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jeudi 20 mars 2025

Une simple possibilité de préjudice professionnel pour démontrer son intérêt véritable à obtenir une absolution

M.P. c. R., 2020 QCCA 892

Lien vers la décision


[9]         L’appelant doit simplement établir une possibilité de préjudice professionnel pour démontrer son intérêt véritable à obtenir une absolution[5]; il n’a pas à démontrer l’impossibilité de trouver un emploi dans son domaine advenant une condamnation[6].

mercredi 19 mars 2025

L’intérêt public et le besoin d’exemplarité lors de la détermination de la peine

Ivanov c. R., 2025 QCCA 301

Lien vers la décision


[75]      Bien que la juge liste les éléments à considérer dans l’analyse de l’intérêt public[29], il semble qu’elle les évalue à l’aune du facteur de la confiance du public envers le système judiciaire. En effet, les constats qu’elle dresse à partir des facteurs pertinents ressortent de ces passages du jugement sur la peine :

[109]   Ce critère doit s’apprécier en tenant compte de ce que pourrait penser une personne raisonnable et renseignée, advenant l’imposition d’une telle mesure.

[110]   Ainsi, y a-t-il un risque que le justiciable perde confiance dans le système judiciaire si tel était le cas?

[111]    Le tribunal répond par l’affirmative à cette question.

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[76]      Cette réponse a conduit au rejet de la demande d’absolution :

[124]   Le Tribunal conclut en effet que l’absolution ne constitue pas une peine juste et proportionnée en l’espèce. Car absoudre l’accusé irait à l’encontre des objectifs selon lesquels il faut dénoncer le caractère inacceptable et criminel de la violence conjugale et accroître la confiance des victimes et du public dans l’administration de la justice.

[Soulignement ajouté; renvois omis]

[77]      Tout en étant des notions distinctes, la confiance du public dans le système de justice participe avec d’autres facteurs à évaluer l’intérêt public au sens où l’entend le paragraphe 730(1) C.cr.

[78]      L’intérêt public s’apprécie notamment au regard du besoin de dissuasion générale, de la gravité objective et subjective de l’infraction et de son incidence dans la collectivité. Il est aussi bon de préciser que l’octroi de l’absolution n’a pas à être dans l’intérêt public, même s’il ne doit pas lui nuire[30].

[79]      En ce qui a trait au maintien de la confiance du public dans le système judiciaire, ce facteur doit être apprécié au regard de l’opinion d’une personne raisonnable et bien informée sur le fonctionnement du système de justice, du contexte infractionnel et du profil du contrevenant[31].

[80]      Dans le cadre de tout ce processus d’évaluation, le juge de la peine ne doit pas perdre de vue la possibilité, si démontrée, qu’un contrevenant devienne un jour une personne utile à sa communauté[32]. Les auteurs Parent et Desrosiers écrivent « [qu’]il est dans l’intérêt public de ne pas nuire aux efforts déjà entrepris par l’accusé afin d’assurer sa réinsertion sociale »[33].

***

[81]      Le motif principal retenu par la juge pour exclure la possibilité d’une ordonnance d’absolution sous conditions repose sur l’insuffisance de la dénonciation que comporte cette mesure en matière de violence conjugale avec comme conséquence d’affecter la confiance du public dans le système de justice. Ce faisant, la juge commet une erreur similaire à celle relevée par mon collègue le juge Vauclair dans Harbour c. R. :

[97]      S’il faut, à l’occasion de l’évaluation de l’intérêt public, être sensible à la réaction de la personne raisonnable et bien renseignée […], cette sensibilité ne peut amener le juge [à] refuser une peine si elle est adéquate.[34]

[Renvois omis]

[82]      Dans R. c. Umakanthan, au soutien de sa décision de confirmer une ordonnance d’absolution prononcée en première instance, la Cour écrit :

[4]        […] The conditions that accompany the conditional discharge express a clear concern for denunciation and deterrence in a manner that is consistent with other objectives of sentencing.[35]

[Renvoi omis]

[83]      De plus, l’arrêt de la Cour suprême rendu dans R. c. Bertrand Marchand[36] enseigne qu’une absolution assortie de conditions strictes peut servir les objectifs de dissuasion et de dénonciation dans certaines circonstances[37].

[84]      En somme, surseoir au prononcé de la peine et l’absolution sous conditions sont deux mesures orientées sur la réinsertion sociale du contrevenant. L’imposition de certaines conditions facultatives dans l’ordonnance de probation jointe à ces mesures permet de concilier la clémence associée à ces deux modalités tout en leur conférant un certain aspect punitif.

[85]      Cela dit, je reconnais aisément qu’en matière de dissuasion spécifique, ces deux modalités de peine emportent des conséquences juridiques distinctes sur la personne du contrevenant. Toutefois, sur le plan de la dissuasion générale, une composante importante de l’intérêt public, je doute qu’une absolution assortie des mêmes conditions que celles prévues dans une ordonnance de probation (conditions facultatives) jointe à une ordonnance de surseoir à la peine suscite une grande inquiétude chez l’observateur averti en mesure de comprendre les mécanismes inhérents à chacune de ces modalités.

[86]      L’erreur de la juge aura donc été de mettre en place, au nom de la dissuasion générale, une mesure axée sur la dissuasion spécifique en exposant inutilement l’appelant aux tourments inhérents à un statut précaire alors qu’il est déjà reconnu dans le jugement sur la peine qu’une absolution sous conditions est dans son intérêt.

[87]      De plus, la mesure attaquée en appel ne comporte pas dans les faits un niveau d’exemplarité supérieur à une absolution assortie des mêmes conditions facultatives que celles ordonnées en première instance.

[95]      L’appelant était âgé de 19 ans au moment de l’infraction et il en a maintenant 25. À l’exception de son geste répréhensible, son parcours de vie est sans tache. Son jeune âge au moment des événements, son absence d’antécédents judiciaires tout comme son absence de prédisposition à la criminalité constituent d’autres facteurs atténuants auxquels j’accorde un poids important.

[96]      La dissuasion spécifique de l’appelant est acquise. Le dossier fait voir que l’expérience judiciaire vécue à ce jour lui a occasionné un important stress[38]. L’agent de probation note également que les premiers contacts de l’appelant avec le système judiciaire auront un effet dissuasif significatif sur son comportement futur[39].

[97]      Les démarches thérapeutiques de l’appelant doivent également être considérées comme étant un facteur atténuant, car elles démontrent sa volonté de s’amender. Il s’est d’abord inscrit au service d’aide thérapeutique de la ressource PRO‑GAM. Il a participé à quatre rencontres d’évaluation, à trois rencontres thérapeutiques individuelles et à une rencontre de groupe. Il s’est ensuite inscrit au programme de gestion de la colère offert par l’organisme COPATLA et il a complété avec succès les 15 séances du programme.

[98]      De plus, en date du 26 novembre 2021, l’appelant avait complété 57 heures de bénévolat au sein de la banque alimentaire du même organisme.

[99]      Je considère aussi que le faible risque de récidive doit être rangé parmi les facteurs atténuants importants. Le rapport présentenciel suggère cette conclusion alors qu’il y est mentionné que le programme de gestion de la colère a fourni à l’appelant des outils efficaces pour prévenir les comportements violents et résoudre les conflits[40].

[100]   De plus, l’inexistence d’une dépendance quelconque chez l’appelant, le soutien familial dont il bénéficie et son engagement dans la communauté sont autant d’éléments positifs qui appuient l’idée d’un risque de récidive qualifié de faible.

[101]   Tout ce qui précède confirme aussi le haut niveau d’avancement de l’appelant dans son processus de réinsertion sociale marqué par un parcours exemplaire depuis son arrestation en 2018.

[102]   La question à laquelle je dois maintenant répondre est celle de l’admissibilité de l’appelant à une absolution sous conditions. Or, cette mesure n’est ni une sentence routinière ni une sentence d’exception[41]. Si elle doit être accordée avec modération et non de façon systématique, elle peut être ordonnée dès lors que ses conditions d’ouverture sont réunies[42], « le seul test étant l'équilibre entre les intérêts de la société et ceux de l'accusé »[43].

[103]   En appel, le poursuivant ne revient pas sur la conclusion de la juge selon laquelle l’appelant à un intérêt véritable dans la mesure recherchée. Ce dernier risque d’être interdit de territoire pour raison de « grande criminalité ». Il ne m’est pas nécessaire de jauger l’ampleur de ce risque si ce n’est de dire que toute condamnation exposera l’appelant à différentes tracasseries administratives en raison de son statut actuel au Canada avec comme conséquence de générer inutilement de l’anxiété pour lui et ses proches.

[104]   De plus, la bonne moralité de l’appelant qui n’est pas remise en cause en appel et son absence d’antécédents judiciaires sont autant de facteurs qui militent pour la clémence[44].

[105]   Cela dit, et si, comme la juge l’a décidé, une probation comportant des conditions de nature corrective et punitive s’avère suffisamment exemplaire au regard de la situation de l’appelant, je demeure convaincu que le même niveau d’exemplarité peut être atteint par l’imposition des mêmes conditions, mais cette fois jointes à une absolution. Pour conclure ainsi, je m’appuie notamment sur ce passage de l’arrêt R. c. Bertrand Marchand :

[133]   En l’espèce, une absolution conditionnelle assortie de conditions strictes de probation servirait les objectifs de dissuasion et de dénonciation. En revanche, une peine de placement sous garde serait disproportionnée et ne rendrait pas compte du degré réduit de responsabilité d’un jeune délinquant qui en est à sa première infraction, lequel bénéficierait surtout d’une rééducation, et non d’une sanction excessive. Par conséquent, j’ordonnerais à l’égard de ce délinquant représentatif une absolution conditionnelle avec mise en probation de six mois[45].

[Soulignement ajouté]

[106]   De plus, et comme l’explique mon collègue le juge Vauclair dans l’arrêt Harbour c. R., l’absolution sous conditions comporte un mécanisme « par lequel le juge peut annuler l’absolution et infliger au contrevenant une peine pour l’infraction originale en plus de toute autre peine »[46]. Traitant de ce mécanisme, la doctrine souligne que « l’imposition d’une absolution conditionnelle comporte un aspect dissuasif qui est souvent sous-estimé »[47].

[107]   En ce qui a trait à l’attention particulière que je dois apporter au fait que l’infraction implique un mauvais traitement à une partenaire intime, j’estime que, si de l’avis du poursuivant et de la juge, les conditions imposées en première instance au moment de surseoir au prononcé de la peine permettent de satisfaire à ce facteur, les mêmes conditions facultatives, reprises cette fois au soutien d’une absolution sous conditions, devraient être en mesure d’atteindre cet objectif.

[108]   Finalement, il me semble que surseoir au prononcé de la peine plutôt que d’absoudre l’appelant sous conditions est susceptible de mettre à mal l’objectif important de réhabilitation rattaché à son jeune âge. Comme le souligne la Cour supérieure dans le jugement Camps c. R., « [p]lusieurs années peuvent s’écouler avant que l’appelant ne connaisse l’issue finale de son destin migratoire advenant le maintien de la peine infligée »[48]. Cette incertitude n’est certes pas favorable à la réhabilitation.

[109]   En somme, je suis d’avis que la personne raisonnable et bien informée de ce qui précède, au courant de tous les tenants et aboutissants de l’infraction en cause, consciente du profil favorable de l’appelant et de son haut niveau de réhabilitation tout en sachant que l’absolution sous conditions peut être annulée en cas de manquement de sa part, ne pourrait faire autrement que demeurer confiante dans notre système de justice.

Le juste équilibre entre les objectifs de dénonciation et d’exemplarité en matière de violence conjugale et celui de la réinsertion sociale d’un jeune contrevenant primaire

Ivanov c. R., 2025 QCCA 301

Lien vers la décision


[62]      Le contexte de cette affaire obligeait la juge à considérer les différents principes applicables lorsqu’une infraction relevant de la violence conjugale est commise par un jeune contrevenant primaire.

[63]      Notre Cour n’a cessé de réitérer que les objectifs de dénonciation et d’exemplarité prennent une importance accrue en matière de violence conjugale. Cet enseignement a été rappelé encore tout dernièrement :

[83]      Il est par ailleurs opportun de réitérer qu’en matière de violence conjugale, incluant dans le cas d’ex‑conjoints, les objectifs de dénonciation et de dissuasion revêtent une importance accrue, conformément à l’intention exprimée par le législateur.[19]

[Renvois omis]

[64]      Ces considérations notées, il y a également la situation du jeune délinquant primaire qui nécessite d’accorder un poids certain, voire important, au principe de modération[20]. La Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Bertrand Marchand, rappelle que « [l]a réinsertion sociale et la dissuasion spécifique sont les objectifs premiers lorsque vient le temps de déterminer les peines à infliger à de jeunes délinquants qui en sont à leur première infraction »[21]. Cette règle s’applique « même en présence d’une infraction violente »[22].

[65]      Plusieurs années avant cet arrêt de la Cour suprême, la Cour d’appel de l’Ontario soulignait dans l’arrêt R. c. Beauchamp que le jeune âge d’un contrevenant primaire commandait d’apporter un poids important à sa réhabilitation :

[379]   It is well-established that rehabilitation and specific deterrence are the paramount considerations on the sentencing of a youthful first offender; undue weight should not be placed on general deterrence.[23]

[Soulignement ajouté; renvois omis]

[66]      Ce n’est pas dire que les critères applicables à la détermination de la peine en matière de violence conjugale sont inconciliables avec ceux applicables à celle d’un jeune contrevenant primaire au point d’exclure les facteurs pertinents liés à la seconde situation pour ne retenir que ceux concernés par la première. En cette matière, tout est une question de pondération et non d’opposition.

[67]      Ma collègue la juge Bich exprime avec clarté l’exercice de pondération applicable à la situation du jeune contrevenant primaire visé par une accusation dont la nature oblige d’apporter une attention particulière à la dénonciation et à la dissuasion :

[51]      Bref, il incombe au tribunal d’accorder une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion, ce qui affecte donc forcément l’exercice de pondération auquel il doit se livrer aux fins de déterminer la peine, y compris dans les cas où, en raison de la jeunesse d’un délinquant primaire, il doit également donner un poids certainc’est-à-dire importantaux facteurs de réhabilitation et de dissuasion spécifique.[24]

            [Soulignements ajoutés; renvoi omis; italique dans l’original]

[68]      Si on applique ces enseignements à la situation de l’espèce, soit celle d’un jeune contrevenant primaire accusé de mauvais traitement à l’égard d’une partenaire intime, l’exercice de pondération auquel la juge devait se livrer consistait à porter « une attention particulière » aux objectifs d’exemplarité et de dissuasion générale tout en accordant « un poids important » aux facteurs de réhabilitation et de dissuasion spécifique.

[69]      Au regard de ce qui précède, les passages suivants du jugement sur la peine s’éloignent de ces critères au point de constituer une erreur de principe :

[122]    Dans les cas de violence conjugale, l’absolution ne sera donc imposée que dans les cas exceptionnels où il serait indiqué, par exemple, de mettre de côté les principes de dénonciation et de dissuasion qui doivent prédominer dans ce genre de dossier.

[…]

[125]   Le Tribunal tire cette conclusion malgré le fait que la réinsertion sociale et la dissuasion spécifique soient les premiers objectifs lorsque vient le temps de déterminer les peines à infliger à de jeunes délinquants qui en sont à leur première infraction. Car en matière de violence conjugale, notre Cour d’appel nous enseigne que l’objectif de la réinsertion sociale ne devrait pas avoir préséance sur les objectifs de dissuasion et de dénonciation.

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[70]      Tout d’abord, la jurisprudence de notre Cour ne soutient pas l’idée selon laquelle, en matière de violence conjugale, seuls « les cas exceptionnels » pourront bénéficier d’une absolution sous conditions. Bien que les objectifs de dénonciation et de dissuasion prennent dans ce contexte une importance particulière et que l’absolution soit octroyée avec parcimonie, chaque cas doit être évalué à son mérite[25]. En l’espèce, la restriction invoquée par la juge est susceptible de heurter les enseignements de la Cour suprême concernant la réinsertion sociale du jeune contrevenant qui en est à sa première infraction[26].

[71]      Ensuite, la juge oppose le contexte de violence conjugale à l’âge du contrevenant pour prioriser la première situation. Cette façon de faire a conduit à un déséquilibre entre le poids à accorder à un geste isolé posé en matière de violence conjugale et les chances élevées de réhabilitation de l’appelant.

[72]      En ne considérant pas à leur juste valeur les facteurs que sont la réhabilitation et la dissuasion, la juge commet une erreur similaire à celle relevée dans l’arrêt M.P. c. R. :

[16]      Enfin, le juge estime que l'octroi d'une absolution, conditionnelle ou inconditionnelle, ne pourra se faire sans nuire à l'intérêt public. Il s'appuie sur les dispositions du Code criminel prévoyant que la peine imposée pour mauvais traitement à un enfant par une personne en autorité doit privilégier les objectifs de dénonciation et de dissuasion.

[17]      […] L'imposition d'une peine pour une infraction de cette nature commande au juge d'accorder une « attention particulière » à ces objectifs, mais il ne peut pour autant négliger de prendre en compte les autres objectifs de détermination de la peine. En insistant déraisonnablement sur les facteurs de dénonciation et de dissuasion, et en occultant les efforts considérables consentis par l'appelant pour se réhabiliter aux yeux de la société, le juge commet une erreur de principe justifiant l'intervention de la Cour.[27]

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[73]      De plus, l’approche retenue par la juge a eu pour effet d’occulter la conséquence d’une condamnation sur le statut de l’appelant au Canada à titre de circonstance particulière (et non « exceptionnelle ») pouvant donner ouverture à une absolution sous conditions.

[74]      En résumé, je suis d’avis que la juge a commis une erreur de principe au moment de conclure qu’en matière de violence conjugale « l’objectif de la réinsertion sociale ne devrait pas avoir préséance sur les objectifs de dissuasion et de dénonciation »[28].

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...