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samedi 7 juin 2025

La mesure d’absolution répond généralement à des infractions d’une gravité relative qui résultent de gestes ponctuels, irréfléchis et de courte durée

Genest c. R., 2016 QCCA 1883

Lien vers la décision


[17]        La mesure d’absolution répond généralement, faut-il le rappeler, à des infractions d’une gravité relative qui résultent de « gestes ponctuels, irréfléchis et de courte durée »[3]. Or, ici, comme la juge l’a noté, ce n’est pas le cas. Les vols chez son employeur ont été commis au cours d’une période de six (6) mois dans un but d’appât du gain et ont requis une certaine préméditation.

dimanche 1 juin 2025

L'appel sur la peine: comment apprécier les blessures à titre de facteur aggravant face à une infraction de voies de fait et l’objectif de dissuasion générale

R. c. Martinez Abarca, 2022 QCCA 1095



[14]      Selon une jurisprudence bien établie, les cours d’appel ne peuvent intervenir en matière de peine que si le jugement de première instance comporte une erreur de principe ou, autrement, est manifestement non indiqué. À ce propos, les cours d’appel ont un rôle important à jouer, qui se décline sous deux axes. D’une part, elles servent de « rempart contre les erreurs de droit commises par les tribunaux chargés de déterminer les peines tout en contrôlant la raisonnabilité de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de ces derniers. »[8] et, d’autre part, elles doivent s’assurer du développement stable du droit. Ce second volet s’incarne par la mise en place de lignes directrices, qui peuvent prendre la forme de fourchettes de peines ou encore d’énoncés généraux sur la gravité des conséquences reliées à certaines infractions[9].

[15]      Les cours d’appel sont donc habilitées à intervenir et modifier une peine, mais seulement dans des circonstances limitées, qui ont été rappelées en 2020 par la Cour suprême dans l’arrêt Friesen qui a confirmé la norme d’intervention énoncée dans l’arrêt Lacasse :

Comme l’a confirmé notre Cour dans Lacasse, la cour d’appel ne peut intervenir pour modifier une peine que si (1) elle n’est manifestement pas indiquée (par. 41) ou (2) le juge de la peine a commis une erreur de principe qui a eu une incidence sur la détermination de la peine (par. 44). Parmi les erreurs de principe, mentionnons l’erreur de droit, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant. La manière dont le juge de première instance a soupesé ou mis en balance des facteurs peut constituer une erreur de principe seulement s’il a « exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable, en insistant trop sur un facteur ou en omettant d’accorder suffisamment d’importance à un autre » (R. c. McKnight (1999), 1999 CanLII 3717 (ON CA), 135 C.C.C. (3d) 41 (C.A. Ont.), par. 35, cité dans Lacasse, par. 49). Ce ne sont pas toutes les erreurs de principe qui sont importantes : la cour d’appel ne peut intervenir que lorsqu’il ressort des motifs du juge de première instance que l’erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine (Lacasse, par. 44). Si une erreur de principe n’a eu aucun effet sur la peine, cela met un terme à l’analyse de cette erreur et l’intervention de la cour d’appel ne se justifie que si la peine n’est manifestement pas indiquée.

Si la peine n’est manifestement pas indiquée ou si le juge de la peine a commis une erreur de principe qui a eu une incidence sur la détermination de la peine, la cour d’appel doit effectuer sa propre analyse pour fixer une peine juste (Lacasse, par. 43). Elle appliquera de nouveau les principes de la détermination de la peine aux faits sans faire preuve de déférence envers la peine existante même si celle-ci se situe dans la fourchette applicable. En conséquence, lorsque la cour d’appel conclut qu’une erreur de principe a eu un effet sur la peine, cela suffit pour qu’elle intervienne et fixe une peine juste. Dans un tel cas, le fait que la peine existante ne soit manifestement pas indiquée ou qu’elle se situe à l’extérieur de la fourchette des peines infligées auparavant ne constitue pas une condition préalable supplémentaire requise pour justifier l’intervention de la cour d’appel[10].

[Soulignements ajoutés]

[16]      Outre ce contrôle judiciaire restreint, et pour identifier une peine juste et appropriée, il est accordé aux juges de première instance un large pouvoir discrétionnaire dans la prise en compte des principes, objectifs et facteurs (atténuants et aggravants), tout comme dans la mise en balance de ces divers éléments. Les objectifs que doit considérer le juge sont inscrits à l’article 718 C.cr., et élaborés dans la jurisprudence pertinente. Ils comprennent la dénonciation du comportement illégal, la dissuasion générale et individuelle, l’isolement du délinquant de la société, la réinsertion sociale, la réparation des torts causés, une prise de conscience chez le délinquant. Précisons que le législateur impose pour certaines infractions l’obligation de porter une attention particulière à certains objectifs. Par exemple, en matière de crimes violents, les tribunaux doivent favoriser les objectifs de dénonciation et dissuasion[11].

[17]      Il n’est cependant pas question d’établir un ordre d’importance entre chaque facteur[12]. Au contraire, le juge doit exercer son pouvoir discrétionnaire et leur accorder une importance plus ou moins grande selon les circonstances. Cette pondération au cas par cas est importante, car la détermination de la peine est un processus individualisé[13]. Cependant, bien que grande, la discrétion des juges, au niveau de la peine, est balisée par le législateur lorsque ce dernier prévoit des peines minimales ou maximales pour une infraction donnée[14].

[18]      En outre, une peine proportionnée doit certes prendre en compte les facteurs propres à l’accusé et l’infraction qu’il a commise, mais elle doit également être considérée d’un point de vue comparatif. C’est-à-dire que « [l]a proportionnalité se détermine [aussi] […] sur une base comparative des peines infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables »[15]. La détermination de la peine vise donc l’harmonisation des peines entre des délinquants similaires qui commettent une infraction similaire dans des circonstances semblables[16]. Pour ce faire, les juges ont souvent recours à ce qu’on appelle « une fourchette de peines ». Il s’agit d’un outil, non contraignant, qui est en quelque sorte un historique des peines infligées pour une infraction donnée[17]. Sans être applicables dans tous les cas, les fourchettes permettent d’éviter les écarts injustifiés entre les peines[18].

Application

[19]      À la lecture du dossier, il est évident que le jugement entrepris est animé par le but d’éviter à l’intimé les conséquences d’un casier judiciaire. À ce propos, la juge explique qu’« [u]ne inscription à la Loi sur le casier judiciaire mettrait fin aux projets réels de l’accusé [devenir pilote de l’air dans les Forces armées canadiennes] ainsi qu’au moyen d’assurer sa subsistance de la façon dont il l’a choisie et ainsi de bien gagner sa vie ». C’est cet objectif qui motive la juge et qui oriente les facteurs et objectifs dont elle tient compte. Cependant, il ne doit s’agir que d’un des considérants[19]. Si l’ensemble de ceux qui doivent être évalués milite pour une peine d’emprisonnement, la seule existence de conséquences découlant d’un casier judiciaire est insuffisante pour justifier une absolution.

[20]      De plus, en refusant de considérer les blessures à titre de facteur aggravant, la juge commet une erreur de principe. Bien qu’il soit vrai qu’un élément essentiel de l’infraction ne devrait pas être considéré comme une circonstance aggravante, car il s’agit d’un facteur pris en compte pour établir la gravité objective de l’infraction alors que le droit cherche à éviter les doubles punitions[20], la situation en matière de voies de fait graves exige que le juge tienne compte dans chaque cas d’espèce de la nature et l’étendue (et non seulement de l’existence) des blessures[21] et il peut même s’agir d’un élément aggravant[22]. Partant, l’importance des blessures dans un cas précis doit être considérée pour pondérer la gravité de l’infraction et en arriver à une peine proportionnelle[23].

[21]      La juge commet donc une erreur de principe en évacuant complètement la nature et l’importance des blessures subies par la victime de l’exercice de pondération de la peine proportionnelle[24]. D’ailleurs, comme le rappelle cette Cour dans Bérubé-Gagnon, « une peine qui est disproportionnée eu égard à la gravité de l’infraction ou au degré de culpabilité du contrevenant est, par définition, manifestement non indiquée »[25]. En omettant ce facteur, la juge n’arrive pas à une peine proportionnelle.

[22]      Qui plus est, à la lecture du jugement, il est difficile de saisir ce que la juge fait de l’objectif de dissuasion générale. Elle affirme seulement que cet objectif a peu d’importance en l’espèce, car il s’agit d’un geste impulsif et contextuel et que le caractère de la dissuasion générale est incertain et limité[26]. Elle ajoute aussi que l’emprisonnement n’est pas la seule peine permettant de l’atteindre[27]. On peut s’interroger sur le caractère impulsif de l’agression sexuelle, quoique la peine sur ce chef ne soit pas en appel. Malgré cela, les circonstances de cette agression, qui précède immédiatement les voies de fait graves, sont pertinentes. On peut aussi se montrer circonspect sur l’affirmation que les voies de fait graves l’étaient tout autant alors qu’elles ont été commises après et en raison de l’agression sexuelle et qu’elles sont constituées non pas de un, mais bien de deux coups de poing.

[23]      Bien qu’il soit souhaitable d’avoir recours avec le plus de modération possible aux peines d’emprisonnement et même parfois préférable de les éviter, il est difficile de voir en quoi l’absolution conditionnelle, dans un cas de voies de fait graves, puisse rencontrer adéquatement l’objectif de dissuasion générale. Les tribunaux ont rappelé fréquemment que les cas de voies de fait graves exigent une réplique suffisante et proportionnelle à la gravité des gestes posés et à la responsabilité morale du contrevenant, quant au principe de la dénonciation[28]. Il en est de même de la dissuasion générale[29].

jeudi 20 mars 2025

Une simple possibilité de préjudice professionnel pour démontrer son intérêt véritable à obtenir une absolution

M.P. c. R., 2020 QCCA 892

Lien vers la décision


[9]         L’appelant doit simplement établir une possibilité de préjudice professionnel pour démontrer son intérêt véritable à obtenir une absolution[5]; il n’a pas à démontrer l’impossibilité de trouver un emploi dans son domaine advenant une condamnation[6].

mercredi 19 mars 2025

L’intérêt public et le besoin d’exemplarité lors de la détermination de la peine

Ivanov c. R., 2025 QCCA 301

Lien vers la décision


[75]      Bien que la juge liste les éléments à considérer dans l’analyse de l’intérêt public[29], il semble qu’elle les évalue à l’aune du facteur de la confiance du public envers le système judiciaire. En effet, les constats qu’elle dresse à partir des facteurs pertinents ressortent de ces passages du jugement sur la peine :

[109]   Ce critère doit s’apprécier en tenant compte de ce que pourrait penser une personne raisonnable et renseignée, advenant l’imposition d’une telle mesure.

[110]   Ainsi, y a-t-il un risque que le justiciable perde confiance dans le système judiciaire si tel était le cas?

[111]    Le tribunal répond par l’affirmative à cette question.

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[76]      Cette réponse a conduit au rejet de la demande d’absolution :

[124]   Le Tribunal conclut en effet que l’absolution ne constitue pas une peine juste et proportionnée en l’espèce. Car absoudre l’accusé irait à l’encontre des objectifs selon lesquels il faut dénoncer le caractère inacceptable et criminel de la violence conjugale et accroître la confiance des victimes et du public dans l’administration de la justice.

[Soulignement ajouté; renvois omis]

[77]      Tout en étant des notions distinctes, la confiance du public dans le système de justice participe avec d’autres facteurs à évaluer l’intérêt public au sens où l’entend le paragraphe 730(1) C.cr.

[78]      L’intérêt public s’apprécie notamment au regard du besoin de dissuasion générale, de la gravité objective et subjective de l’infraction et de son incidence dans la collectivité. Il est aussi bon de préciser que l’octroi de l’absolution n’a pas à être dans l’intérêt public, même s’il ne doit pas lui nuire[30].

[79]      En ce qui a trait au maintien de la confiance du public dans le système judiciaire, ce facteur doit être apprécié au regard de l’opinion d’une personne raisonnable et bien informée sur le fonctionnement du système de justice, du contexte infractionnel et du profil du contrevenant[31].

[80]      Dans le cadre de tout ce processus d’évaluation, le juge de la peine ne doit pas perdre de vue la possibilité, si démontrée, qu’un contrevenant devienne un jour une personne utile à sa communauté[32]. Les auteurs Parent et Desrosiers écrivent « [qu’]il est dans l’intérêt public de ne pas nuire aux efforts déjà entrepris par l’accusé afin d’assurer sa réinsertion sociale »[33].

***

[81]      Le motif principal retenu par la juge pour exclure la possibilité d’une ordonnance d’absolution sous conditions repose sur l’insuffisance de la dénonciation que comporte cette mesure en matière de violence conjugale avec comme conséquence d’affecter la confiance du public dans le système de justice. Ce faisant, la juge commet une erreur similaire à celle relevée par mon collègue le juge Vauclair dans Harbour c. R. :

[97]      S’il faut, à l’occasion de l’évaluation de l’intérêt public, être sensible à la réaction de la personne raisonnable et bien renseignée […], cette sensibilité ne peut amener le juge [à] refuser une peine si elle est adéquate.[34]

[Renvois omis]

[82]      Dans R. c. Umakanthan, au soutien de sa décision de confirmer une ordonnance d’absolution prononcée en première instance, la Cour écrit :

[4]        […] The conditions that accompany the conditional discharge express a clear concern for denunciation and deterrence in a manner that is consistent with other objectives of sentencing.[35]

[Renvoi omis]

[83]      De plus, l’arrêt de la Cour suprême rendu dans R. c. Bertrand Marchand[36] enseigne qu’une absolution assortie de conditions strictes peut servir les objectifs de dissuasion et de dénonciation dans certaines circonstances[37].

[84]      En somme, surseoir au prononcé de la peine et l’absolution sous conditions sont deux mesures orientées sur la réinsertion sociale du contrevenant. L’imposition de certaines conditions facultatives dans l’ordonnance de probation jointe à ces mesures permet de concilier la clémence associée à ces deux modalités tout en leur conférant un certain aspect punitif.

[85]      Cela dit, je reconnais aisément qu’en matière de dissuasion spécifique, ces deux modalités de peine emportent des conséquences juridiques distinctes sur la personne du contrevenant. Toutefois, sur le plan de la dissuasion générale, une composante importante de l’intérêt public, je doute qu’une absolution assortie des mêmes conditions que celles prévues dans une ordonnance de probation (conditions facultatives) jointe à une ordonnance de surseoir à la peine suscite une grande inquiétude chez l’observateur averti en mesure de comprendre les mécanismes inhérents à chacune de ces modalités.

[86]      L’erreur de la juge aura donc été de mettre en place, au nom de la dissuasion générale, une mesure axée sur la dissuasion spécifique en exposant inutilement l’appelant aux tourments inhérents à un statut précaire alors qu’il est déjà reconnu dans le jugement sur la peine qu’une absolution sous conditions est dans son intérêt.

[87]      De plus, la mesure attaquée en appel ne comporte pas dans les faits un niveau d’exemplarité supérieur à une absolution assortie des mêmes conditions facultatives que celles ordonnées en première instance.

[95]      L’appelant était âgé de 19 ans au moment de l’infraction et il en a maintenant 25. À l’exception de son geste répréhensible, son parcours de vie est sans tache. Son jeune âge au moment des événements, son absence d’antécédents judiciaires tout comme son absence de prédisposition à la criminalité constituent d’autres facteurs atténuants auxquels j’accorde un poids important.

[96]      La dissuasion spécifique de l’appelant est acquise. Le dossier fait voir que l’expérience judiciaire vécue à ce jour lui a occasionné un important stress[38]. L’agent de probation note également que les premiers contacts de l’appelant avec le système judiciaire auront un effet dissuasif significatif sur son comportement futur[39].

[97]      Les démarches thérapeutiques de l’appelant doivent également être considérées comme étant un facteur atténuant, car elles démontrent sa volonté de s’amender. Il s’est d’abord inscrit au service d’aide thérapeutique de la ressource PRO‑GAM. Il a participé à quatre rencontres d’évaluation, à trois rencontres thérapeutiques individuelles et à une rencontre de groupe. Il s’est ensuite inscrit au programme de gestion de la colère offert par l’organisme COPATLA et il a complété avec succès les 15 séances du programme.

[98]      De plus, en date du 26 novembre 2021, l’appelant avait complété 57 heures de bénévolat au sein de la banque alimentaire du même organisme.

[99]      Je considère aussi que le faible risque de récidive doit être rangé parmi les facteurs atténuants importants. Le rapport présentenciel suggère cette conclusion alors qu’il y est mentionné que le programme de gestion de la colère a fourni à l’appelant des outils efficaces pour prévenir les comportements violents et résoudre les conflits[40].

[100]   De plus, l’inexistence d’une dépendance quelconque chez l’appelant, le soutien familial dont il bénéficie et son engagement dans la communauté sont autant d’éléments positifs qui appuient l’idée d’un risque de récidive qualifié de faible.

[101]   Tout ce qui précède confirme aussi le haut niveau d’avancement de l’appelant dans son processus de réinsertion sociale marqué par un parcours exemplaire depuis son arrestation en 2018.

[102]   La question à laquelle je dois maintenant répondre est celle de l’admissibilité de l’appelant à une absolution sous conditions. Or, cette mesure n’est ni une sentence routinière ni une sentence d’exception[41]. Si elle doit être accordée avec modération et non de façon systématique, elle peut être ordonnée dès lors que ses conditions d’ouverture sont réunies[42], « le seul test étant l'équilibre entre les intérêts de la société et ceux de l'accusé »[43].

[103]   En appel, le poursuivant ne revient pas sur la conclusion de la juge selon laquelle l’appelant à un intérêt véritable dans la mesure recherchée. Ce dernier risque d’être interdit de territoire pour raison de « grande criminalité ». Il ne m’est pas nécessaire de jauger l’ampleur de ce risque si ce n’est de dire que toute condamnation exposera l’appelant à différentes tracasseries administratives en raison de son statut actuel au Canada avec comme conséquence de générer inutilement de l’anxiété pour lui et ses proches.

[104]   De plus, la bonne moralité de l’appelant qui n’est pas remise en cause en appel et son absence d’antécédents judiciaires sont autant de facteurs qui militent pour la clémence[44].

[105]   Cela dit, et si, comme la juge l’a décidé, une probation comportant des conditions de nature corrective et punitive s’avère suffisamment exemplaire au regard de la situation de l’appelant, je demeure convaincu que le même niveau d’exemplarité peut être atteint par l’imposition des mêmes conditions, mais cette fois jointes à une absolution. Pour conclure ainsi, je m’appuie notamment sur ce passage de l’arrêt R. c. Bertrand Marchand :

[133]   En l’espèce, une absolution conditionnelle assortie de conditions strictes de probation servirait les objectifs de dissuasion et de dénonciation. En revanche, une peine de placement sous garde serait disproportionnée et ne rendrait pas compte du degré réduit de responsabilité d’un jeune délinquant qui en est à sa première infraction, lequel bénéficierait surtout d’une rééducation, et non d’une sanction excessive. Par conséquent, j’ordonnerais à l’égard de ce délinquant représentatif une absolution conditionnelle avec mise en probation de six mois[45].

[Soulignement ajouté]

[106]   De plus, et comme l’explique mon collègue le juge Vauclair dans l’arrêt Harbour c. R., l’absolution sous conditions comporte un mécanisme « par lequel le juge peut annuler l’absolution et infliger au contrevenant une peine pour l’infraction originale en plus de toute autre peine »[46]. Traitant de ce mécanisme, la doctrine souligne que « l’imposition d’une absolution conditionnelle comporte un aspect dissuasif qui est souvent sous-estimé »[47].

[107]   En ce qui a trait à l’attention particulière que je dois apporter au fait que l’infraction implique un mauvais traitement à une partenaire intime, j’estime que, si de l’avis du poursuivant et de la juge, les conditions imposées en première instance au moment de surseoir au prononcé de la peine permettent de satisfaire à ce facteur, les mêmes conditions facultatives, reprises cette fois au soutien d’une absolution sous conditions, devraient être en mesure d’atteindre cet objectif.

[108]   Finalement, il me semble que surseoir au prononcé de la peine plutôt que d’absoudre l’appelant sous conditions est susceptible de mettre à mal l’objectif important de réhabilitation rattaché à son jeune âge. Comme le souligne la Cour supérieure dans le jugement Camps c. R., « [p]lusieurs années peuvent s’écouler avant que l’appelant ne connaisse l’issue finale de son destin migratoire advenant le maintien de la peine infligée »[48]. Cette incertitude n’est certes pas favorable à la réhabilitation.

[109]   En somme, je suis d’avis que la personne raisonnable et bien informée de ce qui précède, au courant de tous les tenants et aboutissants de l’infraction en cause, consciente du profil favorable de l’appelant et de son haut niveau de réhabilitation tout en sachant que l’absolution sous conditions peut être annulée en cas de manquement de sa part, ne pourrait faire autrement que demeurer confiante dans notre système de justice.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La réoption n'est pas un événement imprévisible ou inévitable

R. v. Long, 2023 ONCA 679 Lien vers la décision [ 62 ]        I would also observe that the appellant re-elected a trial in the OCJ on Febru...