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vendredi 18 octobre 2024

Le droit relatif à la sexualité sadomasochiste

R. c. Deschatelets, 2013 QCCQ 1948

Lien vers la décision


[109]     Cette preuve a été complétée par le témoignage d'un expert psychologue-sexologue, monsieur Marc Ravard et par le témoignage de deux médecins pathologistes judiciaires, les docteurs Annie Sauvageau et Yasmine Ayroud.

[110]     Monsieur Ravard explique que le terme BDSM est un acronyme qui signifie en anglais : bondage, discipline, domination, soumission, sadisme et masochisme.

[111]     Il s'agit d'une activité sexuelle qui comporte plusieurs degrés, allant du petit jeu de rôle anodin jusqu'à l'extrême, comme à son avis, c'est le cas en l'espèce.

[112]     Cette pratique est encadrée par des règles et le collier que la victime devait mériter est un symbole de soumission et d'appartenance.

[113]     À son avis, la lettre de la victime témoigne d'une relation maître-esclave dans laquelle la victime érotise beaucoup les jeux de pouvoir et de torture. Il note un état d'affaiblissement de la victime et la pratique de gestes déshumanisants.

[114]     La sécurité est une règle cardinale de la pratique BDSM. Elle se manifeste par l'établissement d'au moins deux règles importantes.

[115]     D'abord, même si l'absence d'un des partenaires peut contribuer à ce que l'attente devienne érotique, il est recommandé de ne pas laisser l'autre dans une situation précaire dont il est incapable de se libérer seul.

[116]     Ensuite, puisque la pratique d'activités sado-masochistes entraîne des douleurs et de l'inconfort et qu'elle constitue en quelque sorte un jeu où la vérité et la fantaisie se confondent, les adeptes s'entendent habituellement sur un code, de sorte que lorsqu'un des partenaires utilise le code, l'autre comprend qu'il doit cesser le mauvais traitement ou en diminuer l'intensité.

[117]     Cette règle est considérée comme très importante, particulièrement chez les néophytes. Citons ici ce que le docteur Ravard écrit dans son rapport quant à l'aspect sécuritaire de cette activité :

 «Le BDSM peut être dangereux, certaines pratiques étant plus dangereuses que d'autres. L'ensemble de la littérature consultée préconise les jeux sexuels qui sont sans danger, sains et consensuels ( selon la devise Safe, Sane and Consensual véhiculée par le mouvement BDSM). On accorde beaucoup d'importance à la communication, à l'établissement de la confiance autour de la mise en scène et le respect des limites de chacun.

La sécurité de la personne soumise doit être une réalité impérative, avec l'utilisation de ce que l'on appelle un "safeword" (mots ou code de sécurité), notamment lorsqu'il s'agit de pratiques sexuelles plus potentiellement dangereuses. Dans bien des cas, la personne dominante tient la vie de la personne soumise entre ses mains. En doute, le dominant ne doit jamais prendre de chances. Celui-ci doit arrêter le jeu, vérifier et poser des questions. Le safeword le plus utilisé est "rouge", "jaune" (pour ralentir, soit un "slowword") et "vert" (pour reprendre ou continuer, soit un "goword".)

On considère dangereux et imprudent de laisser la personne soumise seule, lorsque ligotée, attachée, enchaînée, bâillonnée ou masquée, en cas de blessures importantes, de détresse, de complications, et d'accidents mortels. Ceux qui laissent les personnes soumises seules doivent bien connaître les limites de celles-ci et assurent qu'elles sont en sécurité (par exemple, la personne soumise serait capable de se libérer en cas d'urgence.) Les dominants qui ne le font pas seraient mal perçus et non acceptés dans le mouvement BDSM.”

 

En conclusion, l'expert écrit :

«À mon avis, le suspect, dans son rôle de partenaire dominant, devait assurer le bien-être et la sécurité de la victime. Il apparaît plus expérimenté et était celui qui dominait et exerçait le contrôle total sur celle-ci. Considérant la nature dangereuse des jeux sexuels pratiqués et le discours entourant l'importance accordée aux règles de sécurité pour la personne soumise, selon mon opinion professionnelle, le suspect aurait fait preuve de négligence et d'imprudence en laissant la victime seule, sans surveillance pendant qu'elle était ligotée, affaiblie, vulnérable et impuissante.»

[150]     Comme on l'a dit en introduction, les circonstances de l'affaire sont particulières. La mort de la victime est survenue dans le cadre de la pratique d'activités sado-masochistes. Or, il n'existe pas au Canada de décision qui a tracé les paramètres légaux d'une telle activité. Il y a donc lieu de commencer l'analyse par certains constats.

[151]     Il appert que la pratique d'activités connues sous l'acronyme BDSM constitue un jeu, un jeu à connotation sexuelle, un jeu violent et un jeu dangereux.

[152]     Ce qui frappe en premier lieu dans les activités sado-masochistes est sa dimension sexuelle.

[170]     C'est précisément, parce que certaines activités sado-masochistes comportent un risque pour la sécurité ou pour la vie des personnes que certaines règles de prudence sont suggérées. Ainsi, il est recommandé de ne pas abandonner ou laisser seule une personne placée dans une situation de vulnérabilité et d'utiliser un code pour communiquer.

[171]     L'accusé a répété à plusieurs reprises au policier qui l'a interrogé et au tribunal dans son témoignage, que la victime avait consenti à subir toutes ces violences et qu'elle avait consenti à être laissée seule pendant qu'il irait faire une course à l'épicerie. Cet argument est sans valeur d'un point de vue juridique.

[172]     Il est vrai que dans notre société une personne peut consentir à ce qu'une autre personne applique sur elle la force ou la violence. En effet, selon l'article 265(1)(a) du Code criminel, la commission de l'infraction de voies de fait simples exige la preuve de l'absence de consentement du plaignant.

[173]     Mais il faut rappeler ici que le consentement n'est pas une défense lorsque l'application de la force entraîne la mort.

[174]      L'article 14 du Code criminel est clair sur ce point, et la Cour suprême du Canada, à l'arrêt R. cJobidon[3] a rejeté cette défense dans les cas de lésions corporelles.

[175]     Le consentement n'est pas non plus une défense dans les affaires de négligence criminelle. La négligence criminelle concerne des comportements insouciants, déréglés et téméraires qui mettent en péril la sécurité ou la vie d'autrui.  Le fait que ce tiers consente à participer à l'activité dangereuse n'affecte en rien la responsabilité pénale de l'auteur de ces comportements.

[178]     La quatrième dimension qui frappe dans l'activité sado-masochiste est son caractère ludique. Il s'agit d'un jeu de rôle où les partenaires peuvent à certaines occasions être le dominant ou le soumis et dans lequel la réalité et la fiction se confondent. C'est la raison pour laquelle il est recommandé d'utiliser un mot de passe sur lequel ils se seront entendus à l'avance. Ainsi, aucune confusion n'est alors possible.

[179]     Alors que le «non» avancé par un des partenaires peut n'être qu'une réplique dans le jeu de rôle, le fait de prononcer le mot de code indique clairement et sans équivoque le désir du partenaire que l'activité cesse ou que son intensité diminue. En l'espèce, l'accusé et la victime n'utilisaient pas de mot de passe.

[180]     L'activité BDSM est donc un jeu, un jeu sexuel, un jeu violent et un jeu dangereux  qui implique la participation d'au moins deux personnes.

[181]     Dans ce contexte, le devoir des partenaires de se soucier et de se préoccuper de leur vie et de leur sécurité mutuelle est important et il passe non seulement par le respect de règles élémentaires de sécurité comme l'utilisation de mots de code et le maintien d'une présence permanente, mais aussi par le respect des règles de prudence de la personne raisonnable.

mercredi 11 juillet 2018

La défense d'accident

Fils c. R., 2007 QCCA 56 (CanLII)

Lien vers la décision


[31]           En matière de défense d'accident, la caractéristique fondamentale réside dans l'imprévisibilité d'un événement qui survient inopinément, hors de tout contrôle d'une personne. C'est donc un événement qui, d’une part, n'a pas été voulu et, d’autre part, était imprévisible.

[32]           Ainsi, lorsqu'on réfère à un événement accidentel qui a causé la mort ou des blessures à une personne, cela présuppose que l'événement en question est survenu de façon soudaine, sans contribution volontaire de l'auteur du décès.
[33]           L'imprévisibilité d'un geste ne saurait être considérée comme un accident dans un cas où, comme en l'espèce, l'agresseur reconnaît avoir ramassé le couteau au sol pour ensuite donner un coup de poing à la victime alors qu'il tenait cette arme en main.
[36]           Dans Mewett and Manning on Criminal Law, les auteurs écrivent:
In fact, as the cases show, to talk of the defence of "accident" is at best unnecessary and at worst misleading. "Accidental", in the context in which it is used in the cases, merely means without the desire or purpose of bringing about the consequence and it is true that for all those offences where the requisite mens rea consists in desire or purpose, an accident, in this sense, is a defence in that it is a denial of the requisite mens rea. But as we have already seen, in many offences the mens rea consists merely in knowledge that certain consequences will flow from certain acts or, in other offences, that an ordinary reasonable man would have foreseen those consequences. In these offences an accident is a defence only insofar as the accused did not know of the consequences or only insofar as the ordinary reasonable man would not have foreseen those consequences. Thus what is relevant is not whether the accused is claiming that what happened was an accident, but whether he is claiming that he lacked one of the elements of the offence charged in that he did not have the requisite intent.[3]
[Je souligne.]
[37]           Les auteurs Fortin et Viau dans leur Traité de droit pénal général concluent dans le même sens :
En matière d'homicide, la défense d'accident suppose que la mort n'a pas été causée par un acte illégal ou par négligence criminelle. En effet, dès que l'homicide est causé par un acte illégal, c'est-à-dire un acte contraire à la loi criminelle et dangereux pour la personne, il y a homicide coupable, sans égard à la question de savoir si l'auteur de l'acte en question a prévu ou non le risque encouru. En ce qui concerne la négligence criminelle, comme elle suppose chez l'auteur une insouciance déréglée et téméraire pour la vie et la sécurité des personnes, elle exclut du même coup l'accident qui, par hypothèse, est imprévisible.[4]

[38]           Il faut bien se garder de confondre la question de l'intention de celle du caractère volontaire de l'acte.

lundi 2 janvier 2012

La capacité en droit criminel : analyse juridique et médicale du seuil d’intervention de la justice criminelle en matière de négligence pénale

Résumé

Dans l’article qui suit, les auteurs proposent une analyse juridique et médicale de la capacité en matière de crimes de négligence. Après avoir exposé les fondements qui gouvernent la responsabilité normative en droit pénal canadien, ils procèdent à un examen exhaustif et critique de la faute en matière de négligence pénale, de la capacité nécessaire à sa constatation et des troubles physiques, psychiques et neuropsychiques pouvant empêcher sa réalisation.

Tiré de :
La capacité en droit criminel : analyse juridique et médicale du seuil d’intervention de la justice criminelle en matière de négligence pénale


Hugues Parent et Louis Morissette
Les Cahiers de droit, vol. 50, n° 3-4, 2009, p. 749-770.
http://id.erudit.org/iderudit/039340ar
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039340ar.pdf

dimanche 20 décembre 2009

Décisions relatives à la détermination de la peine en matière de négligence criminelle causant des lésions corporelles

R. c. Grégoire Jourdain, 2009 QCCQ 7577 (CanLII)

➢ R. c. Manjanatha, 1995 CanLII 3980 (SK C.A.), [1995] 8 W.W.R. 101 S.C.A. : L'accusé est un anesthésiste qui, pendant une opération, a quitté la salle opératoire sans explication pour faire un appel personnel. Pendant son absence, l'appareil d'anesthésie fonctionne mal. La victime subit des dommages irréversibles au cerveau et est dans un état végétatif. Plaidoyer de culpabilité, suspension de 6 mois pour son ordre professionnel, négligence extrême.
Emprisonnement de 6 mois.

➢ R. c. Andrzejewski, (1998) 110 B.C.A.C. 161 : L'accusé au moment des évènements est le gardien de la victime de 10 ans. Il tire délibérément un coup de feu sur une roche et le garçon est atteint à la tête par la balle après un ricochet sur la pierre. Blessures graves à la tête causant un handicap permanent. Plaidoyer de culpabilité, antécédents.
Emprisonnement de 18 mois.

➢ R. c. R.T., 2003 CanLII 49052 (QC C.Q.), [2004] R.J.Q. 749 (C.Q.) : L'accusé, pour donner une leçon à son fils, met le bras de celui-ci dans le poêle à bois. L'enfant, âgé de 26 mois, a été brûlé au bras et au ventre. Antécédents non pertinents, actes de violence contre sa conjointe pendant sa mise en liberté provisoire, 1er geste de violence à l'égard de l'enfant, aucune séquelle.
Emprisonnement de 8 mois, probation de 2 ans. Sursis refusé.

➢ R. c. Way, 2005 BCPC 318 (CanLII), 2005 BCPC 318 : L'accusé vivant avec des problèmes psychiatriques et psychologiques, consommateur de cocaïne et de marihuana, a tenté de se suicider et de tuer son fils en s'installant sur une voie ferrée. Le fils a été grièvement blessé. Remords, plaidoyer de culpabilité, recommandation commune de 6 ans, 8 mois de détention provisoire (X2).
Emprisonnement de 4 ans et 8 mois.

➢ R. c. Cripps, [2006] O.J. no 3434 S.C.J. : L'accusé âgé de 19 ans s'amuse à tirer du fusil à plomb sur une bouteille de bière placée sur une clôture dans sa cour arrière. La victime qui passe en voiture dans la rue achalandée qui longe la clôture reçoit un plomb dans un œil. Malgré de nombreuses opérations, sa vision de cet œil demeure limitée de façon permanente. Conséquences très prévisibles, absence d'antécédents, remords et rapport présentenciel très favorable.
Sentence suspendue, probation de 18 mois, 240 heures de travaux communautaires.

➢ R. c. E.D., 2007 QCCS 719 (CanLII), 2007 QCCS 719 : L'accusé cause des lésions sur 8% du corps de son fils de 2 ½ ans à la suite d'un incendie provoqué en chauffant des produits chimiques sur la cuisinière de la maison pour produire de l'ecstasy. Accusé doctorant en biologie moléculaire, sans antécédents, regrets.
Emprisonnement de 22 mois à purger dans la collectivité.

➢ R. c. Gattie, 2008 YKTC 69 (CanLII), 2008 YKTC 69 : Les coaccusés causent une explosion en jouant avec de la poudre à canon, ce qui occasionne des blessures à plusieurs personnes présentes. Remords, antécédents, recommandations de la communauté.
Sentence suspendue, probation, refus d'absolution conditionnelle.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Un témoin ordinaire peut être contre-interrogé sur toute conduite indigne

R. v. Cullen, 1989 CanLII 7241 (ON CA) Lien vers la décision When making the ruling it seems apparent that the trial judge had in mind the p...