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vendredi 25 janvier 2013

Détermination de la peine relativement à l'infraction d'avoir omis, dans l'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle et alors qu'il est impliqué dans un accident ayant causé des blessures corporelles, de s'arrêter et d'offrir de l'aide à cette victime qui en avait besoin

R. c. St-Louis, 2012 QCCQ 14901 (CanLII)

Lien vers la décision

[54]        Afin d'aider le Tribunal à déterminer la peine, le Directeur des poursuites criminelles et pénales soumet plus d'une dizaine de jugements en semblables matières.

[55]        Dans l'arrêt R. c. Goulet, l'accusé quitte la scène d'un accident après avoir blessé sérieusement une personne. La Cour d'appel de l'Alberta, après avoir examiné le contexte global dans lequel l'infraction est survenue, décide que l'emprisonnement dans la collectivité est possible pour une infraction de délit de fuite dans la mesure où la sécurité du blessé n'est pas aggravée par le fait que le délinquant quitte les lieux de l'accident. Conséquemment et puisque dans cette affaire il n'y avait pas aggravation des blessures par la fuite de l'accusé, elle confirme une peine de détention de 12 mois à être purgée au sein de la collectivité.

[56]        Dans R. c. Schmitt, la Cour de justice de l'Ontario impose à un conducteur de 18 ans, une peine de détention de 5 mois, parce qu'il ne s'est pas arrêté après avoir frappé mortellement un cycliste. La Cour décide que l'emprisonnement dans la collectivité n'est pas une solution envisageable, parce que l'accusé a fui la scène de l'accident sans savoir si quelqu'un d'autre s'est arrêté pour porter secours à la victime.

[57]        Dans R. c. Wieczorek, cette même Cour de justice ontarienne impose une peine d'emprisonnement de 5 mois, à un jeune conducteur qui omet de s'arrêter après avoir frappé mortellement un piéton. La Cour mentionne que dans cette affaire, une peine à être purgée dans la collectivité ne rencontre pas les facteurs de dénonciation et de dissuasion prévus aux articles 718 et suivants du Code criminel.

[58]        Dans R. c. Bruce, la Cour provinciale de l'Alberta condamne un conducteur à une peine d'incarcération de 5 mois, après que celui-ci ait écrasé une personne à la sortie d'un bar. La Cour est d'avis que les circonstances propres de cette affaire font en sorte qu'une sentence à être purgée au sein de la collectivité n'aurait pas rencontré les facteurs de dénonciation et de dissuasion et qu'une telle peine n'aurait pas été proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité de l'accusé.

[59]        Dans R. c. Ali , cette même Cour a également condamné un conducteur à une peine d'incarcération de 6 mois.

[60]        Dans R. c. Foley, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse condamne l'accusé à une peine de détention d'une année après avoir constaté la présence de nombreux facteurs aggravants. L'accusé avait notamment tenté de cacher son véhicule.

[61]        Dans R. c. Girard, la Cour du Québec impose, elle aussi, une peine d'emprisonnement d'une année à un homme de 25 ans, sans antécédent judiciaire, mais où les circonstances aggravantes éclipsent toutes les circonstances atténuantes. Le conducteur allait à une vitesse excessive et commettait un dépassement illégal. De plus, il y avait présence d'un risque de récidive.

[62]        Dans R. c. Fournier, la Cour du Québec a imposé une peine de 18 mois à un conducteur qui, après avoir frappé un piéton, quitte les lieux, nettoie son automobile et tente de cacher son délit en simulant un autre accident.

[63]        R. c. Langlais, la Cour du Québec impose une peine de 2 ans moins 1 jour à être purgée au sein de la collectivité.  L'accusé avait pris la fuite après avoir heurté un piéton.

[64]        R. c. Greer, la Cour du Québec impose une peine de détention ferme de 18 mois à un conducteur dont la preuve révèle qu'il était sous l'influence de l'alcool au moment de l'accident, et que par la suite, il ment aux policiers sur les circonstances de cet accident et cache son véhicule.

[65]        L'avocat de l'accusé a quant à lui soumis l'arrêt Camiréoù la Cour d'appel réduit une peine d'emprisonnement ferme en une peine de 30 mois à une peine de 23 mois à être purgée au sein de la collectivité.  La Cour d'appel reproche au juge de première instance d'avoir accordé une importance démesurée aux facteurs de dénonciation et de dissuasion.

[66]         Par ailleurs, le Tribunal a également considéré les décisions, R. c. Boudreau, R. c. Dhaliwal, R. c. Peragineet R. c. Alves.

[67]        Dans R. c. Boudreau, après avoir heurté deux piétons, l'accusé panique et prend la fuite, mais revient sur les lieux peu après. Le juge Dunnigan décide de surseoir au prononcé de la sentence.

[68]        Dans l'affaire Dhaliwal, l'accusé, après avoir frappé et traîné sur une courte distance la victime, la laisse au centre de la rue sans s'arrêter.  La Cour décide de suivre la position dans l'arrêt Schmittet déclare que l'accusé a commis une infraction comportant des sévices graves à la personne et a exclu l'emprisonnement dans la collectivité.

[69]        Dans le dossier Peragine,  la Cour analyse les circonstances de l'accident dans un contexte global, tel que décidé dans l'arrêt Goulet, et conclut que l'accusé a participé à l'aggravation des blessures à la victime.  Conséquemment, il lui impose une peine de détention de 5 mois.

[70]        Enfin, dans le jugement Alves, la Cour a imposé une peine de 4 mois de détention à un accusé qui avait un antécédent de conduite dangereuse causant des blessures corporelles.

[71]        De ce qui précède, le Tribunal retient que :
a)         Les peines infligées pour des infractions de délit de fuite sont généralement inférieures à 24 mois;
b)         Des peines de 12 à 18 mois sont infligées lorsqu'il y a des facteurs aggravants tels : le fait que l'accusé conduise à grande vitesse ou sous l'effet de l'alcool lors de l'accident ou encore lorsque l'accusé cache son véhicule ou simule un autre accident.
c)          Des peines de détention en milieu carcéral d'environ 6 mois s'appliquent lorsqu'il faut souligner l'importance des facteurs de dénonciation et de dissuasion;
d)         L'emprisonnement dans la collectivité constitue une peine appropriée dans la mesure où la conduite de l'accusé qui quitte les lieux d'un accident n'aggrave pas la situation de la victime.
[72]        Tel que mentionné dans l'arrêt Gouletprécité, la conduite de l'accusé doit être analysée dans un contexte global afin de déterminer la peine appropriée.

mardi 13 septembre 2011

L'expression "autre personne" comprend le passager du véhicule automobile de l'accusé relativement à l'infraction de défaut d'arrêter lors d'un accident

R. v. McColl, 2008 ABCA 287 (CanLII)

[28] In my view, Parliament intended to include single vehicle accidents when a passenger is injured and needs medical assistance. Use of the term “another person” includes passengers in the same vehicle as the accused driver. This conclusion is bolstered by the clear language in subsection 1.2. and by other cases which have interpreted the provision contextually.

jeudi 17 mars 2011

Les éléments constitutifs de l'infraction de délit de fuite

Québec (Procureur général) c. Sirois, 2005 CanLII 43524 (QC C.Q.)

[97] L'accusé doit également répondre d'une infraction alléguée connue sous le vocable délit de fuite avec intention. Le Poursuivant doit prouver:

1° La garde, la charge ou le contrôle;

2° Le véhicule;

3° Le véhicule impliqué dans un accident;

4° Le véhicule (avoir été impliqué dans un accident avec);

5° L'omission d'arrêter, de donner ses nom et adresse ou d'offrir de l'aide et

6° L'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle.

[98] Le Poursuivant doit notamment prouver au soutien de l'accusation que le véhicule dont l'accusé avait la garde, la charge ou le contrôle a été impliqué dans un accident. Il existe une distinction entre la définition du mot « accident » que l'on retrouve dans le Code de la sécurité routière au Québec et l'interprétation donnée par les tribunaux au terme « accident » que nous retrouvons à l'article 252(1) du Code criminel. Dans l'arrêt R. c. Hannam, la Cour conclut qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait contact entre les véhicules pour qu'il y ait accident. Par contre, il n'est pas suffisant que le Poursuivant établisse l'accident. Le Poursuivant doit prouver que l'accusé connaissait ce fait. Cet élément de connaissance s'apprécie sur une base subjective et il n'est pas suffisant de conclure que l'accusé aurait dû savoir qu'il avait été impliqué dans un accident.

[99] Le Poursuivant doit également prouver, afin que le délit de fuite soit consommée, qu'au moment du défaut d'arrêter, de donner ses nom et adresse ou de porter secours, l'accusé avait l'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle. L'intention démontrée doit avoir un lien avec l'accident ou la conduite qui a engendré l'accident. L'article 252(2) du Code criminel offre au Poursuivant un raccourci juridique « en l'absence de toute preuve contraire ». Le Poursuivant bénéficie d'une présomption énoncée à l'article 252(2) du Code criminel. Pour déclencher l'application de l'article 252(2) du Code criminel, l'accusé doit avoir la connaissance qu'il est impliqué dans un accident. Pour repousser la présomption il suffit d'une preuve contraire qui soulève un doute raisonnable. Dans l'arrêt Fournier c. R.,[58] la Cour conclut que la présomption établie à l'article 252(2) du Code criminel peut être repoussée si la preuve offerte soulève un doute raisonnable quant à son intention sans qu'il soit nécessaire pour l'accusé d'établir cette absence d'intention sur la balance des probabilités. Le fardeau de prouver l'intention spécifique repose sur le Poursuivant, qui doit établir telle intention hors de tout doute raisonnable.

mercredi 13 octobre 2010

Les éléments constitutifs de l'infraction de délit de fuite

R. c. Dubois, 2008 CanLII 50594 (QC C.M.)

[72] L'infraction prévue à l'article 252(1) du Code criminel est constituée des éléments suivants, dans le cas d'un accident d'automobile :

- l'accusé doit avoir la garde, la charge ou le contrôle d'un véhicule;

- ce véhicule vient d'être impliqué dans un accident avec une personne autre que l'accusé, un autre véhicule ou du bétail;

- l'accusé a fait défaut soit d'arrêter son véhicule, soit de donner ses nom et adresse, soit d'offrir de l'aide lorsqu'une personne est blessée ou a besoin d'aide (R. c. Roche, 1983 CanLII 130 (C.S.C.), [1983] 1 R.C.S. 491);

- le défaut de l'accusé de remplir l'un des devoirs précédents, l'a été dans l'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle en relation avec l'événement (Fournier c. R., (1979) 8 C.R. (3d) 248, 254 (C.A.Q.); R. c. Hofer, (1982) 2 C.C.C. (3d) 230, 233-234 (C.A. Sask.)). La responsabilité criminelle qu’un conducteur veut éluder peut résulter d’infractions aux articles 253 et 254 du Code criminel.

vendredi 18 juin 2010

Quant au délit de fuite, il n'est pas nécessaire, pour être impliqué dans un accident, au sens de l'art. 252 C.cr., qu'il y ait eu collision

Thériault c. R., 2005 QCCA 583 (CanLII)

[5] Quant au délit de fuite, il n'est pas nécessaire, pour être impliqué dans un accident, au sens de l'art. 252 C.cr., qu'il y ait eu collision : R. c. Mihalik, 28 M.V.R. (2d) 114, C.A. C.B.; en l'espèce, la conduite de l'appelant fut précisément la cause de l'accident ayant entraîné la perte totale du véhicule de la victime et il n'y a donc aucun doute, à notre avis, qu'il a été impliqué dans un accident avec un véhicule et que son départ précipité des lieux de cet accident constitue un délit de fuite au sens du Code criminel;

jeudi 21 janvier 2010

Présomption de l’intention d’échapper à la responsabilité civile / criminelle - Preuve d’un seul élément ou nécessité de la preuve des 3 éléments?

R. c. Roche, 1983 CanLII 130 (C.S.C.)

La présomption du par. 233(3), qui vise à faciliter la preuve de l’intention d’échapper à la responsabilité civile et criminelle, s’applique s’il y a preuve de l’un ou l’autre des éléments

1) l’omission d’arrêter;

2) l’omission de donner ses nom et adresse;

3) l’omission d’offrir de l’aide (lorsqu’une personne a été blessée);

Il importe de souligner que la plupart sinon toutes les cours au pays ont conclu (à mon avis à bon droit) que l’énumération faite au par. 233(2) est disjonctive

Avec égards, je suis d’avis que c’est l’interprétation disjonctive qui permettra le mieux d’atteindre le but visé par la Loi. À ce sujet, je ne puis m’exprimer mieux que ne l’a fait le juge Craig dans ses motifs lorsqu’il dit:

(...) Bien que ce soit une question très controversée, je suis d’avis que le par. (3) doit signifier que la présomption entre en jeu si l’accusé omet d’accomplir l’une ou l’autre des trois choses mentionnées. De toute évidence, la présomption a pour but de faciliter la preuve du fondement de l’infraction, savoir, l’intention d’échapper à toute responsabilité civile ou criminelle. Sans une disposition qui introduit une présomption, la poursuite devrait dans la plupart des cas, pour faire la preuve de l’intention, se fonder uniquement sur l’omission de faire une des trois choses mentionnées. Un juge peut conclure ou ne pas conclure que l’intention a été établie hors de tout doute raisonnable. D’autre part, si l’accusé a omis de faire toutes ces trois choses, la conclusion de l’intention serait probablement irrésistible. Dans de telles circonstances, la poursuite n’aurait pas à invoquer une présomption d’intention. Le besoin d’invoquer une présomption ne paraîtrait nécessaire que dans un cas où la conclusion de l’intention n’est pas irrésistible. J’estime en conséquence que si le Parlement a voulu que l’infraction soit perpétrée par l’accusé lorsqu’il omet de faire l’une ou l’autre des trois choses mentionnées au par. (2), le Parlement a également voulu que la disposition qui introduit la présomption s’applique dans tous les cas lorsque l’accusé a omis de faire l’une des choses mentionnées. La disposition qui introduit la présomption n’impose pas à l’accusé l’obligation d’établir qu’il n’avait pas l’intention requise. L’obligation de faire la preuve hors de tout doute incombe toujours à la poursuite. La disposition relative à la présomption aide simplement la poursuite à faire cette preuve et s’applique uniquement en l’absence de toute preuve à l’effet contraire.

Délit de fuite - défense - l’état de panique dont il est question ne se limite pas à une simple affirmation de l’intimée quant à un tel état

R. c. Poulin-Chénard, 2007 QCCA 342 (CanLII)

[2] En matière de délit de fuite, la poursuite doit démontrer que l’accusé a omis d’arrêter son véhicule dans l’intention spécifique d’échapper à sa responsabilité. À cet égard, la présomption de l’art. 252 (2) C.cr. peut être repoussée en soulevant un doute raisonnable. Or, le juge de première instance a conclu que la défense soulevait un tel doute et cette conclusion, qui relève de l’appréciation de la preuve, ne saurait constituer une question de droit.

[3] Le juge de première instance a cru la déclaration de l’intimée de sorte que l’erreur de droit qu’il a commise, en affirmant que la poursuite ne pouvait attaquer la véracité de cette déclaration parce qu’elle l’avait elle-même mise en preuve, n’est pas une erreur déterminante. Par ailleurs, cette conclusion sur la crédibilité de la déclaration distingue la présente affaire de l’arrêt R. c. Carignan, REJB 2003-39278 (C.A.), cité par l’appelante. En effet, dans Carignan, l’accusé, qui était l’appelant, a présenté une nouvelle preuve en rapport avec son comportement après l’accident. Or, la Cour a rejeté son explication, ce qui rendait illusoire toute défense d’automatisme ou d’absence d’intention spécifique. De plus, Carignan avait tenté de camoufler son implication dans un accident, ce qui était de nature à contredire son affirmation selon laquelle il n’avait pas l’intention de fuir sa responsabilité. Dans le présent dossier, le juge de première instance a cru la déclaration de l’intimée et cette preuve pouvait supporter la théorie de la défense qui niait que l’intimée ait eu la capacité de former l’intention spécifique requise.

[4] De plus, le juge a cru le psychiatre qui a témoigné pour la défense. Or, selon ce dernier, l’intimée était incapable de former l’intention de fuir sa responsabilité. Il a fait état d’un ensemble de circonstances dont l’intensité l’a amené à conclure ainsi. Il mentionne notamment :

- l’état de panique dans lequel fut plongée l’intimée, état accompagné de symptômes tant physiologiques que psychologiques,

- les troubles de mémoire et d’organisation de la pensée causés par l’accident,

- la vue de la victime sur la chaussée que l’intimée a associée à son propre enfant (au moment de l’accident, l’intimée, alors âgée de 19 ans, avait elle-même un fils de trois ans alors que la victime en avait quatre),

- l’état de dissociation temporaire,

- le caractère totalement inattendu et imprévu de l’accident, l’intimée ne s’en étant rendu compte qu’après l’impact et sans avoir commis quelque infraction que ce soit, ceci ayant pour conséquence l’impossibilité de s’y préparer ne serait-ce qu’une fraction de seconde; or, selon le psychiatre, une telle situation peut avoir un effet multiplicateur sur les impacts psychologiques dans pareil cas,

- I’idée de fuir sa responsabilité ne «faisait pas partie de la pensée» de l’intimée, qui était d’ailleurs encore sous les soins d’un psychiatre au moment du procès, plusieurs mois après l’accident.

[5] Il ne s’agissait donc pas vraiment, comme le plaide l’appelante, d’une défense d’automatisme, qui requiert une preuve prépondérante, mais plutôt d’un ensemble d’éléments factuels et de circonstances qui, conjugués les uns aux autres, ont amené le juge de première instance à entretenir un doute raisonnable que l’intimée ait formé l’intention spécifique requise par la loi. Le juge de première instance n’a d’ailleurs pas limité son analyse à une défense d’automatisme. En effet, même s’il a mentionné que la défense était basée sur l’automatisme, il a conclu ainsi, après avoir résumé l’ensemble de la preuve et avoir indiqué qu’il croyait le psychiatre :

«…selon le psychiatre cet état de panique était à un point tel qu’elle, pendant un certain temps, ne pouvait former cette intention nécessaire […] et elle reprend ses esprits suite aux conseils de ses parents à la fin de l’après-midi, et à ce moment-là elle fait la chose qui est légalement prévisible ou que toute personne doit faire, c’est qu’elle avise les autorités en conséquence avec le délai que l’on connaît. Je dois conclure qu’à ce moment-là la défense s’est déchargée de renverser la présomption sur laquelle la preuve de la couronne était basée.»

[6] Tel que mentionné précédemment, l’état de panique dont il est question ne se limite pas à une simple affirmation de l’intimée quant à un tel état. Au contraire, la défense était fondée à la fois sur la déclaration de l’intimée, qui n’a pas limité son explication à un état de panique, et sur une preuve scientifique, déclaration et preuve que le juge a retenues dans leur entièreté et qui ont soulevé, dans son esprit, un doute raisonnable quant à l’existence de l’intention spécifique. Ceci distingue le présent dossier des arrêts R. v. Emery, 61 C.C.C. (2d) 84 (B.C. C.A.) et R. v. Brautigam, 6 M.V.R. (2d) 135 (B.C. C.A.), cités par l’appelante.

L'infraction de délit de fuite / présomption et principes

R. c. Dubois, 2008 CanLII 50594 (QC C.M.)

[73] La poursuite doit établir chacun de ces éléments essentiels. Cependant, à l'égard de l'élément intentionnel, elle bénéficie de la présomption formulée au paragraphe 2 de l'article 252 :

« Dans les poursuites prévues au paragraphe (1), la preuve qu’un accusé a omis d’arrêter son véhicule, bateau ou aéronef, d’offrir de l’aide, lorsqu’une personne est blessée ou semble avoir besoin d’aide et de donner ses nom et adresse constitue, en l’absence de toute preuve contraire, une preuve de l’intention d’échapper à toute responsabilité civile ou criminelle. »

[74] Ainsi, si l'accusé fait défaut de remplir l'une des obligations que lui impose l'article 252(1), la présomption prend effet. Celle-ci peut cependant être renversée en présence d'une preuve de nature à soulever un doute raisonnable. Si la présomption est renversée, il appartient alors à la poursuite d'établir l’aspect intentionnel selon son fardeau habituel de preuve (Fournier c. R., précitée, p. 251-252; Guay c. R., J.E. 78-365, par. 9 et 34 (C.A.); Gosselin c. R., reflex, (1988) 45 C.C.C. (3d) 568, par. 10-11 (C.A. Ont.); R. c. Poulin-Chénard, J.E. 2007-651, par. 2 (C.A.)). La présomption de l'article 252(2) a donc une portée similaire à celles des présomptions d'identité et d'exactitude en matière d'alcoolémie. L'accusé n'assume aucun fardeau de preuve.

[75] Ce dernier peut donc fournir des explications relatives à son défaut de rencontrer l'une des obligations que lui impose l'article 252(1). Si ses explications sont « raisonnablement vraies » eu égard à l'ensemble de la preuve et, soit qu'elles convainquent le Tribunal de l'absence d'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle en relation avec l'événement, soit qu'elles soulèvent un doute raisonnable à cet égard, l'accusé doit être acquitté.

[76] Toutefois, la preuve d'une intention autre que celle d'échapper à sa responsabilité civile ou criminelle, ne suffit pas pour neutraliser la présomption. Plusieurs intentions peuvent être concomitantes. La preuve doit donc nécessairement tendre à nier l'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle en relation avec l'événement (R. c. Hofer, précitée, p. 234-235).

[77] D'autre part, le Code criminel ne définit pas le terme « accident ». Eu égard à l'objet de l'article 252 et à l'intention du législateur, la jurisprudence a établi qu'il y a « accident » que le comportement qui lui donne lieu soit intentionnel ou non (Hansen c. R., reflex, (1988) 46 C.C.C. (3d) 504, par. 27 et 30 (C.A. C.-B.), qu'il y ait eu contact entre les véhicules ou non (Thériault c. R., REJB 2005-91233, par. 5 (C.A.Q.); Hannam et al. c. R., (1986) 1 M.V.R. (2d) 361, par. 10 et ss. (Q.B. Alb.)), que l'autre personne impliquée soit un piéton, le passager d'un autre véhicule ou le passager du véhicule de l'accusé (Mihalick c. R., (1991) 28 M.V.R. (2d) 114, par. 24-25 (C.A. C.-B.)) ou que des dommages résultent de l'événement ou non (Chase c. R., 2006 BCCA 275 (CanLII), (2006) 209 C.C.C. (3d) 43, par. 38 et ss. (C.A. C.-B.)).

[78] On ne peut conclure de l'arrêt Hill de la Cour suprême ([1975] 2 R.C.S. 403) qu'il exige qu'un préjudice ait été causé, puisque l'opinion de la majorité prend pour acquise l'existence d'un tel préjudice (par. 7). De plus, cette décision porte sur l'article 143A du Highway Traffic Act, et non sur l'article 252 du Code criminel.

[79] Lors des plaidoiries, la défense a invoqué la décision R. c. Rivest, REJB 1999-13105 rendue par l'honorable juge Bellavance de la Cour supérieure. Plus particulièrement, la défense souligne le principe selon lequel la poursuite est liée par le dossier qu'elle présente à la Cour et auquel l'accusé doit répondre. Les autorités les plus connues relatives à ce principe sont les arrêts Wynnychuk, [1962] 37 C.R. 216, 218 (C.A. Alb.) et Pendleton, reflex, [1982] 1 C.C.C. (3d) 228, 232 (C.A. Ont.).

[80] Selon ce principe, lorsque la poursuite a complété sa preuve, sa thèse quant à l'affaire est exposée. C’est à celle-ci que l’accusé doit répondre. Le Tribunal ne peut trouver l'accusé coupable d'une autre infraction, ou même d'une infraction similaire à celle reprochée, sur une base différente de la thèse de la poursuite en raison du témoignage de l'accusé ou de la preuve présentée en défense (voir aussi les autres décisions citées par l'honorable juge Bellavance : Drakes c. R., (1991) 33 M.V.R. (2d) 214, par. 37 (C.A.Q.) et Guindon c. R., C.S., no 760-36-000022-940, 21 décembre 1994, j. Boilard,).

[81] Ce principe ne prive cependant pas la poursuite de faire la preuve que l’enquête policière à l’origine des accusations a évoluée, alors qu'une infraction était d'abord suspectée, mais qu’elle a ultérieurement conduit à l'obtention de la preuve de la commission d'une autre infraction, plutôt ou en sus de l’infraction originellement suspectée, ou d'une infraction commise par une autre personne que celle originellement soupçonnée.

[82] Le principe des arrêts Pendleton et Wynnychuk, précités, ne neutralise pas non plus l'application de la règle des infractions incluses, si la preuve présentée originellement par la poursuite, sa thèse, peut mener à l'application de cette règle.

[83] Le principe de ces arrêts empêche plutôt que l'accusé soit trouvé coupable d'une infraction commise dans des circonstances que ne lui reproche pas la poursuite. Elle a pour but d'éviter que le témoignage de l'accusé ne puisse être utilisé contre lui pour conclure à sa culpabilité sur une base et dans des circonstances différentes de celles reprochées par la poursuite. La décision Rivest, précitée, est particulièrement explicite à ce sujet.

mercredi 30 décembre 2009

Délit de fuite – Intention spécifique – Doute raisonnable

R. c. Lavoie, 2009 QCCQ 647 (CanLII)

[10] Il est entendu que cette présomption n'impose pas à l'accusé un fardeau de persuasion, mais plutôt un fardeau de présentation, et qu'elle peut être repoussée en soulevant un doute raisonnable (R. c. Poulin-Chénard, [2007] J.Q. no 1738, (C.A.Q).

[12] Il existe dans la jurisprudence des jugements qui ont eu à examiner ce que certains qualifient, à tort ou à raison, de "défense de peur ou de panique".

[13] Par exemple, dans R. v. Brautigam, [1988] B.C.J. no. 417 (C.A.C.B.), l'accusé s'était contenté de déclarer qu'il avait quitté les lieux de l'accident car il avait eu peur (scared), sans plus, sans expliquer pourquoi il avait eu peur:

(…) Unusual circumstances might conceivably occur where fright may be caused for reasons other than escaping criminal or civil liability. But fright or panic are not by themselves sufficient to displace the presumption established by Parliament to force drivers who injure persons in motor vehicle accidents to render assistance to their victims. Being scared describes a man's reaction to the events but does not disclose why he flees. In this case there was no other evidence for the judge to consider, as there was in Emery. Absent reasonable and explicit other specific reasons for leaving the scene of the accident the judge was right in concluding the presumption to escape liability was not displaced. The expression "I was scared" is not by itself evidence of a lack of intent to escape criminal or civil liability.

[14] Dans R. v. Emery [1981] B.C.J. No. 889 (C.A.C.B.), auquel il est fait allusion dans l'extrait précédent de Brautigam, l'accusé avait quitté les lieux de l'accident non pas dans l'intention d'échapper à sa responsabilité civile ou criminelle, mais, parce que, disait-il, il avait paniqué, car "he was afraid of […] the view of a dead man at the scene".

[15] Malgré cette explication, et malgré que le juge de première instance ait dit croire l'explication de l'accusé, celui-ci a tout de même été trouvé coupable. Cette condamnation a été maintenue en appel devant la County Court.

[16] En appel devant la Cour d'appel de Colombie-Britannique, l'appel de l'accusé a été rejeté, mais non sans une forte dissidence du juge Anderson. La majorité a dû interpréter la décision du premier juge pour maintenir la condamnation. Quant au juge Anderson, il aurait accueilli l'appel de l'accusé et cassé la condamnation au motif que:

[34] The learned trial judge, in my opinion, fell into error in holding that panic or fear could not constitute a lawful excuse for leaving the scene of an accident. In so doing, the learned trial judge applied the wrong test. The issue to be determined was not whether the accused left the scene because he panicked, but whether when he left the scene he did so with the intention of escaping civil or criminal liability. The accused testified that it was not his intention to escape liability, either criminal or civil, and that he left the scene because, "I was just afraid that I was pretty positive the fellow was dead and I just didn't want to go there. I don't think I could have handled it if he was, to see his dead body lying."

[35] As the learned trial judge accepted this evidence, he was bound in law to reach the conclusion that the presumption contained in Section 233 subsection (3) had been rebutted and that the accused must be acquitted.

[17] Par ailleurs, la jurisprudence contient de multiples exemples où l'explication de l'accusé à l'effet qu'il avait quitté les lieux de l'accident parce qu'il avait eu peur ou parce qu'il avait paniqué a été retenue.

[18] Par exemple, dans une affaire de R. v. Vitzthum, [1988] B.C.J. no. 3112, (C.C.C.B.), le juge retient que:

8. The learned trial Judge found that with regard to the appellant's failure to stop his vehicle, there was evidence to the contrary. In this regard, he refers to the appellant's "panic" and "the general excitement of the situation" and concludes that stopping his vehicle might only have aggravated the already violent situation between himself and the complainant and the complainant's friend

[19] Dans cette affaire, l'accusé était confronté à une prostituée qui venait d'accepter son argent sans lui rendre les services escomptés, et de laquelle il avait bien l'intention de récupérer la somme d'argent avancée.

[20] Dans ses efforts pour récupérer ladite somme d'argent, l'accusé s'est retrouvé face à cette dame, qui est soudainement sortie de l'auto de son souteneur, cette fois armée d'un couteau avec une lame de 6 pouces, et face au souteneur lui-même, armé quant à lui d'un "2 x 4", dont il s'est d'ailleurs servi pour frapper violemment une des portes du véhicule de l'accusé.

[21] Pris de panique, l'accusé a omis de s'arrêter après qu'il eût accidentellement frappé le souteneur en voulant prendre la fuite. Accusé de délit de fuite, le juge d'appel a jugé que l'accusé avait de bonnes raisons d'avoir peur, et que sa responsabilité civile et criminelle était le moindre de ses soucis dans les circonstances. L'accusé a donc été acquitté.

[22] Pour un autre exemple, voir aussi R. v. Kleberc, [2007] Y.J. No.58 (YK. T.C.).

[23] Dans Poulin-Chénard, précité, la Cour d'appel écrit dans son jugement que la preuve présentée laissait, dans les circonstances, amplement place pour un doute raisonnable quant à l'intention spécifique de l'accusé:

6. Tel que mentionné précédemment, l'état de panique dont il est question ne se limite pas à une simple affirmation de l'intimée quant à un tel état. Au contraire, la défense était fondée à la fois sur la déclaration de l'intimée, qui n'a pas limité son explication à un état de panique, et sur une preuve scientifique, déclaration et preuve que le juge a retenues dans leur entièreté et qui ont soulevé, dans son esprit, un doute raisonnable quant à l'existence de l'intention spécifique. Ceci distingue le présent dossier des arrêts R. v. Emery, 61 C.C.C. (2d) 84 (B.C. C.A.) et R. v. Brautigam, 6 M.V.R. (2d) 135 (B.C. C.A.), cités par l'appelante.

[24] Dans l'affaire R. c. Breault, [1995] J.Q. no. 3137 (C.Q.), citée par la défense, l'accusé a soulevé dans l'esprit de la juge d'instance un doute raisonnable quant à son intention de quitter les lieux dans le but d'éviter "une poursuite criminelle ou civile", et l'accusé a été acquitté.

[25] Pour ce faire, l'accusé a témoigné sur son état d'esprit après l'accident, et a fait entendre des témoins qui ont "corroboré" ou ajouté à la version de l'accusé.

[26] Dans Breault, aucune preuve de nature médicale relative à l'état d'esprit de l'accusé n'a été présentée. Manifestement, une preuve de nature médicale de l'état mental de l'accusé est pertinente dans l'évaluation de l'intention qui animait l'accusé lorsqu'il a quitté les lieux de l'accident. Mais elle n'est pas essentielle.

[27] Dans une affaire de F.F.T, [2003], AZ-50176834 (C.Q.), le juge de première instance, face aux explications de l'accusée, conclut que l'état de l'accusée

[…] est celui d'une personne normale qui a vu un homme en train de mourir des suites d'un accident où elle a été impliquée et où elle n'avait rien à se reprocher. Elle ne circulait pas trop vite ni négligemment avant l'accident. Elle n'était pas intoxiquée au moment de l'écrasement de monsieur A.

[28] L'accusée a été trouvée coupable.

[29] Finalement, dans une affaire de Fournier, rapportée à [1979] J.Q. no 215 (C.A.Q.), les faits étaient les suivants:

[20] [L'accusé] réside à St-Antoine de Pontbriand, mais passe la soirée dans un hôtel de St-Jacques de Leeds, où, en compagnie d'un ami, il consomme, dit-il, de 7:30 p.m. environ jusque vers 3:00 a.m., cinq ou six petites bouteilles de bière. Au volant de sa voiture il quitte l'hôtel dans l'intention d'aller coucher chez son beau-frère, à St-Jacques. Arrivant à destination il freine, dévie à gauche dans l'intention de faire un virage à droite, dérape et heurte les voitures stationnées de Chabot et de Poulin. Il conduit sa voiture dans l'entrée de la cour de son beau-frère, en descend, examine les dégâts.

[21] Enervé, dit-il, il remonte dans son automobile, réfléchit et se dit qu'il n'éveillera pas son beau-frère à cette heure de la nuit, que le matin venu il avisera Chabot de l'accident; il ignore alors avoir heurté aussi la voiture de Poulin.

[22] Fournier se rend coucher chez lui, et vers 11:00 a.m. se rend chez son beau-frère, constate qu'íl a endommagé deux voitures, et s'identifie aux deux victimes.

[30] La Cour d'appel accueille l'appel de l'accusé, et l'acquitte, et ce dans les termes suivants:

A l'étude de l'ensemble de la preuve, vu la crédibilité que le premier juge ne refusa pas à Fournier [le juge de première instance avait cru l'accusé], considérant que l'appelant connaissait les victimes de l'accident dont il fut l'auteur et se rendit les visiter, les explications vraisemblables et raisonnablement croyables fournies par l'accusé de son départ des lieux sans s'identifier, l'heure tardive de la nuit et les autres circonstances que révèle le dossier, je ne puis dissiper un doute que j'estime raisonnable que l'accusé n'ait pas eu l'intention, en quittant les lieux, de se soustraire à sa responsabilité civile ou criminelle.

samedi 26 septembre 2009

L'attaque de panique est de nature à constituer une preuve contraire et à repousser la présomption édictée à l'article 252(2)

R. c. Vézina, 2002 CanLII 25504 (QC C.Q.)

[2] La question en litige porte sur l'intention spécifique requise, soit celle d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle, puisque l'accusé justifie sa fuite des lieux de l'accident par la panique qui l'a envahi.

[9] Deux psychiatres, l'un à la demande de la défense, l'autre à celle de la poursuite pour obtenir une contre-expertise, concluent que l'accusé a été l'objet d'une "attaque de panique", que décrit ainsi le DSM-IV (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, utilisé notamment en Amérique du nord):

"La caractéristique essentielle de l'Attaque de panique consiste en une période bien délimitée d'anxiété ou de malaise très intense accompagnée par au moins 4 à 13 symptômes somatiques ou cognitifs. L'attaque a un début soudain et atteint rapidement son acmé (habituellement en 10 minutes ou moins) et est souvent accompagnée d'un sentiment de danger ou de catastrophe imminente et d'un besoin urgent de s'échapper".

Le DSM-IV rapporte encore que:

"Les sujets consultant pour des Attaques de panique inattendues décrivent habituellement la peur comme intense et disent qu'il ont pensé être sur le point de mourir, de perdre le contrôle d'eux-mêmes, d'avoir une crise cardiaque, ou un accident vasculaire cérébral ou de "devenir four". Ils rapportent aussi habituellement un désir urgent de fuir l'endroit quel qu'il soit où l'attaque est survenue"

[10] Cette preuve est-elle de nature à constituer une preuve contraire et à repousser la présomption édictée à l'article 252(2) du Code criminel qui stipule que:

"Dans les poursuites prévues au paragraphe (1), la preuve qu'un accusé a omis d'arrêter son véhicule, bateau ou aéronef, d'offrir de l'aide, lorsqu'une personne est blessée ou semble avoir besoin d'aide et de donner ses nom et adresse constitue, en l'absence de toute preuve contraire, une preuve de l'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle"?

La jurisprudence s'entend pour dire que face à une telle présomption, l'accusé n'a qu'à soulever un doute raisonnable dans l'esprit du Tribunal, à apporter une preuve que le Tribunal ne doit pas nécessairement croire mais qu'il doit considérer plausible, pouvant raisonnablement être vraie. Par contre, dans un cas comme celui-ci, il faut plus que la simple affirmation de l'accusé qu'il a été pris de panique, et une preuve extérieure est généralement exigée.

[11] Les symptômes physiques associés à une attaque de panique ont ici été observés par les policiers, tant au domicile de l'accusé qu'au poste de police, par les ambulanciers et par le personnel de l'hôpital. De plus, le Dr. Chamberland a pris soin de s'assurer qu'il n'était pas victime de simulation de la part de l'accusé. Le Tribunal se trouve donc devant une preuve plus que plausible et vraisemblable que l'accusé a alors souffert d'une attaque de panique.

[12] Mais cette attaque de panique constitue un trouble mental, selon le DSM-IV, que le Dr. Gagné décrit comme étant "un épisode dissociatif bref". Ce trouble mental est-il de la nature de ceux qui entraînent un verdict de non responsabilité criminelle au sens des articles 16 et 672.34 C.cr. ou entre-il dans la catégorie des automatismes entraînant un verdict d'acquittement?

[13] Le Tribunal estime que la défense avancée par l'accusé en est une d'automatisme. La Cour suprême du Canada, en 1980 avait adopté la définition suivante de l'automatisme:

"L'automatisme désigne un comportement qui se produit à l'insu de la conscience et qui échappe à la volonté. C'est l'état d'une personne qui, tout en étant capable d'agir, n'est pas consciente de ce qu'elle fait. Il désigne un acte inconscient et involontaire, où l'esprit ne sait pas ce qui se produit".

M. le juge Bastarache, dans l'arrêt Stone, proposait en 1999 une définition plus large de l'automatisme qu'il décrivait:

"comme étant un état de conscience diminué, plutôt qu'une perte de conscience, dans lequel la personne, quoique capable d'agir, n'a pas la maîtrise de ses actes".

La description que donnait le Dr. Gagné de l'état de l'accusé en proie à son attaque de panique cadre tout à fait avec chacune des deux définitions de l'automatisme données par la Cour suprême du Canada. La preuve dans son ensemble établit donc par prépondérance des probabilités que l'accusé a souffert d'un automatisme après l'accident, lequel l'a empêché d'avoir l'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle, ce qui constitue pourtant l'essence de l'infraction qui lui est reprochée.

[14] Finalement, rien dans la preuve ne permet de penser que cet automatisme découle "d'une maladie organique ou de la constitution psychologique ou émotionnelle de l'accusé", mais tout démontre que "le déséquilibre mental momentané de l'accusé a été provoqué par un facteur externe", ici un choc psychologique traumatisant. Or, comme le disait le juge Martin, cité avec approbation dans l'arrêt Rabey, "des troubles momentanés de la conscience dus à des facteurs externes spécifiques ne relèvent pas du concept de la maladie mentale". Le Tribunal ne peut donc pas considérer que cet automatisme constitue une maladie mentale selon la théorie de la cause interne.[12] Il ne le peut pas davantage en invoquant la théorie du risque subsistant ou un autre facteur d'ordre public.

[15] La preuve apportée par la défense indique que lorsque l'accusé a quitté la scène de l'accident, ce n'était pas pour échapper à sa responsabilité civile ou criminelle, car il était alors dans un état de conscience qui le rendait incapable de former une telle intention. La défense d'automatisme offerte a la qualité voulue pour être une preuve contraire qui repousse la présomption établie à l'article 252(2) C.cr. Comme rien d'autre dans la preuve n'établit que la fuite des lieux de l'accident visait à soustraire l'accusé de sa responsabilité civile ou criminelle, là encore un élément essentiel que doit prouver le ministère public, le Tribunal n'a d'autre choix que de constater que ce dernier ne s'est pas déchargé de son fardeau.

mardi 4 août 2009

Exposé des règles relatives au délit de fuite

R. c. Fournier, 2004 CanLII 374 (QC C.Q.)

[33] L'article 252(1) du Code criminel sanctionne le manquement de toute personne impliquée dans un accident d'assumer la responsabilité civile ou criminelle qui y est rattachée. Il s'agit là du principe fondamental.

[34] De façon plus spécifique, la loi oblige la personne qui conduit un véhicule à moteur ou qui en a la garde ou le contrôle et qui est impliquée dans un accident à arrêter son véhicule, à fournir de l'aide aux personnes qui semblent en avoir besoin et à donner ses nom et adresse.

[35] Ces obligations sont de toute évidence créées pour que les personnes concernées par un accident puissent notamment savoir à qui elles ont affaires de sorte que les responsabilités civiles ou criminelles puissent être plus aisément départagées.

[36] Le législateur présume à l'article 252 (2) du Code criminel que le conducteur qui est impliqué dans un accident et qui omet de remplir l'une ou l'autre des obligations qui sont mentionnées au paragraphe (1) a l'intention d'échapper à sa responsabilité civile ou criminelle.

[37] Par ailleurs, cette présomption se réfute. Il suffit qu'existent dans l'ensemble de la preuve des éléments qui soulèvent un doute raisonnable quant à l'intention du fuyard. Si l'ensemble de la preuve permet de douter que l'accusé ait quitté les lieux de l'accident avec intention de fuir sa responsabilité civile ou criminelle, il doit être acquitté. Autrement dit, s'il existe des éléments de preuve qui soulèvent un doute raisonnable à l'effet que l'accusé n'a pas omis de donner ses nom et adresse dans l'intention d'échapper à sa responsabilité civile ou criminelle relative à l'accident, il doit être acquitté.

[38] Trois commentaires s'imposent ici.

[39] Il ne faut pas confondre "preuve contraire" avec les autres moyens de défense. La preuve contraire est une défense spécifique qui vise à soulever un doute raisonnable quant à un des éléments constitutifs de l'infraction, en l'instance l'intention coupable. La preuve contraire n'est pas la seule défense possible à un accusé inculpé de l'infraction de délit de fuite. Il peut notamment soulever un doute à l'effet qu'il n'était pas le conducteur, qu'il n'avait pas la garde ou le contrôle du véhicule impliqué ou, encore qu'il n'a pas été impliqué dans un accident ou aussi qu'il n'a jamais eu connaissance de l'accident. En plus de ces défenses spécifiques à l'inculpation de délit de fuite, l'accusé peut invoquer toutes les autres défenses dites générales connues en droit criminel comme la contrainte ou la nécessité.

[40] L'existence d'une présomption et de la possibilité de la réfuter par une preuve contraire ne dispense pas la poursuite de son obligation générale de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité d'un accusé. En l'espèce, la preuve dans son ensemble doit démontrer hors de tout doute raisonnable que l'accusé a omis de donner ses nom et adresse dans le but spécifique d'échapper à sa responsabilité civile ou criminelle. La présomption non réfutée permet de tirer cette conclusion tout comme l'ensemble de la preuve peut aussi le permettre.

[41] La poursuite doit prouver que la responsabilité civile ou criminelle à laquelle l'accusé doit avoir l'intention d'échapper a un rapport avec l'accident (voir R. c. Fournier 1979 8 CR (3ed) 248.) ou avec la conduite automobile l'ayant précédé (R. c. Hoffer 1983 2 CCC (3ed) 236). En contre-partie, il ne suffit pas, pour réfuter la présomption et soulever un doute raisonnable sur l'intention criminelle, que la preuve montre que l'accusé, en quittant les lieux, était animé d'une quelconque intention, sans rapport avec l'accident ou la conduite automobile l'ayant précédée. Ainsi, celui qui affirme avoir quitté les lieux d'un accident parce qu'il savait qu'il avait des mandats d'arrestation pendants contre lui et qu'il ne voulait pas être arrêté n'établit pas une preuve contraire, parce que l'intention qu'il affirme avoir eu n'a aucun lien avec la responsabilité civile ou criminelle relative à l'accident ou à la conduite automobile l'ayant précédée (voir R. c. Hoffer déjà cité). En somme, la preuve contraire doit avoir un lien logique et une pertinence factuelle avec l'accident ou la conduite automobile qui l'a précédé pour être susceptible de réfuter la présomption.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...