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mercredi 17 février 2010

L'impact qu'a le défaut du ministère public de donner avis de son intention de demander une « peine plus sévère », en application du par. 727

R. c. McCoy, 2006 NBBR 329 (CanLII)

[11] Avec égards, je suis d’avis que le juge du procès a commis une erreur de principe en omettant de tenir compte des condamnations antérieures de McCoy. Par conséquent, l’imposition d’une amende était manifestement insuffisante dans les circonstances. Il semble que le défaut du ministère public de donner avis de son intention de demander une « peine plus sévère », en application du par. 727(1) du Code criminel, ait influencé la décision du juge du procès. L’effet de cette disposition a fait l’objet d’un examen dans bon nombre de décisions.

[12] Dans R. c. Branscombe (1989), 97 R.N.-B. (2e) 206, le juge Harper de la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick a dit ce qui suit aux par. 30 et 31 :

[TRADUCTION]

[…] [I]l faut noter qu’une telle situation n’oblige pas la Cour à traiter le défendeur comme un délinquant primaire, si un dossier judiciaire antérieur était également admis ou prouvé, mais elle ne fait qu’obvier aux sentences minimales obligatoires devant être infligées par une cour en vertu de l’actuel art. 255 du Code, surtout en ce qui a trait aux condamnations antérieures reliées à la conduite en état d’ébriété.

Cela mis à part, la Cour peut (et devrait) tenir compte de toutes les condamnations antérieures pour toute infraction criminelle (y compris celles qui sont reliées à la conduite en état d’ébriété) en infligeant la sentence dans une situation donnée, y compris dans la présente affaire.

[13] Dans R. c. Norris reflex, (1988), 41 C.C.C. (3d) 441, le juge Côté de la Cour d’appel des Territoires du Nord-Ouest a traité comme suit, aux pages 447 et 448, de la question des condamnations antérieures dans des cas où n’a été donné aucun avis qu’une peine plus sévère serait demandée :

[TRADUCTION]

[S]i, dans une affaire de conduite en état d’ébriété, le ministère public ne donne aucun avis en application du par. 592(1) [aujourd’hui le par. 727(1)], lorsque le contrevenant est déclaré coupable, le juge du procès peut lui infliger toute peine appropriée qui est plus sévère que la peine minimale prévue à l’al. 239a)(i) pour une première infraction. (La peine maximale ne varie plus selon le nombre de condamnations antérieures, comme elle le faisait avant; elle dépend maintenant plutôt de la question de savoir si l’infraction est poursuivie par mise en accusation ou par procédure sommaire.) Lorsqu’il détermine la peine à infliger, le juge peut examiner tous les renseignements pertinents relatifs au caractère de la personne déclarée coupable, y compris ses condamnations antérieures relatives au même type d’infraction ou à d’autres types d’infractions. Une condamnation antérieure pour conduite avec facultés affaiblies est pertinente, tout comme le serait une condamnation antérieure pour intoxication publique, pour vandalisme avec facultés affaiblies ou pour conduite dangereuse. Un casier judiciaire vierge serait par ailleurs tout aussi pertinent.

Bref, le fait de donner ou non un avis en application de l’art. 592 détermine tout simplement la limite minimale du pouvoir du juge de déterminer la peine à infliger. Entre cette limite et la peine maximale prévue par la loi, le juge doit toujours peser tous les facteurs pertinents et déterminer où placer la peine sur l’échelle.

[14] Dans R. c. Johnson (N.S.C.A.), [1994] N.S.J. No. 154, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a souscrit aux conclusions tirées dans R. c. Norris, précité, et s’est rangée à l’avis du juge Scanlan, du tribunal inférieur, dont la décision est publiée à [1993] N.S.J. No. 485, où il a dit ce qui suit, aux par. 13 et 14 :

[TRADUCTION]

Dans toute affaire relative à la détermination de la peine, le ministère public a le droit de présenter des observations sur les condamnations antérieures. Toutes les infractions sont susceptibles d’entraîner une peine plus sévère si le contrevenant a des antécédents judiciaires importants. […]

[…] Si le ministère public donne avis qu’une plus forte peine sera demandée du fait des condamnations antérieures en vertu de l’article 665, cela ne servira qu’à établir la peine minimale que le tribunal pourra infliger. Le juge chargé de la détermination de la peine aura toujours le pouvoir d’infliger une peine se situant entre la peine minimale et la peine maximale, qu’il s’agisse d’une première infraction ou non. Comme je l’ai déjà mentionné, le juge du procès a le droit d’examiner tous les facteurs pertinents pour déterminer la peine appropriée, y compris les condamnations antérieures.

[15] Le défaut du ministère public de donner avis qu’une peine plus sévère serait demandée n’entraîne pas la conclusion que l’accusé devrait être assimilé à un délinquant primaire.

[16] Au lieu d’assimiler McCoy à un délinquant primaire, le juge chargé de la détermination de la peine aurait dû tenir compte de [TRADUCTION] « tous les facteurs pertinents pour déterminer la peine appropriée », notamment :

1. la dissuasion générale;

2. les antécédents judiciaires;

3. la dissuasion particulière;

4. l’art. 255.1 du Code criminel.

1. Dissuasion générale

[17] Dans Regina c. McVeigh 1985 CanLII 115 (ON C.A.), (1985), 22 C.C.C. (3d) 145 (C.A. Ont.), le juge McKinnon, juge en chef adjoint, a signalé l’importance de l’intérêt public, à la p. 150 :

[TRADUCTION]

Personne ne prend le volant après avoir bu en pensant à la possibilité que quelqu’un soit tué de ce fait. Les peines infligées devraient rendre beaucoup moins attrayante la conduite d’un véhicule après avoir bu. Le public ne devrait pas avoir à attendre que des gens soient tués pour que les tribunaux condamnent catégoriquement le comportement qui a causé leur mort.

[…]

Dans de tels cas, la dissuasion générale devrait être l’objectif prédominant, et cet objectif ne peut pas être atteint si l’on insiste trop sur le fait que la dissuasion particulière est rarement nécessaire après que la conduite en état d’ébriété a mené à un résultat tragique.

[18] Dans R. c. Bourhill, [1999] O.J. No. 5071 (C.S. Ont.), le juge Donnelly a reconnu l’importance de l’intérêt public dans la détermination de la peine à infliger dans les cas de conduite avec facultés affaiblies. Il s’est exprimé ainsi, au par. 20 :

[TRADUCTION]

Cette reconnaissance vaste et formelle de l’intérêt public par rapport à la conduite avec facultés affaiblies touche directement le système judiciaire. L’objectif fondamental de la détermination de la peine est la protection de la société. Les tribunaux n’ont pas à suivre étroitement la conscience sociale. Ils doivent être conscients des préoccupations légitimes et universelles relatives à la sécurité publique et y être réceptifs. La perception du public à l’égard du système judiciaire souffrirait du défaut des tribunaux de première instance de reconnaître ces valeurs. Ainsi, l’administration de la justice serait susceptible d’être déconsidérée.

2. Antécédents judiciaires

[19] Comme je l’ai mentionné, McCoy a été déclaré coupable de conduite avec facultés affaiblies quatre fois déjà et il a été condamné à des peines d’emprisonnement totalisant plus de 30 mois. Son avocat soutient que, en déterminant la peine, la Cour ne devrait accorder que peu ou pas de poids à ces condamnations antérieures parce qu’il s’est écoulé plus de quinze ans depuis la dernière des infractions en question. Je ne suis pas d’accord. Lorsqu’une personne intoxiquée conduit un véhicule et cause la mort d’une autre personne, aucune période de temps ne peut réparer le mal qui a été fait et le passage du temps ne devrait jamais empêcher qu’il soit tenu compte de l’infraction.

3. Dissuasion particulière

[20] L’avocat de la défense a informé la Cour des efforts déployés par McCoy pour s’abstenir de consommer de l’alcool. Bien que ces efforts soient sans doute louables, il convient de souligner que ce n’est pas tant le fait que McCoy boit qui préoccupe la Cour, c’est plutôt le fait qu’il conduit lorsqu’il a bu. Il semble avoir besoin qu’on lui rappelle que la société ne tolérera pas qu’il conduise lorsque ses facultés sont affaiblies et, avec égards, une amende de 1 500 $ n’est à mon avis pas suffisante.

mercredi 20 janvier 2010

L'avis de récidive -- La suffisance de l'avis : analyse jurisprudentielle

R. c. Cyr, 2005 CanLII 32117 (QC C.S.)

[7] L'arrêt R. c. Taylor, rendu en 1964 par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, marque le point de départ d'un long courant jurisprudentiel établissant que l'avis de récidive requis par l'article 727(1) du C.cr. n'a pas à indiquer tous les détails relatifs aux condamnations antérieures.

[8] Dans cet arrêt, la Cour s'appuie sur le fait que cette exigence était expressément prévue au Code criminel de 1927, alors que ce n'est plus le cas à l'article 712 du Code de 1955, disposition en vigueur au moment du litige, et ancêtre de l'actuel article 727 C.cr: :

The express requirement of 1955 Code s. 712 is that the accused be notified that "a greater punishment would be sought by reason thereof", that is by reason of the previous convictions. That express requirement is against the implication of any further requirement and in particular of requiring details of the previous offences which Parliament had expressly required under 1927 Code s. 851 but has now repealed.

It follows that details of any such previous conviction are not required in the notice but rather the purpose of the notice is as stated, namely, to give warning to the accused of his potential liability for greater punishment by reason of previous conviction.

[9] Dans l'arrêt R. c. Pidlubny, la Cour d'appel de l'Ontario fait sienne les conclusions de la Cour d'appel de Colombie-Britannique et confirme que le texte même de la disposition traitant de l'avis de récidive n'exige pas de la part de la Couronne qu'elle fournisse les détails relatifs aux condamnations antérieures :

Upon a plain reading of that subsection, I do not see how it can be said that the Crown has to give a notice in greater detail or particularly than the one provided in this case. We are sustained in this view by the judgement of the British Columbia Court of Appeal in R. v. Taylor, [1964] 1 C.C.C. 207, 41 C.R. 44, 42 W.W.R. 692, the conclusion and reasons of which we adopt.

[10] Quelques années plus tard, la Cour d'appel des Territoires du Nord-Ouest a, elle aussi, l'occasion de se prononcer sur la question. Il découle clairement de cet arrêt que l'essentiel est de voir si le but de l'avis a été atteint, nonobstant le caractère détaillé ou non de celui-ci. On y lit en effet ce qui suit :

It is obvious that Johnston was in no way misled by the form of the notice: his counsel came prepared to argue the availability, for sentencing purposes under the amendment, of the previous conviction. The purpose of the notice was thus demonstrably served, whatever criticism might be made of its form or content.

[11] En 1979, dans l'arrêt R. c. Bear, la Cour d'appel de la Saskatchewan devait trancher la question de savoir si la Couronne avait le devoir d'indiquer, dans son avis, la teneur de la peine plus sévère qui allait être réclamée auprès du tribunal. La Cour a disposé de la question comme suit :

In this case it is clear the defendant knew the charge he was facing. The notice served upon him, before plea, sets out clearly and unequivocally that if convicted of that offence the prosecution would seek a greater punishment by reason of his previous conviction. Such a notice, in my opinion, met all the requirements o s. 740(1) and the learned trial Judge erred in holding otherwise and in failing to give effect to the prosecution's request. This section does not require the notice to set out the nature or character of the greater punishment to be sought nor, in my view, would it be possible to do so with accuracy because of the discretion given to the Court in the imposition of such greater punishment.

[12] Bien que cet arrêt ne traite pas directement de la question qui nous occupe en l'espèce, soit celle relative à la nécessité de préciser ou non la teneur des condamnations antérieures sur lesquelles se fonde l'avis de récidive, on peut retenir l'idée que celui-ci n'a pas à être détaillé.

[13] Enfin, dans l'arrêt R. c. Monk, la Cour d'appel de l'Ontario se prononce à nouveau sur la question. En s'appuyant sur les principes dégagés par les arrêts Taylor, Pidlubny et Bear ci-haut mentionnés, elle conclut comme suit :

Section 740(1) [ancêtre de l'article 727 C.cr.] simply provides that before the respondent makes his plea, the summary conviction court must be satisfied that the respondent had been notified that a greater penalty will be sought by reason of his previous convictions. There is no requirement that the number of these convictions, or particulars of them, are to be furnished.

[14] De ce qui précède, il me semble que l'on peut retenir le principe que l'avis requis par le paragraphe 727(1) du C.cr. n'a aucunement besoin d'être détaillé. Il suffit qu'il atteigne le but visé par la disposition législative, soit d'informer l'accusé relativement à l'intention du poursuivant de demander l'imposition d'une peine plus sévère.

[15] Dans le cas qui nous occupe, il ne peut être contesté que l'avis de récidive répondait au critère dégagé dans l'arrêt Taylor. Le premier juge, et cela dit avec beaucoup de respect, a erré en droit lorsqu'il a décidé d'exclure l'avis pour cause d'insuffisance.

Peine plus mordante ne peut pas être imposée sur la base d'antécédents sauf si signification d’un avis de récidive avant d’enregistrer un plaidoyer

R. c. Anderson, 2002 CanLII 47220 (QC C.M.)

[18] Dans le présent dossier, il est vrai que le contrevenant fut condamné à deux reprises, mais la poursuivante n’a pas déposé d’avis de récidive. L’article 727 C.cr. stipule :

Sous réserve des paragraphes (3) et (4), lorsque le délinquant est déclaré coupable d’une infraction pour laquelle une peine plus sévère peut être infligée du fait de condamnations antérieures, aucune peine plus sévère ne peut lui être infligée de ce fait à moins que le poursuivant ne convainque le tribunal que le délinquant, avant d’enregistrer son plaidoyer, a reçu avis qu’une peine plus sévère serait demandée de ce fait.

[19] Ainsi le législateur a établi qu’une sentence plus mordante ne peut être imposée sur la base de condamnations antérieures à moins que la poursuivante n’établisse la signification d’un tel avis avant d’enregistrer un plaidoyer.

[20] La juge Thibault, dans l’arrêt Gravelle, affirmait, pour la majorité, au paragraphe 46 de la décision :

L’avis préalable de l’article 727 C.cr. ne peut être qualifié de « technicité », à mon avis, puisqu’il est susceptible d’influencer directement sur la décision d’un accusé d’enregistrer ou non un plaidoyer de culpabilité.

[21] Le législateur n’a sûrement pas écrit pour ne rien dire. Il faut donc s’en remettre au bon jugement de la poursuivante qui en assume le contrôle et la responsabilité.

[22] Pour tracer un parallèle convaincant, deux décisions ont conclu qu’il doit être reçu, par le défendeur, l’avis de récidive prévu à l’article 727 C.cr. lors d’une peine à être rendue aux termes de l’article 109 C.cr., pour disposer adéquatement de la période d’interdiction. Le juge de première instance avait trouvé le défendeur coupable d’harcèlement criminel (article 264 C.cr.)

Voir : R. c. Jobb (1988), 43 C.C.C. 476, (C.A. Saskatchewan).

R. C. Ellis, #C34564, 9 avril 2001, (C.A. Ontario).

vendredi 13 mars 2009

Discrétion du procureur de la poursuite de déposer l'avis de récidive

R. c. Drouin, 2008 QCCQ 9953 (CanLII)

Résumé des faits
La dernière condamnation de monsieur Drouin pour conduite avec facultés affaiblies 253 a) du Code criminel (C.cr. )et refus 254 (5) C.cr. remonte au 3 août 1995. Monsieur Drouin a plaidé coupable aux présents chefs d'accusation pour conduite avec facultés affaiblies 253 a) et refus 254 (5) C.cr. remonte au 12 décembre 2005. Le Tribunal constate que monsieur Drouin a maintenant 10 condamnations en semblable matière, mais qu'il y a plus de 10 ans entre la dernière condamnation et les présents chefs d'accusation. L'accusé reproche le fait que le poursuivant possède un pouvoir discrétionnaire de donner ou non un avis de récidive

Analyse
La Cour suprême du Canada dans l'arrêt Beare reconnaît que le législateur peut octroyer à la poursuite par disposition législative un pouvoir discrétionnaire.

Aussi, dans l'arrêt Power la juge L'Heureux-Dubé de la Cour suprême parlant pour la majorité a conclu :

- les tribunaux ne devraient pas s'immiscer dans le pouvoir discrétionnaire de la poursuite afin de respecter le partage des pouvoirs et de la primauté du droit, de ne pas nuire à l'efficacité du système de justice criminelle et du fait que le pouvoir discrétionnaire de la poursuite se prête particulièrement mal au contrôle judiciaire (puisqu'une myriade de facteurs peuvent influer sur la décision de la poursuite de porter des accusations, d'intenter des poursuites, de négocier un plaidoyer, d'interjeter appel, etc., les tribunaux ne sont pas en mesure de bien évaluer ces décisions);

- toutefois, dans les affaires criminelles, les tribunaux ont un pouvoir discrétionnaire résiduel de remédier à un abus de la procédure de la cour, mais uniquement dans les « cas les plus manifestes », ce qui, à mon avis, signifie un comportement qui choque la conscience de la collectivité et porte préjudice à l'administration régulière de la justice au point qu'il justifie une intervention des tribunaux.

Le Tribunal constate dans le présent dossier mis à part que le poursuivant ne respecte pas intégralement une politique interne du Directeur des poursuites criminelles et pénales, il n'y a aucun autre reproche concernant l'exercice du pouvoir discrétionnaire du poursuivant sur sa décision d'envoyer à l'accusé l'avis de récidive. Le Tribunal estime que cet argument est insuffisant pour qualifier l'exercice du pouvoir discrétionnaire du poursuivant de cas d'abus de procédure des plus manifestes.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le juge a une discrétion afin de permettre l'usage de questions suggestives lors de l'interrogatoire en chef

R. v. Muise, 2013 NSCA 81 Lien vers la décision [ 23 ]                                               The law on the use of leading questions...