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jeudi 10 octobre 2024

Une preuve circonstancielle peut démontrer hors de tout doute raisonnable que l’arme utilisée lors d'une infraction répond à la définition d’une arme à feu

R. v. Willis, 2007 ONCJ 605

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[31]      I agree with Mr. Genua’s submission that where a firearm is not recovered, the case law requires more than just a reference in conversation to a gun, or a mere depiction of one in an image, in order to come to a reasonable conclusion that the gun is an operable firearm.  Other factors such as the circumstances of its use, its description, the conversation or images surrounding its possession, or any expert evidence tendered must permit a jury to conclude beyond a reasonable doubt that it was a real firearm.  In short, the totality of the circumstances and evidence must be taken into account.  In this regard, I have considered the following cases provided by the Crown and defence:  R. v. Charbonneau, 2004 CanLII 9527 (ON CA)[2004] O.J. No. 1503 C.A.); R. v. Richards, 2001 CanLII 21219 (ON CA)[2001] O.J. No. 2286 (C.A.);  R. v. Abdullah, [2006] O.J. No. 3936 (C.A.);  R. v. Carlson, [2002] O.J. No. 1884 (C.A.)R. v. Fakomi et al. (unreported decision of Hackett J., Ontario Court of Justice, released February 28, 2007) and upheld on review by Trafford J. in R. v. Campbell, [2007] O.J. No. 2578 (S.C.J.);  R. v. Wilson, [2006] O.J. No. 3065 (O.C.J., Lipson J.)R. v. Mills, [2001] O.J. No. 3675 (S.C.J.)R. v. Guzzo, 2007 CanLII 36639 (ON SC)[2007] O.J. No. 3306 (S.C.J.);  R. v. Sibbeston, 1991 CanLII 13201 (NWT SC)[1991] N.W.T.J. No. 85 (S.C.); and R. v. Osiowy, [1997] A.J. No. 98 (C.A.).

 

[32]      I agree with Lipson J. in the Wilson case that the principle which emerges from the case law was succinctly stated by Eberhard J. in R. v. Mills when he said:

 

            Where all the circumstances lead to an inference that the item looking like a firearm is a

firearm, it is open to the trier of fact to draw such an inference.

Une preuve circonstancielle peut permettre de conclure qu’une arme non expertisée est une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte

R. c. Boivin, 2024 QCCQ 5477

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[22]      En somme, afin qu’une arme soit qualifiée d’arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte, la preuve doit établir, hors de tout doute raisonnable, les deux éléments qui suivent :

  L’arme est une arme à feu, en ce qu’elle est munie d’un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile et en ce qu’elle est susceptible d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne;

  L’arme est une arme de poing, en ce qu’elle est une arme à feu destinée, par sa construction ou ses modifications, à permettre de viser et tirer à l’aide d’une seule main.

[23]      En lien avec tous ces éléments, lorsque la qualification d’une arme non expertisée est l’objet d’un litige, comme en l’espèce, le test de l’œil de cochon ne s’applique pas. Dès lors, la jurisprudence et la doctrine enseignent qu’une preuve circonstancielle peut permettre de conclure qu’une arme non expertisée est une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte[12]. Voici le résumé de quelques décisions analysant une preuve circonstancielle au soutien de telles qualifications :

         Dans l’arrêt St-Pierre[13], notre Cour d’appel conclut que la preuve circonstancielle ne démontre pas la fonctionnalité d’une arme à titre d’arme à feu prohibée. Toutefois, elle réitère que le comportement d’un accusé à l’égard d’une arme à feu alléguée peut, en certaines circonstances, permettre de conclure qu’elle est fonctionnelle. Ainsi, dit-elle, la façon dont l’accusé manipule une arme lors de la commission d’une infraction, les propos qu’il tient en présence de témoins et sa participation à des activités criminelles sont autant d’éléments qui sont retenus par les tribunaux au moment de conclure au bon fonctionnement d’une arme à feu[14];

         Dans l’arrêt Robbie[15], la Cour d’appel d’Alberta renverse un verdict d’acquittement à l’égard d’une infraction reprochant l’utilisation d’une arme à feu durant la perpétration d’une autre infraction. Elle conclut que l’arme utilisée répond à la définition d’arme à feu, selon une preuve circonstancielle prima facie, non démentie, en recensant les indices qui suivent. L’accusé séquestre sa conjointe et place d’abord un couteau sous sa gorge. Il récupère ensuite un fusil, puis des munitions, et le charge. Laissant de côté le couteau, il utilise ensuite le fusil pour intimider sa conjointe, pendant plusieurs heures. Après avoir chargé l’arme, il discute de ses préarrangements funéraires, ce qui permet d’inférer que le fusil est fonctionnel;

         Dans l’arrêt Lay[16], la Cour d’appel d’Alberta conclut que l’arme pointée vers des agents correctionnels dans le contexte d’une extorsion est une arme de poing, s’agissant de la seule inférence logique émanant de la preuve, en raison des circonstances suivantes : d’abord, les agents croient avoir vu une véritable arme à feu; de plus, lors d’une conversation enregistrée entre l’accusé et sa conjointe pour planifier son évasion d’une prison, il lui demande si elle a vu son « boom stick »; sa conjointe répond positivement, ajoutant que l’arme est comme celle qu’elle a vue au club de tirs;

         Dans l’arrêt Abdoulkader[17], la Cour d’appel de l’Ontario conclut que l’arme braquée lors d’un vol qualifié dans une banque est une arme de poing véritable, et non une imitation, puisqu’une employée l’a cru, la décrivant comme étant noire lustrée et en métal, puis ayant entendu l’accusé charger l’arme (« rack the gun »);

         Dans l’affaire Alberts[18], une Cour de justice de l’Ontario conclut qu’une arme qui a toutes les apparences d’une arme à feu répond à la définition du Code, puisqu’elle est saisie en même temps que des munitions trouvées au même endroit, que l’accusée la décrit à un agent comme une petite arme à feu, et non comme une imitation ou une arme non fonctionnelle, qu’elle transporte pour sa protection. Le juge précise ceci : « Its protective value would be highly limited if it was not capable of discharging the ammunition that it was found in association with. »;

         Dans l’arrêt Carlson[19], la Cour d’appel de l’Ontario conclut que les éléments de la preuve supportent raisonnablement la qualification d’une arme de poing à titre d’arme à feu véritable, puisque durant le vol qualifié, l’accusé brandit l’arme, la braque derrière la tête du commis en criant « hold-up » et en demandant l’argent; plusieurs témoins la décrivent petite et noire, munie d’un canon de 6 à 8 pouces; enfin, selon un complice et son épouse, l’accusé avait accès à des armes;

         Dans l’arrêt Charbonneau[20], la Cour d’appel de l’Ontario conclut que l’arme utilisée par l’accusé est une arme à feu véritable, parce que la victime l’a cru, la décrit comme telle, en expliquant que l’accusé la tenait et se comportait comme s’il s’agissait d’une arme fonctionnelle, en la menaçant de tirer. De plus, la cour note l’absence d’une preuve contraire;

         Dans Ranieri[21], la Cour d’appel de l’Ontario conclut que l’arme pointée par l’accusé est une arme à feu, la preuve suffisant à l’inférer en raison de la description qu’en font les témoins, qui l’ont vu être chargée, de la violence de l’agression et des menaces proférées, dont celle voulant que l’accusé mentionne qu’il reviendra dans quelques jours les tuer dans leurs résidences;

         Dans l’arrêt O.A.[22], la Cour d’appel de l’Ontario, après avoir considéré une vidéo de surveillance montrant l’appelant pointer ce qui ressemble à une arme de poing vers un véhicule, la version d’un témoin qui affirme avoir entendu un bruit qui ressemble à un tir d’arme à feu, une vidéo montrant la foule se disperser rapidement par la suite et la découverte de marques sur le véhicule qui aurait été la cible du tir, cohérentes avec l’impact d’une balle de fusil, conclut que la seule inférence raisonnable possible dans les circonstances est la culpabilité de l’accusé au regard des infractions reliées aux armes à feu qui lui sont reprochées;

         Enfin, dans l’arrêt Gordon[23], la Cour d’appel de l’Ontario conclut que le juge peut inférer que l’accusé brandit une arme à feu lorsqu'au cours d’un vol qualifié, pour maîtriser les victimes, il pointe un objet qui ressemble à une arme à feu en leur direction et menace de tirer, puis que les victimes croient qu'il s'agit d'une vraie arme à feu et que les voleurs agissent comme si c'était le cas.

Une preuve circonstancielle peut démontrer que l'arme utilisée lors de la perpétration d'une infraction est une arme à feu en l’absence d’une preuve contraire

R. v. Charbonneau, 2004 CanLII 9527 (ON CA)

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[3]               It is true that the complainant was equivocal on the question of whether she could tell for certain whether the gun was real or fake.  However, the trial judge also had before him the evidence of the complainant’s clear belief that it was a gun, her description of the object, the appellant’s conduct in relation to it and his use of it together with the appellant’s threat to shoot while holding it.  Moreover, there was a complete absence of evidence to the contrary.  Taken together, this is a sufficient foundation for the trial judge’s finding that it was a handgun.

vendredi 12 janvier 2018

Est-ce qu'un bâton télescopique est nécessairement une arme prohibée?

R. c. Allard, 2014 QCCQ 13779 (CanLII)

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[80]        Quant au chef concernant la possession d'une arme prohibée en contravention de l'article 91(2)(3)b) du Code criminel, à savoir un bâton télescopique, il faut nécessairement s’en remettre d’abord à l'article 84(1)b) C.cr. qui nous donne la définition de ce qu’est une arme prohibée :
« 84. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.
« arme prohibée »
[…]
b) toute arme — qui n’est pas une arme à feu — désignée comme telle par règlement.
[81]        Tandis que l'article du 4 Règlement édicte que les armes énumérées à la Partie 3 de l'annexe sont désignées armes prohibées pour l'application de l'alinéa b) de la définition de « armes prohibées » au paragraphe 84(1) du Code criminel, l'article 13 de la Partie 3 de l'annexe du même règlement stipule que :
« Les instruments communément appelés " Kiyoga Baton " ou " Steel Cobra " et tout instrument semblable consistant en un fouet télescopique à ressort déclenché manuellement et terminé en pointe de frappe de fort calibre… »
[82]        Puisque, à l'article 13 de la Partie 3 de l'annexe du Règlement, le législateur utilise le terme « consistant », lequel est suivi de différentes caractéristiques, cela démontre clairement qu’il a voulu que les attributs qui y sont énoncés soient existants pour qu'un instrument soit qualifié de semblable à un " Kiyoga Baton " ou un " Steel Cobra ".
[83]        D'ailleurs, dans l'affaire La Reine c Melbrew,  la Cour du Québec a statué que le terme « consistant » référait « à être composé de », de sorte que pour être qualifié d’«instrument semblable », l'arme doit posséder les caractéristiques suivantes, soit :
1-         fouet télescopique;
2.         muni d'un ressort déclenché manuellement;
3.         terminé en pointe de frappe de fort calibre.
[84]        Puisqu'en matière pénale la loi doit s'interpréter de façon restrictive, le Tribunal, en accord avec la décision du juge Gilles Cadieux dans l'affaire Melbrew, déclare qu’il était de la responsabilité de la Poursuivante d’établir la preuve que le bâton télescopique utilisé par l'accusé rencontrait les exigences du Code criminel.
[85]        La seule information que la preuve révèle en la présente affaire est celle fournie par un des policiers, qui déclare qu'il s'agit d'un bâton télescopique à gravité et non à ressort.
[86]        Considérant qu'il s'agit de la seule preuve qui a été présentée devant le Tribunal et vu qu'aucune autre preuve établissant que les qualités propres du bâton télescopique utilisé par l'accusé rencontrent les critères du Code criminel, le Tribunal acquitte l’accusé du quatrième chef.

samedi 9 septembre 2017

Le « poivre de cayenne » n'est pas considéré comme une arme prohibée / amendement

R. c. Leblanc, 2012 QCCA 153 (CanLII)

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[3]         Il va de soi que « du poivre de cayenne » ne peut être considéré comme une arme prohibée. Seul un dispositif tel que décrit par le règlement peut l'être (voir art. 1, Partie 3 de l'Annexe du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d'armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés ou à autorisation retreinte).
[4]         Après avoir élaboré sur l'exigence d'un dispositif dans la description de l'infraction et sur le fait que la simple possession de poivre de cayenne ne saurait évidemment constituer une infraction[1], le juge s'exprime ainsi :
[51] Ici, il y a absence totale de preuve sur le dispositif dans l'acte d'accusation tel que porté. Dans l'arrêt Saunders, on précise qu'il existe un principe fondamental en droit criminel, que l'infraction précisée dans l'acte d'accusation doit être prouvée et qu'un jury, se dirigeant correctement en droit, ne pourrait pas raisonnablement arriver à un verdict de culpabilité si un élément essentiel fait défaut. Pour cette raison, la requête en non-lieu doit être accueillie.
[Nous soulignons.]
[5]         En d'autres mots, même en prouvant tous les éléments essentiels de l'infraction telle que décrite dans l'acte d'accusation, la poursuite ne pouvait obtenir une condamnation.
[6]         Il faut par ailleurs souligner que, quelques paragraphes auparavant, le juge avait conclu que la preuve paraissait suffisante au regard de l'existence d'une infraction :
[27] […] Ces armes prohibées que constituent ces bonbonnes de poivre de cayenne sont en vente libre.
[42] Ici, on peut inférer de la preuve que l'accusée est en possession d'une arme prohibée, soit un dispositif décrit et prohibé, et ce, dans le but d'en faire le trafic, littéralement pour en vendre […] ».
[7]         À notre avis, comme l'a décidé la Cour suprême dans R. c. Moore1988 CanLII 43 (CSC)[1988] 1 R.C.S. 1097, le juge ne pouvait accueillir la requête pour ce motif. En tenant compte des art. 581 et suivants, le juge devait amender le chef pour le rendre conforme à la preuve et aux exigences de la loi. En effet :
1) Il n'y avait aucun préjudice à modifier le chef, puisque les deux parties ont procédé sur la base d'une infraction reprochant la possession d'un dispositif prohibé et elles ont centré leurs arguments sur la question de l'intention (voir les arguments, p. 165 à 240 du mémoire de l'appelante).

2) Le renvoi à l'article 91 C.cr. est pertinent à l'analyse et peut pallier le défaut (paragr. 581(5) C.cr.).

3) Le Code criminel autorise spécifiquement un amendement si le chef « n'énonce pas quelque chose qui est nécessaire pour constituer l'infraction », si cette chose est révélée par la preuve (paragr. 601(3)b)i) C.cr.) et que l'accusé n'est pas lésé par la modification (paragr. 601(5) C.cr.).
[8]         Or, il n'y a pas ici absence totale de preuve au regard de l'infraction et de plusieurs pièces saisies au commerce de l'intimée, commerce spécialisé dans la vente de systèmes d'alarme[2]. À tout le moins, faudrait-il qu'un tribunal de première instance se penche sur la question.

lundi 14 juillet 2014

Possession d'armes à feu sans permis et certificat d'enregistrement - Éléments constitutifs de cette infraction

Pomerleau c. R., 2014 QCCQ 2041 (CanLII)

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[50]        L'article 91 du Code criminel prévoit que quiconque en a sa possession des armes à feu sans être titulaire à la fois d'un permis et des certificats d'enregistrement, se rend coupable d'une infraction criminelle. Selon les termes de l'article 117.11 C.cr., il appartient à l'accusé de prouver qu'il est titulaire d'un permis et du certificat d'enregistrement

jeudi 2 février 2012

Le poivre de cayenne ne peut pas être considéré comme une arme prohibée

R. c. Leblanc, 2012 QCCA 153 (CanLII)

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[3] Il va de soi que « du poivre de cayenne » ne peut être considéré comme une arme prohibée. Seul un dispositif tel que décrit par le règlement peut l'être (voir art. 1, Partie 3 de l'Annexe du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d'armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés ou à autorisation retreinte).

lundi 11 avril 2011

Les éléments constitutifs de l'infraction prévue par l’article 91(1) du Code criminel

Rousseau c. R., 2005 QCCA 470 (CanLII)

[1] L’infraction prévue à l’article 91(1) et (3) du Code Criminel est consommée si le possesseur de l’arme à feu ne détient pas à la fois le permis et à la fois un certificat d’enregistrement de l’arme.

[2] Cette détention peut être soit réelle ou soit le résultat de l’application des présomptions découlant des mesures transitoires prévues à l’article 98 du Code criminel.

jeudi 7 octobre 2010

La notion criminelle d’arme prohibée et l’interprétation littérale; il faut apprécier le véritable objet de l’appareil par opposition à la désignation commerciale

R. c. Hodgky, 2006 QCCQ 6950 (CanLII)

[38] Le Tribunal n’a pu trouver de décisions de nos tribunaux du Québec statuant sur la nature de ces répulsifs au poivre de cayenne, eu égard à la notion criminelle d’arme prohibée. Certaines décisions de d’autres provinces canadiennes sont néanmoins intéressantes même si elles ne lient pas le présent Tribunal

[45] On ne peut dire qu’en soi, un répulsif à chien, ou un répulsif à l’encontre des ours, a été « conçu comme moyen de blesser une personne, de l’immobiliser ou de la rendre incapable » au sens du règlement. La version anglaise du texte impose la même conclusion : « Any device designed to be used for the purpose of injuring, immobilizing or otherwise incapacitating any person by… ». Ils ont en principe été conçus par leurs fabricants, manufacturiers, distributeurs, pour repousser ces animaux.

[46] Dans une intéressante décision de l’Honorable juge Reilly de la Cour de justice de l’Ontario (division générale) celui-ci empruntait également cette voie de l’interprétation littérale. Il laissait néanmoins place à l’ensemble de la preuve afin d’apprécier le véritable objet de l’appareil par opposition à la désignation commerciale.

R. c. Hutter, Ontario Court of Justice (General Division), décision du 29 juillet 1996, Docket : Kitchener SCA 3743, 1996 CarswellOnt 2888.

[55] Si l’objet en question est capable de blesser, immobiliser ou rendre incapable une personne, il peut avoir été « conçu comme moyen de blesser… », quoiqu’en dise l’étiquette et quelle que soit l’appellation donnée à l’appareil. Toutes les circonstances importent.

[56] La notion de « ce qui a été conçu », n’est pas exclusive au manufacturier, au fabriquant. Concevoir reçoit la définition suivante : Se représenter par la pensée; comprendre. Former, élaborer dans son esprit, son imagination. Le petit Larousse, Grand format, 2004.

[57] La notion « designed to be used », expression équivalente en langue anglaise, peut avoir le sens de créer, exécuter quelque chose, de construire selon un plan ou technique. Mais elle a également le sens beaucoup plus subjectif : « to conceive and plan out in the mind; to have as a purpose; intend… » Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, 10th edition, Springfield Massachusetts, U.S.A.

[58] Cette approche introduit bien sûr une certaine notion subjective et une recherche d’intention chez le possesseur. Malgré cette interprétation élargie de la disposition sur les armes prohibées, la notion demeure plus restrictive et étroite que celle définissant ce qu’est une arme à l’article 2 C.cr. On remarque que le même vocabulaire est employé savoir « conçu » en français, et « designed » en anglais aux deux définitions. La rédaction de la définition de l’article 2 restera néanmoins beaucoup plus généreuse.

[59] Or, dans l’affaire qui nous intéresse, il est en preuve que l’accusé a acheté ce produit en vente libre. Il s’est procuré la cannette plusieurs semaines auparavant d’un marchand Surplus d’armée. Rien ne laisse croire que ce dispositif a été fabriqué, mis en marché pour être utilisé afin de repousser une personne qui attaque le possesseur quoiqu’un utilisateur puisse en concevoir un usage bien différent. En l’occurrence rien non plus ne convainc que tel était l’usage que prévoyait en faire l’accusé. Au contraire.

[60] L’accusé explique qu’il circule en vélo ou à la marche de façon quotidienne ne possédant aucune automobile. Alors qu’il habitait un secteur rural de la municipalité, il avait fait l’objet d’une attaque par un gros chien. D’ailleurs il porta plainte en raison de cet incident. S’il craint les chiens, c’est aussi pour se protéger des ours lors de randonnées à la campagne qu’il a pris l’habitude de se munir d’un tel dispositif.

[61] Le produit en question fabriqué aux États-Unis est identifié comme étant « DOG D’FENSE ». Les instructions d’usage prévoient un scénario d’attaque par un canidé. Il n’est aucunement fait mention d’une attaque perpétrée par un humain, ni d’un usage à l’encontre d’une personne.

[62] Devant cette preuve, le Tribunal est satisfait que l’accusé possédait ce vaporisateur pour se protéger contre des animaux.

[63] Et, même s’il est raisonnable de penser qu’il peut immobiliser ou rendre incapable une personne puisque la preuve fait état des effets sur les deux victimes alléguées, de même que sur les deux agents de sécurité qui furent eux aussi incommodés par les vapeurs du produit, le Tribunal ne peut conclure que ce produit ait été conçu avec cet objectif en vue. Ainsi, ce ne serait pas une arme prohibée.

[64] Par ailleurs, rien dans la preuve ne démontre non plus que l’accusé entendait utiliser cet objet pour blesser, menacer ou intimider quelqu’un comme le veut l’article 2 C.cr. Au contraire, la preuve en défense est même convaincante qu’il destinait cet objet à une toute autre réalité.

Il faut que le dispositif concerné, pour qu'il soit prohibé, ait été conçu pour obtenir les effets décrits par le règlement; l'utilisation ponctuelle n'a aucun impact sur la définition d'une arme prohibée

R. c. Gagnon, 2010 QCCQ 5212 (CanLII)

[53] L'arme prohibée est définie au Code Criminel comme étant toute arme désignée comme telle par règlement.

[54] Le règlement concerné prévoit:

1. Tout dispositif conçu comme moyen de blesser une personne, de l'immobiliser ou de le rendre incapable, par dégagement :



b) soit d'un liquide, vaporisé ou non, d'une poudre ou d'une autre substance pouvant blesser une personne, l'immobiliser ou la rendre incapable.

[55] L'objet visé par cet article doit avoir été conçu pour blesser, immobiliser ou rendre incapable une personne, un humain. Le produit utilisé doit avoir le même effet. Ainsi, la condition requise est à double niveau: le dispositif utilisé doit avoir un effet incapacitant sur un humain de même que le produit utilisé.

[56] Quoiqu'il n'y ait pas eu de preuve technique présentée, le tribunal n'a aucun doute à considérer ce double élément comme prouvé. Les descriptions faites par les témoins ne laissent subsister aucun doute quant à l'effet du poivre de Cayenne projeté au moyen de la bonbonne manipulée par l'accusé.

[57] Mais il faut aussi que le dispositif concerné, pour qu'il soit prohibé, ait été conçu pour obtenir les effets décrits à cet article. Or, le sens du mot conçu peut être double.

[58] D'abord, la conception peut se définir en fonction de la capacité même de l'objet en question. L'utilisation de l'objet permettant de rendre un humain incapable, la bonbonne possédée par Jean-Guy Gagnon serait donc une arme prohibée.

[59] Mais, «conçu» peut aussi se définir par la destination que lui donne celui qui le fabrique. L'étiquette de la bonbonne de l'accusé ne manque pas de clarté. L'objet vise à repousser les ours en forêt. Retenir une telle interprétation implique que la bonbonne possédée par Jean-Guy Gagnon ne serait pas une arme prohibée.

[60] La jurisprudence consultée n'est guère abondante. Le tribunal retient particulièrement la décision rendue au Québec dans R. c. Hodgky[3], où le juge disait:

Et, même s’il est raisonnable de penser qu’il peut immobiliser ou rendre incapable une personne puisque la preuve fait état des effets sur les deux victimes alléguées, de même que sur les deux agents de sécurité qui furent eux aussi incommodés par les vapeurs du produit, le Tribunal ne peut conclure que ce produit ait été conçu avec cet objectif en vue. Ainsi, ce ne serait pas une arme prohibée.

[61] C'est cette dernière définition qui est retenue. D'abord, c'est celle qui est la plus favorable à l'accusé. La bonbonne utilisée est en vente libre; encore plus, l'objet, ce qui inclut tout autant le dispositif que le produit, est homologué et enregistré auprès des autorités fédérales.

[62] Ensuite, beaucoup de chasseurs et d'amateurs de milieux fauniques possèdent une telle bonbonne destinée aux ours l'ayant achetée eux aussi en vente libre. Jean-Guy Gagnon pouvait penser qu'il effectuait une transaction légitime sans y voir l'achat d'une arme prohibée. Il est difficile d'y voir les éléments suffisants à la présence d'une mens rea nécessaire à une possession illégale.

[63] Évidemment, l'utilisation faite par Jean-Guy Gagnon n'était pas adéquate. Cette notion «d'utilisation», est essentielle et a servi à déterminer si l'agression du présent cas était armée ou non: en effet, la définition «d'arme» à l'article 2 du Code criminel, contient le mot «utilisé». Ce n'est pas le cas pour l'article pertinent du règlement sur les armes prohibées: l'utilisation ponctuelle n'a aucun impact sur la définition d'une arme prohibée en ce qui regarde une bonbonne de poivre de Cayenne.

samedi 20 mars 2010

Le poivre de cayenne n'est ni une arme, n'est ni prohibé et aucun permis n'est nécessaire pour en posséder

R. c. Leblanc, 2009 QCCQ 5735 (CanLII)

[2] Au départ, littéralement, il n'y a aucune infraction reprochée à l'accusé puisque dans notre droit, le poivre de cayenne n'est ni une arme, n'est ni prohibé et aucun permis n'est nécessaire pour en posséder.

[3] Le poivre de cayenne est une épice que l'on peut acheter en vente libre dans la majorité des épiceries du pays et que l'on retrouve dans les armoires à épice des cuisines de nos résidences et restaurants. Il est aussi une plante médicinale qui provient du piment dont on extrait le fruit mûr et séché.

[4] Ce que le législateur a inclus et prohibé dans sa définition et sa description d'une arme prohibée, c'est :

"Un dispositif qui est conçu (donc, qui peut) comme moyen, de blesser une personne de l'immobiliser, de la rendre incapable par dégagement d'un gaz et/ou du poivre de cayenne."

[14] La loi interdit la POSSESSION d'un dispositif conçu (fait pour, qui permet) par dégagement d'une substance qui peut paralyser un être humain.

[15] Le poivre de cayenne n'est pas un dispositif, c'est une épice et il n'est pas interdit de posséder des épices à titre d'arme prohibée.

[20] Lorsqu'un texte est clair, il n'est nul besoin de l'interpréter. La définition d'arme prohibée est donc dans son texte épuré la suivante :

"Une arme prohibée c'est tout arme… désignée comme telle par règlement…donc … tout dispositif conçu comme moyen de blesser une personne, de l'immobiliser ou de la rendre incapable par dégagement… d'une poudre ou d'une autre substance pouvant blesser une personne, l'immobiliser ou la rendre incapable."

[26] Encore une fois, ce n'est pas le poivre de cayenne qui est l'arme, mais bien le dispositif qui permet par dégagement d'utiliser la substance.

[27] Le présent débat soulève de graves questions. Ces armes prohibées que constituent ces bonbonnes de poivre de cayenne sont en vente libre.

[28] On fait état en plaidoirie que l'on peut se les procurer dans les magasins de grande surface, tels que Walmart, Canadian Tire, les pharmacies Jean Coutu, et ce, sans aucun avertissement ou réserve. Ces bonbonnes sont aussi en vente libre au commerce de l'accusée, "Dragon Anti-Intrusion".

[29] La seule réserve sur la bonbonne sera l'étiquette qui indique que l'USAGE est pour (ou contre) les chiens et les ours. On peut par simple recherche sur internet avec les moteurs de recherche disponibles inscrire "Dog Repelent" et obtenir ces bonbonnes de même marque que celles produites ici, soit de marque "Sabre".

[31] Le législateur a choisi de déclarer ces dispositifs, armes prohibées. Il aurait pu choisir une définition qui permet d'en posséder en petits formats ou en doses réduites pour l'utilisation contre les animaux par exemple, il ne l'a pas fait et il n'appartient pas aux tribunaux de s'y substituer.

[33] Un des éléments essentiels que la poursuite doit prouver concerne l'accusation qui indique que la possession d'arme prohibée peut être légale si l'on est titulaire d'un permis qui l'y autorise.

[34] La preuve révèle que l'accusée n'a pas de permis; au surplus, on m'informe qu'elle n'aurait pas pu obtenir ce permis de possession d'arme prohibée, soit du dispositif avec poivre de cayenne, pour la bonne et simple raison que ce permis n'existe pas.

[35] L'accusée a la charge de la preuve et c'est à elle qu'incombe finalement de prouver qu'elle est titulaire d'un permis. (art.117.11, C.cr.)

[36] Même dans ce cas, elle n'a pas à prouver l'existence, ni l'inexistence d'un élément essentiel de l'infraction, conclut la Cour suprême

[40] Le permis n'existe tout simplement pas, car le législateur a choisi plutôt, dans ce cas, de faire la liste des personnes qui "ne sont pas coupables", "no public officer is guilty". Il a inclus au Code criminel sous le titre "dispense", "exempted person". (article 117.07).

[41] Le législateur ne parle jamais pour ne rien dire. Comment expliquer ce non-sens juridique apparent; trouver l'intention du législateur est plus difficile, voir impossible. Comment un crime peut-il dépendre d'une condition impossible?

[47] Dans l'affaire R. c. Jordan, la Cour d'appel a ordonné un nouveau procès suite à l'acquittement de la Cour suprême de la Colombie Britannique qui modifiait la condamnation en première instance devant un juge de la Cour provinciale de la Colombie Britannique. Les extraits qui suivent sont à mon avis le raisonnement juridique qui doit prévaloir et que je fais mien :

"In my view, the Crown's appeal was not resolved on a question of fact. The uncontradicted evidence of the police officer, which the trial judge accepted, was that the canister found in the appellant's possession met the definition of a prohibited weapon as set out in the regulations; i.e., that it was "designed to be used for the purpose of injuring, immobilizing or otherwise incapacitating any person by the discharge therefrom of . . . any liquid . . . capable of . . . incapacitating any person."

As noted at para. 14 above, the trial judge concluded that, although the evidence was sufficient to establish the item's status as a prohibited weapon, he could not say that it was a prohibited weapon in light of the fact that the same substance, when sold as "bear spray", was not prohibited.

In my view the trial judge erred in basing his decision on two legally irrelevant considerations: first, that the substance in both containers could be used to incapacitate humans; and second, that possession of the larger canisters of "bear spray" was not illegal. What is prohibited is an item designed to be used to incapacitate humans; that the substance in both types of canister may be used to incapacitate humans is immaterial.

It was also wrong for the trial judge to ask whether the smaller can of spray should be illegal to possess when a larger canister of the same substance is not. What should or should not be criminalized is a question for Parliament.

In my view these were errors of law requiring that the verdict be set aside."

[48] On peut retrouver sous la plume du juge Scanlan dans R. c. Porter, les mots suivants et je cite:

"In as far as what the Appellant's use or purpose was in possessing the tear gas was, I have already stated that it is irrelevant. There was sufficient evidence for the court to find that the cannister was a device designed to be used for the purpose of injuring, immobilizing or otherwise incapacitating any person by discharge thereform which is not now in effect."

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...