Blais c. R., 2017 QCCA 1774
[13] L’appelant soutient qu’une autorisation préalable était requise en raison de l’interception de communications privées.
[14] Il a tort, car il n’y a pas, en l’espèce, d’interception de communications.
[15] Intercepter « s’entend notamment du fait d’écouter, d’enregistrer ou de prendre volontairement connaissance d’une communication ou de sa substance, son sens ou son objet »[1].
[16] Tout en reconnaissant que cette définition n’est pas exhaustive (vu la présence du mot notamment) et qu’il ne faut pas en faire une interprétation étroite[2], il demeure que la notion requiert, selon la jurisprudence, « l’intervention volontaire d’un tiers entre deux personnes qui communiquent entre elles »[3] .
[17] L’auteur Bernard Letendre écrit à ce sujet :
D’autre part, une communication n’est « interceptée » au sens de la partie VI du Code criminel que lorsque l’écoute ou l’enregistrement est le fait d’une partie étrangère à l’échange. Daniel Bellemare explique ainsi cette exigence :
[…] une partie à une communication privée ne pourrait pas réaliser elle-même une interception de cette communication au sens de la loi, puisqu’une telle conduite ne rencontre pas le degré d’interposition ou d’intrusion nécessaire pour parler d’interception. La notion d’interception implique en effet une intervention externe qui doit être l’œuvre d’une tierce partie.[4]
[Soulignements et caractères gras ajoutés]
[18] Dans Lebeau c. R.[5], la Cour s’est prononcée en ce sens, comme l’ont fait d’autres cours d’appel canadiennes (notamment celles de la Colombie-Britannique[6], de l’Alberta[7] et de Terre-Neuve-et-Labrador[8]) :
Extrait de l’arrêt de la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador
[12] The definition of “Intercept” in section 183 clarifies the various ways in which an interception may be made. It does not provide a dictionary-style definition of the word. Section 183 states:
“Intercept” includes listen to, record or acquire a communication or acquire the substance, meaning or purport thereof;
[13] That language does not alter the ordinary meaning of an interception which requires the involvement of a third party. Where there is direct communication between two people, the intended recipient cannot be characterized as having “intercepted” a communication meant for that person.
[14] Further, the fact, unknown to the sender, that the recipient is a police officer cannot change the nature of the communication or transform a receipt by the intended recipient into an interception. […]
[…]
[16] Sections 184 and 184.2 of the Criminal Code apply only where there is an “intercept”. That criterion was not satisfied on the facts of this case. It follows that Part VI of the Code does not apply. The trial judge erred in concluding that authorizations under section 184.2 were required.[9]
[19] La situation en l’espèce est d’ailleurs celle que décrivait le juge Claude C. Gagnon, alors qu’il siégeait à la Cour supérieure, en ces termes:
[29] Les tribunaux canadiens reconnaissent également que la participation d'un agent de l'État à une conversation à partir du téléphone portable d'un destinataire sous garde ne constitue pas une interception électronique illégale de cet entretien téléphonique (R. c. McQueen, (1975) 1975 CanLII 1373 (AB CA), 25 C.C.C. (2d) 262 (C.A.Alb.) – R. c. Perri, 2007 ABPC 229 (CanLII), 2007 A.B.P.C. 229 (C.P.Alb.), puisque l'agent de la paix ne s'interpose pas entre le point d'origine et celui de la destination de l'appel pour en capter le contenu de la conversation. [10]
[20] En l’espèce, il n’y a que deux interlocuteurs – aucune tierce personne : l’appelant et Beaumont, un agent de l’État, communiquent sans intervention de quiconque.
[21] Le fait que l’un des interlocuteurs est un agent de l’État sans que l’appelant ne le sache ne constitue pas, non plus, une « interception »[11].
[22] Aucune autorisation préalable n’était donc requise.