes versions des faits.  C’est pourquoi notre Cour a statué — la dernière fois dans l’arrêt H.L. — qu’il fallait respecter les perceptions du juge de première instance, sauf erreur manifeste et dominante.
[28]        Dans R. v. Andrade, la Cour d’appel de l’Ontario a expliqué qu’un tel moyen d’appel serait rarement accueilli, car il exige une démonstration convaincante :
[39]      The appellant acknowledges that it is difficult to succeed on an uneven scrutiny argument. As noted by Doherty J. in R. v. Howe (2005), 2005 CanLII 253 (ON CA)192 C.C.C. (3d) 480 (Ont. C.A.), at para. 59:
This argument or some variation on it is common on appeals from conviction in judge alone trials where the evidence pits the word of the complainant against the denial of the accused and the result turns on the trial judge’s credibility assessments. This is a difficult argument to make successfully. It is not enough to show that a different trial judge could have reached a different credibility assessment, or that the trial judge failed to say something that he could have said in assessing the respective credibility of the complainant and the accused, or that he failed to expressly set out legal principles relevant to that credibility assessment. To succeed in this kind of argument, the appellant must point to something in the reasons of the trial judge or perhaps elsewhere in the record that make it clear that the trial judge applied different standard in assessing the evidence of the appellant and the complainant.

La détermination du caractère libre et volontaire d'une déclaration est une question de fait ou une question mixte de faits et de droit

R. v. Wabason, 2018 ONCA 187 (CanLII)

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[8]         The determination of whether a confession is voluntary is a question of fact or of mixed law and fact. Disagreement about the weight to be given to pieces of evidence is not a basis for appellate interference. If the application judge properly considers all the relevant circumstances, then a finding regarding voluntariness is essentially a factual one, and should only be overturned for “some palpable and overriding error which affected [the application judge’s] assessment of the facts”: Oickle, at paras. 22, 71; and R. v. Spencer2007 SCC 11 (CanLII)[2007] 1 S.C.R. 500, at paras. 16-17.

jeudi 7 juin 2018

La juridiction de la Cour supérieure à l'égard d'un acte criminel converti en déclaration sommaire sur plaidoyer de culpabilité


R. c. Lévesque, 2002 CanLII 41137 (QC CA)
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[12]           En application de l'article 606.(4) C.cr., la Cour supérieure qui a juridiction à l'égard d'un acte criminel dont une personne est inculpée conserve juridiction pour recevoir le plaidoyer de culpabilité de cette personne relativement à une infraction punissable sur déclaration sommaire de la culpabilité et pour infliger à cette personne la peine commandée par l'infraction.
[13]           Lorsqu'il exerce cette compétence, le juge de la Cour supérieure ne cesse pas d'être un juge de la Cour supérieure et sa sentence peut faire l'objet d'un appel en application de l'article 676.(1)d) C.cr. puisque au départ la procédure qui était devant lui était un acte d'accusation. À cet égard je m'appuie sur l'arrêt de la Cour d'appel du Manitoba dans l'affaire R. c. Yaworski (1959)124 C.C.C. 151. Je n'attache pas d'importance au fait que dans cette dernière affaire ce n'est que par le jugement que l'acte criminel allégué contre l'accusé fut transformé en une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité alors qu'en l'espèce ce fut avant le jugement qu'avec l'accord du ministère, l'accusé a avoué sa culpabilité à des infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité.

Un appel par le ministère public soulevant des questions de droit, mixtes ou même des questions de fait n'est pas apprécié par le même forum et le ministère public doit en être conscient dans la formulation de son avis d'appel

R. c. Lafortune, 2018 QCCA 16 (CanLII)

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[17]        Vu la conclusion de la Cour quant au caractère tardif de l’appel, il y a lieu de statuer sur la requête de bene esse du ministère public pour prorogation du délai d’appel en application du paragr. 678(2) C.cr. Essentiellement, il soutient, d’une part, avoir agi à l’intérieur du délai de 30 jours de la décision du jury du 1er juillet 2016, manifestant ainsi son intention de respecter le délai qu’il croyait erronément applicable en l’espèce et, d’autre part, avoir des motifs sérieux d’appel à faire valoir. L’intimé conteste ce point de vue et fait, de surcroît valoir que les moyens d’appel énoncés par l’avis d’appel du ministère public ne soulèvent que des questions de fait ou mixtes de droit et de fait, d’où sa seconde requête en rejet d’appel.
[18]        Il s’agit d’appliquer les critères bien connus des arrêts R. c. Lamontagne[5], et, par analogie, R. c. Roberge[6].
[19]        Sur les premier et troisième critères, le ministère public a agi dans le délai de 30 jours qu’elle croyait erronément applicable. Il faut également reconnaître que la question soulevée ici quant au point de départ du délai d’appel est nouvelle. Dans un tel contexte, il est difficile de lui reprocher un manque de diligence, à tout le moins quant à la manifestation de son intention de contester les verdicts dirigés d’acquittement. On ne peut cependant en dire autant quant au dépôt de la requête de bene esse en prorogation du délai que le ministère public aurait dû produire de façon diligente après avoir été informé de la position de l’intimé sur le caractère tardif de l’appel, et non pas dans les jours précédant l’audition de la requête en rejet d’appel.
[20]        Demeure le second critère, soit qu’il entend soulever des motifs d’appel sérieux. Le ministère public qualifie son appel de « type incident, tel que reconnu dans l’arrêt R. c. Seth[7] ». Celui-ci cherche, dans l’éventualité où un second procès serait ordonné à la suite de l’appel de l’intimé sur sa déclaration de culpabilité sur le chef 1 (complot), à préserver les accusations qui ont été écartées par la juge.
[21]        L’avis d’appel, rédigé avant que les motifs du jugement ne soient connus, est succinct et détaille brièvement les reproches adressés à la juge du procès. Voici les moyens d’appel qui y sont énoncés :
4.         L’appelante poursuivante se pourvoit à l’encontre de ces verdicts dirigés d’acquittement pour les motifs de droit suivants :
A)         La juge du procès a erré en droit en concluant qu’il y avait absence totale de preuve à l’égard d’au moins un des éléments essentiels de l’infraction de recyclage des produits de la criminalité, alors que la preuve circonstancielle était suffisante pour être soumise à l’appréciation du jury;
B)        La juge du procès a erré en droit en concluant qu’il y avait absence totale de preuve à l’égard d’au moins un des éléments essentiels de l’infraction de recyclage des produits de la criminalité commise au profit, sous la direction ou en association avec une organisation criminelle, alors que la preuve circonstancielle était suffisante pour être soumise à l’appréciation du jury;
C)        La juge du procès a erré en droit en excluant de son analyse les gestes posés par l’intimé accusé postérieurement à son implication directe dans les chefs nos 3 et 8, alors qu’il revenait aux jurés d’apprécier l’effet rétroactif de cette preuve circonstancielle et de tirer les inférences en découlant;
D)        Les verdicts dirigés d’acquittement sur les chefs nos. 3 et 9 démontrent que la juge d’instance n’a pas effectivement appliqué le critère de l’« absence totale de preuve » lorsqu’elle a évalué le caractère raisonnable des écarts inférentiels qui pouvaient être tirés de l’ensemble de la preuve circonstancielle analysée globalement.


[22]        À première vue, l’avis d’appel soulève des questions de droit, comme l’enseigne la Cour suprême dans R. c. Barros[8], où le juge Binnie écrit :
[48] Le juge ne peut imposer un verdict s’il existe un quelconque élément de preuve directe ou circonstancielle admissible qui, s’il était accepté par un jury correctement instruit agissant de manière raisonnable, justifierait une déclaration de culpabilité : R. c. Charemski1998 CanLII 819 (CSC)[1998] 1 R.C.S. 679, par.1-4; R. c. Bigras2004 CanLII 21267 (ON CA)2004 CanLII 21267 (C.A.Ont.), par. 10-17. La question de savoir si le critère juridique est satisfait eu égard aux faits est une question de droit qui ne commande pas, en appel, de déférence envers le juge du procès. Selon l’article 676 du Code criminel, le ministère public peut introduire un recours devant la Cour d’appel si une erreur de droit a été commise.
[23]        Toutefois, il se pourrait que le traitement qui en serait fait par le ministère public soulève des questions mixtes ou même des questions de fait, ce qu’une formation serait mieux à même d’évaluer au vu du mémoire du ministère public. Une certaine retenue s’impose ici avant de statuer sur cette question compte tenu du caractère succinct de l’avis d’appel. Cela dit, il demeure, à ce stade-ci, et sans se prononcer sur l’issue de l’appel, le ministère public s’est néanmoins déchargé de son fardeau de faire valoir l’existence de moyens soutenables en appel (arguable grounds of appeal[9]) au regard notamment des arrêts R. c. Charemski[10] et R. c. Arcuri[11].
[24]        Somme toute, malgré le délai encouru avant le dépôt de la requête en prorogation de délai, il y a lieu de faire droit à la demande du ministère public. De même, vu les constats de la Cour au paragraphe précédent, il y a lieu de déférer à la formation qui sera saisie du fond de l’appel la requête de l’intimé en rejet d’appel en ce qui concerne l’absence alléguée de questions de droit.

jeudi 24 mai 2018

Seul l’évolution des circonstances peut justifier la modification des conditions facultatives d’un sursis

R. c. Provencher, 2012 QCCA 18 (CanLII)

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[18]        L’article 742.4 C.cr. permet la modification des conditions facultatives d’un sursis lorsque « […] l’évolution des circonstances […] » le justifie. De telles circonstances n'ont pas été démontrées par l'intimée.
[19]        Toutes les circonstances invoquées par l'intimée devant le premier juge, le 22 novembre dernier, auraient pu l'être le 13 octobre puisqu’elles existaient déjà à cette date. Ces circonstances n'ont pas évolué depuis la décision sur la peine, elles sont strictement demeurées les mêmes. L'avocat qui représentait l'intimée à la première occasion a fait le choix ou a négligé de présenter une preuve à l'appui de sa demande formulée verbalement à l'audience.
[20]        Le juge ne pouvait réviser sa décision de refuser la demande sur la foi d'une preuve additionnelle qui consistait à plaider de nouveau, d'abondant, la demande originelle. Ajoutons que la demande faite le 13 octobre était moins de conséquence que celle du 22 novembre puisque la modification des conditions facultatives était demandée pour une période d'une semaine alors que, dans la réalité, la période de vacances organisée était du double, ce qui ne sera connu que plus tard.
[21]        Si l'intimée était en désaccord avec la décision du 13 octobre, elle n’avait d'autre choix que de tenter de se pourvoir devant la Cour sur la base du dossier constitué et de demander, le cas échéant, de présenter une « preuve nouvelle ». Le paragraphe 742.4 C.crne donne pas ouverture à ce que nos collègues anglophones qualifient, de façon imagée, de « second kick at the can ». Sans un changement significatif des circonstances depuis la date de la sentence[3], changement qui n'a pas été démontré ici, cette disposition n'est d'aucun secours à l'intimée et le juge aurait dû rejeter la demande.

Norme d’intervention en appel d’une sentence

R. c. Lacasse, [2015] 3 RCS 1089, 2015 CSC 64 (CanLII)

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[36]                          En général, les cours d’appel jouent un double rôle en matière de contrôle de la cohérence, de la stabilité et de la pérennité de la jurisprudence tant en droit criminel qu’en droit civil. D’une part, elles font office de rempart contre les erreurs commises par les tribunaux de première instance. Elles sont ainsi appelées à rectifier les erreurs de droit et à contrôler la raisonnabilité de l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Il leur revient de veiller à ce que les tribunaux de première instance énoncent correctement le droit et l’appliquent uniformément.
[37]                          D’autre part, les cours d’appel doivent voir au développement cohérent du droit, tout en énonçant des lignes directrices propres à en assurer une application homogène à l’intérieur d’un même territoire. Elles sont donc appelées à clarifier le droit lorsque la chose est nécessaire ou en cas de décisions contradictoires : T. Desjardins, L’appel en droit criminel et pénal (2e éd. 2012), p. 1. Au Québec, la Cour d’appel assume une responsabilité additionnelle en matière civile, en ce qu’elle veille à l’interprétation harmonieuse des règles particulières du droit civil québécois.
[38]                          En droit criminel, ce double rôle des cours d’appel s’exerce tant à l’égard de l’appel d’un verdict que de l’appel d’une peine. En cas d’appel d’une sentence, le pouvoir d’une cour d’appel de substituer une peine à celle fixée par le juge de première instance est prévu à l’art. 687 du Code criminel :
687. (1) S’il est interjeté appel d’une sentence, la cour d’appel considère, à moins que la sentence n’en soit une que détermine la loi, la justesse de la sentence dont appel est interjeté et peut, d’après la preuve, le cas échéant, qu’elle croit utile d’exiger ou de recevoir :

a) soit modifier la sentence dans les limites prescrites par la loi pour l’infraction dont l’accusé a été déclaré coupable;

b) soit rejeter l’appel.

(2) Un jugement d’une cour d’appel modifiant la sentence d’un accusé qui a été déclaré coupable a la même vigueur et le même effet que s’il était une sentence prononcée par le tribunal de première instance.

[39]                          Notre Cour a maintes fois réitéré que les cours d’appel ne peuvent intervenir à la légère. En effet, le juge de première instance jouit d’une grande discrétion pour prononcer la peine qui lui semble appropriée dans les limites déterminées par la loi : par. 718.3(1) du Code criminel; voir aussi R. c. Shropshire1995 CanLII 47 (CSC)[1995] 4 R.C.S. 227, par. 46; R. c. L.M.2008 CSC 31 (CanLII)[2008] 2 R.C.S. 163, par. 14; R. c. L.F.W.2000 CSC 6 (CanLII)[2000] 1 R.C.S. 132, par. 25; R. c. Nasogaluak2010 CSC 6 (CanLII)[2010] 1 R.C.S. 206, par. 43-46.
[40]                          À cet égard, dans Shropshire, le juge Iacobucci a expliqué que l’examen de la justesse d’une peine ne justifie pas l’adoption d’une approche interventionniste en appel :
Une cour d’appel ne devrait pas avoir toute latitude pour modifier une ordonnance relative à la détermination de la peine simplement parce qu’elle estime qu’une ordonnance différente aurait dû être rendue. La formulation d’une ordonnance relative à la détermination de la peine est un processus profondément subjectif; le juge du procès a l’avantage d’avoir vu et entendu tous les témoins, tandis que la cour d’appel ne peut se fonder que sur un compte rendu écrit. Il n’y a lieu de modifier la peine que si la cour d’appel est convaincue qu’elle n’est pas indiquée, c’est-à-dire si elle conclut que la peine est nettement déraisonnable. [par. 46]
[41]                          Dans Proulx, sous la plume du juge en chef Lamer, notre Cour a rappelé ces mêmes principes, qui demeurent toujours pertinents :
Au cours des dernières années, notre Cour a maintes fois réaffirmé que les cours d’appel doivent faire montre de beaucoup de retenue à l’égard de la peine infligée par le juge du procès:  voir Shropshire, précité, aux par. 46 à 50; M. (C.A.), précité, aux par. 89 à 94; McDonnell, précité, aux par. 15 à 17 (motifs de la majorité); Rc. W(G.)1999 CanLII 668 (CSC)[1999] 3 R.C.S. 597, aux par. 18 et 19.  Dans M. (C.A.), j’ai écrit ceci, au par. 90 :

Plus simplement, sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, une cour d’appel ne devrait intervenir pour modifier la peine infligée au procès que si elle n’est manifestement pas indiquée.  Le législateur fédéral a conféré expressément aux juges chargés de prononcer les peines le pouvoir discrétionnaire de déterminer le genre de peine qui doit être infligée en vertu du Code criminel et l’importance de celle‑ci.  [Premier soulignement ajouté; deuxième soulignement dans l’original.]

. . .

Bien qu’une cour d’appel puisse ne pas avoir la même opinion que le juge du procès sur les objectifs qu’il convient de poursuivre et sur la meilleure façon de les réaliser, une telle divergence d’opinions ne constitue généralement pas une erreur de droit lui permettant d’intervenir.  En outre, des erreurs mineures dans la séquence d’application de l’art. 742.1 ne justifient pas toujours l’intervention des cours d’appel.  Encore une fois, je souligne que les cours d’appel ne doivent pas remettre en question la décision du juge qui prononce la peine à moins que celle‑ci ne soit manifestement inappropriée. [par. 123 et 125]
Ces principes ont depuis été réitérés dans les arrêts L.M. et Nasogaluak.
[42]                          Mon collègue affirme qu’une peine peut ne pas être juste si le processus de réflexion ou le raisonnement sur lequel elle est fondée est entaché d’une erreur révisable (par. 140). Pour cette raison, à son avis, lorsque le raisonnement du juge de première instance est entaché d’une erreur révisable, par exemple si ce dernier a caractérisé un élément constitutif de facteur aggravant (par. 146), une cour d’appel est alors toujours en droit d’intervenir pour évaluer la justesse de la peine infligée par le juge de première instance. Ce faisant, elle peut alors confirmer cette peine si elle la considère juste, ou infliger la peine qu’elle estime appropriée sans avoir à faire preuve de déférence (par. 139 et 142). En d’autres mots, dès qu’un juge de première instance commet dans son analyse une erreur de droit ou de principe, quelle qu’elle soit, cette erreur ouvre la porte à l’intervention d’une cour d’appel, laquelle peut substituer son opinion à celle du juge du procès.
[43]                          Avec égards pour l’opinion exprimée par mon collègue, je suis d’avis que ses propos à ce sujet doivent être nuancés. Je reconnais que la présence d’une erreur de principe, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant peut justifier l’intervention d’une cour d’appel, et lui permettre d’évaluer la justesse de la peine et d’y substituer la peine qu’elle estime appropriée. Cependant, je suis d’avis que ce ne sont pas toutes les erreurs de ce genre, quel que soit leur impact sur le raisonnement du premier juge, qui autorisent une cour d’appel à intervenir. L’application d’une règle aussi stricte risquerait de miner la discrétion accordée au juge de première instance. En conséquence, il faut éviter de « banaliser l’expression “erreur de principe” » : R. c. Lévesque-Chaput2010 QCCA 640 (CanLII), par. 31 (CanLII).
[44]                          À mon avis, la présence d’une erreur de principe, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant ne justifiera l’intervention d’une cour d’appel que lorsqu’il appert du jugement de première instance qu’une telle erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine.
[45]                          À tire d’exemple, dans l’arrêt R. c. Gavin2009 QCCA 1 (CanLII), la Cour d’appel du Québec a conclu, dans un premier temps, que le juge de première instance avait erronément considéré l’absence de remords et la manière de conduire la défense à titre de circonstances aggravantes (par. 29 (CanLII)). Cependant, dans un deuxième temps, elle a considéré l’impact que cette erreur avait eu sur la détermination de la peine et affirmé ce qui suit, au par. 35 de son jugement :
J’estime que l’absence de remords fut un facteur secondaire dans l’évaluation du juge de première instance. La facture du jugement le démontre. Le juge a mentionné et tenu compte de tous les facteurs pertinents à la détermination de la peine et la question de l’absence de remords n’a été qu’incidente. [. . .] Par conséquent, cette erreur de principe n’aura pas eu d’incidence véritable sur la détermination de la peine à moins que la Cour en vienne à la conclusion que la peine infligée fut plus sévère au motif que le juge a erronément retenu à titre de circonstance aggravante la manière de conduire la défense (comme ce fut le cas dans R. c. Beauchamp, précité) et l’absence de remords. Il s’agit donc essentiellement maintenant de s’assurer que la peine n’est pas nettement déraisonnable . . .
Jugeant que l’erreur de principe commise par le juge de première instance n’était pas déterminante et n’avait eu aucune incidence sur la détermination de la peine, la Cour d’appel a, avec raison, considéré que l’erreur en question ne pouvait à elle seule justifier son intervention. C’est pour cette raison qu’elle s’est ultimement demandé si la peine était nettement déraisonnable eu égard aux circonstances.
[46]                          Ce raisonnement a également été retenu par la Cour d’appel du Québec dans l’affaire R. c. Sidhu2009 QCCA 2441 (CanLII). Tout comme dans Gavin, le juge de première instance avait considéré l’absence de remords comme un facteur aggravant (par. 23 (CanLII)). Cependant, la Cour d’appel a estimé que cette erreur n’était pas déterminante et n’avait eu aucun impact sur la détermination de la peine (par. 24). Jugeant que la peine infligée n’aurait pas été différente en l’absence de l’erreur en question (par. 26), il ne s’agissait pas d’une erreur révisable (par. 55). En conséquence, au lieu de simplement substituer son opinion à celle du juge de première instance en raison d’une erreur de principe, la Cour d’appel s’est plutôt limitée à se demander si la peine était déraisonnable ou manifestement inappropriée nonobstant cette erreur. En concluant que non, elle a décidé de ne pas intervenir (par. 55).
[47]                          À ce sujet, j’estime que l’impact de deux décisions citées par mon collègue à l’appui de son opinion suivant laquelle une cour d’appel peut intervenir en cas d’erreur de droit ou de principe, quelle qu’elle soit, doit être précisé et nuancé. Dans l’arrêt R. c. Flight2014 ABCA 380 (CanLII)584 A.R. 392, la Cour d’appel de l’Alberta a conclu que la juge de première instance avait commis une erreur en considérant que la consommation d’alcool et le décès d’une victime constituaient des circonstances aggravantes dans un cas de conduite avec les capacités affaiblies causant la mort (par. 4).  La Cour d’appel est en conséquence intervenue et a substitué son opinion à celle de la juge de première instance, au motif que celle-ci avait commis une erreur de principe. Elle a toutefois précisé qu’il était difficile dans l’affaire en question d’évaluer l’importance que la juge avait accordée aux facteurs aggravants en cause dans son jugement (par. 5). De plus, dans l’arrêt Stimson, la Cour d’appel de l’Alberta a relevé au moins quatre erreurs de principe dans le jugement de première instance, lesquelles ont bel et bien eu un impact sur l’analyse du juge (par. 20-27). Pour cette raison, son intervention était nettement justifiée.
[48]                          Le rappel formulé par notre Cour en faveur du respect du pouvoir discrétionnaire exercé par le juge de première instance s’explique aisément. D’abord, ce dernier a l’avantage d’avoir pu observer les témoins au procès et d’avoir pu entendre les observations formulées lors des plaidoiries sur la peine. Ensuite, le juge qui prononce la peine connaît habituellement bien les circonstances qui existent dans le district où il siège et, de ce fait, les besoins particuliers de la communauté dans laquelle le crime a été commis : R. c. M. (C.A.)1996 CanLII 230 (CSC)[1996] 1 R.C.S. 500, par. 91. Enfin, comme le souligne le juge Doherty dans l’arrêt R. c. Ramage2010 ONCA 488 (CanLII)257 C.C.C. (3d) 261, l’utilisation judicieuse des ressources judiciaires est une considération qu’il ne faut jamais perdre de vue :
[traduction] Constitue une utilisation abusive des ressources judiciaires le fait pour une cour d’appel de répéter l’exercice d’appréciation discrétionnaire déjà effectué par le juge de première instance, en l’absence de raison de croire que ce second effort donnera de meilleurs résultats que le premier. En outre, cette intervention retarde l’issue définitive du processus criminel engagé, sans avantage corrélatif pour celui-ci. [par. 70]
[49]                          Pour les mêmes raisons, une cour d’appel ne peut intervenir simplement parce qu’elle aurait attribué un poids différent aux facteurs pertinents. En effet, dans Nasogaluak, le juge LeBel se réfère à l’arrêt R. c. McKnight (1999), 1999 CanLII 3717 (ON CA)135 C.C.C. (3d) 41 (C.A. Ont.), par. 35, à cet égard :
[traduction] Suggérer que le juge de première instance a commis une erreur de principe parce que, de l’avis du tribunal d’appel, il a accordé trop de poids à un facteur pertinent ou trop peu à un autre équivaut à faire fi de toute déférence. La pondération des facteurs pertinents, le processus de mise en balance, voilà l’objet de l’exercice du pouvoir discrétionnaire. La déférence dont il faut faire preuve à l’égard des décisions prises par le juge dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire commande qu’on évalue la façon dont il a soupesé ou mis en balance les différents facteurs au regard de la norme de contrôle de la raisonnabilité. Ce n’est que si le juge du procès a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable, en insistant trop sur un facteur ou en omettant d’accorder suffisamment d’importance à un autre, que le tribunal d’appel pourra modifier la peine au motif que le juge a commis une erreur de principe. [par. 46]    
[50]                          Les propos de la Cour d’appel du Québec au par. 31 de sa décision dans Lévesque-Chaput vont dans le même sens :
Sans doute s’est-il arrêté sur les circonstances atténuantes avec une insistance que l’appelante juge trop grande, mais cet exercice de pondération est de son ressort et les motifs qu’il a livrés permettent aisément de suivre son raisonnement.
[51]                          En outre, le choix de la fourchette de peines ou de l’une de ses catégories relève de la discrétion du juge de première instance et ne peut, en soi, constituer une erreur révisable. Pour cette raison, une cour d’appel ne peut intervenir parce qu’elle aurait placé la peine dans une fourchette ou une catégorie différente.  Elle ne peut intervenir que si la peine infligée est manifestement non indiquée.
[52]                          Il peut arriver que, même si le juge ne commet aucune erreur, la peine qu’il inflige soit manifestement non indiquée. Comme l’affirmait le juge Laskin de la Cour d’appel de l’Ontario, une peine [traduction] « manifestement non indiquée » a été décrite d’une multitude de façons dans la jurisprudence : peine « nettement déraisonnable » ou « manifestement déraisonnable », « nettement ou manifestement excessive », « nettement excessive ou inadéquate », ou encore peine montrant un « écart marqué et important » (R. c. Rezaie (1996), 1996 CanLII 1241 (ON CA)31 O.R. (3d) 713 (C.A.), p. 720). Toutes ces formulations traduisent le seuil très élevé que doivent respecter les cours d’appel afin de déterminer si elles doivent intervenir suivant leur examen de la justesse d’une peine.
[53]                          Cet examen doit être axé sur le principe fondamental de la proportionnalité énoncé à l’art. 718.1 du Code criminel, lequel précise que la peine doit être « proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant ». Une peine sera donc manifestement non indiquée si elle s’écarte de manière déraisonnable de ce principe. La proportionnalité se détermine à la fois sur une base individuelle, c’est-à-dire à l’égard de l’accusé lui-même et de l’infraction qu’il a commise, ainsi que sur une base comparative des peines infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. L’individualisation et l’harmonisation de la peine doivent être conciliées pour qu’il en résulte une peine proportionnelle : al. 718.2 a) et b) du Code criminel.
[54]                          La justesse d’une peine est également fonction des objectifs du prononcé de la peine codifiés à l’art. 718 du Code criminel, ainsi que des autres principes pénologiques codifiés à l’art. 718.2. Mais là encore, il appartient au juge de première instance de bien soupeser ces divers principes et objectifs, dont l’importance relative variera nécessairement selon la nature du crime et les circonstances dans lesquelles il a été commis. Le principe de l’harmonisation des peines, sur lequel s’est appuyée la Cour d’appel, est subordonné au principe fondamental de la proportionnalité. Notre Cour l’a reconnu en ces termes dans l’affaire M. (C.A.) :
On a à maintes reprises souligné qu’il n’existe pas de peine uniforme pour un crime donné. [. . .] La détermination de la peine est un processus intrinsèquement individualisé, et la recherche d’une peine appropriée applicable à tous les délinquants similaires, pour des crimes similaires, sera souvent un exercice stérile et théorique. [par. 92] 
[55]                          Ce même principe de l’harmonisation ou de la similarité des peines ne permet pas non plus d’écarter la déférence due au juge qui inflige la peine, sauf dans les circonstances déjà mentionnées. Notre Cour l’a rappelé dans L.M. :
On ne pouvait prioriser cet exercice d’harmonisation des peines au détriment de la règle du respect de la discrétion du juge de procès, dans la mesure où la sentence n’était pas entachée d’une erreur de principe et où la première juge n’avait pas infligé une peine nettement déraisonnable en accordant une attention inadéquate à des facteurs particuliers ou en évaluant incorrectement la preuve (M. (C.A.), par. 92, cité dans McDonnell, par. 16; W. (G.), par. 19; voir aussi Ferris, p. 149, et Manson, p. 93). [par. 35]





Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le juge a une discrétion afin de permettre l'usage de questions suggestives lors de l'interrogatoire en chef

R. v. Muise, 2013 NSCA 81 Lien vers la décision [ 23 ]                                               The law on the use of leading questions...