vendredi 30 août 2013

L’avocat qui entend mettre en doute la crédibilité et la sincérité d’un témoin opposé doit lui offrir l’opportunité de répondre et de s’expliquer durant son contre-interrogatoire sur les aspects importants du témoignage contradictoire à venir par la partie adverse

R. c. Flamant, 2013 QCCQ 2073 (CanLII)

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L’avocat qui entend mettre en doute la crédibilité et la sincérité d’un témoin opposé doit lui offrir l’opportunité de répondre et de s’expliquer durant son contre-interrogatoire sur les aspects importants du témoignage contradictoire à venir par la partie adverse. Cette règle fut citée avec approbation par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Lyttle2004 CSC 5 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 193, aux paragr. 64 et 65; (autres références omises)  -- note de bas de page #66


La règle de Browne v. Dunn & le contre-interrogatoire

Maher c. R., 2010 QCCS 2294 (CanLII)


[60]            Il plaide que la question n’a été abordée ni en chef ni en contre-interrogatoire lors de son témoignage, ce qui est exact, et qu’en conséquence aucune inférence négative ne peut être tirée de cet élément de preuve.
[61]            L’appelant plaide ici l’application de la règle de common law issue de la décision Browne v. Dunn de la House of Lord.  Cette règle, depuis longtemps incorporée dans le droit criminel canadien, impose à la partie qui a l’intention d’attaquer la crédibilité d’un témoin sur un point précis, l’obligation de lui donner l’opportunité de s’expliquer sur celui-ci.
[62]            Le juge Finlayson de la Cour d’appel de l’Ontario s’exprime ainsi dans R. v. Verney :
Browne v. Dunn is a rule of fairness that prevents the ‘ambush’ of a witness by not giving him a opportunity to state his position with respect to later evidence which contradicts him on an essential matter.  It is not, however, an absolute rule and counsel must not feel obliged to slog through a witness’s evidence-in-chief, putting him on notice of every detail that the defence does not accept. Defence counsel must be free to use his own judgement about how to cross-examine a hostile witness.  Having the witness repeat in cross-examination, everything he said in chief, is rarely the tactic of choice.
[63]            L’obligation de contre-interroger n’est donc pas absolue et dépendra du contexte de l’affaire.  Comme le disait le juge Trotter dans R. c. Chertin :
The effect of a failure to cross-examine must be evaluated in all of the circumstances of the case.  Merely because a witness is not cross-examined on an important part of his/her evidence does not oblige the trier of fact to accept that aspect of the evidence, especially where the overall credibility of the witness is vigorously attacked.  Still, in the vast majority of cases, unless counsel is ethically constrained not to pose certain questions, the more prudent course would be to challenge a witness on those aspects of his/her evidence that counsel intends to ask the trier of fact to disbelieve.
[...]

jeudi 29 août 2013

Équité du contre-interrogatoire comme élément de l'équité du procès & l'arrêt Browne v. Dunn

J.L. c. R., 2011 QCCA 1848 (CanLII)


[27]           Équité du contre-interrogatoire comme élément de l'équité du procès, arrêt Browne v. DunnL'argument que propose ici l'appelant ne convainc pas et la lecture des notes sténographiques du procès ne montre aucunement le caractère inéquitable du contre-interrogatoire de l'appelant aux mains de l'avocate du ministère public, en particulier quant aux circonstances des événements du mois d'octobre.
[28]           Comme l'écrit Lord Herschell dans Browne v. Dunn, p. 70-71 :
[…] My Lords, I have always understood that if you intend to impeach a witness your are bound, whilst he is in the box, to give him an opportunity of making any explanation which is open to him; and, as it seems to me, that is not only a rule of professional practice in the conduct of a case, but is essential to fair play and fair dealing with witnesses. Sometimes reflections have been made upon excessive cross-examination of witnesses, and it has been complained of as undue; but it seems to me that a cross-examination of a witness which errs in the direction of excess may be far more fair to him than to leave him without cross-examination, and afterwards to suggest that he is not a witness of truth, I mean upon a point on which it is not otherwise perfectly clear that he has had full notice beforehand that there is an intention to impeach the credibility of the story which he is telling. Of course I do not deny for a moment that there are cases in which that notice has been so distinctly and unmistakenly given, and the point upon which he is impeached, and is to be impeached, is so manifest, that it is not necessary to waste time in putting questions to him upon it. All I am saying is that it will not do to impeach the credibility of a witness upon a matter on which he has not had any opportunity of giving an explanation by reason of there having been no suggestion whatever in the course of the case that his story is not accepted.

2 techniques de base en matière de contre-interrogatoire

Banque canadienne impériale de commerce c. Banque royale du Canada, 1993 CanLII 3793 (QC CA)


En ce qui a trait au droit de contre-interroger, je suis d'avis qu'il n'existe que dans la mesure où pour l'utiliser on se sert des techniques et des méthodes qui lui sont généralement reliées, savoir par exemple en posant des questions suggestives ou en confrontant le témoin avec des déclarations qui seraient contradictoires ou incompatibles que le témoin aurait données en d'autres circonstances et ce, après avoir posé les questions introductives nécessaires. (nos soulignés)

mercredi 14 août 2013

La règle en matière d'appréciation de la crédibilité des témoins par la Cour d'Appel & le verdict déraisonnable

Maloney-Bélanger c. R., 2013 QCCA 1345 (CanLII)


[8]         Lorsque la version d'un accusé est rejetée comme ce fut le cas pour l'appelant, on peut généralement inférer d'une telle détermination que ce témoignage n'est pas susceptible de soulever un doute raisonnable. Par ailleurs, dans R. c. Vuradin, la Cour suprême rappelle la règle en matière d'appréciation de la crédibilité des témoins en ces termes :
[21]      La question primordiale qui se pose dans une affaire criminelle est de savoir si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, il subsiste dans l'esprit du juge des faits un doute raisonnable quant à la culpabilité de l'accusé : W.(D.), p. 758.  L’ordre dans lequel le juge du procès énonce des conclusions relatives à la crédibilité des témoins n’a pas de conséquences dès lors que le principe du doute raisonnable demeure la considération primordiale.  Un verdict de culpabilité ne doit pas être fondé sur un choix entre la preuve de l’accusé et celle du ministère public : R. c. C.L.Y.2008 CSC 2 (CanLII), 2008 CSC 2, [2008] 1 R.C.S. 5, par. 6‑8 Les juges de première instance n’ont cependant pas l’obligation d’expliquer par le menu le cheminement qu’ils ont suivi pour arriver au verdict : voir R. c. Boucher2005 CSC 72 (CanLII), 2005 CSC 72, [2005] 3 R.C.S. 499, par. 29. 
[9]         Il ressort des motifs du juge de première instance, lorsque appréciés dans leur ensemble, qu'il n'a pas choisi entre la preuve de l'intimée et celle présentée par l'appelant.
[10]      Quant à la position de l'appelant selon laquelle le verdict est déraisonnable, cet argument est aussi voué à l'échec. Par ce moyen d'appel, l'appelant propose une analyse parcellaire de la preuve en sélectionnant les éléments qu'il estime lui être favorables pour ensuite conclure dans le sens de la vision qu'il entretient de cette preuve, cette logique devant selon lui conduire à un doute raisonnable. Comme le rappelle la Cour suprême dans l'arrêt R. c. R.P.:
[10]      Si le caractère raisonnable d’un verdict est une question de droit, l’appréciation de la crédibilité des témoins constitue elle une question de faits. L’appréciation de la crédibilité faite en première instance, lorsqu’elle est revue par une cour d’appel afin notamment de déterminer si le verdict est raisonnable, ne peut être écartée que s’il est établi que celle-ci « ne peut pas s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve » (R. c. Burke1996 CanLII 229 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 474, par. 7).
[11]      En l'espèce, l'appelant n'a pas démontré que le verdict entrepris « ne peut pas s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve ».
[12]      Sans qu'il soit nécessaire de répondre à chacun des griefs invoqués à ce chapitre par l'appelant, disons simplement que ceux-ci reposent principalement sur des considérations conjecturales sur lesquelles il a d'ailleurs renoncé à contredire la plaignante au moment de la contre-interroger ou encore, qui portent sur des aspects anodins et périphériques ne pouvant avoir aucun impact sur le verdict.
[13]      Compte tenu de la déférence élevée que doit avoir une cour d'appel à l'égard des décisions du juge du procès relatives à la crédibilité, l'intervention de la Cour ne saurait être recherchée sur les questions de cette nature que si l'appelant démontre que l'appréciation du juge est entachée d'une erreur manifeste et dominante, ce que ce pourvoi ne révèle pas.

Le contre-interrogatoire & l'équité procédurale

Maloney-Bélanger c. R., 2013 QCCA 1345 (CanLII)


[2]         Lors de son témoignage, l'appelant, en vue d'attaquer la crédibilité de la plaignante, est venu rapporter des propos prétendument tenus par elle et raconter des événements controversés l'impliquant. Or, la plaignante n'a jamais été contre-interrogée sur ces éléments litigieux, dont le récit visait à anéantir la force persuasive de la preuve de la poursuite.
[3]         Le juge était bien fondé d'ignorer une preuve à laquelle la plaignante n'avait pas pu répondre lors de son contre-interrogatoire, faute d'y être invitée. La règle énoncée dans Browne v. Dunn exigeait que le « counsel put a matter to a witness involving the witness personally if counsel is later going to present contradictory evidence, or is going to impeach the witness’ credibility ». Aussi, comme la version de l'appelant n'avait pas été crue, ses prétentions à l'égard de la plaignante ne pouvaient se voir réserver un meilleur sort.

Afin de miner la crédibilité d'une personne en plaidoirie, cette dernière doit avoir été contre-interrogé à cet effet

R. v. Werkman, 2007 ABCA 130 (CanLII)

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[7]               The second and third grounds of appeal relate to the rule in Browne v. Dunn, and can be dealt with together. The rule in Browne v. Dunn requires that counsel put a matter to a witness involving the witness personally if counsel is later going to present contradictory evidence, or is going to impeach the witness’ credibility: R. v. Lyttle2004 SCC 5 (CanLII), 2004 SCC 5, [2004] 1 S.C.R 193, 316 N.R. 52 (para. 64). Though it is not necessary to cross-examine upon minor details in the evidence, a witness should be provided with an opportunity to give evidence on “matters of substance” that will be contradicted: R. v. Giroux2006 CanLII 10736 (ON CA), (2006) 210 O.A.C. 50 at para. 46 (C.A.). The purpose of the rule is to ensure that parties and witnesses are treated fairly; it is not a general or absolute rule: Lyttle at para. 65; R. v. Palmer 1979 CanLII 8 (SCC), [1980] 1 S.C.R. 759 at 781, 30 N.R. 181. The rule also has exceptions.

Quelle peine doit être imposée en cas de bris d'une ordonnance de sursis?

R. c. Chrétien, 2013 QCCA 1343 (CanLII)

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[9]           L'appelante souhaite donc la révocation pure et simple de l'ordonnance de sursis. La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Proulx, explique que :
39     Remarque plus importante, lorsque le délinquant enfreint sans excuse raisonnable une condition de son ordonnance de sursis à l’emprisonnement, il devrait y avoir présomption qu’il doit alors purger le reste de sa peine en prison. Cette menace constante d’incarcération est de nature à inciter le délinquant à respecter les conditions qui lui ont été imposées:  voir R. c. Brady,1998 ABCA 7 (CanLII), 1998 ABCA 7 (CanLII), (1998), 121 C.C.C. (3d) 504 (C.A. Alb.); J. V. Roberts, «Conditional Sentencing: Sword of Damocles or Pandora’s Box?» (1997), 2 Rev. can. D.P. 183. Elle contribue en outre à distinguer l’emprisonnement avec sursis de la probation en rendant plus sévères les conséquences d’un manquement aux conditions d’une ordonnance de sursis à l’emprisonnement.
[Soulignement ajouté]
[10]        La Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans l'arrêt R. v. L. (T.E.), expose certains critères relatifs à l'exercice de la discrétion du juge :
13     This brief review of the appellate authorities following Proulx, suggests the task of the court at a disposition hearing is to consider the nature of the offence; the nature, circumstances, and timing of the breach; any subsequent criminal conduct and sentences for that conduct; changes in the plan for community supervision; the effect of termination on the appropriateness of the sentence for the original offence; and the offender's previous criminal record, in determining whether the presumption of termination for breach is to be applied. If the presumption is rebutted, the court then is to ask itself which of the other three options is appropriate, having regard to those same factors. I do not understand the list of factors to be closed.
[11]        Les propos du juge Rosenberg, de la Cour d'appel de l'Ontario, rappellent bien l'approche à suivre :
In my view, this simple and expeditious procedure for dealing with violations of the order has important implications in understanding and applying the conditional sentence regime. This procedure which is set out in s. 742.6 reinforces the point that this is a sentence of imprisonment that the offender is permitted to serve in the community. It is appropriate that if the offender breaches the order, and particularly if the breach represents the commission of a further offence or endangers the community, all or a portion of the unexpired term of the sentence be served in prison.

jeudi 8 août 2013

Certains principes guidant l'intervention (ou non) de la cour d'appel relativement à la détermination de la peine

Proulx Poirier c. R., 2013 QCCA 1076 (CanLII)

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[7]           Bref, le requérant n'est pas en mesure de démontrer que les peines imposées résultent d'une pondération déraisonnable des facteurs aggravants et atténuants ou encore que l'analyse du juge est viciée à la base par une erreur de principe fondamentale.
[8]           De plus, l'étude de la jurisprudence applicable au fait de l'espèce fait voir que les peines décernées au requérant se situent à l'intérieur de la fourchette des peines généralement imposées pour ce type de criminalité et que, globalement, elles ne sont pas excessives. D'ailleurs, sous ce rapport, le procureur du requérant a concédé, lors des observations sur la peine que « […] c'est certain que compte tenu de la multitude de crimes, si vous décidez de prioriser l'aspect de dissuasion, une peine de prison importante pourrait s'imposer ».
[9]           En conformité avec les enseignements qui se dégagent des arrêts R. c. ShropshireR. c. L.M. et R. c. Nasogaluak, l'intervention de la Cour n'est pas ici requise.

L'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles est généralement incluse à celle de voies de fait graves

Lefebvre Boucher c. R., 2013 QCCA 1003 (CanLII)

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[4]         À la fin de l'enquête préliminaire, il y eut renvoi à procès sur ce chef, mais uniquement sur une accusation de voies de fait graves commises « en mettant en danger » la vie de la victime, les autres modes de perpétration de l'infraction étant spécifiquement biffés. En effet, la juge de paix présidant l'enquête préliminaire a estimé qu'il y avait absence de preuve selon laquelle l'appelant aurait blessé, mutilé ou défiguré la victime au sens de l'art. 268 C.cr. Par ailleurs, l'intimée admet que les lésions dont a été victime la plaignante n'ont pas été causées par cette agression, mais plutôt antérieurement à celle-ci.
[5]         Le procès s'est donc tenu sur la base d'un chef d'accusation amputé de toute mention de blessures et limité au fait d'avoir commis des voies de fait graves en mettant en danger la vie de la victime.
[6]         Le juge de première instance a conclu qu'il n'y avait aucune preuve que l'appelant avait mis en danger la vie de la victime et l'a acquitté en conséquence de l'accusation de voies de fait graves. Par contre, étant d'avis que l'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles était incluse, il l'a reconnu coupable de cette infraction.
[7]         Il est vrai que l'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles est généralement incluse à celle de voies de fait graves, puisque les éléments constitutifs de la première sont compris dans la seconde. De plus, elle doit nécessairement être commise dans la perpétration des voies de fait graves, à moins que cette dernière accusation soit autrement particularisée.
[8]         Il existe toutefois des cas où, malgré cette règle générale, l'accusation de voies de fait causant des lésions corporelles n'est pas incluse. C'est le cas ici, alors que seule l'infraction de voies de fait simples l'était.
[9]         Pour que la règle générale puisse s'appliquer en l'espèce, il faudrait que les éléments constitutifs de l'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles soient décrits dans la disposition qui criminalise les voies de fait graves ou dans le libellé du chef d'accusation. Or, quant à cette dernière hypothèse, comme la juge présidant l'enquête préliminaire a ordonné la radiation des termes « en la blessant, mutilant, défigurant » et que l'accusation portée aux fins du procès était conforme à cette ordonnance, l'on ne peut certes pas dire que l'infraction était incluse dans le chef « tel que rédigé », puisqu'il est possible de mettre la vie en danger, sans causer de lésions corporelles.
[10]      Quant à la disposition qui crée l'infraction, s'il est vrai que le paragr. 268(1) C.cr. fait état de lésions corporelles, il faut, vu les circonstances de l'espèce, aborder cette question en tenant compte de l'équité du procès, des spécificités de l'accusation portée et du droit de l'accusé de connaître les infractions incluses auxquelles il doit faire face. Ici, la rédaction du chef particularisait l'infraction en faisant spécifiquement abstraction de toute notion de lésions corporelles, ce qui empêchait l'application, sans distinction, de la définition générale de voies de fait graves pour identifier les infractions incluses. Il fallait donc se limiter au chef tel que libellé.
[11]      Par contre, l'accusation de voies de fait simples était évidemment incluse à l'accusation d'avoir commis des voies de fait graves.

C'est la partie qui l'invoque qui doit démontrer le caractère confidentiel d'un élément de preuve et l'existence d'une relation thérapeutique est une circonstance qui doit être examinée avec attention

Verret c. R., 2013 QCCA 1128 (CanLII)

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[23]        C'est la partie qui l'invoque qui doit démontrer le caractère confidentiel d'un élément de preuve. En l'espèce, il y a lieu de tenir compte des quatre facteurs retenus dans l'ouvrage Wigmore on Evidence, comme le souligne la Cour suprême dans R. c. National Post,2010 CSC 16 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 477, 2010 CSC 16, reprenant en cela notamment R. c. Gruenke, 1991 CanLII 40 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 263 :
53   Le test ou "critère de Wigmore" comporte quatre volets qui peuvent se résumer comme suit dans le contexte qui nous occupe.Premièrement, les communications doivent avoir été transmises confidentiellement avec l'assurance que l'identité de l'informateur ne serait pas divulguée. Deuxièmement, le caractère confidentiel doit être essentiel aux rapports dans le cadre desquels la communication est transmise. Troisièmement, les rapports doivent être des rapports qui, dans l'intérêt public, devraient être "entretenus assidûment", adverbe qui évoque l'application constante et la persévérance (selon le New Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles(6e éd. 2007), vol. 2, p. 2755, le terme anglais "sedulous[ly]" utilisé par Wigmore signifie : "diligent[ly] [...] deliberately and consciously"). Enfin, si toutes ces exigences sont remplies, le tribunal doit déterminer si, dans l'affaire qui lui est soumise, l'intérêt public que l'on sert en soustrayant l'identité à la divulgation l'emporte sur l'intérêt public à la découverte de la vérité. Voir Wigmore on Evidence (rév. McNaughton 1961), vol. 8, s. 2285; Sopinka, Lederman & Bryant : The Law of Evidence in Canada (3e éd. 2009), par. 14.19 et suiv.; D. M. Paciocco et L. Stuesser, The Law of Evidence (5e éd. 2008), p. 254-259. De plus, le juge en chef Lamer, dans Gruenke, a fait le commentaire suivant :
Cela veut dire non pas que le critère de Wigmore est maintenant "gravé dans la pierre", mais plutôt que ces considérations constituent un cadre général à l'intérieur duquel des considérations de principe et les exigences en matière de recherche des faits peuvent être évaluées et comparées en fonction de leur importance relative dans l'affaire particulière soumise à la cour.
[24]        L'affaire doit donc être décidée au cas par cas et l'existence d'une relation thérapeutique est une circonstance qui doit être examinée avec attention : M. (A.) c. Ryan, 1997 CanLII 403 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 157. Par ailleurs, la nature de l'infraction est aussi pertinente, comme le souligne le juge Lacourcière pour la Cour d'appel de l'Ontario dans R. v. R.J.S.reflex, (1985) 19 C.C.C. (3d) 115, à la p. 134, alors que la poursuite cherchait à mettre en preuve les propos tenus par l'accusé à l'occasion d'une démarche thérapeutique :
I do not think that these cases help the appellant's position in the balancing of interests. In my view, the search for truth in the criminal process outweighs the need for family counselling, at least in cases of suspected child abuse. As previously mentioned, the policy of the law has been to limit the categories of privilege, subject to the judicial discretion to refuse to admit evidence obtained in confidence, such as the penitent's confession to a priest and the spouse's communication to her psychiatrist in Dembie v. Dembie, supra.
[25]        En l'espèce, il est admis que les trois premiers critères de Wigmore sont satisfaits. Seul le quatrième est en cause. Autrement dit, l'intérêt public à ce que l'information demeure confidentielle l'emporte-t-il sur l'intérêt public à ce que la vérité soit découverte? Le juge de première instance a conclu que l'appelante ne s'est pas déchargée de son fardeau de démontrer que tel était le cas. S'il est vrai que le juge tient compte d'arrêts qui ne portent pas tous sur le quatrième critère (par exemple celui de notre Cour dans R. c. Dupont1998 CanLII 13015 (QC CA), (1998), 129 C.C.C. (3rd) 77), je ne vois toutefois pas d'erreur dans sa conclusion.
[26]        Comme le juge de première instance, je suis d'avis que l'intérêt de la société à connaître la vérité dans cette affaire de meurtre l'emporte sur celui de l'appelante (ou de toute autre personne) à être traitée pour un problème de consommation d'alcool.
[27]        La preuve contestée est importante en ce que l'intervenante témoigne que l'appelante lui a mentionné avoir été complice du meurtre de sa sœur. Il s'agit d'une preuve qui, sans être très précise en ce qui a trait aux paroles exactes de l'appelante, demeure pertinente et fort importante pour la découverte de la vérité. Les aveux de l'appelante sont un élément déterminant de la thèse de la poursuite.
[29]        Il est vrai qu'elle ne contient pas d'aveu clair de culpabilité. Par contre, considérée à la lumière de l'ensemble de la preuve, elle permet de comprendre l'état d'esprit de l'appelante à l'époque où elle dévoile à l'intervenante sa participation au meurtre. Cette preuve est donc pertinente.
[30]        Par ailleurs, l'intérêt à ce que l'information demeure privilégiée ne revêt pas la même importance. Bien entendu, il faut favoriser la participation à une thérapie lorsqu'une personne en a besoin, mais cet avantage ne peut être élevé au niveau d'un privilège générique. Comme le souligne la juge McLachlin dans Ryan, précité, cela ne suffit pas :
31   Ces critères, appliqués à la présente affaire, démontrent qu'il y a un intérêt décisif à soustraire à la divulgation les communications en cause. Cependant, il faut plus que cela pour établir l'existence d'un privilège. Pour qu'un privilège existe, il faut démontrer que l'avantage tiré du privilège, si grand qu'il puisse sembler, l'emporte en fait sur l'intérêt qu'il y a à bien trancher le litige.
[31]        Il faut donc laisser aux tribunaux la possibilité de permettre de telles preuves. Ici, l'importance des confidences est indéniable. Considérées dans l'ensemble de la preuve, elles peuvent établir la culpabilité de l'appelante pour un double meurtre alors que l'enquête a piétiné pendant près de trente ans et ne fut rouverte qu'à l'occasion, justement, de confidences.
[32]        De même, l'appelante a autorisé l'intervenante à partager ses confidences avec sa supérieure hiérarchique. Cela ne règle peut-être pas toute la question, mais il s'agit assurément d'un fait dont on peut tenir compte au regard du quatrième critère, d'autant que les confidences ont été faites dans un contexte où elles paraissent fiables et sont susceptibles de confirmer le témoignage de Mme Lapalme sur un élément de preuve décisif.
[33]        Enfin, en ce qui a trait au pouvoir de common law d'exclure néanmoins la preuve, je partage l'avis du juge de première instance lorsqu'il dit :
Donc, à partir de ces décisions, j'estime que même s'il existe un pouvoir discrétionnaire d'exclure une preuve autrement admissible, les décisions que je viens de mentionner semblent soutenir la proposition que le procès n'est pas rendu inéquitable du seul fait que l'on introduit en preuve un écrit que l'on pourrait qualifier d'intime, confectionné par l'accusée dans un moment d'intimité, que ce soit dans la rédaction d'un journal ou dans la confection d'un poème ou dans l'écriture d'un texte qui se veut, finalement, un texte d'excuses à l'endroit de la sœur de l'accusée.

mardi 6 août 2013

La distinction fondamentale entre le vol et la fraude (école classique)

R. c. Lebel, 1990 CanLII 3015 (QC CA)


Dans une cause de Nadeau c. R., C.A.Q. 200-10-000004-760, le juge Lajoie a écrit:

 "La distinction fondamentale entre le vol et la fraude est que dans le premier cas, le propriétaire ou la personne qui a un intérêt spécial dans la chose en est privée sans avoir consenti à s'en départir tandis que dans le cas de la fraude, ce propriétaire est amené par des moyens dolosifs à consentir à s'en départir."

  Dans une cause de R. c. Dawood, (1975) 27 CCC (2d) 300 (C.S. Alberta, division d'appel), l'accusé a échangé les étiquettes sur de la marchandise et a ainsi obtenu deux items pour moins que le vrai prix.

 La Cour a renversé le verdict de culpabilité de vol, en statuant que l'offense commise était celle de faux-semblant, non pas de vol.  Au même effet est l'arrêt de notre Cour dans la cause de R. v. Klopping, reflex, (1980) 57 CCC (2d) 574; fraude ou faux-semblant, non pas vol.

Les principes de la théorie de l'identification issus de la common law & les modifications législatives du 31 mars 2004

R. c. Pétroles Global inc., 2012 QCCQ 5749 (CanLII)

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[68]        On peut résumer les principes de la théorie de l'identification issus de la common law comme suit :
1.   L’application de la théorie de l’identification a pour effet d’imputer à une personne morale la mens rea et l’actus reus de son âme dirigeante et, donc, d’entraîner sa responsabilité.
2.   Il peut y avoir plusieurs âmes dirigeantes au sein d’une même personne morale et chacune de ces âmes dirigeantes peut être associée à une sphère d’activités ou à un territoire précis.
3.   Afin de déterminer si un employé constitue une âme dirigeante, on ne considère pas le titre de l’employé, mais bien les fonctions qu’il exerce et les responsabilités qui lui incombent dans le champ d’activités qui lui a été délégué.
4.   La notion d’âme dirigeante n’inclut désormais plus seulement les hauts dirigeants et le conseil d’administration d’une personne morale.
5.   L’âme dirigeante est la personne qui a la capacité d’exercer un pouvoir décisionnel sur les questions de politique générale de la personne morale, plutôt que celle qui ne fait que mettre en œuvre ces politiques dans un cadre opérationnel.

6.   Ne permettent pas de faire échec à l’application de la théorie de l’identification :
a)   Le fait qu’il n’ait pas été expressément ordonné à un employé de commettre l’acte criminel en question;
b)   Le fait qu’il n’y ait pas eu de délégation expresse d’autorité à l’employé ayant commis l’infraction;
c)   Le fait que le conseil d’administration ou les membres de la direction de la compagnie n’étaient pas au courant des activités en cause;
d)   Le fait que des instructions expresses ou implicites interdisant les actes illégaux précis ou toute conduite en général aient été données;
e)   Le fait que l’âme dirigeante ait agi, en partie, frauduleusement envers la compagnie qui était son employeur;
f)     Le fait que l’âme dirigeante ait agi, en partie, pour son propre avantage.
7.   Constitue un moyen de défense et fait échec à l’application de la théorie de l’identification le fait que l’âme dirigeante ait agi entièrement dans son propre intérêt et ait visé principalement à frauder la compagnie qui était son employeur.
Les modifications législatives du 31 mars 2004
[69]        La Loi modifiant le Code criminel (responsabilité pénale des organisations)  a été adoptée et ses dispositions, à l’exclusion d’une seule, sont entrées en vigueur le 31 mars 2004.
[70]        Ces modifications législatives viennent apporter deux changements importants au Code criminel : l'ajout des notions de « cadre supérieur », d'« organisation » et d'« agent » prévu à l'article 2, ainsi que l'ajout de l'article 22.2 qui traite de la responsabilité des organisations pour les infractions de mens rea et qui, contrairement à la jurisprudence antérieure, n'utilise plus les termes « âme dirigeante » ou « alter ego », mais plutôt « cadre supérieur ».
[73]        À ce jour, aucune décision jurisprudentielle n’a défini la portée de l’article 22.2 C.cr. Le droit de la responsabilité des sociétés, tel qu’élaboré par la common law, a-t-il été seulement codifié par ces modifications législatives ou a-t-il été modifié?
[74]        Dans l’affaire Ontario Power Generation, le juge devait décider d’un cas de responsabilité par négligence. C’est donc l’article 22.1 C.cr. et non pas l'article 22.2 C.cr. qui devait être appliqué s'il avait été en vigueur au moment des faits reprochés. Dans cette décision, le juge a mentionné, en obiter, qu’il était d’avis que le projet de loi C-45 avait modifié les principes de responsabilité d’une personne morale établis par la common law.
[75]        Il semble partager l'avis exprimé par les auteurs Archibald, Jull et Roach à l'effet que les modifications apportées au Code criminel par la Loi L.C. 2003, c. 21 (projet de loi C-45) ont eu pour effet de changer de façon fondamentale le droit de la responsabilité des personnes morales. Ces modifications ont aboli le concept d'âme dirigeante élaboré par la common law pour le remplacer par « a much wider statutory distinction that attributes the fault of a corporation's senior officer to the corporation ».
[76]        Le Tribunal partage ce point de vue. La responsabilité des personnes morales, anciennement basée sur la faute d’une de leurs âmes dirigeantes, est désormais fondée sur la faute d’un de leurs « cadres supérieurs ». Et la responsabilité pénale de ce « cadre supérieur » pourra être imputée à l’« organisation ».
[77]        La dichotomie qui existait entre « élaboration » et « mise en œuvre » des politiques est supprimée. Désormais, une personne peut être considérée comme « cadre supérieur » et engager la responsabilité d’une organisation dans les deux cas, soit en ayant un rôle important dans l’élaboration des orientations de l’organisation, soit en assurant la gestion d’un important domaine d’activités de l’organisation.
L'intention du législateur
[78]        Les propos de Paul Harold Macklin, secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et Procureur général du Canada, rapportés dans le Hansard, laissent voir que l’intention du législateur était de faire en sorte que les actes d’un cadre intermédiaire (middle manager) puissent être considérés comme ceux de l’organisation. Comme exemple d’agent assurant la gestion d’un « important domaine d’activités », M. Macklin mentionnait « le gestionnaire d’un secteur comme les ventes, la sécurité, la commercialisation et le gestionnaire d’une entité de l’entreprise comme une région, un magasin ou une usine […] ».
[79]        La lecture de l'article 22.2 permet les constats suivants. Il peut exister plusieurs cadres supérieurs au sein d’une même organisation. Un cadre supérieur peut être associé à une sphère d’activité ou à un territoire précis, tout comme le voulait la théorie de l'identification. Cet article indique que l’on doit, afin de déterminer si un employé est un cadre supérieur, considérer les fonctions qu’il exerce et les responsabilités qui lui incombent dans le champ d’activités qui lui a été délégué. Il découle de cela que la notion de cadre supérieur n’inclut pas seulement les hauts dirigeants et le conseil d’administration d’une compagnie.
 [80]        De même, l'article 22.2 ne permet pas d’exclure la responsabilité d’une organisation aux motifs que : 
-         l'acte criminel visé n'a pas été expressément ordonné par un cadre supérieur ou un agent;
-         il n'y a pas eu autorisation expresse d'autorité au cadre supérieur ou à l'agent ayant commis l'infraction;
-         le conseil d'administration ou les membres de la direction ou de l'organisation n'étaient pas au courant des activités en cause;
-         des instructions expresses ou implicites interdisant les actes illégaux précis ou toute conduite en général aient été données;
-         le cadre supérieur ait agi, en partie, frauduleusement envers l’organisation;
-         le cadre supérieur ait agi, en partie, pour son propre avantage.
[81]        De plus, cet article permet également de conserver le moyen de défense reconnu par la Cour suprême dans l’affaire Canadian Dredgeet d’exclure la responsabilité pénale d’une organisation lorsque le cadre supérieur fautif a agi entièrement dans son propre intérêt.
L'introduction du critère de l'importance
[82]        Une autre nouveauté dans la définition de « cadre supérieur » est le critère de l’importance. Pour être considérée comme « cadre supérieur », une personne doit jouer un rôle important dans l’élaboration des politiques d'une organisation ou encore assumer la gestion d’un important domaine d’activités de celle-ci.
[83]        Déterminer ce que constitue un « rôle important » ou un « important domaine d'activités » est une question de fait obligeant le tribunal à examiner, à travers l'ensemble de la preuve présentée, l'intégralité de la structure organisationnelle et des activités de la corporation.
[84]        Afin de déterminer si une personne est un cadre supérieur, le Tribunal peut examiner non seulement le titre de la personne dans l'entreprise, mais aussi les fonctions qu'elle exerce et l'étendue de ses responsabilités. Il doit aussi mesurer l'importance du secteur d'activités que la personne gère au nom de la compagnie.

lundi 5 août 2013

Certains principes relatifs au certiorari

Chalifour c. R., 2010 QCCS 4306 (CanLII)

Lien vers la décision

[19]            N'oublions pas que les erreurs commises, à moins qu'elles n'entraînent une perte de compétence ou une injustice grave, ne peuvent être révisées par voie de certiorari. (voir R. c. Innocente 2004 183 CCC (3d) 215, NSCA).

[20]            Dans un premier temps, tout en acceptant que la Cour du Québec possédait encore de la compétence comme j'en ai discuté plus haut, le juge de paix agissait à l'intérieur de sa compétence en exerçant sa discrétion en émettant un mandat d'arrestation. Sa décision n'est donc pas attaquable par voie de certiorari. D'ailleurs, le juge de paix détenait une preuve que le requérant résidait à l'adresse où avait été envoyée la première sommation.

[21]            De plus, le tribunal d'instance ne perd pas de sa compétence comme conséquence de toute décision portant sur une violation alléguée de la Charte. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que le refus d'un droit constitutionnel peut entraîner une perte de compétence déclenchant l'intervention d'un bref de certiorari ou de prohibition. (voir R. c. Arcand 2004 CanLII 46648 (ON CA), (2004) 192 CCC (3d) 57 (Ont., C.A.))

[22]            Le fait que le requérant ait choisi de ne pas accepter son courrier peut certainement amener le juge de paix à la conclusion que le requérant tentait de s'esquiver de la sommation.

[23]            Peut-être le mandat visé était excessif dans ces circonstances, mais il ne faut pas oublier qu'il indiquait que le requérant devait être remis immédiatement en liberté en signant un engagement à comparaître. Tenant compte de ces circonstances, je vois difficilement comment la décision du juge Renaud d'autoriser l'émission d'un mandat d'arrestation peut entraîner une perte de juridiction de sa part. Le mieux qu'on puisse dire est qu'en s'adonnant à la demande du substitut du DPCP, il a peut-être erré dans l'exercice de sa discrétion.

[24]            Même dans cette hypothèse, il n'y a aucune perte de compétence ou juridiction. Nous sommes loin de la situation où nous sommes en présence d'un déni de règles de justice naturelle.

[25]            Le recours en certiorari est disponible seulement lorsqu'il a été établi que le tribunal a agi au-delà de sa compétence statutaire. (voir R. c. Russell 2001 2 R.C.S. 804).

[26]            D'ailleurs, certiorari et prohibition constituent des remèdes discrétionnaires. Ils sont refusés où il existe en droit un autre remède. (voir R. c. Arcand, (supra)).

[28]            Étant donné que le requérant n'a pas établi ni perte de compétence ni absence de compétence, je vois mal comment la requête en certiorari peut réussir.

Les éléments constitutifs de l’infraction de l'infraction relative à la publication d'une information visée par l’ordonnance de non-publication & analyse de l'application potentielle de certains moyens de défense

Canoë inc. c. R., 2013 QCCS 1668 (CanLII)


[50]        Dans l’arrêt R. Daly auquel toutes les parties se réfèrent, la Cour d’appel de Colombie-Britannique a reconnu que la mens rea requise en vertu de l’article 517 (2) C.cr. est non seulement établie par la preuve de l’intention de publier une information visée par l’ordonnance de non-publication, mais également par la preuve de l’insouciance et de l’aveuglement volontaire de celui qui publie l’information relativement à l’existence ou la portée d’une telle ordonnance.
[51]        Voici ce qu’écrit le juge Donald, au nom de la Cour :
[…] the mens rea element is established by proof that the appellants intentionally published the report; it is not necessary to show an intention to defy the order. 
[…]
The mental element required by is an intention to do the act proscribed, viz, publishing any of the things listed in.  It is not, as argued by the appellants, an intention to breach the court order creating the ban.  Accordingly, it makes no difference that Mr. Daly sought legal advice from Global's solicitor before the broadcast or that neither appellant thought they had crossed the line.  The broadcast was a conscious, deliberate act jointly produced by the appellants and that is enough for the mental element.  It does not assist the appellants to assert that they did not intend to cause the harm which was intended to prevent.
I endorse the summary conviction appeal judge's reasoning on this point:
[87]  I find Esson J.A.'s comments in CHBC [R. v. CHBC Television 1999 BCCA 72 (CanLII), 1999 BCCA 72 (CanLII), (1999), 132 C.C.C. (3d) 390, 1999 BCCA 72] are instructive and agree with the Crown's position on this point.  The mens rea in criminal contempt or criminal contempt by publication as compared with a violation of a publication ban under s. 517 is, I think, quite different.  The mens rea required to prove a charge of violating a s. 517 ban is to intentionally publish, with knowledge of the existence of the ban or recklessness or willful blindness as to whether such a ban existed.
[88]   The fact that Mr. Daly honestly believed but was mistaken that the publication did not violate the publication ban is, in these circumstances, no defence.  As in R. v. Metro News Ltd. 1986 CanLII 148 (ON CA), 1986 CanLII 148 (ON CA), (1986), 56 O.R. (2d) 321, 29 C.C.C. (3d) 35 (C.A.), where the charge was of knowingly making public obscene material, the term "knowingly" did not import that the accused knowingly contravened the law, but only that he had knowledge of the facts.  The accused's belief that the publication was not legally obscene was not a defence.
[89]    The Crown argues that to find that obtaining legal advice negated mens rea would be to find that a mistake of law is a valid defence.
[90]  In R. v. Molis1980 CanLII 8 (CSC), 1980 CanLII 8 (SCC), [1980] 2 S.C.R. 356, 55 C.C.C. (2d) 558, Lamer J., as he then was, said [p. 362]:
… Parliament has by the clear and unequivocal language of s. 19 chosen not to make any distinction between ignorance of the existence of the law and that as to its meaning, scope or application.  Parliament has also clearly expressed the will that s. 19 of the Criminal Code be a bar to any such defence, be the offence one created by an "enactment", as is the case here.
[91]   Accordingly, I find that the judge below was correct in finding that Mr. Daly had the requisite mens rea for the offence.

*      *      *
[56]        À bon droit, le premier juge a retenu que la mens rea requise en vertu de l’article 517 (2) C.cr. nécessite la preuve de l’intention de publier une information alors que celui qui publie connaît l’existence de cette ordonnance ou encore, qu’il a fait preuve d’insouciance relativement à l’existence de cette ordonnance.
 [39]      La Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'arrêt R. c. Daly a déterminé que la mens rea de cette infraction est « [l]a publication intentionnelle lorsqu'on connaît l'existence d'une interdiction de publication ou fait preuve d'insouciance ou d'aveuglement volontaire quant à l'existence d'une telle ordonnance.»
[58]        D’une part, sa conclusion selon laquelle les appelantes ont publié l’article du journaliste Plante alors qu’elles savaient ou ne pouvaient ignorer qu’une ordonnance de non-publication avait été rendue est, dans le contexte où l’article fait directement référence à cette ordonnance, bien fondée.
La défense d’excuse légitime
[66]        Il est impossible de fournir une définition générale de l’excuse légitime, cette expression étant de nature très générale.
[67]        Toutefois, il est admis que la défense d’excuse légitime comprend généralement toutes les justifications ou excuses de common law, à moins que la Loi ne viennent autrement définir cette expression, pour l’élargir ou la restreindre.
[68]        À ce sujet, dans l’arrêt R. c. Holmes  de la Cour suprême, le juge Dickson  écrit :

Les mots "excuse légitime" constituent une expression de nature très générale. Celle‑ci comprend normalement tous les moyens de défense qui, en common law, constituent une raison suffisante pour dégager une personne de sa responsabilité criminelle. Elle peut aussi inclure des excuses propres à des infractions particulières. […]

Il ne fait aucun doute que le législateur peut redéfinir le sens du mot "excuse", par exemple en l'élargissant pour accorder de nouvelles excuses ou des excuses propres à une infraction particulière, ou en le restreignant pour n'y inclure que certaines excuses. Ce qui est important, c'est que le législateur devrait donner des indications expresses ou implicites du changement qu'il a apporté au sens du mot "excuse" quand il l'utilise dans une loi. Autrement, on interprétera le mot selon le sens d'"excuse" en common law et au par. 7(3), soit un terme large qui permet la création de moyens de défense en fonction des changements du droit et dans le contexte d'infractions particulières. Si le législateur n'a pas indiqué qu'il a donné un sens particulier au mot "excuse", on doit lui donner le même sens qu'en vertu de la common law et du par. 7(3).

[69]        Dans l’arrêt R. c. Dubuc précitéla Cour d’appel du Québec réitère la portée générale de la notion d’excuse légitime. Elle précise, en prenant appui sur les auteurs Fortin et Viau, que l’excuse légitime doit être évaluée en fonction de l’objectif visé par l’incrimination. Elle ajoute, à titre illustratif, que  la bonne foi ou l’erreur de droit ne peut constituer une excuse légitime:
(p.292) "L'excuse légitime. La jurisprudence est unanime à dire qu'il est impossible de donner une définition générale de l'excuse légitime. Si la loi créatrice de l'infraction n'en donne pas une signification précise, il faut en inférer le sens d'après le but de l'incrimination.
Sans prétendre réussir une tâche que des générations de juges ont déclarée impossible, on peut donner les dimensions de l'excuse légitime.  D'abord, l'excuse légitime a pour effet de donner à l'accusé la possibilité de se défendre de l'accusation en invoquant des moyens spéciaux à l'infraction, distincts des moyens généraux reconnus par la loi."
(p.294) Ensuite, toute légitime qu'elle doive être, l'excuse légitime n'a pas à nier l'infraction elle-même. En d'autres termes, c'est l'excuse qui doit être légitime et non pas nécessairement la conduite qu'elle explique."
(p. 296) "Excuse légitime et erreur de droit. L’explication offerte par l’accusé mettant en cause une ignorance de la loi ou une erreur de droit de sa part n’est pas une excuse légitime, même si sa bonne foi ne fait pas de doute. "
[70]        Dans l’arrêt R. c. Jorgensen, la Cour suprême distingue les notions de «justification» et «d’excuse légitime». Ce faisant, elle ajoute un facteur d’appréciation à l’égard  d’une défense d’excuse légitime en mentionnant que cette dernière ne remet pas en cause le caractère répréhensible de l’acte, mais qu’elle vise plutôt à mettre en évidence  «le sentiment d'injustice que soulève la punition pour une violation de la loi commise dans des circonstances où la personne n'avait pas d'autre choix viable ou raisonnable; l'acte était mauvais, mais il est excusé parce qu'il était vraiment inévitable». Voici comment le juge Sopinka s’exprime sur cette question:
Dans Perka c. La Reine1984 CanLII 23 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 232, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a examiné la question de savoir si le moyen de défense fondé sur la nécessité constituait une justification ou une excuse à l'égard de l'infraction d'importation de stupéfiants et de possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic.  S'exprimant au nom de la majorité, le juge Dickson a souligné l'importance d'établir une distinction entre les termes «justification» et «excuse».  Le premier conteste le caractère répréhensible de l'action alors que le second admet ce caractère répréhensible mais affirme que, compte tenu des circonstances, l'auteur de l'action ne devrait pas en être tenu responsable.  La raison d'être de l'excuse à l'égard de l'auteur de l'action est «le sentiment d'injustice que soulève la punition pour une violation de la loi commise dans des circonstances où la personne n'avait pas d'autre choix viable ou raisonnable; l'acte était mauvais, mais il est excusé parce qu'il était vraiment inévitable» (p. 250).
*      *      *
[71]        En l’espèce, le Tribunal estime que le premier juge a eu raison de conclure que les moyens fondés sur les normes de l’industrie des médias et sur l’achat d’un produit clé en main ne peuvent constituer une excuse légitime au sens de l’article 517 (2) C.cr.
[72]        Les appelantes ne peuvent soutenir qu’elles n'avaient pas d'autre choix viable ou raisonnable que de publier l’article du journaliste Plante sans faire aucune vérification et que la transgression de l’ordonnance était, dans ces circonstances,  inévitable.
[74]        L’erreur ou la négligence ne peut servir d’excuse légitime.
La défense de diligence raisonnable
[75]        Dans son jugement, le premier juge a conclu que la défense de diligence raisonnable ne pouvait être invoquée du fait que l’accusation prévue à l’article 517 (2) C.cr. n’est pas de responsabilité stricte. Il ajoute que même si une telle défense avait pu être soulevée, que la preuve ne lui permettait pas de conclure que les appelantes avaient été diligentes. 
[76]        Cette conclusion n’est entachée d’aucune erreur de droit ni d’aucune erreur dominante dans l’appréciation des faits.
[77]        De plus, il apparaît douteux qu’une défense de diligence raisonnable puisse être invoquée à l’encontre d’une accusation qui accorde un moyen de défense fondé sur l’excuse légitime.
[78]        Cela est d’autant plus vrai qu’en l’espèce, les faits invoqués par les appelantes pour faire valoir la défense de diligence raisonnable sont également ceux qu’elles invoquent pour justifier l’excuse légitime.
[79]        Si ces faits ne peuvent constituer une excuse légitime, ils ne devraient pouvoir justifier une défense de diligence raisonnable.

Le processus que doit suivre un juge lors de la détermination de la peine face à un accusé non citoyen canadien

R. c. Kabasele, 2023 ONCA 252 Lien vers la décision [ 31 ]        En raison des arts. 36 et 64 de la  Loi sur l’immigration et la protection...