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mardi 24 juin 2025

La fourchette des peines attribuées à travers le Canada pour les infractions en matière de stupéfiants & la dérogation à la fourchette des peines

R. c. Moreira, 2011 QCCA 1828

Lien vers la décision


[14]           S'il est vrai qu'une peine qui se situe en dehors de la fourchette établie par la jurisprudence pour un type d'infraction en particulier n'est pas « nécessairement inappropriée »[2], le juge doit pouvoir justifier une telle décision en s'appuyant sur un des principes prévus aux articles 718 et 718.2 C.cr., ce qui ne peut être fait en l'espèce. En conséquence, la Cour est d'avis qu'il y a lieu de modifier la peine d'emprisonnement discontinue imposée à l'intimé.

[15]           Récemment, dans la décision R. c. Nasogaluak[3], la Cour suprême a rappelé les principes de détermination de la peine en matière criminelle, un processus en vertu duquel le juge de première instance dispose d'un large pouvoir discrétionnaire :

[43]        Les articles 718 à 718.2 du Code sont rédigés de manière suffisamment générale pour conférer aux juges chargés de déterminer les peines un large pouvoir discrétionnaire leur permettant de façonner une peine adaptée à la nature de l’infraction et à la situation du délinquant. Sous réserve de certaines règles particulières prescrites par la loi, le prononcé d’une peine « juste » reste un processus individualisé, qui oblige le juge à soupeser les objectifs de détermination de la peine de façon à tenir compte le mieux possible des circonstances de l’affaire (R. c. Lyons1987 CanLII 25 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 309; M. (C.A.)R. c. Hamilton (2004), 2004 CanLII 5549 (ON CA), 72 O.R. (3d) 1 (C.A.)). Aucun objectif de détermination de la peine ne prime les autres. Il appartient au juge qui prononce la sanction de déterminer s’il faut accorder plus de poids à un ou plusieurs objectifs, compte tenu des faits de l’espèce. La peine sera par la suite ajustée — à la hausse ou à la baisse — dans la fourchette des peines appropriées pour des infractions similaires, selon l’importance relative des circonstances atténuantes ou aggravantes, s’il en est. Il découle de ce pouvoir discrétionnaire du juge d’arrêter la combinaison particulière d’objectifs de détermination de la peine et de circonstances aggravantes ou atténuantes devant être pris en compte que chaque affaire est tranchée en fonction des faits qui lui sont propres, sous réserve des lignes directrices et des principes fondamentaux énoncés au Code et dans la jurisprudence.

[16]           La Cour, sous la plume du juge LeBel, explique toutefois que ce pouvoir discrétionnaire n'est pas sans limites. Le principe de parité, par exemple, exige une certaine harmonisation des peines pour les crimes semblables commis dans des circonstances semblables[4]. La jurisprudence vient donc circonscrire le pouvoir discrétionnaire du juge en définissant une fourchette de peines appropriées pour une infraction donnée. Cela dit, cette fourchette ne constitue pas une règle absolue, le tribunal pourra s'en écarter si cela est justifié par les principes de détermination de la peine énoncée plus haut :

[44]        Le vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux juges chargés de la détermination de la peine comporte toutefois des limites. Il est en partie circonscrit par les décisions qui ont établi, dans certaines circonstances, des fourchettes générales de peines applicables à certaines infractions, en vue de favoriser, conformément au principe de parité consacré par le Code, la cohérence des peines infligées aux délinquants. Il faut cependant garder à l’esprit que, bien que les tribunaux doivent en tenir compte, ces fourchettes représentent tout au plus des lignes directrices et non des règles absolues. Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu’elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Une telle sanction n’est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l’infraction a été commise.

[Soulignage ajouté]

[17]           Afin de déterminer si la peine de 90 jours d'emprisonnement discontinue imposée à l'intimé par le premier juge respecte ces principes, il importe tout d'abord de déterminer quelle est la fourchette applicable aux infractions commises par l'intimé et, ensuite, d'évaluer s'il existait en l'espèce une justification permettant au juge de s'écarter de cette fourchette.

[18]           L'auteur Clayton C. Ruby présente une revue de la jurisprudence concernant les peines attribuées à travers le Canada pour les infractions en matière de stupéfiants. On constate que ces peines varient énormément en fonction de la nature de la drogue en question. Par exemple, en matière d'héroïne, « [i]t is not uncommon for trafficking sentences to begin at the one – to two – year mark where the offender is not an addict and had no prior record »[5]. En comparaison, il explique que les infractions reliées à la cocaïne étaient généralement considérées comme étant moins graves, mais que cela change, entre autres, en raison du crack, un dérivé de la cocaïne :

Cocaine was once regarded by courts as a drug that is somewhat more serious than marijuana but less serious than heroin. However, due to the existence of crack cocaine and intravenous cocaine users, this attitude appears to be changing. More recent sentences for cocaine seem on par with those imposed for heroin possession or trafficking.[6]

[Soulignage ajouté]

[19]           Le dérivé de la cocaïne que l'on appelle crack ou cocaïne-base serait d'une grande dangerosité et les infractions qui y sont liées entraîneraient des peines importantes[7]. Ainsi, « [o]ffenders caught trafficking even minor amounts may be exposed to incarceration despite mitigating factors »[8].

[20]           Cette Cour a déjà traité des nombreux risques associés au trafic du crack. Dans l'arrêt R. c. Dorvilus[9], le juge Baudouin, s'exprimant au nom d'une cour majoritaire, décrivait ainsi les dangers reliés à cette drogue :

Le crack crée chez l'usager une sensation intense et très rapide, mais de courte durée, et une dépendance forte et pratiquement immédiate. C'est une drogue dont l'usage se propage à grande vitesse à l'heure actuelle surtout chez les enfants et chez les jeunes, parce qu'elle est bon marché par rapport à la cocaïne en poudre ou à l'héroïne. Une "roche" de crack se vend en effet entre 10 $ et 15 $ alors que 25 $ à 40 $ sont nécessaires à l'achat d'un quart de gramme de cocaïne en poudre.  On note aussi qu'elle provoque chez l'usager en manque, de l'agressivité et des tendances à la paranoïa.

[21]           Il concluait également à la nécessité pour les tribunaux d'adopter une attitude sévère à l'égard des trafiquants de crack :

[…] les tribunaux ont le devoir de se montrer sévères et non complaisants en matière de trafic de crack, eu égard surtout au fait que la substance crée une grande dépendance et une dépendance quasi-immédiate, qu'elle est une drogue bon marché à la portée donc de la bourse des enfants et des adolescents.

[22]           Il effectue par la suite une revue de la jurisprudence afin de présenter l'éventail des peines attribuées en matière de trafic de crack. Outre une affaire où l'accusé avait été détenu de manière préventive dans des conditions difficiles, toutes les peines mentionnées variaient entre 6 et 54 mois d'emprisonnement. En conséquence, le juge Baudouin décida de confirmer la peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour qui avait été attribuée par le juge de première instance.

[23]           Ainsi, tel que l'intimé l'admet dans son mémoire, la peine de 90 jours d'emprisonnement à purger de manière discontinue imposée par le premier juge se situe clairement à l'extérieur de la fourchette établie par la jurisprudence pour le type d'infraction que l'intimé a commise. Il faut donc évaluer si l'application des principes de détermination de la peine justifiait en l'espèce de s'écarter de cette fourchette.

[24]           L'arrêt majoritaire de cette Cour dans R. c. Lafrance[10] constitue un bel exemple de la possibilité pour un juge de « prononcer une sanction qui déroge de la fourchette établie » à laquelle le juge LeBel faisait référence dans l'arrêt Nasogaluak[11].

[25]           L'arrêt Lafrance portait justement sur l'appel d'une peine discontinue de 90 jours d'emprisonnement infligée à un accusé ayant plaidé coupable aux infractions de trafic et de possession de cocaïne en vue d'en faire le trafic. L'accusé en était également à sa première infraction et il avait lui aussi commis cette infraction grave dans un esprit de lucre.

[26]           Alors que le juge en chef Bisson, dissident, proposait d'intervenir afin de remplacer la peine retenue par le premier juge par une peine de 9 mois d'emprisonnement, le juge LeBel, alors à la Cour d'appel, et la juge Otis concluaient plutôt au rejet de l'appel.

[27]           Dans ses motifs, le juge LeBel s'attardait à rejeter la théorie du starting point retenue dans d'autres provinces et selon laquelle la jurisprudence aurait défini des minimums absolus concernant la peine attribuable à certaines infractions. Il reconnaît que les tribunaux ont imposé des peines sévères en matière de stupéfiant, mais il considère que le juge a le pouvoir de s'en écarter si les facteurs individuels de l'accusé, par exemple ses possibilités de réadaptation, le justifient :

Clémente, la sentence du premier juge ne paraît pas illégale. Elle repose sur un pari raisonné et justifié par la preuve disponible voulant que Lafrance soit sorti de sa période criminelle. Pour le juge Poirier, il ne pose plus un risque pour la société, dans l'avenir. Il refait sa vie.

[28]           L'importance de l'objectif de réinsertion sociale des délinquants dans cette affaire apparaît encore plus clairement des motifs de la juge Otis. Elle écrit :

Une fois reconnues les dévastations sociales engendrées par les stupéfiants et les drogues et l'adéquation trop fréquente entre l'usage de ces substances et la commission des infractions contre la personne et les droits de propriété, il coule de source que le message de dissuasion et de neutralisation, en regard de ces crimes, doit être porté haut et fort.

Mais il arrive que le juge, à qui incombe le devoir de déterminer la peine, nourisse la conviction sincère que la fonction utilitaire de la sentence, soit la prévention par la dissuasion, ait plus de chances d'atteindre son accomplissement par la mise en oeuvre de la fonction individuelle de la sentence, soit la réhabilitation.

[Soulignage ajouté]

Et plus loin :

Si, dans les infractions reliées au trafic et à la possession pour fins de trafic des stupéfiants, le critère de la dissuasion générale constitue une considération de première importance, il n'en reste pas moins que le critère de la réadaptation, lorsqu'il fait l'objet d'une démonstration particulièrement convainquante, pourra devenir prééminent lors de la détermination de la peine.

[Soulignage ajouté]

[29]           Dans Lafrance, une telle démonstration avait été faite. L'agent de probation avait préparé une évaluation positive de l'accusé en le décrivant comme « une personne autonome et pourvu d'une bonne maturité » et le juge de première instance avait déclaré « [croire] à la réhabilitation possible de l'accusé ».

Lorsque la règle d'harmonisation des peines est en cause, seul un écart marqué et substantiel peut justifier l'intervention en appel

Paré c. R., 2011 QCCA 2047

Lien vers la décision


[35]        On le sait : les cours d’appel doivent faire preuve d’une grande retenue dans l’examen des décisions des juges de première instance en matière de peine. Dans R. c. Shropshire1995 CanLII 47 (CSC)[1995] 4 R.C.S. 227, on peut lire, au paragr. 46 :

Une cour d'appel ne devrait pas avoir toute latitude pour modifier une ordonnance relative à la détermination de la peine simplement parce qu'elle estime qu'une ordonnance différente aurait dû être rendue.  La formulation d'une ordonnance relative à la détermination de la peine est un processus profondément subjectif; le juge du procès a l'avantage d'avoir vu et entendu tous les témoins, tandis que la cour d'appel ne peut se fonder que sur un compte rendu écrit. Il n'y a lieu de modifier la peine que si la cour d'appel est convaincue qu'elle n'est pas indiquée, c'est‑à‑dire si elle conclut que la peine est nettement déraisonnable.

[36]        Puis, dans R. c. M. (C.A.), 1996 CanLII 230 (CSC)[1996] 1 R.C.S. 500, au paragr. 90 :

Plus simplement, sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, une cour d'appel ne devrait intervenir pour modifier la peine infligée au procès que si elle n'est manifestement pas indiquée. Le législateur fédéral a conféré expressément aux juges chargés de prononcer les peines le pouvoir discrétionnaire de déterminer le genre de peine qui doit être infligée en vertu du Code criminel et l'importance de celle‑ci.

[37]        Ce principe de retenue judiciaire a été repris par la Cour suprême dans R. c. L.M.2008 CSC 31 (CanLII), [2008] 2 R.C.S. 163, aux paragr. 14 et 15R. c. Proulx2000 CSC 5 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 61, aux paragr. 123 à 126R. c. McDonnell1997 CanLII 389 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 948, aux paragr. 14 à17, et R. c. Nasogaluak2010 CSC 6 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 206. Dans ce dernier arrêt, le juge LeBel écrit :

Le vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux juges chargés de la détermination de la peine comporte toutefois des limites. Il est en partie circonscrit par les décisions qui ont établi, dans certaines circonstances, des fourchettes générales de peines applicables à certaines infractions, en vue de favoriser, conformément au principe de parité consacré par le Code, la cohérence des peines infligées aux délinquants. Il faut cependant garder à l’esprit que, bien que les tribunaux doivent en tenir compte, ces fourchettes représentent tout au plus des lignes directrices et non des règles absolues.  Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu’elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Une telle sanction n’est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l’infraction a été commise. 

[38]        Bref, le juge de première instance a une grande discrétion, et une cour d'appel ne peut intervenir que dans des circonstances qui dénotent une erreur de principe, une insistance indue sur un facteur approprié ou encore une omission de considérer un facteur pertinent, à moins que la peine soit tout simplement manifestement non indiquée, autrement dit, nettement déraisonnable. C'est dans cet esprit que les cours d'appel conservent donc le pouvoir de s'assurer que la peine s'harmonise à celles infligées « pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables »; c'est d'ailleurs le paragr. 718.2 b) C.crqui le prévoit. De même, dans R. c. M.(C.A.), précité, on peut lire :

92   Il va de soi que les cours d'appel jouent un rôle important en contrôlant et en réduisant au minimum la disparité entre les peines infligées à des contrevenants similaires, pour des infractions similaires commises dans les diverses régions du Canada. […] Toutefois, dans l'exercice de ce rôle, les cours d'appel doivent néanmoins faire montre d'une certaine retenue avant d'intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire spécialisé que le législateur fédéral a expressément accordé aux juges chargés de déterminer les peines. […] Pour ces motifs, conformément à la norme générale de contrôle que nous avons formulée dans Shropshireje crois qu'une cour d'appel ne devrait intervenir afin de réduire au minimum la disparité entre les peines que dans les cas où la peine infligée par le juge du procès s'écarte de façon marquée et substantielle des peines qui sont habituellement infligées à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires.

[Je souligne.]

[39]        En somme, lorsque la règle d'harmonisation des peines est en cause, seul un écart marqué et substantiel peut justifier l'intervention en appel.

Lorsque la règle d'harmonisation des peines est en cause, seul un écart marqué et substantiel peut justifier l'intervention en appel

R. c. Chav, 2012 QCCA 354



[14]           On le sait : les cours d'appel doivent faire preuve d'une grande retenue dans l'examen des décisions des juges de première instance en matière de peine. Dans R. c. Shropshire1995 CanLII 47 (CSC), [1995] 4 R.C.S. 227, on peut lire, au paragr. 46 :

Une cour d'appel ne devrait pas avoir toute latitude pour modifier une ordonnance relative à la détermination de la peine simplement parce qu'elle estime qu'une ordonnance différente aurait dû être rendue. La formulation d'une ordonnance relative à la détermination de la peine est un processus profondément subjectif; le juge du procès a l'avantage d'avoir vu et entendu tous les témoins, tandis que la cour d'appel ne peut se fonder que sur un compte rendu écrit. Il n'y a lieu de modifier la peine que si la cour d'appel est convaincue qu'elle n'est pas indiquée, c'est-à-dire si elle conclut que la peine est nettement déraisonnable.

[15]           Puis, dans R. c. M.(C.A.)1996 CanLII 230 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 500, au paragr. 90 :

Plus simplement, sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, une cour d'appel ne devrait intervenir pour modifier la peine infligée au procès que si elle n'est manifestement pas indiquée. Le législateur fédéral a conféré expressément aux juges chargés de prononcer les peines le pouvoir discrétionnaire de déterminer le genre de peine qui doit être infligée en vertu du Code criminel et l'importance de celle-ci.

[16]           Ce principe de retenue judiciaire a été repris par la Cour suprême notamment dans R. c. L.M.2008 CSC 31 (CanLII), [2008] 2 R.C.S. 163, aux paragr. 14 et 15R. c. Proulx2000 CSC 5 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 61, aux paragr. 123 à 126R. c. McDonnell1997 CanLII 389 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 948, aux paragr. 14 à17, et R. c. Nasogaluak2010 CSC 6 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 206. Dans ce dernier arrêt, le juge LeBel écrit :

Le vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux juges chargés de la détermination de la peine comporte toutefois des limites. Il est en partie circonscrit par les décisions qui ont établi, dans certaines circonstances, des fourchettes générales de peines applicables à certaines infractions, en vue de favoriser, conformément au principe de parité consacré par le Code, la cohérence des peines infligées aux délinquants. Il faut cependant garder à l'esprit que, bien que les tribunaux doivent en tenir compte, ces fourchettes représentent tout au plus des lignes directrices et non des règles absolues. Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu'elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Une telle sanction n'est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l'infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l'infraction a été commise.

[17]           Bref, le juge de première instance a une grande discrétion, et une cour d'appel ne peut intervenir que dans des circonstances qui dénotent une erreur de principe, une insistance indue sur un facteur approprié ou encore une omission de considérer un facteur pertinent, à moins que la peine soit tout simplement manifestement non indiquée, autrement dit, nettement déraisonnable. C'est dans cet esprit de retenue que les cours d'appel conservent néanmoins le pouvoir de vérifier si la peine s'harmonise à celles infligées « pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables »; c'est d'ailleurs le paragr. 718.2 b) C.cr. qui le prévoit.

[18]           De même, dans R. c. M.(C.A.), précité, on peut lire :

92 Il va de soi que les cours d'appel jouent un rôle important en contrôlant et en réduisant au minimum la disparité entre les peines infligées à des contrevenants similaires, pour des infractions similaires commises dans les diverses régions du Canada. [...] Toutefois, dans l'exercice de ce rôle, les cours d'appel doivent néanmoins faire montre d'une certaine retenue avant d'intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire spécialisé que le législateur fédéral a expressément accordé aux juges chargés de déterminer les peines. [...] Pour ces motifs, conformément à la norme générale de contrôle que nous avons formulée dans Shropshire, je crois qu'une cour d'appel ne devrait intervenir afin de réduire au minimum la disparité entre les peines que dans les cas où la peine infligée par le juge du procès s'écarte de façon marquée et substantielle des peines qui sont habituellement infligées à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires.

[19]           En somme, lorsque la règle d'harmonisation des peines est en cause, seul un écart marqué et substantiel peut justifier l'intervention en appel.

dimanche 22 juin 2025

Face à un appel du ministère public, l’intervention de la Cour est limitée aux seules questions de droit et même s’il parvient à établir une erreur de droit, l’État doit encore convaincre la Cour que cette erreur a eu une incidence significative sur l’acquittement

R. c. Graveline, 2006 CSC 16 

Lien vers la décision


13                              Dans bon nombre de ressorts, comme le juge Cory l’a fait remarquer dans R. c. Evans1993 CanLII 102 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 629, p. 645, l’État ne peut interjeter appel du verdict d’acquittement d’un accusé au procès.  Au Canada, ce n’est pas le cas.  L’alinéa 676(1)a) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, prévoit que le procureur général peut introduire un recours devant la Cour d’appel « contre un jugement ou verdict d’acquittement [. . .] pour tout motif d’appel qui comporte une question de droit seulement ».

14                              Il est cependant établi depuis longtemps qu’un appel interjeté par le procureur général ne saurait être accueilli sur une possibilité abstraite ou purement hypothétique selon laquelle l’accusé aurait été déclaré coupable n’eût été l’erreur de droit.  Il faut des moyens plus concrets.  Pour obtenir un nouveau procès, le ministère public doit convaincre la cour d’appel qu’il serait raisonnable de penser, compte tenu des faits concrets de l’affaire, que l’erreur (ou les erreurs) du premier juge ont eu une incidence significative sur le verdict d’acquittement.  Le procureur général n’est toutefois pas tenu de nous persuader que le verdict aurait nécessairement été différent.

15                              Ce fardeau qui incombe au ministère public et qui demeure inchangé depuis plus d’un demi‑siècle (voir Cullen c. The King1949 CanLII 7 (SCC), [1949] R.C.S. 658) a été expliqué comme suit par le juge Sopinka au nom de la majorité dans R. c. Morin1988 CanLII 8 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 345 :  

 

Je reconnais volontiers que cette charge est lourde et que la poursuite doit convaincre la cour avec un degré raisonnable de certitude.  Un accusé qui a déjà été acquitté une fois ne devrait pas être renvoyé à un nouveau procès s’il n’est pas évident que l’erreur qui entache le premier procès était telle qu’il y a un degré raisonnable de certitude qu’elle a bien pu influer sur le résultat.  Tout critère plus strict exigerait qu’une cour d’appel prédise avec certitude ce qui s’est passé dans la salle de délibérations, ce qu’elle ne peut faire.  [p. 374]

 

16                              S’exprimant plus récemment dans un jugement unanime, la Juge en chef a dit ce qui suit dans R. c. Sutton, [2000] 2 R.C.S. 595, 2000 CSC 50 :  

 

Les parties s’entendent pour dire que les verdicts d’acquittement ne sont pas annulés à la légère.  Selon le critère énoncé dans Vézeau c. La Reine1976 CanLII 7 (CSC), [1977] 2 R.C.S. 277, le ministère public doit convaincre la cour que le verdict n’aurait pas été nécessairement le même s’il n’y avait pas eu d’erreurs.  Dans R. c. Morin1988 CanLII 8 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 345, notre Cour souligne le fait que « cette charge est lourde et que la poursuite doit convaincre la cour avec un degré raisonnable de certitude » (p. 374).  [par. 2]

 

17                              Les erreurs alléguées par le ministère public lorsqu’il interjette appel d’un verdict d’acquittement concernent habituellement le ou les moyens de défense invoqués par l’accusé au procès.  Pour cette raison, l’incidence de ces erreurs sur le verdict, si une erreur est démontrée, ne se limitera pas à de simples conjectures.  D’où le troisième aspect inhabituel du présent pourvoi : comme je l’ai déjà mentionné, personne n’allègue en l’espèce que les erreurs imputées au juge du procès ont eu une incidence, directe ou indirecte, sur la légalité d’un acquittement reposant sur le moyen de défense avancé par l’accusée — l’automatisme sans troubles mentaux.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Comment le Tribunal doit se gouverner face à la demande d'un co-accusé d'avoir un procès séparé de ses complices

R. v. Zvolensky, 2017 ONCA 273 Lien vers la décision [245] It is difficult to underestimate the importance of a principled, case-specific ap...