Rechercher sur ce blogue

Aucun message portant le libellé loi sur la preuve. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé loi sur la preuve. Afficher tous les messages

dimanche 1 juin 2025

La partie qui tente de faire admettre en preuve, à titre de ouï-dire, une déclaration antérieure incompatible d’un de ses témoins cherche à dénouer l’impasse dans laquelle elle se trouve en raison du refus ou de l’incapacité du témoin à s’exprimer adéquatement sur les faits relatés dans sa déclaration antérieure

Charles c. R., 2022 QCCA 1013 (infirmé pour d'autres motifs par R. c. Charles, 2024 CSC 29 

Lien vers la décision


[22]      L’intimée rétorque que l’appelant se méprend sur la teneur et la portée des exigences de l’article 9(2) L.p. Elle ajoute que la Cour suprême n’a jamais décidé que la procédure y étant énoncée constituait une étape préalable à l’admission en preuve, à titre de ouï-dire, d’une déclaration extrajudiciaire antérieure d’un témoin affirmant ne se souvenir de rien. Elle attire aussi l’attention de la Cour sur R. v. Glowatski[10], un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique rejetant un argument identique à celui soulevé par l’appelant.

[23]      À mon avis, l’intimée a raison.

[24]      L’article 9 L.p. ne concerne pas la règle générale d’exclusion du ouï-dire ni les circonstances dans lesquelles ce type de preuve peut être admis. Il a plutôt trait à la règle de common law interdisant à une partie d’attaquer la crédibilité d’un de ses témoins à l’aide d’une preuve générale de mauvaise moralité. Le législateur réitère cette règle au premier paragraphe de l’article 9 L.p., puis il établit une exception lorsque le témoin s’avère être « opposé/adverse » à la partie l’ayant convoqué : celle-ci pourra alors réfuter les affirmations du témoin par d’autres témoignages ou encore être autorisée, si les fins de la justice le requièrent, à prouver que le témoin a fait une déclaration antérieure incompatible à l’égard de laquelle ce dernier pourra ensuite être contre-interrogé. Cette exception s’ajoute à celle, reconnue en common law depuis longtemps, permettant à une partie de contre-interroger un de ses témoins lorsque celui-ci lui est hostile[11].

[25]      Le second paragraphe de l’article 9 L.p., quant à lui, traite du cas particulier de la partie souhaitant attaquer la crédibilité d’un de ses témoins en se servant d’une déclaration écrite ou enregistrée qu’il a faite et qui est incompatible avec son témoignage. La partie concernée pourra être autorisée[12], là encore si les fins de la justice le requièrent, à contre-interroger le témoin quant à sa déclaration antérieure incompatible. Le tribunal pourra aussi, sur la foi de ce contre-interrogatoire, constater que le témoin est opposé à la partie l’ayant convoqué, permettant du coup à cette dernière de se livrer à une attaque plus étendue de sa crédibilité[13].

[26]      La partie qui tente de faire admettre en preuve, à titre de ouï-dire, une déclaration antérieure incompatible d’un de ses témoins ne cherche pas, à proprement parler, à attaquer sa crédibilité afin d’atténuer la force probante d’un témoignage qu’elle considère faux ou inexact. Elle cherche plutôt à dénouer l’impasse dans laquelle elle se trouve en raison du refus ou de l’incapacité du témoin à s’exprimer adéquatement sur les faits relatés dans sa déclaration antérieure : elle invoque alors la nécessité d’admettre en preuve cette déclaration afin que le juge des faits puisse avoir accès à la version du témoin qu’elle estime utile à sa cause. Il s’agit d’une finalité bien différente de celle poursuivie par la procédure prévue à l’article 9(2) L.p.

[27]      Dans les circonstances, je vois mal en quoi il serait nécessaire ou même utile d’exiger l’épuisement de cette procédure avant que la déclaration antérieure incompatible du témoin puisse être admise en preuve à titre de ouï-dire. Il n’est donc pas surprenant de constater que la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rejeté un argument analogue à celui soulevé par l’appelant[14] et que plusieurs auteurs particulièrement autorisés ont pris position dans le même sens. C’est notamment le cas des auteurs Hill, Tanovich et Strezos qui, tout en admettant que l’arrêt B. (K.G.)[15] pouvait être interprété comme appuyant la thèse défendue par l’appelant, approuvent sans réserve la solution retenue par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[16] :

R. v. K.G.B. suggests that where a witness recants an earlier version of events given to police the usual course will be for the calling party to make an application under s. 9 of the Canada Evidence Act before applying to have the statement admitted under the principled exception to the hearsay rule. Nevertheless, in R. v. Glowatski, the British Columbia Court of Appeal rejected the argument that a s. 9 application is a necessary precondition to applying for the admission of the statement under the principled exception; provided the requirements of the principled exception were met, the statement could be admitted. This flexible approach makes sense and allows counsel and the court to adopt whatever procedure makes the most sense in the circumstances. That having been said, counsel should state whether an application is being brought under s. 9 alone, the principled exception to the hearsay rule, or both. Alerting the judge and the opposing party to the scope of the application ensures that matters relevant to the issues raised can be fully canvassed in the voir dire.

La procédure édictée dans l'arrêt Milgaard concernant la demande faite en vertu du par. 9(2) LPC

McInroy et autre c. La Reine, 1978 CanLII 175 (CSC)

Lien vers la décision


Dans Regina vMilgaard[2]à la p. 221, le juge en chef Culliton a recommandé l’adoption de la procédure suivante dans le cas d’une demande faite en vertu du par. 9(2):

[TRADUCTION] (1) L’avocat doit tout d’abord avertir la Cour qu’il veut faire une requête en vertu du par. 9(2) de la Loi sur la preuve au Canada.

(2) La Cour doit alors demander au jury de se retirer.

(3) En l’absence du jury, l’avocat doit exposer les détails de la requête au juge du procès et lui remettre la prétendue déclaration par écrit ou prise par écrit.

(4) Le juge du procès doit alors lire la déclaration et décider si elle présente effectivement quelque incompatibilité avec la déposition du témoin en cour. S’il conclut à l’absence d’incompatibilité, la question est close; par contre, s’il trouve quelque incompatibilité, il doit demander à l’avocat de faire la preuve de la déclaration en question.

(5) L’avocat doit alors faire la preuve de la déclaration; il peut le faire en confrontant le témoin avec la déclaration. Si le témoin avoue avoir fait la déclaration par écrit ou prise par écrit, cette preuve suffit. Si le témoin ne fait aucun aveu, l’avocat peut faire sa preuve par d’autres moyens.

(6) Si le témoin avoue avoir fait la déclaration, l’avocat de la partie adverse a le droit de le contre-interroger quant aux circonstances de la déclaration. Ce droit au contre‑interrogatoire existe également si la preuve de la déclaration est faite par d’autres témoins. Il est possible qu’il puisse établir que, dans les circonstances, le juge du procès ne devrait pas permettre le contre-interrogatoire, malgré les incompatibilités apparentes. L’avocat de la partie adverse doit également avoir le droit d’apporter la preuve de facteurs pertinents à l’obtention de la déclaration, dans le but d’établir qu’on ne devrait pas permettre le contre-interrogatoire.

(7) Le juge du procès doit alors décider s’il va permettre le contre-interrogatoire et, dans l’affirmative, il doit rappeler les jurés.

La démarche établie par la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’arrêt Milgaard devant être suivie pour permettre un contre-interrogatoire au sujet d’une déclaration antérieure incompatible

Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Plante, 2024 QCCQ 7894



[23]        La poursuite demande l’application de l’article 9(2) de la Loi sur la preuve[5]puisque son témoin persiste notamment à ne pas reconnaitre le contenu d’une déclaration antérieure incompatible.

         L’article 9 (2) de la Loi sur la preuve :

[24]        La poursuite demande de contre-interroger son propre témoin à partir de la déclaration écrite antérieure incompatible. Pour ce faire, il lui faut suivre la procédure établie par la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’arrêt Milgaard[6].

[25]        L’objectif poursuivi est d’admettre, à titre d’exception au ouï-dire, la déclaration antérieure du témoin, même si ce dernier persiste à la nier ou à l’embellir, jusqu’à la dénuer de son fondement véritable. Lorsque les garanties de nécessité et de fiabilité sont satisfaites alors cette déclaration antérieure peut être admise.

[26]        La Cour suprême dans l’arrêt R. c B. (K.G)[7] reconnait la discrétion au juge du procès d’admettre ou non cette déclaration et de la considérer comme une exception au ouï-dire :

Si une partie fait part de son intention de faire admettre la déclaration comme preuve de fond, le juge du procès doit tenir un voir‑dire conformément à l'art. 9 de la Loi sur la preuve au Canada afin de s'assurer que les indices de fiabilité nécessaires pour l'admission de la preuve par ouï‑dire des déclarations antérieures sont présents et authentiques.  Dans l'affirmative, il doit alors examiner les circonstances dans lesquelles la déclaration a été obtenue, s'assurer que, si la déclaration étayée par les indices de fiabilité a été faite à une personne en situation d'autorité, elle a été faite volontairement et qu'aucun autre facteur ne serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice si la déclaration était admise comme preuve de fond. 

Dans la plupart des cas, comme en l'espèce, la partie qui cherche à faire admettre les déclarations antérieures incompatibles comme preuve de fond devra établir, selon la prépondérance des probabilités, que ces conditions ont été remplies.  Le juge du procès ne doit pas décider si la déclaration antérieure incompatible est vraie, ni si elle est plus digne de foi que le témoignage actuel, car cette décision revient au juge des faits. 

Une fois ce processus terminé et que tous ses éléments constituants ont été vérifiés, il n'est pas nécessaire que le juge du procès donne au jury la directive restrictive habituelle, mais il peut au lieu de cela dire aux jurés qu'ils peuvent considérer la déclaration comme une preuve de fond de son contenu ou, s'il siège seul, la tenir lui‑même pour une preuve au fond, en lui accordant le poids approprié après avoir pris en considération l'ensemble des circonstances

Dans les deux cas, le juge doit donner comme directive au jury d'examiner soigneusement ces circonstances lorsqu'il évalue la crédibilité de la déclaration antérieure incompatible par rapport à la déposition du témoin au procès.  Si la déclaration antérieure n'offre pas les garanties circonstancielles de fiabilité nécessaires, et ne satisfait donc pas au critère préliminaire examiné durant le voir‑dire, mais que la partie qui présente la déclaration antérieure remplit par ailleurs les exigences prévues aux par. 9(1) ou (2) de la Loi sur la preuve au Canada, la déclaration peut tout de même être produite en preuve, mais le juge du procès doit donner des directives au jury en conformité avec la règle orthodoxe.

(Surlignés par le Tribunal)

[27]        Pour permettre un contre-interrogatoire au sujet d’une déclaration antérieure incompatible, plusieurs étapes se succèdent et ce, après avoir constaté qu’un rafraîchissement de mémoire du témoin s’avère insuffisant. Elles sont résumées par l’auteur Me Nicolas Bellemare[8] nous les reprenons ici:

1.   L’avocat qui a produit le témoin avise la cour qu’il veut faire une requête pour appliquer l’article 9 (2) de la Loi sur la preuve

2.   la cour demande au jury de se retirer

3.   l’avocat expose les détails et remet au juge la déclaration écrite

4.   le juge lit la déclaration et décide s’il y a incompatibilité entre la déclaration et le témoignage

5.   s’il décide qu’il y a incompatibilité, le juge demande de faire la preuve de la déclaration

6.   cette preuve peut être faite par le témoin lui-même qui en admet l’existence ou par d’autres témoins, et la partie adverse a droit de les contre-interroger sur les circonstances de la déclaration. L’avocat de la partie adverse peut aussi citer d’autres témoins pour établir qu’on ne devrait pas permettre l’interrogatoire contradictoire

7.   le juge décide ensuite s’il permet la contradiction du témoin

8.   le juge rappelle les jurés et l’interrogatoire du témoin se poursuit, contradictoirement ou non selon la décision du juge

mercredi 28 mai 2025

Les règles entourant la preuve documentaire en présence d'un document électronique lorsque celui-ci consiste en des données générées automatiquement par un instrument technologique

Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Leblanc, 2022 QCCS 4444

Lien vers la décision


[24]        Il importe de distinguer l’admissibilité d’un élément de preuve, à titre de question de droit, de sa valeur probante, à titre de question de fait. L’admissibilité d’un élément de preuve concerne sa recevabilité légale au procès. Comme le rappelle la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Schneider2022 CSC 34, l’admissibilité d’un élément de preuve est déterminée par le juge du droit selon une analyse en trois points :

         Premièrement, la preuve proposée doit être pertinente. Il s’agit d’une condition nécessaire et indispensable. Une preuve est pertinente si elle tend, selon la logique et l’expérience humaine, à accroitre ou à diminuer la probabilité de l’existence d’un fait en litige. La pertinence concerne essentiellement la signification de la preuve, et non sa force probante ni même sa véracité.

         Deuxièmement, il faut appliquer les règles d’exceptions visant la preuve proposée. En principe, une preuve pertinente est admissible. Cependant, le droit prévoit diverses exceptions ou règles spécifiques qui peuvent entrainer l’exclusion d’une preuve pertinente qui serait autrement admissible.

         Troisièmement, le juge peut, en vertu de son pouvoir discrétionnaire résiduel, exclure une preuve qui comporte un effet préjudiciable qui surpasse sa valeur probante.

[25]        Ensuite, les principes et les règles de preuve du droit criminel s’appliquent au droit pénal québécois, avec quelques réserves incluant l’application de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, RLRQ c C-1.1. L’art. 61 du Code de procédure pénale stipule ce qui suit :

61. Les règles de preuve en matière criminelle, dont la Loi sur la preuve au Canada (Lois révisées du Canada (1985), chapitre C-5), s’appliquent en matière pénale, compte tenu des adaptations nécessaires et sous réserve des règles prévues dans le présent code ou dans une autre loi à l’égard des infractions visées par cette loi et de l’article 283 du Code de procédure civile (chapitre C-25.01) ainsi que de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (chapitre C-1.1).

Les dispositions du Code criminel (Lois révisées du Canada (1985), chapitre C-46) relatives aux dépositions à distance des témoins s’appliquent, compte tenu des ressources mises à la disposition du tribunal, à l’instruction des poursuites intentées conformément au présent code.

[26]        Une règle spécifique s’applique à la preuve documentaire. Pour être admissible, un document doit minimalement être appuyé par une preuve étayant son authenticité, c’est-à-dire une preuve pouvant établir que le document est véritablement ce que l’on prétend qu’il est. Au stade de l’admissibilité, il s’agit seulement pour le juge du droit de vérifier l’existence d’une preuve pouvant fonder l’authenticité du document, car l’appréciation de la valeur probante du document doit être laissée au juge des faits. Le plus souvent, l’authenticité d’un document repose sur les explications d’un témoin, son auteur ou une personne autrement capable de le reconnaitre. Toutefois, l’authenticité peut être démontrée d’une autre façon, par exemple au moyen d’une admission, d’un témoignage d’expert ou même d’une preuve circonstancielle. La règle est essentiellement la même dans le cas d’un document technologique ou généré par un instrument technologique, quoique la question de l’intégrité informatique du document s’ajoute à la question de l’authenticité au sens classique. La notion d’intégrité informatique signifie que les données enregistrées ou produites par un système informatique doivent être intactes (art. 6, 12 à 14 de la La Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, précitée; art. 31.1 à 31.8 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C-5; D. M. Paciocco, P. Paciocco et L. Stuesser, The Law of Evidence, 8e éd., Toronto, Irwin Law, 2020, pp. 561-567; S. N. Lederman, M. K. Fuerst et H. C. Stewart, Sopinka, Lederman & Bryant: The Law of Evidence in Canada, 6e éd., 2022, pp. 1433-1435; G. Chan et S. Magotiaux, Digital Evidence, 2e éd.,Toronto, Emond Montgomery Publications, 2022, pp. 214-230; M. Gourlay, B. Jones, J. Makepeace, G. Crisp et R. Pomerance, Modern Criminal Evidence, Toronto, Emond Publishing, 2021, pp. 538-550; V. Gautrais, La preuve technologique, 2e éd., Montréal, LexisNexis Canada inc., 2018; par. 227; M. Phillips, La preuve électronique au Québec, Montréal, LexisNexis Canada inc., 2010; Benisty c. Kloda2018 QCCA 608, para. 85-105R. c. Major2022 SKCA 80R. c. Durocher2019 SKCA 97, para. 74-96R. c. Richardson2020 NBCA 35R. c. Ball2019 BCCA 32; R. c. Hirsch2017 SKCA 14).

[27]        Toutefois, l’authenticité d’un document (et son intégrité dans le cas d’un document technologique) n’est qu’un critère préliminaire d’admissibilité. Un document ne prouve pas d’emblée la véracité de l’information qu’il contient.

[28]        En effet, l’information que contient un document peut être assimilée à une déclaration extrajudiciaire écrite et constituer du ouï-dire, c’est le cas notamment de communications entre des personnes, de notes personnelles ou de données consignées dans un registre. Il s’agit alors de déterminer si l’information contenue au document peut être admise pour faire la preuve de sa véracité en vertu d’une règle d’exception au ouï-dire ou d’une règle spécifique en matière de preuve documentaire, notamment selon la Loi sur la preuve au Canada (M. Vauclair et T. Desjardins, Traité général de preuve et de procédure pénales, 29e éd., Montréal, Yvon Blais, 2022, para. 44.63-44.69). Il importe de rappeler, au passage, qu’une déclaration écrite est parfois produite non pas pour établir sa véracité, mais simplement pour établir son existence.

[29]        Par ailleurs, lorsque l’information contenue au document consiste en des données générées automatiquement par un instrument technologique, la preuve ne peut pas être aisément assimilée à une déclaration extrajudiciaire. Une machine ne fait pas de déclaration comme une personne humaine. Conséquemment, la règle du ouï-dire ne s’applique pas. Sur le plan conceptuel, une preuve de données produites automatiquement s’approche plutôt de la preuve matérielle. En définitive, il s’agit d’un « objet » soumis à l’appréciation du juge des faits. Le critère d’authenticité demeure, car ce critère s’applique à la preuve matérielle comme à la preuve documentaire (Lederman, M. K. Fuerst et H. C. Stewart, Sopinka, Lederman & Bryant: The Law of Evidence in Canada, 6e éd., 2022, pp. 1476-1477; M. Gourlay, B. Jones, J. Makepeace, G. Crisp et R. Pomerance, Modern Criminal Evidence, Toronto, Emond Publishing, 2021, p. 549; Saturley c. CIBC World Markets Inc., 2012 NSSC 226, para. 11-13).

[30]        Si les données générées automatiquement par un instrument technologique sont présentées au procès pour prouver leur véracité, l’admissibilité du document dépend de l’existence d’une preuve susceptible d’étayer la fiabilité des données comme étant véridiques. Cette exigence de fiabilité n’est pas toujours explicitement énoncée par la jurisprudence et la doctrine, mais elle découle du critère d’authenticité. Ici, une preuve que les données sont authentiques, soit qu’elles sont véritablement ce qu’on prétend qu’elles sont, doit pouvoir démontrer que ces données représentent la vérité. Rappelons qu’il ne s’agit pas d’un fardeau exigeant au stade de l’admissibilité. Le juge du droit doit simplement s’assurer que la fiabilité des données comme étant véridiques prend assise dans la preuve. La nature de cette preuve dépend des circonstances. Une preuve d’expert n’est pas toujours nécessaire, loin de là. Souvent, un témoin ordinaire qui connait bien l’instrument technologique concerné peut témoigner de la fiabilité des données produites par celui-ci, notamment en relatant son expérience d’utilisation de l’instrument ou en expliquant les vérifications qu’il a effectuées. Pour citer un exemple facile, un témoin peut affirmer que sa montre donne l’heure juste, sans qu’il soit nécessaire de faire entendre un expert en horlogerie (R. c. Ball2019 BCCA 32, para. 69R. c. Martin2021 NLCA 1, para. 58R c Major2022 SKCA 80Québec (Procureur général) c. Robitaille1991 CanLII 3772 CAQ; G. Chan et S. Magotiaux, Digital Evidence, 2e éd.,Toronto, Emond Montgomery Publications, 2022, pp. 214-230).

[31]        De plus, toujours pour étayer la fiabilité des données produites automatiquement par un instrument technologique, la partie qui présente la preuve peut, lorsque la situation s’y prête, demander au juge de prendre connaissance d’office de faits notoires et non contestés relatifs à la technologie ou à la science en cause. C’est ainsi que la jurisprudence a reconnu que la mesure de vitesse captée par un radar ou un cinémomètre laser est admissible pour prouver sa véracité, sans qu’il soit nécessaire de présenter une preuve d’expert. Ces appareils de localisation sont d’usage répandu et leur fonctionnement est bien connu. Il en est de même du calcul de la vitesse en physique élémentaire. Chacun sait que la vitesse est calculée en divisant la distance parcourue par le temps de parcours. Toutefois, la connaissance d’office ayant une portée générale, elle ne suffit habituellement pas à étayer la fiabilité de données produites par un instrument technologique précis dans un cas spécifique (Joliette (Ville) c. Delangis1999 CanLII 13438 (CAQ)Baie-Comeau (Ville) c. D'Astous1992 CanLII 2956 (CAQ)Brochu c. R., 2018 QCCA 2205; M. Gourlay, B. Jones, J. Makepeace, G. Crisp et R. Pomerance, Modern Criminal Evidence, Toronto, Emond Publishing, 2021, pp. 554-555).

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

L’interventionnisme d'un juge peut interférer avec le droit à une défense pleine et entière de l’accusé ou laissé naître une crainte raisonnable de partialité

A.P. c. R., 2022 QCCA 1494 Lien vers la décision [ 113 ]     L’appelant fait valoir que la juge est intervenue à plusieurs reprises en l’abs...