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mardi 27 novembre 2012

Les éléments constitutifs de l'infraction d'extorsion

D'Avignon c. R. 2012 QCCA 1990

Lien vers la décision

[62]        Dans l'arrêt Natarelli, la Cour suprême énumère les éléments essentiels qui doivent être établis par la poursuite :
Speaking generally, the essential ingredients of an offence under s. 291 are, (i) that the accused has used threats, (ii) that he has done so with the intention of obtaining something by the use of threats; (whatever meaning be given to the word “extort” the word “gain” as used in the section is simply the equivalent of “obtain”) and, (iii) that either the use of the threats or the making of the demand for the thing sought to be obtained was without reasonable justification or excuse; (the question on this aspect of the matter is not whether one item in the accused’s course of conduct, if considered in isolation, might be said to be justifiable or excusable but rather whether his course of conduct considered in its entirety was without justification or excuse).

[63]        Dans l'arrêt R c. Alexander, la Cour d'appel de l'Ontario souligne que l’absence de justification ou d’excuse raisonnable s'ajoute aux autres éléments essentiels :
[72] The broad prohibition in s. 346(1) is tempered by the availability of the defence of “reasonable justification or excuse”. That defence and similarly-phrased defences appear in many of the offence-creating provisions of the Criminal Code (e.g., ss. 69, 254(5), 349, 351, 450, 452).  A reasonable justification or excuse refers to some matter that is extraneous to the existence of the essential elements of the offence that justifies or excuses actions that would otherwise constitute the crime.  An accused who relies on a “reasonable justification or excuse” admits that he committed the prohibited act with the requisite culpable mental state, but argues that the circumstances in which he did so justify or at least excuse what he did. [références omises]
 
[68]        Dans l'arrêt Briscoe, la Cour suprême expose en quoi l'aveuglement volontaire d'un individu peut être suffisant pour retenir sa participation à une infraction :
[21] L’ignorance volontaire ne définit pas la mens rea requise d’infractions particulières.  Au contraire, elle peut remplacer la connaissance réelle chaque fois que la connaissance est un élément de la mens rea.  La doctrine de l’ignorance volontaire impute une connaissance à l’accusé qui a des doutes au point de vouloir se renseigner davantage, mais qui choisit délibérément de ne pas le faire.  Voir Sansregret c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 570 , et  R. c. Jorgensen, [1995] 4 R.C.S. 55 .  Comme l’a dit succinctement le juge Sopinka dans Jorgensen(par. 103), « [p]our conclure à l’ignorance volontaire, il faut répondre par l’affirmative à la question suivante : L’accusé a-t-il fermé les yeux parce qu’il savait ou soupçonnait fortement que s’il regardait, il saurait? »
 
[71]        Dans l'arrêt Sansregret, la Cour suprême distingue la négligence civile de l'insouciance emportant la responsabilité criminelle d'un individu en ce que cette notion doit comporter un élément subjectif pour entrer dans la composition de la mens rea criminelle :
16. Le concept de l'insouciance comme fondement de la responsabilité criminelle a fait l'objet de nombreux débats. La négligence, c'est-à-dire l'absence de diligence raisonnable, est un concept de droit civil qui, de façon générale, ne s'applique pas pour déterminer la responsabilité criminelle. Néanmoins, elle est souvent confondue avec l'insouciance au sens criminel et il faut prendre bien soin de distinguer les deux concepts. La négligence s'apprécie selon le critère objectif de la personne raisonnable. La dérogation à sa conduite pondérée habituelle, sous la forme d'un acte ou d'une omission qui démontre un niveau de diligence inférieur à ce qui est raisonnable, entraîne une responsabilité en droit civil mais ne justifie pas l'imposition de sanctions criminelles. Conformément aux principes bien établis en matière de détermination de la responsabilité criminelle, l'insouciance doit comporter un élément subjectif pour entrer dans la composition de la mens rea criminelle. Cet élément se trouve dans l'attitude de celui qui, conscient que sa conduite risque d'engendrer le résultat prohibé par le droit criminel, persiste néanmoins malgré ce risque. En d'autres termes, il s'agit de la conduite de celui qui voit le risque et prend une chance. C'est dans ce sens qu'on emploie le terme "insouciance" en droit criminel et il est nettement distinct du concept de négligence en matière civile.

[76]        Comme le souligne la Cour dans R. c. Cedeno, « [l]'application de la doctrine de l'ignorance volontaire est intimementliée à l'appréciation de la preuve, et singulièrement à l'appréciation de la crédibilité de l'accusée, deux questions qu'il me semble plus prudent de laisser au tribunal de première instance le soin de trancher »

lundi 14 mai 2012

Éléments constitutifs de l'infraction d'extorsion & état du droit

R. c. Barros, 2011 CSC 51, [2011] 3 RCS 368

Lien vers la décision

[53] Pour prouver qu’il y a eu extorsion, le ministère public doit établir hors de tout doute raisonnable que (i) l’accusé a induit ou tenté d’induire quelqu’un à accomplir ou à faire accomplir quelque chose, (ii) qu’il a eu recours à des menaces, des accusations, ou de la violence, (iii) qu’il a agi de la sorte avec l’intention d’obtenir ce quelque chose par recours à des menaces, et (iv) que son recours à des menaces ou sa demande faite en vue d’obtenir ce quelque chose était sans justification ou excuse raisonnable : voir R. c. Natarelli, 1967 CanLII 11 (SCC), [1967] R.C.S. 539; D. Watt, Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions (2005).

[54] Ce qui est particulièrement pertinent dans Natarelli, c’est que le juge Cartwright (plus tard Juge en chef) a souligné, s’exprimant au nom de la Cour, qu’il ne faut pas considérer isolément [traduction] « un aspect particulier du comportement de l’accusé », mais plutôt l’examiner dans le contexte de « l’ensemble du comportement » (p. 546). Même si le juge Cartwright traitait de la question de savoir si le comportement était « justifiable ou excusable », son observation s’applique avec autant de force à l’ensemble des éléments de l’accusation d’extorsion.

[55] La nécessité d’examiner le comportement de l’accusé dans son ensemble et en contexte a été examinée davantage par la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Alexander 2005 CanLII 32566 (ON CA), (2005), 206 C.C.C. (3d) 233, demande d’autorisation d’appel refusée, [2006] 1 R.C.S. v. On prétendait dans cette affaire que l’extorsion n’avait pas été établie parce que les « menaces », aussi répugnantes étaient‑elles, n’étaient pas elles‑mêmes illégales. Le juge Doherty a affirmé ce qui suit :

[traduction] Dans le cas où la personne accusée d’extorsion a eu recours à des menaces en vue de recouvrer une créance légitime, le juge des faits doit examiner l’ensemble des circonstances, notamment la nature de la menace et celle de la demande, pour déterminer si le ministère public a prouvé hors de tout doute raisonnable que l’accusé a fait les menaces sans justification ou excuse raisonnable. [par. 84]
(Voir également R. c. Royz 2008 ONCA 584 (CanLII), (2008), 248 O.A.C. 361.)

mercredi 19 octobre 2011

L'extorsion VS rapporter aux médias l’existence d’une poursuite civile

Sigouin c. R., 2007 QCCA 1823 (CanLII)

[1] L’appelante soumet que le fait de menacer de rapporter aux médias l’existence d’une poursuite civile ne constitue pas une infraction au Code criminel, et ce conformément au paragraphe (2) de l’article 346 C.cr.

[2] Bien que certains commentaires de l’appelante puissent être interprétés comme référant à la publicité d’un éventuel procès civil, la vaste majorité de ses propos relatifs aux médias constituaient plutôt des menaces de dévoiler publiquement les événements entourant le présumé «viol» si la victime refusait de régler à l’amiable. C’est d’ailleurs ce que l’appelante a elle-même avoué candidement à l’occasion de son interrogatoire au procès :

Q. Okay. Mais dans ce document-là [la transcription de la conversation téléphonique], là, à plusieurs places vous parlez de journal, télévision.

Vous voulez dire quoi avec ça ?

R. C’était juste des menaces que je faisais. C’était pas sérieux.

[3] L’appelante a sans équivoque tenté de soutirer de l’argent à un homme fortuné en usant de menaces et de fausses accusations. En fait, la menace d’intenter un procès civil n’était qu’un prétexte pour justifier sa demande, puisque l’appelante n’a jamais eu l’intention de donner suite à la mise en demeure; et elle n’a d’ailleurs jamais intenté de recours civil.

lundi 25 juillet 2011

Est-ce que la croyance que la chose demandée était due constitue une défense valable contre le crime d'extorsion?

R. v. Natarelli, [1967] SCR 539

Lorsqu’il est prouvé que des menaces ont été proférées sans justification ou excuse, que les menaces ont été proférées avec l’intention de gagner quelque chose et dans le but d’induire la personne menacée à accomplir quelque chose, le crime dont la définition apparaît à l’art. 291 a été commis, et il n’est pas nécessaire de se demander si la personne proférant les menaces avait un droit légal à la chose demandée ou croyait honnêtement qu’elle avait un tel droit; cette enquête ne serait nécessaire que si les menaces étaient telles qu’il pouvait exister une justification ou excuse raisonnable de les proférer. Dans le cas présent, tel que jugé par la Cour d’Appel, les menaces, qui selon la preuve ont été proférées, étaient telles qu’il était impossible comme question de droit qu’il y ait eu une justification ou excuse raisonnable de les proférer.

mercredi 10 mars 2010

L’extorsion criminalise l’intimidation et l’atteinte à la liberté de choix

R. c. Davis, 1999 CanLII 638 (C.S.C.)

45 Je constate aussi qu’une interprétation de l’expression «quelque chose» qui comprend des faveurs sexuelles est suggérée par l’objet et la nature de l’infraction d’extorsion. L’extorsion criminalise l’intimidation et l’atteinte à la liberté de choix. Elle rend passible de sanctions ceux qui, par menaces, accusations ou violence, induisent ou tentent d’induire leurs victimes à accomplir ou à faire accomplir quelque chose. Les menaces, les accusations et la violence servent clairement à intimider: voir l’arrêt R. c. McCraw, 1991 CanLII 29 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 72, à la p. 81; l’arrêt R. c. Clemente, 1994 CanLII 49 (C.S.C.), [1994] 2 R.C.S. 758, aux pp. 761 et 762. Lorsque des menaces se combinent à des demandes, il y a incitation à donner suite aux demandes. Cela entrave la liberté de choix de la victime, puisque celle‑ci peut être forcée de faire ce que, autrement, elle aurait choisi de ne pas faire.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...