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vendredi 3 octobre 2025
La mesure d’absolution répond généralement à des infractions d’une gravité relative qui résultent de « gestes ponctuels, irréfléchis et de courte durée »
mercredi 24 septembre 2025
Au moment d’évaluer l’intérêt véritable du délinquant, un juge doit notamment se demander si le délinquant est une personne de bonne moralité qui ne mérite pas une peine dissuasive et pour qui l’enregistrement d’une condamnation ne serait pas nécessaire et entraînerait des conséquences particulièrement néfastes
R. c. Lévesque, 2024 QCCA 162
[14] Au moment d’évaluer l’intérêt véritable du délinquant, un juge doit notamment se demander si le délinquant est une personne de bonne moralité (good character) qui ne mérite pas une peine dissuasive et pour qui l’enregistrement d’une condamnation ne serait pas nécessaire et entraînerait des conséquences particulièrement néfastes.
[15] La juge a erré en excluant la pertinence de la « bonne moralité » au motif qu’il s’agit d’un critère élitiste, ambigu et obsolète. Évidemment, la bonne moralité ne réfère pas à la personne « bien-pensante » ou encore, comme le souligne avec raison la juge, à ses opinions, politiques ou autres, dans la mesure où celles-ci ne transgressent pas le Code criminel. Cela serait indéniablement de nature à interpeller des préjugés. Avec égards, le bon caractère, la personnalité ou la bonne moralité d’un délinquant demeure un aspect important de l’analyse. L’avocat de Lévesque lui-même plaidait la personnalité de son client en faveur de l’absolution. Dans l’évaluation, la présence d’antécédents judiciaires est particulièrement significative, quoique non dirimante à la mesure. Toutefois, si ceux-ci sont nombreux ou récents, cela peut devenir un obstacle. L’enchaînement des condamnations reflète habituellement un besoin de dissuasion spécifique. Par conséquent, un juge doit particulièrement motiver sa décision afin d’y passer outre, ce qui exige une preuve plus solide à propos des autres dimensions de l’intérêt véritable du délinquant.
[16] À cet égard, contrairement à la conclusion de la juge, l’article 12 de Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c. C-5, ne s’applique pas de la même manière au procès et lors de la détermination de la peine. Au procès, les règles régissant son application ont été élaborées par la jurisprudence afin d’en préserver le caractère équitable.
[19] Enfin, la juge commet une erreur déterminante sur la peine en acceptant que Lévesque a démontré, de manière probante, les conséquences particulièrement néfastes d’une condamnation dans son cas. La juge conclut que l’ajout d’une condamnation peut nuire à son emploi en s’appuyant sur son témoignage. Or, Lévesque l’ignorait lui-même avant de consulter des gens qui lui auraient expliqué que l’inscription d’une condamnation à un chef d’introduction par effraction ne « passerait pas » dans l’industrie du camionnage, emploi qu’il occupe depuis cinq ans, parce qu’il s’agit d’un crime de malhonnêteté très stigmatisant. Cette proposition n’est soutenue par aucune preuve probante dans un contexte où Lévesque occupe son emploi alors qu’il a été condamné à neuf infractions découlant de sept événements distincts entre 2002 et 2015. Ses dernières condamnations lui ont valu 12 mois d’emprisonnement et une probation d’un an pour un complot et un trafic de drogues.
[20] Si la proposition voulant qu’une condamnation puisse généralement nuire à l’emploi se défend, la jurisprudence exige plus et le contexte demeure important. Une preuve devra être administrée et variera selon le contexte. Bien que le ouï-dire soit admissible, le paragraphe 723(5) C.cr. confirme ce que la Cour suprême avait décidé dans l’arrêt R. c. Gardiner, 1982 CanLII 30 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 368, lorsqu’elle écrivait que :
Tout le monde sait que les règles strictes qui régissent le procès ne s'appliquent pas à l'audience relative à la sentence et il n'est pas souhaitable d'imposer la rigueur et le formalisme qui caractérisent normalement notre système de procédures contradictoires. La règle interdisant le ouï‑dire ne s'applique pas aux audiences relatives aux sentences. On peut recevoir des éléments de preuve par ouï‑dire s'ils sont crédibles et fiables.
R. c. Gardiner, 1982 CanLII 30 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 368, p. 414 (soulignement ajouté) ; R. c. Lévesque, 2000 CSC 47 (CanLII), [2000] 2 RCS 487, par. 30.
[21] Avec égards, dans les circonstances, l’affirmation générale du délinquant, même sincère, qui rapporte des propos d’un tiers sur un sujet spécialisé ne peut pas avoir la portée que lui donne la juge. Il s’agit d’une erreur. Vu le fait que Lévesque occupe déjà cet emploi tout en ayant un casier judiciaire bien garni et sérieux, cela reflète, au mieux, une conséquence hypothétique sur son emploi. Bien que cette conséquence ne doive pas être certaine, il doit exister un certain fondement, qui encore une fois variera selon les circonstances : R. c. Gosselin, 2017 QCCA 244, par. 68; R. c. Denis, 2015 QCCA 300, par. 7; R. c. Naimer, 2015 QCCA 1525, par. 16; R. c. Ménard, 2013 QCCA 683, par. 8.
[22] Ces erreurs ont tronqué l’analyse de l’intérêt véritable de Lévesque de se voir accorder une absolution. Comme l’écrit l’appelant, « [e]n définitive, la preuve ne permet pas de conclure ici à un intérêt véritable à recevoir une absolution pour la partie intimée qui n'est pas un délinquant primaire, pas un jeune adulte, n'a pas plaidé coupable et qui n'a pas établi la vraisemblance de conséquences négatives pour sa situation d'emploi. » Sous réserve d’une preuve probante qui aurait pu repousser la conclusion qu’entraîne ces constats, en l’espèce, la preuve ne satisfait pas le critère de l’intérêt véritable du délinquant.
Le juge d’instance jouit d’une discrétion importante dans l'imposition d'une peine, notamment dans la mise en balance de l’intérêt véritable de l’accusé et de l’intérêt public
Sadak c. R., 2021 QCCA 1938
[27] Ainsi, une absolution peut être prononcée si :
a) l’accusé n’est pas une organisation;
b) il est coupable d’une infraction qui n’est pas assortie d’une peine minimale, ni d’une peine de 14 ans ou plus d’emprisonnement;
c) l’absolution est dans l’intérêt véritable de l’accusé et elle ne nuit pas à l’intérêt public.[22]
[28] La mise en balance de l’intérêt véritable de l’accusé et de l’intérêt public est un exercice délicat[23]. Le juge d’instance jouit d’une discrétion importante[24]. À cet égard, l’absolution n’est pas une sentence d’exception; elle peut être ordonnée même pour un crime grave, dès lors que les conditions inhérentes à son ouverture sont réunies[25]. Ainsi, la gravité objective de l’infraction ne constitue pas un obstacle de principe au prononcé d’une absolution. C’est ce que rappelle notre Cour, sous la plume du juge Vauclair, dans Harbour c. R.[26] :
[92] [L’absolution] est même possible lorsque le crime peut être qualifié de « fléau ». Je reprends volontiers les propos du juge Rothman dans l’arrêt R. c. Moreau, c’est-à-dire que même en présence d’un crime à forte prévalence dans la communauté, la dissuasion générale n’est qu’un facteur et chaque cas doit être évalué à son mérite : R. c. Moreau, 1992 CanLII 3313; contra R. c. Foianesi, 2011 MBCS 33.
[93] Autrement, les tribunaux créeraient des exclusions là où le législateur n’en prévoit pas tout en créant un danger réel que la peine devienne une réponse au crime uniquement plutôt qu’une peine juste et proportionnelle au crime et au délinquant.
[Renvoi omis; soulignements ajoutés]
Aux termes de l’article 730 (1) C.cr., le tribunal peut prononcer une absolution aux conditions qui y sont énumérées, notamment si cette mesure est dans l’intérêt véritable de l’accusé et elle ne nuit pas à l’intérêt public
Gignac Joncas c. R., 2019 QCCA 1635
[8] Aux termes de l’article 730 (1) C.cr., le tribunal peut prononcer une absolution aux conditions qui y sont énumérées, notamment si cette mesure est dans l’intérêt véritable de l’accusé et elle ne nuit pas à l’intérêt public.
[9] Le juge de première instance conclut que ces deux conditions ne sont pas satisfaites. Selon lui, l’ensemble de la preuve ne démontre pas qu’une condamnation entraînera des conséquences néfastes pour l’appelante et que, en conséquence, l’intérêt véritable de cette dernière justifie une absolution. De plus, les circonstances du crime, notamment le caractère gratuit de l’agression, sa violence et la poursuite de l’agression après l’intervention de l’agent de sécurité amènent le juge à croire que l’absolution nuirait à l’intérêt public en banalisant un comportement intolérable.
L’intérêt véritable de l’appelante
[10] L’appelante plaide que le préjudice lié à une condamnation est réel, vu son jeune âge parce que cette mesure est susceptible de nuire à ses chances sur le marché de l’emploi. Prenant appui sur l’arrêt Berish[4], elle fait valoir qu’elle n’est pas tenue d’établir avec précision les conséquences d’une condamnation.
[11] Les auteurs Parent et Desrosiers dégagent de leur analyse de la jurisprudence que la condition reliée à l’intérêt véritable d’un accusé exige un examen contextuel de ses caractéristiques personnelles et de l’effet de la mesure sur ses droits. Des facteurs variables sont pris en compte : son âge, son implication dans la société, son plaidoyer de culpabilité, ses remords sincères, son mode de vie, etc. En plus de tenir compte des caractéristiques personnelles d’un accusé, ce critère nécessite un examen approfondi des conséquences d’une condamnation[5].
[12] Dans notre dossier, l’appelante n’a pas témoigné et elle n’a présenté aucune preuve liée aux possibles répercussions d’un casier judiciaire sur sa vie ou ses droits. Il s’agit d’une jeune femme; elle a plaidé coupable; elle éprouve des remords sincères; elle a un travail et elle a un antécédent pour une agression commise alors qu’elle était mineure. La preuve est cependant muette sur les conséquences qu’aurait une condamnation sur elle. On peut certes concevoir qu’une condamnation soit susceptible d’avoir certains effets sur la vie professionnelle de l’appelante, mais celle-ci n’a pas établi la possibilité réelle qu’elle en subisse des effets démesurés par rapport à la faute commise.
[13] Contrairement à ce que plaide l’appelante, l’affaire Berish n’a pas atténué l’exigence d’établir les conséquences d’une condamnation. Elle est tenue de démontrer en quoi la peine qui lui a été imposée est démesurée par rapport à sa faute. L’arrêt Berish enseigne que le juge du procès doit individualiser la peine en tenant compte de tous les facteurs pertinents, d’une part, et confirme le pouvoir discrétionnaire du juge en pareille matière ainsi que le devoir de déférence du tribunal d’appel, d’autre part.
L’intérêt public
[14] L’intérêt public est une notion vaste et générale qui, dans le contexte de l’article 730(1) C.cr., prend en compte divers facteurs, dont l’objectif de dissuasion générale, la gravité de l’infraction, son incidence sur la communauté et la confiance du public dans le système judiciaire.
[15] Le juge n’a commis aucune erreur révisable en concluant que, dans les circonstances de l’affaire, la confiance du public dans l’administration de la justice serait minée s’il prononçait une absolution. Le caractère gratuit de l’agression, la violence avec laquelle elle a été perpétrée, la poursuite de l’agression après l’intervention de l’agent de sécurité sont autant d’éléments qui établissaient la gravité de l’infraction et justifiaient le juge de conclure que l’absolution n’était pas une mesure indiquée. Ajoutons que, même si le juge n’énumère pas certains facteurs atténuants dans cette partie de son jugement, ceux-ci étaient présents à son esprit puisqu’il les a identifiés avec précision dans une autre partie de son jugement.
[16] L’appelante plaide que le juge a erré en qualifiant son état d’intoxication de facteur neutre et qu’il aurait dû en tenir compte à titre de facteur atténuant. Dans les circonstances où le niveau d’intoxication était peu élevé et en raison de l’antécédent judiciaire de l’appelante, il n’était pas déraisonnable pour le juge de qualifier son intoxication de facteur neutre.
Le caractère manifestement non indiqué de la peine
[17] Selon l’appelante, le juge de première instance n’a pas respecté l’obligation que lui impose le paragr. 718.2d) C.cr. d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes avant d’envisager une mesure privative de liberté. Les circonstances de l’affaire notamment son jeune âge, sa moralité et sa réinsertion sociale empêchent le juge, écrit-elle, de considérer la dissuasion générale comme facteur principal.
[18] Les enseignements tirés de la jurisprudence citée par l’appelante montrent qu’il n’est pas toujours approprié d’accorder un poids trop important aux objectifs d’intérêt public en présence d’un jeune adulte, sans antécédent[6], pour lequel l’emprisonnement est susceptible d’avoir un effet plus criminogène que dissuasif[7] lorsque des peines alternatives à l’emprisonnement peuvent atteindre ces objectifs[8].
[19] En l’espèce, la peine prononcée par le juge de première instance se situe dans la fourchette des peines applicables à l’infraction de voies de fait causant des lésions corporelles lorsqu’il y a présence de facteurs atténuants et aggravants[9]. Ici, la violence de l’agression et la gravité des conséquences pour la victime permettent de conclure que la peine d’emprisonnement infligée à l’appelante n’est pas manifestement non indiquée.
dimanche 7 septembre 2025
La conséquence juridique qui découle de l’application automatique de l’article 36 de la LIPR suffit pour établir que l’absolution est dans l’intérêt de l’appelant au sens de l’article 730
Reyes c. R., 2014 QCCS 4434
[32] L’article 36 est reproduit plus haut.
[33] Il prévoit que le fait d’être condamné[5] au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation emporte, sauf pour le résident permanent, une interdiction de territoire pour criminalité.
[34] Même si l’appelant a été déclaré coupable de deux infractions punissables sur procédure sommaire, le paragraphe 36(3) prévoit que l’infraction sommaire est assimilée à une infraction punissable par mise en accusation[6].
[35] Le texte clair du paragraphe 36(2) de la LIPR n’exige aucune interprétation[7]. Son objet a été décrit par le juge Décary de la Cour d’appel fédérale dans Cha : « [l]'objet de l'article 36 est clair : les non-citoyens qui commettent certains types d'infractions criminelles ne doivent pas entrer ou demeurer au Canada »[8].
[36] Les condamnations de l’appelant emportent automatiquement une interdiction de territoire pour criminalité[9]. Il est vrai que des considérations humanitaires peuvent entrer en jeu et pourraient faire l’objet d’une demande par un étranger[10].
[37] Cependant, il serait inopportun de conclure que l’intérêt véritable de l’accusé n’a pas été établi au sens de l’article 730 C.cr. parce que la LIPR prévoit la possibilité de faire valoir de tels motifs.
[38] Dans la présente affaire, le juge d’instance a été informé des conséquences indirectes par l’avocate de l’appelant, mais il n’en a pas tenu compte.
[39] Il semble qu’il n’ait pas correctement identifié la portée du paragraphe 36(2) et son effet qui est indéniable.
[40] Contrairement à l’affirmation de la poursuite, le juge ne peut avoir eu à l’esprit les principes de l’arrêt Pham et les avoir appliqués s’il n’a pas tenu compte du texte même de l’art. 36 de la LIPR.
[41] En pratique, pour reprendre l’expression utilisée dans l’arrêt Pham, le juge n’était pas au courant de ces conséquences indirectes.
[42] Par ailleurs, le juge d’instance ne pouvait considérer que l’omission pour l’avocate de l’appelant de présenter une preuve au sujet des conséquences en matière d’immigration était une décision stratégique de sa part.
[43] En effet, il n’était pas nécessaire de présenter une preuve, car les conséquences de la condamnation découlent tout simplement de l’application de la LIPR. La condamnation de l’appelant emporte l’interdiction de territoire.
[44] Finalement, il faut souligner « qu'il n'est pas nécessaire de démontrer que ces conséquences se manifesteront réellement; il suffit qu'une possibilité existe »[11].
[45] La conséquence juridique qui découle de l’application automatique de l’article 36 de la LIPR suffit pour établir que l’absolution est dans l’intérêt de l’appelant au sens de l’article 730.
[46] Cette erreur de droit ayant été établie, le Tribunal ne peut toutefois accueillir l’appel et ordonner une nouvelle audience de détermination de la peine.
[47] En effet, en pareilles circonstances, le tribunal d’appel « inflige une peine juste dans ce qui équivaut à une nouvelle audience de détermination de la peine »[12] en fonction du dossier tel que produit devant lui.
[48] La conclusion que l’absolution est dans l’intérêt véritable de l’appelant ne suffit pas pour justifier l’octroi d’une absolution. Les conséquences indirectes en matière d’immigration sont un facteur pertinent, mais ne justifie pas automatiquement une absolution[13]. Il convient d'évaluer maintenant si l’absolution nuira à l’intérêt public.
Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine
Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun
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