R. v. Tilley, 2012 CanLII 74349 (NL PC)
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[46] Let us look at the damage to property of Lisa Squires. The Crown has to prove beyond a reasonable doubt that the defendant intentionally or recklessly caused the prohibited act. Self-induced intoxication is not a defence to a charge under section 430(1)(a) since the offence is a crime of general intent and for authority we can look at the case of R. v. Schmidtke (1985), 44 C.R. (3rd) 392 (Ont.C.A.).
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lundi 5 mars 2018
mardi 14 février 2012
Le sens du mot "frauduleusement" dans le cadre de l'infraction d'obtention frauduleuse de service d'ordinateur de l'article 342.1
R. c. St-Martin, 2012 QCCQ 575 (CanLII)
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[42] Le terme "frauduleusement" est utilisé dans plusieurs dispositions du Code criminel. La plus connue, est celle qui criminalise le fait de prendre frauduleusement et sans apparence de droit une chose quelconque avec l'intention d'en priver son propriétaire temporairement ou absolument. C'est l'article 322 du Code criminel qui crée l'infraction de vol.
[43] Il est intéressant de remarquer que l'infraction d'obtention frauduleuse de service d'ordinateur de l'article 342.1 du Code criminel trouve sa place au Code criminel dans la même partie que celle dans laquelle se trouve l'infraction de vol.
[44] Il n'est pas sans intérêt non plus de noter que l'article 342.1(1) du Code criminel, en plus de se trouver à la Partie IX du Code criminel, intitulée "Infractions contre les droits de propriété", est classé sous la rubrique "Infractions ressemblant au vol" et que la note marginale se lit "Utilisation non autorisée d'ordinateur."
[45] Quant au sens du mot "frauduleusement", il a beaucoup évolué à travers les siècles.
[46] Dans le document de travail 19, publié en 1977 sous le titre "Droit pénal: le vol et la fraude, les infractions", la Commission de réforme du droit du Canada commentait en ces termes, à la page 51, le terme "frauduleusement" utilisé en Common Law anglais;
"Il est difficile de préciser ce qu'on entendait par "frauduleusement" en sus de "sans revendication de droit". En fait, le mot "frauduleusement" a été qualifié "d'élément mystérieux" du vol."
[47] Traitant cette fois du droit canadien, la Commission écrivait à la page 71 du même document de travail ce qui suit:
" Le mot "frauduleusement a posé des difficultés. Commentant l'utilisation de ce terme dans la Loi anglaise de 1916 dite Larceny Act, un auteur a écrit: "Il semble qu'il ne soit pas vraiment nécessaire d'inclure le mot "frauduleusement" dans la définition. La Loi en question n'attribue pas un sens précis à ce mot et son utilisation dans les arrêts anciens n'est pas plus précise. Puisqu'on ne peut conclure qu'il connote plus que de la malhonnêteté, il est inutile; car, lorsqu'il n'y a aucune revendication de droit, faite de bonne foi, de prendre une chose, la prise de possession doit être malhonnête et par conséquent, frauduleuse."
Néanmoins, dans l'arrêt R. c. Williams 1953 1 QB 660, le tribunal anglais a jugé que le mot "frauduleusement" ajoutait quelque chose au concept du sans apparence de droit. Il a jugé que :
"la prise de possession doit être intentionnelle et délibérée, c'est-à-dire sans erreur.’
Nous croyons que le mot "frauduleusement" utilisé à l'article 1 doit signifier que la prise de possession est faite intentionnellement, sans erreur et en sachant que l'objet pris est la propriété d'une autre personne."
[48] De toute évidence, la Commission ne partageait pas cette interprétation puisqu'elle écrit :
"Néanmoins, les derniers mots de l'article, "avec l'intention, au moment de cette prise de possession, d'en priver le propriétaire de façon permanente" indiquent qu'on exige à la fois l'intention et la connaissance que l'objet pris est la propriété d'une autre personne. Ainsi, le mot "frauduleusement" n'ajoute rien.
[49] C'est ainsi que la Commission, pour des motifs de clarté, de simplicité et de l'affirmation de la valeur fondamentale qu'est l'honnêteté, proposait de remplacer l'expression 'frauduleusement" par le mot "malhonnêtement" qui, à son avis est un mot qui parle au sens commun, qui est universellement compris et qui ne peut pas être défini par des synonymes moins évidents.
[50] En page 13 du document, la Commission écrit :
"Chacun sait que s'approprier le bien d'autrui signifie prendre le bien d'autrui lorsqu'on sait que l'on ne devrait pas le prendre."
[51] D'autre part, il est intéressant de noter qu'à l'arrêt R. c. Lafrance, la majorité des juges de la Cour Suprême du Canada a décidé que :
"The taking was intentionnal, under no mistake and with knowledge that the motor vehicle was the property of another. In my opinion, this made the taking fraudulent…The appellant took the vehicle without colour of right and deprived the owner of it temporarely."
[52] À l'arrêt R. c. Skalbenia , la Cour référait à l'arrêt R. c. Lafrance et au jugement R. c. Williams et écrivait :
«We agree…that an intentionnal misappropriation, without mistake, suffices to establish mens rea under s. 332(1). The word "fraudulently" as used in this section, connotes no more than this. The dishonesty inherent in the offence lies in the intentionnal and unmistaken application of funds to an improper purpose.»
[53] Enfin, à l'arrêt R. c. Neve, la Cour d'appel de l'Alberta expliquait :
«….for property to be taken fraudulently, it is enough that the taking be done intentionnally, under no mistake, and with knowledge that the thing taken is the property of another person. This will suffice to characterize the taking as fraudulent.»
[54] Certains jugements ont été interprétés comme exigeant la preuve d'une forme de turpitude morale pour que la prise d'une chose constitue un vol.
[55] Dans R. c. Feely, la Cour d'appel d'Angleterre a confirmé cette approche en affirmant que ;
"a taking to which no moral obloquy can reasonably attach is not within the concept of stealing either at common law or under the Theft Act of 1968."
[56] Au Québec, l'interprétation du mot «frauduleusement» a été décidée à l'arrêt prononcé par la Cour d'appel du Québec dans R. c. Bogner. L'accusé a été déclaré coupable de vol pour avoir pris une chaise qui se trouvait sur le balcon d'un hôtel de campagne. Il prétendait qu'avec ses compagnons de beuverie, il avait voulu faire une farce et avoir eu l'intention de rapporter la berçante le lendemain.
[57] Pour la majorité, l'honorable juge Bélanger écrit ceci (page 353) :
"Reste à savoir si l'infraction de vol a été commise. On peut trouver dans la preuve chacun des éléments de l'infraction: la chaise a été prise frauduleusement et sans apparence de droit en ce sens que l'enlèvement a été fait intentionnellement, sous l'effet d'aucune erreur ou croyance d'un état de fait pouvant le justifier, mais le groupe se rendait bien compte que la chose ainsi prise était la propriété de l'hôtelier; la chose a été déplacée avec l'intention d'en priver temporairement son propriétaire".
[58] Après avoir cité avec approbation un extrait de l'arrêt anglais R. c. Williams, le juge Bélanger continuait, à la page 356 :
"Il semble donc que le terme frauduleusement se rattache à la prise délibérée de la chose par le prévenu, sachant qu'elle ne lui appartient pas, en toute connaissance d'un état de fait qui ne lui donne pas le droit de le prendre…"
En résumé, pour qu'une privation soit frauduleuse, il suffit qu'elle soit faite intentionnellement, sans erreur et avec la connaissance que le bien approprié appartient à quelqu'un d'autre. Prendre un bien volontairement, sachant qu'il appartient à autrui, et sachant qu'on n'a pas le droit de le prendre est un comportement malhonnête et frauduleux.
Si au surplus, l'accusé a l'intention d'en priver le propriétaire de façon temporaire ou permanente, ce comportement frauduleux et malhonnête devient un vol."
[59] Aujourd'hui, les juges des tribunaux supérieurs de juridiction criminelle utilisent les définitions suivantes du mot "frauduleusement" lorsqu'ils s'adressent aux jurés.
[60] En Ontario, les juges qui président des procès par jury expliquent ainsi le concept de "frauduleusement":
"A person takes (convert) property "fraudulently and without colour of right" if they take the property intentionnaly, knowing that it was the property of another person, and knowing that they were not legally entitled to take (convert) the property."
[61] En Colombie-Britannique, on suggère aux juges de procéder en deux étapes et d'expliquer d'abord le sens du mot "frauduleusement" et d'ensuite expliquer le sens de l'expression" sans apparence de droit" :
"The word "fraudulently" means dishonestly, deceitfully or immorally. In other words, you must be satisfied that the accused knew he was doing something wrong when he took the property.
A person acts without colour of right if he or she takes something, knowing that he or she does not have a legal right to take it."
[62] Au Québec, cinq décisions portent plus spécifiquement sur le point à l'étude. Dans l'affaire R. c. René Paré, le juge de première instance écrivait ce qui suit :
"À la lecture de l'article 342.1, la poursuite doit démontrer que l'accusé a non seulement sans apparence de droit, mais également frauduleusement, obtenu les services d'un ordinateur. Il est admis qu'il n'y avait aucune apparence de droit. L'obtention frauduleuse des services d'ordinateur doit donc être prouvée par la poursuite.
La conduite de l'accusé n'est pas frauduleuse simplement parce qu'elle n'est pas autorisée. Elle doit aussi posséder des caractéristiques malhonnêtes et moralement mauvaises."
[63] Dans l'affaire R. c. Jean-Marc Coulombe, le juge d'instance a cité avec approbation la décision rendue dans l'affaire Paré et a affirmé en page 43 de sa décision orale que :
"quelque chose de frauduleux, c'est quelque chose de malhonnête et moralement mauvais. Pour être frauduleuse, la conduite de l'accusé doit posséder des caractéristiques malhonnêtes et moralement mauvaises."
[64] Dans l'affaire R. c. Sandra Hippolyte, le premier juge a aussi accepté le concept énoncé par le tribunal dans l'affaire Paré. Il a qualifié la caractéristique moralement mauvaise de turpitude morale.
[65] Dans l'affaire R. c. Luc Parent, présentement pendante en Cour d'appel, le juge de première instance a lui aussi retenu la même définition que celle de l'affaire Paré.
[66] Mais son analyse des faits l'a amené à conclure à l'acquittement alors que des verdicts de culpabilité avaient été prononcés dans les trois autres cas.
[67] Enfin, la décision dans R. c. Vincent Hamel n'a pas d'application directe à l'espèce puisque la première juge a conclu que l'accusé n'avait pas obtenu les services d'un ordinateur au sens de l'article 342.1 du Code criminel. La magistrate ne s'est pas prononcée sur l'interprétation du mot "frauduleusement". Elle a cependant expliqué au paragraphe 24 que :
"L'infraction d'obtenir directement des services d'ordinateurs s'apparente donc à un vol puisque cela est fait sans autorisation du propriétaire, ou d'une personne ayant un droit de propriété social ( spécial?), et prive cette personne de son bien même temporairement."
[68] Certains auteurs ont aussi écrit sur la question.
[69] L'auteur George S. Takach écrit dans son ouvrage intitulé "Computer Law" aux pages 238 et suivantes, après avoir expliqué que l'article 342.1 du Code criminel constitue la réponse du Parlement du Canada à l'arrêt R. c. McLaughlin de la Cour Suprême du Canada les commentaires suivants :
" This provision, often referred to as the "computer abuse" offence, is aimed at several potential harms: paragraph 342.1 (a) protects against the theft of computers services…"
Et plus loin :
"Thus, this provision is continuing the concern of the Criminal Code with the preservation of privacy and secrecy, just as the Criminal Code has provisions making it illegal to open a person's correspondence, the low-tech equivalent to computer-related communications."
Quant au mens rea de l'infraction, il écrit, aux pages 240 et 241 :
"The key limitation on the expansive scope of the abuse of computer section is provided by the mens rea required by the provision, namely that the perpetrator effect one of the activities enumerated in paragraphs 342.1 (a), (b), (c) or (d) "fraudulently and without colour of right".
Interestingly, these words are also found in the definition of theft in section 322 of the Criminal Code.
Fraudulently essentially means dishonestly and unscrupulously, and with an intent to cause deprivation to another person. The phrase without colour of right means without an honest belief that one had the right to carry out the particular action. To establish a colour of right, one would have to have an honest belief in a state of facts that, if they existed, would be a legal justification or excuse.
Thus, the computer abuse provision should not apply where a person accidentally did one of the enumerated acts, or mistakenly beleived she was authorized to do so…"
[70] Pour leur part, les auteurs Davis et Hutchison, dans l'ouvrage intitulé "Computer crime in Canada", référant aux arrêts de la Cour suprême du Canada dans R. c. Zlatic et R. c. Théroux, écrivent en page 163 les commentaires suivants quant au sens du mot "frauduleusement":
"First, the accused must act fraudulently. This means that the action must be dishonest in the sense that reasonable people familiar with the normal business dealing in such things would find it to be dishonest."
[71] Dans un autre ordre d'idée et avant de conclure sur le sens du mot "frauduleusement", il importe de ne pas confondre intention et mobile. Comme le souligne la Cour suprême du Canada, à l'arrêt R. c. Hamilton :
"Les tribunaux canadiens comprennent bien la différence entre mobile et intention depuis au moins 1979, l’année où le juge Dickson a écrit ce qui suit :
"Dans le parler ordinaire, les mots « intention » et «mobile » sont souvent utilisés l’un pour l’autre, mais en droit pénal ils ont un sens différent. Dans la plupart des procès criminels, l’élément moral, la mens rea qui intéresse le tribunal, a trait à « l’intention» c’est‑à‑dire l’exercice d’une libre volonté d’utiliser certains moyens pour produire certains résultats plutôt qu’au «mobile» c’est‑à‑dire ce qui précède et amène l’exercice de la volonté. L’élément moral d’un crime ne contient ordinairement aucune référence au mobile. . . (Lewis c. La Reine, 1979 CanLII 19 (CSC), 1979 CanLII 19 (CSC), [1979] 2 R.C.S. 821, p. 831).
[72] Comme le texte de l'article 342.1 (a) du Code criminel l'énonce, le qualificatif "frauduleux" doit s'attacher à l'obtention des services d'ordinateur et non pas au mobile qui constitue la raison du passage à l'acte.
[73] En conclusion, une personne obtient frauduleusement les services d'un ordinateur lorsqu'en pleine connaissance de cause, de façon intentionnelle, sans erreur, ni accident, elle en obtient les services, sachant qu'elle n'a pas le droit de le faire.
[74] Cette obtention de services est alors, de toute évidence, malhonnête et moralement turpide.
Lien vers la décision
[42] Le terme "frauduleusement" est utilisé dans plusieurs dispositions du Code criminel. La plus connue, est celle qui criminalise le fait de prendre frauduleusement et sans apparence de droit une chose quelconque avec l'intention d'en priver son propriétaire temporairement ou absolument. C'est l'article 322 du Code criminel qui crée l'infraction de vol.
[43] Il est intéressant de remarquer que l'infraction d'obtention frauduleuse de service d'ordinateur de l'article 342.1 du Code criminel trouve sa place au Code criminel dans la même partie que celle dans laquelle se trouve l'infraction de vol.
[44] Il n'est pas sans intérêt non plus de noter que l'article 342.1(1) du Code criminel, en plus de se trouver à la Partie IX du Code criminel, intitulée "Infractions contre les droits de propriété", est classé sous la rubrique "Infractions ressemblant au vol" et que la note marginale se lit "Utilisation non autorisée d'ordinateur."
[45] Quant au sens du mot "frauduleusement", il a beaucoup évolué à travers les siècles.
[46] Dans le document de travail 19, publié en 1977 sous le titre "Droit pénal: le vol et la fraude, les infractions", la Commission de réforme du droit du Canada commentait en ces termes, à la page 51, le terme "frauduleusement" utilisé en Common Law anglais;
"Il est difficile de préciser ce qu'on entendait par "frauduleusement" en sus de "sans revendication de droit". En fait, le mot "frauduleusement" a été qualifié "d'élément mystérieux" du vol."
[47] Traitant cette fois du droit canadien, la Commission écrivait à la page 71 du même document de travail ce qui suit:
" Le mot "frauduleusement a posé des difficultés. Commentant l'utilisation de ce terme dans la Loi anglaise de 1916 dite Larceny Act, un auteur a écrit: "Il semble qu'il ne soit pas vraiment nécessaire d'inclure le mot "frauduleusement" dans la définition. La Loi en question n'attribue pas un sens précis à ce mot et son utilisation dans les arrêts anciens n'est pas plus précise. Puisqu'on ne peut conclure qu'il connote plus que de la malhonnêteté, il est inutile; car, lorsqu'il n'y a aucune revendication de droit, faite de bonne foi, de prendre une chose, la prise de possession doit être malhonnête et par conséquent, frauduleuse."
Néanmoins, dans l'arrêt R. c. Williams 1953 1 QB 660, le tribunal anglais a jugé que le mot "frauduleusement" ajoutait quelque chose au concept du sans apparence de droit. Il a jugé que :
"la prise de possession doit être intentionnelle et délibérée, c'est-à-dire sans erreur.’
Nous croyons que le mot "frauduleusement" utilisé à l'article 1 doit signifier que la prise de possession est faite intentionnellement, sans erreur et en sachant que l'objet pris est la propriété d'une autre personne."
[48] De toute évidence, la Commission ne partageait pas cette interprétation puisqu'elle écrit :
"Néanmoins, les derniers mots de l'article, "avec l'intention, au moment de cette prise de possession, d'en priver le propriétaire de façon permanente" indiquent qu'on exige à la fois l'intention et la connaissance que l'objet pris est la propriété d'une autre personne. Ainsi, le mot "frauduleusement" n'ajoute rien.
[49] C'est ainsi que la Commission, pour des motifs de clarté, de simplicité et de l'affirmation de la valeur fondamentale qu'est l'honnêteté, proposait de remplacer l'expression 'frauduleusement" par le mot "malhonnêtement" qui, à son avis est un mot qui parle au sens commun, qui est universellement compris et qui ne peut pas être défini par des synonymes moins évidents.
[50] En page 13 du document, la Commission écrit :
"Chacun sait que s'approprier le bien d'autrui signifie prendre le bien d'autrui lorsqu'on sait que l'on ne devrait pas le prendre."
[51] D'autre part, il est intéressant de noter qu'à l'arrêt R. c. Lafrance, la majorité des juges de la Cour Suprême du Canada a décidé que :
"The taking was intentionnal, under no mistake and with knowledge that the motor vehicle was the property of another. In my opinion, this made the taking fraudulent…The appellant took the vehicle without colour of right and deprived the owner of it temporarely."
[52] À l'arrêt R. c. Skalbenia , la Cour référait à l'arrêt R. c. Lafrance et au jugement R. c. Williams et écrivait :
«We agree…that an intentionnal misappropriation, without mistake, suffices to establish mens rea under s. 332(1). The word "fraudulently" as used in this section, connotes no more than this. The dishonesty inherent in the offence lies in the intentionnal and unmistaken application of funds to an improper purpose.»
[53] Enfin, à l'arrêt R. c. Neve, la Cour d'appel de l'Alberta expliquait :
«….for property to be taken fraudulently, it is enough that the taking be done intentionnally, under no mistake, and with knowledge that the thing taken is the property of another person. This will suffice to characterize the taking as fraudulent.»
[54] Certains jugements ont été interprétés comme exigeant la preuve d'une forme de turpitude morale pour que la prise d'une chose constitue un vol.
[55] Dans R. c. Feely, la Cour d'appel d'Angleterre a confirmé cette approche en affirmant que ;
"a taking to which no moral obloquy can reasonably attach is not within the concept of stealing either at common law or under the Theft Act of 1968."
[56] Au Québec, l'interprétation du mot «frauduleusement» a été décidée à l'arrêt prononcé par la Cour d'appel du Québec dans R. c. Bogner. L'accusé a été déclaré coupable de vol pour avoir pris une chaise qui se trouvait sur le balcon d'un hôtel de campagne. Il prétendait qu'avec ses compagnons de beuverie, il avait voulu faire une farce et avoir eu l'intention de rapporter la berçante le lendemain.
[57] Pour la majorité, l'honorable juge Bélanger écrit ceci (page 353) :
"Reste à savoir si l'infraction de vol a été commise. On peut trouver dans la preuve chacun des éléments de l'infraction: la chaise a été prise frauduleusement et sans apparence de droit en ce sens que l'enlèvement a été fait intentionnellement, sous l'effet d'aucune erreur ou croyance d'un état de fait pouvant le justifier, mais le groupe se rendait bien compte que la chose ainsi prise était la propriété de l'hôtelier; la chose a été déplacée avec l'intention d'en priver temporairement son propriétaire".
[58] Après avoir cité avec approbation un extrait de l'arrêt anglais R. c. Williams, le juge Bélanger continuait, à la page 356 :
"Il semble donc que le terme frauduleusement se rattache à la prise délibérée de la chose par le prévenu, sachant qu'elle ne lui appartient pas, en toute connaissance d'un état de fait qui ne lui donne pas le droit de le prendre…"
En résumé, pour qu'une privation soit frauduleuse, il suffit qu'elle soit faite intentionnellement, sans erreur et avec la connaissance que le bien approprié appartient à quelqu'un d'autre. Prendre un bien volontairement, sachant qu'il appartient à autrui, et sachant qu'on n'a pas le droit de le prendre est un comportement malhonnête et frauduleux.
Si au surplus, l'accusé a l'intention d'en priver le propriétaire de façon temporaire ou permanente, ce comportement frauduleux et malhonnête devient un vol."
[59] Aujourd'hui, les juges des tribunaux supérieurs de juridiction criminelle utilisent les définitions suivantes du mot "frauduleusement" lorsqu'ils s'adressent aux jurés.
[60] En Ontario, les juges qui président des procès par jury expliquent ainsi le concept de "frauduleusement":
"A person takes (convert) property "fraudulently and without colour of right" if they take the property intentionnaly, knowing that it was the property of another person, and knowing that they were not legally entitled to take (convert) the property."
[61] En Colombie-Britannique, on suggère aux juges de procéder en deux étapes et d'expliquer d'abord le sens du mot "frauduleusement" et d'ensuite expliquer le sens de l'expression" sans apparence de droit" :
"The word "fraudulently" means dishonestly, deceitfully or immorally. In other words, you must be satisfied that the accused knew he was doing something wrong when he took the property.
A person acts without colour of right if he or she takes something, knowing that he or she does not have a legal right to take it."
[62] Au Québec, cinq décisions portent plus spécifiquement sur le point à l'étude. Dans l'affaire R. c. René Paré, le juge de première instance écrivait ce qui suit :
"À la lecture de l'article 342.1, la poursuite doit démontrer que l'accusé a non seulement sans apparence de droit, mais également frauduleusement, obtenu les services d'un ordinateur. Il est admis qu'il n'y avait aucune apparence de droit. L'obtention frauduleuse des services d'ordinateur doit donc être prouvée par la poursuite.
La conduite de l'accusé n'est pas frauduleuse simplement parce qu'elle n'est pas autorisée. Elle doit aussi posséder des caractéristiques malhonnêtes et moralement mauvaises."
[63] Dans l'affaire R. c. Jean-Marc Coulombe, le juge d'instance a cité avec approbation la décision rendue dans l'affaire Paré et a affirmé en page 43 de sa décision orale que :
"quelque chose de frauduleux, c'est quelque chose de malhonnête et moralement mauvais. Pour être frauduleuse, la conduite de l'accusé doit posséder des caractéristiques malhonnêtes et moralement mauvaises."
[64] Dans l'affaire R. c. Sandra Hippolyte, le premier juge a aussi accepté le concept énoncé par le tribunal dans l'affaire Paré. Il a qualifié la caractéristique moralement mauvaise de turpitude morale.
[65] Dans l'affaire R. c. Luc Parent, présentement pendante en Cour d'appel, le juge de première instance a lui aussi retenu la même définition que celle de l'affaire Paré.
[66] Mais son analyse des faits l'a amené à conclure à l'acquittement alors que des verdicts de culpabilité avaient été prononcés dans les trois autres cas.
[67] Enfin, la décision dans R. c. Vincent Hamel n'a pas d'application directe à l'espèce puisque la première juge a conclu que l'accusé n'avait pas obtenu les services d'un ordinateur au sens de l'article 342.1 du Code criminel. La magistrate ne s'est pas prononcée sur l'interprétation du mot "frauduleusement". Elle a cependant expliqué au paragraphe 24 que :
"L'infraction d'obtenir directement des services d'ordinateurs s'apparente donc à un vol puisque cela est fait sans autorisation du propriétaire, ou d'une personne ayant un droit de propriété social ( spécial?), et prive cette personne de son bien même temporairement."
[68] Certains auteurs ont aussi écrit sur la question.
[69] L'auteur George S. Takach écrit dans son ouvrage intitulé "Computer Law" aux pages 238 et suivantes, après avoir expliqué que l'article 342.1 du Code criminel constitue la réponse du Parlement du Canada à l'arrêt R. c. McLaughlin de la Cour Suprême du Canada les commentaires suivants :
" This provision, often referred to as the "computer abuse" offence, is aimed at several potential harms: paragraph 342.1 (a) protects against the theft of computers services…"
Et plus loin :
"Thus, this provision is continuing the concern of the Criminal Code with the preservation of privacy and secrecy, just as the Criminal Code has provisions making it illegal to open a person's correspondence, the low-tech equivalent to computer-related communications."
Quant au mens rea de l'infraction, il écrit, aux pages 240 et 241 :
"The key limitation on the expansive scope of the abuse of computer section is provided by the mens rea required by the provision, namely that the perpetrator effect one of the activities enumerated in paragraphs 342.1 (a), (b), (c) or (d) "fraudulently and without colour of right".
Interestingly, these words are also found in the definition of theft in section 322 of the Criminal Code.
Fraudulently essentially means dishonestly and unscrupulously, and with an intent to cause deprivation to another person. The phrase without colour of right means without an honest belief that one had the right to carry out the particular action. To establish a colour of right, one would have to have an honest belief in a state of facts that, if they existed, would be a legal justification or excuse.
Thus, the computer abuse provision should not apply where a person accidentally did one of the enumerated acts, or mistakenly beleived she was authorized to do so…"
[70] Pour leur part, les auteurs Davis et Hutchison, dans l'ouvrage intitulé "Computer crime in Canada", référant aux arrêts de la Cour suprême du Canada dans R. c. Zlatic et R. c. Théroux, écrivent en page 163 les commentaires suivants quant au sens du mot "frauduleusement":
"First, the accused must act fraudulently. This means that the action must be dishonest in the sense that reasonable people familiar with the normal business dealing in such things would find it to be dishonest."
[71] Dans un autre ordre d'idée et avant de conclure sur le sens du mot "frauduleusement", il importe de ne pas confondre intention et mobile. Comme le souligne la Cour suprême du Canada, à l'arrêt R. c. Hamilton :
"Les tribunaux canadiens comprennent bien la différence entre mobile et intention depuis au moins 1979, l’année où le juge Dickson a écrit ce qui suit :
"Dans le parler ordinaire, les mots « intention » et «mobile » sont souvent utilisés l’un pour l’autre, mais en droit pénal ils ont un sens différent. Dans la plupart des procès criminels, l’élément moral, la mens rea qui intéresse le tribunal, a trait à « l’intention» c’est‑à‑dire l’exercice d’une libre volonté d’utiliser certains moyens pour produire certains résultats plutôt qu’au «mobile» c’est‑à‑dire ce qui précède et amène l’exercice de la volonté. L’élément moral d’un crime ne contient ordinairement aucune référence au mobile. . . (Lewis c. La Reine, 1979 CanLII 19 (CSC), 1979 CanLII 19 (CSC), [1979] 2 R.C.S. 821, p. 831).
[72] Comme le texte de l'article 342.1 (a) du Code criminel l'énonce, le qualificatif "frauduleux" doit s'attacher à l'obtention des services d'ordinateur et non pas au mobile qui constitue la raison du passage à l'acte.
[73] En conclusion, une personne obtient frauduleusement les services d'un ordinateur lorsqu'en pleine connaissance de cause, de façon intentionnelle, sans erreur, ni accident, elle en obtient les services, sachant qu'elle n'a pas le droit de le faire.
[74] Cette obtention de services est alors, de toute évidence, malhonnête et moralement turpide.
jeudi 10 novembre 2011
L’interprétation à donner au mot « jouissance » au sens de l'article 430
Aubin c. R., 2011 QCCS 5783 (CanLII)
[6] En ce qui concerne le premier motif d’appel, c’est-à-dire si le juge de première instance a erré en droit en refusant d’appliquer la règle du stare decisis concernant le chef numéro 8, le Tribunal est d’accord avec la position de l’intimée telle qu’énoncée aux pages 2 et 3 de son mémoire où on peut lire :
Le juge de première instance a analysé minutieusement la décision de la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Drapeau et avec raison, il en est venu à la conclusion que puisque les juges Fish et Chamberland arrivent à des conclusions différentes quant à l’interprétation à donner au terme « jouissance » et que le juge Beauregard ne se prononce pas sur cet aspect, il n’y a donc pas comme le juge Pigeon l’écrivait, de « binding decision ».
Le juge de première instance réfère donc à l’autre Cour d’appel qui a traité de l’interprétation à donner au mot « jouissance », soit la Cour d’appel d’Ontario dans l’arrêt R. v. Maddeaux en 1997.
Le juge de première instance écrit au paragraphe 47 de son jugement :
"Pour ma part, et avec respect pour l’opinion du juge Fish, pour les motifs énoncés par le juge Chamberland dans Drapeau, et par le juge Austin dans Maddeaux, j’adopte leur interprétation du mot « jouissance »".
Au paragraphe 36 de son jugement, il a d’ailleurs résumé l’arrêt Maddeaux sur cet aspect :
"Dans Maddeaux, la Cour d’appel de l’Ontario aurait quant à elle donné au mot « jouissance » un sens plus englobant, incluant l’action de tirer d’un bien qu’une personne possède les satisfactions que ce bien est capable de procurer".
[7] Quand le juge de première instance fait référence aux causes de Drapeau et de Maddeaux, il fait référence à : R. c. Drapeau, 96 CCC (3d) 554, et R. v. Maddeaux, 115 CCC (3d) 122.
[8] Le Tribunal est d’avis que le juge de première instance a eu raison de suivre l’arrêt Maddeaux de la Cour d’appel de l’Ontario, en ce qui concerne comment le terme « jouissance » qu’on trouve à l’article 430 du Code criminel, doit être interprété.
[6] En ce qui concerne le premier motif d’appel, c’est-à-dire si le juge de première instance a erré en droit en refusant d’appliquer la règle du stare decisis concernant le chef numéro 8, le Tribunal est d’accord avec la position de l’intimée telle qu’énoncée aux pages 2 et 3 de son mémoire où on peut lire :
Le juge de première instance a analysé minutieusement la décision de la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Drapeau et avec raison, il en est venu à la conclusion que puisque les juges Fish et Chamberland arrivent à des conclusions différentes quant à l’interprétation à donner au terme « jouissance » et que le juge Beauregard ne se prononce pas sur cet aspect, il n’y a donc pas comme le juge Pigeon l’écrivait, de « binding decision ».
Le juge de première instance réfère donc à l’autre Cour d’appel qui a traité de l’interprétation à donner au mot « jouissance », soit la Cour d’appel d’Ontario dans l’arrêt R. v. Maddeaux en 1997.
Le juge de première instance écrit au paragraphe 47 de son jugement :
"Pour ma part, et avec respect pour l’opinion du juge Fish, pour les motifs énoncés par le juge Chamberland dans Drapeau, et par le juge Austin dans Maddeaux, j’adopte leur interprétation du mot « jouissance »".
Au paragraphe 36 de son jugement, il a d’ailleurs résumé l’arrêt Maddeaux sur cet aspect :
"Dans Maddeaux, la Cour d’appel de l’Ontario aurait quant à elle donné au mot « jouissance » un sens plus englobant, incluant l’action de tirer d’un bien qu’une personne possède les satisfactions que ce bien est capable de procurer".
[7] Quand le juge de première instance fait référence aux causes de Drapeau et de Maddeaux, il fait référence à : R. c. Drapeau, 96 CCC (3d) 554, et R. v. Maddeaux, 115 CCC (3d) 122.
[8] Le Tribunal est d’avis que le juge de première instance a eu raison de suivre l’arrêt Maddeaux de la Cour d’appel de l’Ontario, en ce qui concerne comment le terme « jouissance » qu’on trouve à l’article 430 du Code criminel, doit être interprété.
dimanche 21 novembre 2010
Création et diffusion de virus informatiques
Les virus, vers ou autres parasites informatiques sont aujourd’hui bien implantés dans l’univers cybernétique. Ces virus sont susceptibles de causer l’arrêt des ordinateurs, détruire des données et gêner les privilèges d’accès à l’ordinateur par les utilisateurs autorisés. Bien que combattu par des logiciels de détection tout aussi inventifs, ceux-ci exigent des mises à jour fréquentes et soulèvent de délicates questions de preuve.
Aucune prohibition spécifique ne réglemente la création ou la diffusion de virus informatiques. Néanmoins, une infraction est commise quand une personne utilise ces programmes à des fins malveillantes touchant des données, comme le prévoit le paragraphe 430(1.1) du Code criminel. La distribution d’un virus peut aussi être une infraction aux termes du paragraphe 430(5.1), même s’il n’a pas encore causé de dommages ou de tort. On retrouve donc les mêmes principes que pour le sabotage informatique.
Par ailleurs, il a été avancé que l’infraction de tentative pouvait à certains égards servir de fondement à la sanction. L’article 24(1) prévoit qu’une personne commet une tentative si elle « fait ou omet de faire quelque chose pour arriver à son but ». La tentative est donc un acte criminel interrompu qui nécessite la réunion d’un élément intentionnel et d’un « actus reus ». L’identification de ce dernier élément s’est révélée si délicate que le législateur a du intervenir pour en préciser les contours. Partant, il est clair aujourd’hui que les actes préparatifs ou trop éloignés de la perpétration de l’infraction ne seront pas suffisants pour constituer l’actus reus de la tentative.
Tout tourne donc autour de la notion d’éloignement. Celle-ci ne s’entend pas dans un sens quantitatif mais qualitatif en ce sens que l’élément déterminant réside essentiellement dans la qualité de l’acte et dans sa contribution à la réussite de l’infraction . Il s’agit en conséquence d’une question de fait laissée à l’appréciation du tribunal. La cour suprême a cependant encadré cette analyse dans l’arrêt Quinton où elle a considéré que l’infraction de tentative est constituée dans les cas où : « n’eut été son désistement involontaire ou l’intervention d’un tiers ou d’un événement quelconque l’infraction aurait été commise ».
Appliquée aux virus informatique, cette définition permet de considérer qu’au moment où une personne insert un virus dans un ordinateur, celle-ci a franchi l’étape des préparatifs et a commis l’infraction. En effet, cette personne n’a plus rien d’autre à faire ; seul le temps ou un autre événement activera le virus, selon le code programmé par cette personne.
Cette infraction pourrait donc le cas échéant servir de base à l’accusation dans certaines circonstances lorsque des dommages sont causés par une distribution de virus.
Tiré de: Ententes de sécurité.Code criminel et utilisation d’Internet
http://www.gautrais.com/Code-criminel-et-utilisation-d
Aucune prohibition spécifique ne réglemente la création ou la diffusion de virus informatiques. Néanmoins, une infraction est commise quand une personne utilise ces programmes à des fins malveillantes touchant des données, comme le prévoit le paragraphe 430(1.1) du Code criminel. La distribution d’un virus peut aussi être une infraction aux termes du paragraphe 430(5.1), même s’il n’a pas encore causé de dommages ou de tort. On retrouve donc les mêmes principes que pour le sabotage informatique.
Par ailleurs, il a été avancé que l’infraction de tentative pouvait à certains égards servir de fondement à la sanction. L’article 24(1) prévoit qu’une personne commet une tentative si elle « fait ou omet de faire quelque chose pour arriver à son but ». La tentative est donc un acte criminel interrompu qui nécessite la réunion d’un élément intentionnel et d’un « actus reus ». L’identification de ce dernier élément s’est révélée si délicate que le législateur a du intervenir pour en préciser les contours. Partant, il est clair aujourd’hui que les actes préparatifs ou trop éloignés de la perpétration de l’infraction ne seront pas suffisants pour constituer l’actus reus de la tentative.
Tout tourne donc autour de la notion d’éloignement. Celle-ci ne s’entend pas dans un sens quantitatif mais qualitatif en ce sens que l’élément déterminant réside essentiellement dans la qualité de l’acte et dans sa contribution à la réussite de l’infraction . Il s’agit en conséquence d’une question de fait laissée à l’appréciation du tribunal. La cour suprême a cependant encadré cette analyse dans l’arrêt Quinton où elle a considéré que l’infraction de tentative est constituée dans les cas où : « n’eut été son désistement involontaire ou l’intervention d’un tiers ou d’un événement quelconque l’infraction aurait été commise ».
Appliquée aux virus informatique, cette définition permet de considérer qu’au moment où une personne insert un virus dans un ordinateur, celle-ci a franchi l’étape des préparatifs et a commis l’infraction. En effet, cette personne n’a plus rien d’autre à faire ; seul le temps ou un autre événement activera le virus, selon le code programmé par cette personne.
Cette infraction pourrait donc le cas échéant servir de base à l’accusation dans certaines circonstances lorsque des dommages sont causés par une distribution de virus.
Tiré de: Ententes de sécurité.Code criminel et utilisation d’Internet
http://www.gautrais.com/Code-criminel-et-utilisation-d
dimanche 10 octobre 2010
L'interprétation à donner au mot "jouissance" qui est employé à l'article 430(1)c) C.cr. / la Cour d'appel du Québec ne s'est pas prononcée clairement sur l'interprétation à donner au mot "jouissance"
R. c. Villeneuve, 2010 QCCQ 498 (CanLII)
[38] Le juge Chamberland adopte une interprétation englobante du terme "jouissance" (p.7):
Le Parlement a voulu sanctionner criminellement les faits et gestes de quiconque, volontairement, empêche une personne, par exemple un voisin, de jouir de son bien, par exemple l'immeuble dont il a fait l'achat, et, à mon avis, il s'en est exprimé clairement à l'al. 430 (1)d) du Code criminel. Je ne crois pas que l'énumération de situations, souvent des cas limites, où l'accusation de méfait pourrait être portée justifie que nous occultions le sens commun des mots, et notamment du mot jouissance.
Si le Parlement avait voulu que le mot "jouissance" signifie "possession", il aurait utilisé le mot "possession". L'al. 430 (1)d) est rédigé de manière à viser le bien dans son aspect dynamique (l'emploi, la jouissance ou l'exploitation du bien) plutôt que dans son aspect statique (la propriété, le louage ou la possession). L'utilisation du mot jouissance s'inscrit tout à fait dans cette logique.
A mon avis, le mot jouissance a ici un sens plus englobant que le seul fait d'être titulaire d'un droit à la possession du bien; il inclut l'action de tirer d'un bien qu'une personne détient légalement les satisfactions que ce bien est en mesure de procurer. En somme, la personne qui, animée d'une intention coupable, gêne volontairement son voisin dans la jouissance de sa propriété s'expose à devoir répondre à une accusation de méfait fondée sur l'al. 430 (1)d) du Code criminel. L'infraction exige évidemment du ministère public qu'il fasse la preuve de faits et gestes posés volontairement par l'accusé et d'une intention coupable (mens rea) de sa part.
[39] Le juge Fish adopte quant à lui une interprétation plus restrictive et limite le sens de ce mot au seul fait ou droit de posséder un bien et rejette l'interprétation du juge Chamberland (p.15):
With the greatest of respect, however, I do not believe that Parliament intended the word "enjoyment" in sec. 430(1)d) to bear all of the definitions given by general dictionaries such as Robert and Random House. It is not so much a matter, in my view, of giving the word its "ordinary meaning" or "sens commun", rather, we are required to determine the maning of the word in the particular context of sec. 430 of the Criminal Code. […]
[…] I do not beleive that "enjoyment" in sec. 430(1)d) refers to a purely subjective state, such as the nature or intensity of the pleasure derived from a property by its owner, possessor or occupant. Nor do I believe that a person who diminishes that pleasure, event knowingly, is liable for that reason alone to conviction for criminal mischief.
To conclude otherwise, in my respectful view, is to make of a crime in relation to property an offence against feelings and tastes. With respect for the views expressed by my colleague Chamberland, I would not interpret the law so broadly as to permit that result, and then impose on policemen and prosecutors the thankless task of enforcint it.
[40] Pour le juge Beauregard (p.9):
La difficulté du dossier ne réside pas dans l'interprétation des mots «emploi», «jouissance» et «exploitation» ou, en anglais, «use», «enjoyment» et «operation» du par. 430 (1)d) C.cr.
[41] Il poursuit ainsi (p.9):
La solution de la difficulté que pose le dossier réside plutôt dans la réponse à la question suivante. Lorsque l'appelant a ennuyé les Bélanger au moment où ceux-ci étaient sur leur terrain, voulait-il simplement les ennuyer, sans égard au fait qu'ils étaient sur leur terrain (dans ce cas l'appelant ne serait pas coupable), ou voulait-il les gêner dans la jouissance de leur terrain, ou, à tout le moins, savait-il qu'il les gênait dans cette jouissance (dans ce cas il y aurait culpabilité)?
Après réflexion je ne peux me défaire d'un doute à cet égard, doute qui profite à l'appelant.
[42] Le juge Beauregard fait donc droit à l'appel parce qu'il ne peut se défaire d'un doute quant à l'intention de l'appelant. La difficulté du dossier ne résidant pas pour lui dans l'interprétation des mots, il n'est pas étonnant que le juge Beauregard ne discute pas dans ses motifs de l'interprétation à donner au mot "jouissance", ni des opinions divergentes des juges Chamberland et Fish, et qu'il ne se prononce finalement pas sur la question.
[43] D'ailleurs, dans Maddeaux, le juge Austin écrira que l'opinion du juge Beauregard sur la question ne jaillit pas clairement de ses motifs (p.126):
I am not clear from his reasons what position Beauregard J.A. took on the significance of the word "enjoyment".
[44] Certains qualifient l'opinion du juge Chamberland de "dissidente" (voir notamment à 96 C.C.C. (3d) 554, p.563).
[45] Respectueusement, si le juge Chamberland est "dissident" sur le résultat de l'appel, il ne l'est certainement pas sur l'interprétation à donner au mot "jouissance", pas plus que le juge Fish. Chacun a simplement son opinion sur la question. Dans ces circonstances, j'estime que la Cour d'appel du Québec ne s'est pas prononcée clairement sur l'interprétation à donner au mot "jouissance" et donc, j'estime ne pas être lié par la décision de Drapeau.
[46] Dans Maddeaux, la Cour d'appel d'Ontario adopte clairement la position du juge Chamberland (p.127).
[47] Pour ma part, et avec respect pour l'opinion du juge Fish, pour les motifs énoncés par le juge Chamberland dans Drapeau, et par le juge Austin dans Maddeaux, j'adopte leur interprétation du mot "jouissance".
[38] Le juge Chamberland adopte une interprétation englobante du terme "jouissance" (p.7):
Le Parlement a voulu sanctionner criminellement les faits et gestes de quiconque, volontairement, empêche une personne, par exemple un voisin, de jouir de son bien, par exemple l'immeuble dont il a fait l'achat, et, à mon avis, il s'en est exprimé clairement à l'al. 430 (1)d) du Code criminel. Je ne crois pas que l'énumération de situations, souvent des cas limites, où l'accusation de méfait pourrait être portée justifie que nous occultions le sens commun des mots, et notamment du mot jouissance.
Si le Parlement avait voulu que le mot "jouissance" signifie "possession", il aurait utilisé le mot "possession". L'al. 430 (1)d) est rédigé de manière à viser le bien dans son aspect dynamique (l'emploi, la jouissance ou l'exploitation du bien) plutôt que dans son aspect statique (la propriété, le louage ou la possession). L'utilisation du mot jouissance s'inscrit tout à fait dans cette logique.
A mon avis, le mot jouissance a ici un sens plus englobant que le seul fait d'être titulaire d'un droit à la possession du bien; il inclut l'action de tirer d'un bien qu'une personne détient légalement les satisfactions que ce bien est en mesure de procurer. En somme, la personne qui, animée d'une intention coupable, gêne volontairement son voisin dans la jouissance de sa propriété s'expose à devoir répondre à une accusation de méfait fondée sur l'al. 430 (1)d) du Code criminel. L'infraction exige évidemment du ministère public qu'il fasse la preuve de faits et gestes posés volontairement par l'accusé et d'une intention coupable (mens rea) de sa part.
[39] Le juge Fish adopte quant à lui une interprétation plus restrictive et limite le sens de ce mot au seul fait ou droit de posséder un bien et rejette l'interprétation du juge Chamberland (p.15):
With the greatest of respect, however, I do not believe that Parliament intended the word "enjoyment" in sec. 430(1)d) to bear all of the definitions given by general dictionaries such as Robert and Random House. It is not so much a matter, in my view, of giving the word its "ordinary meaning" or "sens commun", rather, we are required to determine the maning of the word in the particular context of sec. 430 of the Criminal Code. […]
[…] I do not beleive that "enjoyment" in sec. 430(1)d) refers to a purely subjective state, such as the nature or intensity of the pleasure derived from a property by its owner, possessor or occupant. Nor do I believe that a person who diminishes that pleasure, event knowingly, is liable for that reason alone to conviction for criminal mischief.
To conclude otherwise, in my respectful view, is to make of a crime in relation to property an offence against feelings and tastes. With respect for the views expressed by my colleague Chamberland, I would not interpret the law so broadly as to permit that result, and then impose on policemen and prosecutors the thankless task of enforcint it.
[40] Pour le juge Beauregard (p.9):
La difficulté du dossier ne réside pas dans l'interprétation des mots «emploi», «jouissance» et «exploitation» ou, en anglais, «use», «enjoyment» et «operation» du par. 430 (1)d) C.cr.
[41] Il poursuit ainsi (p.9):
La solution de la difficulté que pose le dossier réside plutôt dans la réponse à la question suivante. Lorsque l'appelant a ennuyé les Bélanger au moment où ceux-ci étaient sur leur terrain, voulait-il simplement les ennuyer, sans égard au fait qu'ils étaient sur leur terrain (dans ce cas l'appelant ne serait pas coupable), ou voulait-il les gêner dans la jouissance de leur terrain, ou, à tout le moins, savait-il qu'il les gênait dans cette jouissance (dans ce cas il y aurait culpabilité)?
Après réflexion je ne peux me défaire d'un doute à cet égard, doute qui profite à l'appelant.
[42] Le juge Beauregard fait donc droit à l'appel parce qu'il ne peut se défaire d'un doute quant à l'intention de l'appelant. La difficulté du dossier ne résidant pas pour lui dans l'interprétation des mots, il n'est pas étonnant que le juge Beauregard ne discute pas dans ses motifs de l'interprétation à donner au mot "jouissance", ni des opinions divergentes des juges Chamberland et Fish, et qu'il ne se prononce finalement pas sur la question.
[43] D'ailleurs, dans Maddeaux, le juge Austin écrira que l'opinion du juge Beauregard sur la question ne jaillit pas clairement de ses motifs (p.126):
I am not clear from his reasons what position Beauregard J.A. took on the significance of the word "enjoyment".
[44] Certains qualifient l'opinion du juge Chamberland de "dissidente" (voir notamment à 96 C.C.C. (3d) 554, p.563).
[45] Respectueusement, si le juge Chamberland est "dissident" sur le résultat de l'appel, il ne l'est certainement pas sur l'interprétation à donner au mot "jouissance", pas plus que le juge Fish. Chacun a simplement son opinion sur la question. Dans ces circonstances, j'estime que la Cour d'appel du Québec ne s'est pas prononcée clairement sur l'interprétation à donner au mot "jouissance" et donc, j'estime ne pas être lié par la décision de Drapeau.
[46] Dans Maddeaux, la Cour d'appel d'Ontario adopte clairement la position du juge Chamberland (p.127).
[47] Pour ma part, et avec respect pour l'opinion du juge Fish, pour les motifs énoncés par le juge Chamberland dans Drapeau, et par le juge Austin dans Maddeaux, j'adopte leur interprétation du mot "jouissance".
mardi 28 septembre 2010
La défense d’apparence de droit exposée par le juge Cournoyer
R. c. Gaudreau, 2010 QCCS 4351 (CanLII)
[22] La question de l’apparence de droit a été examinée par la Cour d'appel du Québec dans R. c. Investissements Contempra Ltée, qui mettait en cause l'entreprise Remorquage québécois à vos frais, accusée de vol et de méfait.
[23] Dans cette affaire, le juge Proulx écrit ce qui suit :
Avec beaucoup d'égard pour le premier juge, je ne crois pas qu'il était essentiel pour la solution du litige de déterminer si l'appelante avait réussi à démontrer qu'en droit civil elle pouvait prétendre non seulement à un droit de remorquage mais de rétention. En premier lieu, la question ultime à trancher était celle de la responsabilité pénale de l'appelante en regard des éléments essentiels de l'accusation et cette cour, dans le cadre de cet appel, n'est pas plus justifiée de se prononcer sur cette question quand ce n'est pas le forum approprié. En second lieu, comme j'entends le développer ci-après, la notion de l'apparence de droit ne s'appuie pas sur la prémisse que le droit, dont on veut se prévaloir, a été démontré mais plutôt sur la croyance honnête en un droit, fut-elle mal fondée en droit.
Une prise de position par le juge du procès était d'autant plus à éviter que, comme nous le verrons plus loin, il y avait en Cour provinciale (division des Petites créances) des jugements contradictoires sur la question du droit de rétention.
i) L'apparence de droit
En matière de vol, l'apparence de droit se situe au niveau de l'actus reus de l'infraction, qui est ainsi libellée :
(...)
D'une part, l'actus reus du vol consiste dans la prise ou le détournement, acte qui doit être posé à la fois frauduleusement et sans apparence de droit. La mens rea du vol, d'autre part, se distingue par la volonté de poser l'acte constituant l'actus reus, mais en plus par l'intention spécifique ou additionnelle décrite à l'un des sous-paragraphes a), b), c) ou d) de cet art. 322.
Je dois insister au départ sur cet aspect car le premier juge, comme je l'ai souligné ci‑haut, a limité le débat à la seule question de l'apparence de droit, sans s'interroger en plus sur l'intention spécifique, qui constitue également un élément essentiel de l'accusation qui doit être établi par la poursuite.
Il en est autrement quant à l'infraction de méfait (art. 430 C.cr.), dont l'appelante était également inculpée. En effet, le méfait défini à l'art. 430 C.cr. n'exige comme élément intentionnel que l'aspect "volontaire" de l'acte tandis qu'au par. (2) de l'art. 429 C.cr., il est expressément prévu que nul ne peut être déclaré coupable de méfait « s'il prouve qu'il a agi avec une justification ou une excuse légale et avec apparence de droit ». Cet élément constitue donc ici un moyen de défense à la charge d'un inculpé tandis qu'en matière de vol, c'est le poursuivant qui doit établir, au niveau de l'actus reus, l'absence de l'apparence de droit au moment de la prise ou du détournement.
La notion d'apparence de droit se présente sous deux volets, soit (1) la croyance honnête en un état de fait qui, s'il eût existé, aurait en droit justifié ou excusé l'acte reproché et (2) une croyance honnête mais erronée en un droit légal (et non moral). Le professeur Stuart, dans son traité, exprime son accord avec cette nuance faite par le juge Martin dans l'arrêt R. c. Demarco (arrêt qui incidemment fait maintenant jurisprudence sur la question) :
One who is honestly asserting what he believes to be an honest claim cannot be said to act 'without colour of right', even though it may be unfounded in law or in fact. ...The term 'colour of right' is also used to denote an honest belief in a state of facts which, if it actually existed would at law justify or excuse the act done. ...The term when used in the latter sense is merely a particular application of the doctrine of mistake of fact.
L'apparence de droit peut donc découler d'une erreur de fait ou d'une erreur de droit et là-dessus, le premier juge a bien fait ressortir cette distinction. Toutefois, et je reviens sur ce que j'ai amorcé antérieurement, il s'agira d'une croyance en un droit sincère et honnête, et peu importe donc que ce droit soit fondé ou non, il suffira que le droit invoqué ait une vraisemblance, une apparence, soit un "honest claim". Ce serait assez paradoxal d'exiger, quant à l'"apparence" de droit, la "reconnaissance" de ce droit[5].
[24] La Cour d'appel de Terre-Neuve examine la même question dans R. c. Watson. Le juge Cameron écrit ce qui suit :
The parties are agreed: (1) that s. 429(2) does not place a burden of proof upon the accused but rather it is for the Crown to establish the absence of legal justification or excuse and colour of right; and (2) that the section creates two (perhaps three) separate defences "legal justification or excuse" and "colour of right." In other words the "and" which precedes the words "colour of right" is read as "or." (See: R. v. Creaghan reflex, (1982), 1 C.C.C. (3rd) 449 (Ont C.A.) and R. v. Gamey reflex, (1993), 80 C.C.C. (3d) 117 (Man C.A.).) Neither party objects to the trial judge's instructions to the jury on these points.
Parenthetically, the trial judge also instructed the jury - as a matter of law - that the World Charter for Nature, did not constitute legal justification or excuse under s. 429(2). That instruction is not challenged in this appeal. A legal justification or excuse makes legal what would otherwise be a crime.
The most commonly used definition of colour of right is "an honest belief in a state of facts which, if it existed, would be a legal justification or excuse. (See: R. v. Johnson (1904), 8 C.C.C. 123 (Ont. H.C.)) As will be seen, this definition of colour of right, while accurate as far as it goes, does not really address whether colour of right extends to mistake of law which is at the heart of this appeal. However, certain characteristics of colour of right are well established and are not disputed by the parties. Those aspects are:
(1) that the defence is based on the honest belief of the accused that, at the time the offence was committed, he had a colour of right (Creaghan);
(2) that the test is a subjective one (R. v. Howson, [1966] 3 C.C.C. 348 (Ont. C.A.));
(3) that while the belief does not have to be a reasonable one the reasonableness of the belief is a factor for consideration by the jury in determining if there is an honest belief (R. v. Ninos and Walker, [1964] 1 C.C.C. 326 (N.S.S.C); see also Laskin J.A. in Howson); and
(4) that it is not sufficient that the accused had a moral belief in a colour of right (R. v. Hemmerly (1976), 30 C.C.C. (2d) 141 (Ont. C.A.) R. v. Cinq-Mars reflex, (1989), 51 C.C.C. (3d) 248 (Que. C.A.) and Gamey).
[25] Dans R. c. Manuel, la Cour d’appel de Colombie-Britannique applique les décisions de Howson et DeMarco, citées par le juge Proulx dans Investissements Contempra, de même que l'arrêt Watson. La juge Levine résume le critère en ces termes :
Both parties' arguments on appeal focused on the application of the defence of colour of right. There is no dispute concerning the definition of the defence: it is an honest belief in a state of facts or civil law which, if it existed, would negate the mens rea for the offence: see R. v. Watson 1999 CanLII 13906 (NL C.A.), (1999), 137 C.C.C. (3d) 422 at para. 23 (Nfld. C.A.); R. v. DeMarco (1973), 13 C.C.C. (2d) 369 at 372 (Ont. C.A.); R. v. Howson, [1966] 3 C.C.C. 348 at 356-57 (Ont. C.A.).
Section 429(2) of the Code provides that the defence of colour of right applies to offences under ss. 430 to 446. The Code does not expressly provide, however, that the defence applies to the charge of intimidation under s. 423, of which the appellants were convicted.
In written submissions following the hearing of the appeal, both parties clarified their positions on the defence claimed. They agree that the appellants' defence to the intimidation charge was "mistake of fact", and that for the purposes of this case, the definition of the defences of colour of right and mistake of fact are the same.
Mistake of fact is a common law defence preserved by s. 8(3) of the Code: see R. v. Roche reflex, (1985), 20 C.C.C. (3d) 524 at 532 (Ont. C.A.); R. v. Tolson (1889), 23 Q.B.D. 168 at 181, quoted in R. v. Pappajohn, 1980 CanLII 13 (S.C.C.), [1980] 2 S.C.R. 120 at 147.
The defence of mistake of fact is established if the accused has an honest belief in the existence of circumstances which, if true, would negate the mens rea of the offence: Pappajohn at 147-148; R. v. Davidson (1971), 3 C.C.C. (2d) 509 at 515 (B.C.C.A.). One aspect of the mens rea for intimidation is that the accused acted "for the purpose of compelling another person to abstain from doing anything that he or she has a lawful right to do" (s. 423(1)). The appellants argued that if they acted under the honest belief that they were entitled to block the road because the land belongs exclusively to their people, they would not have the required mens rea. They would not have been acting with the intent to compel the motorists to abstain from doing something the motorists had a lawful right to do.
[26] Dans son traité, le professeur Stuart décrit la défense d'apparence de droit en ces termes :
In the case of offences in which the colour of right defence operates, the requirements of the defence are now reasonably clear. There must be a mistake rather than simple ignorance, advertence rather than not thinking at all. It is accepted that the belief must be as to a legal rather than a moral right. Since the offences for which the defence is available are full mens rea offences and none of the colour of right clauses import reasonableness, it is not surprising that the courts have, at least recently consistently required that the mistake be honest and not necessarily reasonable. Mistakes grounding successful claims of right have indeed involved mistakes as to civil law or, as it has been put, mistakes of private rather than public rights. This has been suggested to be a requirement of the English law of colour of right, and there are recent decisions to this effect in Canada. It has never been explained why this distinctions should be made. It is not sef‑evident why a belief based on an out‑of‑date criminal law text that it is not stealing to take another's title deeds without permission will not ground a claim of right, whereas a belief based on a misunderstanding of the law of property that another is witholding your title deeds, will. Greater receptivity to excusing mistakes as to private law might nevertheless account for the historical tendency in England, reflected in our Code, to allow colour of right defences almost exclusively in the area of property offences.
[27] Dans la quatrième édition de l'ouvrage Criminal Law par Manning, Mewett et Sankoff, les auteurs énoncent le critère subjectif qui doit être utilisé :
After this judgment, it became common to assert that there were two prerequisites for any successful claim of mistake: honesty and reasonableness. A bona fide or honest mistake merely means that it must be a mistake that the accused was actually labouring under. The reasonableness of the mistake is a totally different concern since it imposes an objective standard that deprives the accused of the ability to rely upon the mistake where it was an unreasonable one to make. As we discussed in an earlier chapter, this standard is highly objectionable, as it judges the accused's mental state on an objective basis, and has the potential to convict the accused in the absence of subjective knowledge of the relevant facts. It is now clear that, whatever the older cases said, a reasonableness test is not required. In Pappajohn, six of seven judges in the Supreme Court concurred in the view that while a mistake of fact had to be honest, there was no requirement for it to be reasonable.
This does not mean that the reasonableness of the accused's mistake is an irrelevant concern. As Cartwright J. stated in Beaver, it is for the trier of fact to determine whether the accused was honestly mistaken, which involves drawing inferences from all the evidence presented and considering one's experience, common sense and logic. The more unreasonable the inference the trier of fact is asked to draw, the less likely it is that it will be drawn. As a result, if the mistake is one that the ordinary reasonable person would not have made it is less likely that the jury will believe that the accused was mistaken. As a matter of law, however, it remains open for the jury to find that the accused was unreasonably mistaken, or at least have a doubt about the matter. What is essential is that jurors not be left with the impression that they cannot find of the accused unless they conclude that the mistake was reasonable.
It is not an error, however, to instruct the jury that the reasonableness of the mistake be taken into consideration. Indeed, section 265(4), which applies to all cases of assault, though it seems clear that it is directed specifically to sexual assault, mandates the following:
Where an accused alleges that he believed that the complainant consented to the conduct that is the subject‑matter of the charge, a judge, if satisfied that there is sufficient evidence and that, if believed by the jury, the evidence would constitute a defence, shall instruct the jury, when reviewing all the evidence relating to the determination of the honesty of the accused's belief, to consider the presence or absence of reasonable grounds for that belief.
[22] La question de l’apparence de droit a été examinée par la Cour d'appel du Québec dans R. c. Investissements Contempra Ltée, qui mettait en cause l'entreprise Remorquage québécois à vos frais, accusée de vol et de méfait.
[23] Dans cette affaire, le juge Proulx écrit ce qui suit :
Avec beaucoup d'égard pour le premier juge, je ne crois pas qu'il était essentiel pour la solution du litige de déterminer si l'appelante avait réussi à démontrer qu'en droit civil elle pouvait prétendre non seulement à un droit de remorquage mais de rétention. En premier lieu, la question ultime à trancher était celle de la responsabilité pénale de l'appelante en regard des éléments essentiels de l'accusation et cette cour, dans le cadre de cet appel, n'est pas plus justifiée de se prononcer sur cette question quand ce n'est pas le forum approprié. En second lieu, comme j'entends le développer ci-après, la notion de l'apparence de droit ne s'appuie pas sur la prémisse que le droit, dont on veut se prévaloir, a été démontré mais plutôt sur la croyance honnête en un droit, fut-elle mal fondée en droit.
Une prise de position par le juge du procès était d'autant plus à éviter que, comme nous le verrons plus loin, il y avait en Cour provinciale (division des Petites créances) des jugements contradictoires sur la question du droit de rétention.
i) L'apparence de droit
En matière de vol, l'apparence de droit se situe au niveau de l'actus reus de l'infraction, qui est ainsi libellée :
(...)
D'une part, l'actus reus du vol consiste dans la prise ou le détournement, acte qui doit être posé à la fois frauduleusement et sans apparence de droit. La mens rea du vol, d'autre part, se distingue par la volonté de poser l'acte constituant l'actus reus, mais en plus par l'intention spécifique ou additionnelle décrite à l'un des sous-paragraphes a), b), c) ou d) de cet art. 322.
Je dois insister au départ sur cet aspect car le premier juge, comme je l'ai souligné ci‑haut, a limité le débat à la seule question de l'apparence de droit, sans s'interroger en plus sur l'intention spécifique, qui constitue également un élément essentiel de l'accusation qui doit être établi par la poursuite.
Il en est autrement quant à l'infraction de méfait (art. 430 C.cr.), dont l'appelante était également inculpée. En effet, le méfait défini à l'art. 430 C.cr. n'exige comme élément intentionnel que l'aspect "volontaire" de l'acte tandis qu'au par. (2) de l'art. 429 C.cr., il est expressément prévu que nul ne peut être déclaré coupable de méfait « s'il prouve qu'il a agi avec une justification ou une excuse légale et avec apparence de droit ». Cet élément constitue donc ici un moyen de défense à la charge d'un inculpé tandis qu'en matière de vol, c'est le poursuivant qui doit établir, au niveau de l'actus reus, l'absence de l'apparence de droit au moment de la prise ou du détournement.
La notion d'apparence de droit se présente sous deux volets, soit (1) la croyance honnête en un état de fait qui, s'il eût existé, aurait en droit justifié ou excusé l'acte reproché et (2) une croyance honnête mais erronée en un droit légal (et non moral). Le professeur Stuart, dans son traité, exprime son accord avec cette nuance faite par le juge Martin dans l'arrêt R. c. Demarco (arrêt qui incidemment fait maintenant jurisprudence sur la question) :
One who is honestly asserting what he believes to be an honest claim cannot be said to act 'without colour of right', even though it may be unfounded in law or in fact. ...The term 'colour of right' is also used to denote an honest belief in a state of facts which, if it actually existed would at law justify or excuse the act done. ...The term when used in the latter sense is merely a particular application of the doctrine of mistake of fact.
L'apparence de droit peut donc découler d'une erreur de fait ou d'une erreur de droit et là-dessus, le premier juge a bien fait ressortir cette distinction. Toutefois, et je reviens sur ce que j'ai amorcé antérieurement, il s'agira d'une croyance en un droit sincère et honnête, et peu importe donc que ce droit soit fondé ou non, il suffira que le droit invoqué ait une vraisemblance, une apparence, soit un "honest claim". Ce serait assez paradoxal d'exiger, quant à l'"apparence" de droit, la "reconnaissance" de ce droit[5].
[24] La Cour d'appel de Terre-Neuve examine la même question dans R. c. Watson. Le juge Cameron écrit ce qui suit :
The parties are agreed: (1) that s. 429(2) does not place a burden of proof upon the accused but rather it is for the Crown to establish the absence of legal justification or excuse and colour of right; and (2) that the section creates two (perhaps three) separate defences "legal justification or excuse" and "colour of right." In other words the "and" which precedes the words "colour of right" is read as "or." (See: R. v. Creaghan reflex, (1982), 1 C.C.C. (3rd) 449 (Ont C.A.) and R. v. Gamey reflex, (1993), 80 C.C.C. (3d) 117 (Man C.A.).) Neither party objects to the trial judge's instructions to the jury on these points.
Parenthetically, the trial judge also instructed the jury - as a matter of law - that the World Charter for Nature, did not constitute legal justification or excuse under s. 429(2). That instruction is not challenged in this appeal. A legal justification or excuse makes legal what would otherwise be a crime.
The most commonly used definition of colour of right is "an honest belief in a state of facts which, if it existed, would be a legal justification or excuse. (See: R. v. Johnson (1904), 8 C.C.C. 123 (Ont. H.C.)) As will be seen, this definition of colour of right, while accurate as far as it goes, does not really address whether colour of right extends to mistake of law which is at the heart of this appeal. However, certain characteristics of colour of right are well established and are not disputed by the parties. Those aspects are:
(1) that the defence is based on the honest belief of the accused that, at the time the offence was committed, he had a colour of right (Creaghan);
(2) that the test is a subjective one (R. v. Howson, [1966] 3 C.C.C. 348 (Ont. C.A.));
(3) that while the belief does not have to be a reasonable one the reasonableness of the belief is a factor for consideration by the jury in determining if there is an honest belief (R. v. Ninos and Walker, [1964] 1 C.C.C. 326 (N.S.S.C); see also Laskin J.A. in Howson); and
(4) that it is not sufficient that the accused had a moral belief in a colour of right (R. v. Hemmerly (1976), 30 C.C.C. (2d) 141 (Ont. C.A.) R. v. Cinq-Mars reflex, (1989), 51 C.C.C. (3d) 248 (Que. C.A.) and Gamey).
[25] Dans R. c. Manuel, la Cour d’appel de Colombie-Britannique applique les décisions de Howson et DeMarco, citées par le juge Proulx dans Investissements Contempra, de même que l'arrêt Watson. La juge Levine résume le critère en ces termes :
Both parties' arguments on appeal focused on the application of the defence of colour of right. There is no dispute concerning the definition of the defence: it is an honest belief in a state of facts or civil law which, if it existed, would negate the mens rea for the offence: see R. v. Watson 1999 CanLII 13906 (NL C.A.), (1999), 137 C.C.C. (3d) 422 at para. 23 (Nfld. C.A.); R. v. DeMarco (1973), 13 C.C.C. (2d) 369 at 372 (Ont. C.A.); R. v. Howson, [1966] 3 C.C.C. 348 at 356-57 (Ont. C.A.).
Section 429(2) of the Code provides that the defence of colour of right applies to offences under ss. 430 to 446. The Code does not expressly provide, however, that the defence applies to the charge of intimidation under s. 423, of which the appellants were convicted.
In written submissions following the hearing of the appeal, both parties clarified their positions on the defence claimed. They agree that the appellants' defence to the intimidation charge was "mistake of fact", and that for the purposes of this case, the definition of the defences of colour of right and mistake of fact are the same.
Mistake of fact is a common law defence preserved by s. 8(3) of the Code: see R. v. Roche reflex, (1985), 20 C.C.C. (3d) 524 at 532 (Ont. C.A.); R. v. Tolson (1889), 23 Q.B.D. 168 at 181, quoted in R. v. Pappajohn, 1980 CanLII 13 (S.C.C.), [1980] 2 S.C.R. 120 at 147.
The defence of mistake of fact is established if the accused has an honest belief in the existence of circumstances which, if true, would negate the mens rea of the offence: Pappajohn at 147-148; R. v. Davidson (1971), 3 C.C.C. (2d) 509 at 515 (B.C.C.A.). One aspect of the mens rea for intimidation is that the accused acted "for the purpose of compelling another person to abstain from doing anything that he or she has a lawful right to do" (s. 423(1)). The appellants argued that if they acted under the honest belief that they were entitled to block the road because the land belongs exclusively to their people, they would not have the required mens rea. They would not have been acting with the intent to compel the motorists to abstain from doing something the motorists had a lawful right to do.
[26] Dans son traité, le professeur Stuart décrit la défense d'apparence de droit en ces termes :
In the case of offences in which the colour of right defence operates, the requirements of the defence are now reasonably clear. There must be a mistake rather than simple ignorance, advertence rather than not thinking at all. It is accepted that the belief must be as to a legal rather than a moral right. Since the offences for which the defence is available are full mens rea offences and none of the colour of right clauses import reasonableness, it is not surprising that the courts have, at least recently consistently required that the mistake be honest and not necessarily reasonable. Mistakes grounding successful claims of right have indeed involved mistakes as to civil law or, as it has been put, mistakes of private rather than public rights. This has been suggested to be a requirement of the English law of colour of right, and there are recent decisions to this effect in Canada. It has never been explained why this distinctions should be made. It is not sef‑evident why a belief based on an out‑of‑date criminal law text that it is not stealing to take another's title deeds without permission will not ground a claim of right, whereas a belief based on a misunderstanding of the law of property that another is witholding your title deeds, will. Greater receptivity to excusing mistakes as to private law might nevertheless account for the historical tendency in England, reflected in our Code, to allow colour of right defences almost exclusively in the area of property offences.
[27] Dans la quatrième édition de l'ouvrage Criminal Law par Manning, Mewett et Sankoff, les auteurs énoncent le critère subjectif qui doit être utilisé :
After this judgment, it became common to assert that there were two prerequisites for any successful claim of mistake: honesty and reasonableness. A bona fide or honest mistake merely means that it must be a mistake that the accused was actually labouring under. The reasonableness of the mistake is a totally different concern since it imposes an objective standard that deprives the accused of the ability to rely upon the mistake where it was an unreasonable one to make. As we discussed in an earlier chapter, this standard is highly objectionable, as it judges the accused's mental state on an objective basis, and has the potential to convict the accused in the absence of subjective knowledge of the relevant facts. It is now clear that, whatever the older cases said, a reasonableness test is not required. In Pappajohn, six of seven judges in the Supreme Court concurred in the view that while a mistake of fact had to be honest, there was no requirement for it to be reasonable.
This does not mean that the reasonableness of the accused's mistake is an irrelevant concern. As Cartwright J. stated in Beaver, it is for the trier of fact to determine whether the accused was honestly mistaken, which involves drawing inferences from all the evidence presented and considering one's experience, common sense and logic. The more unreasonable the inference the trier of fact is asked to draw, the less likely it is that it will be drawn. As a result, if the mistake is one that the ordinary reasonable person would not have made it is less likely that the jury will believe that the accused was mistaken. As a matter of law, however, it remains open for the jury to find that the accused was unreasonably mistaken, or at least have a doubt about the matter. What is essential is that jurors not be left with the impression that they cannot find of the accused unless they conclude that the mistake was reasonable.
It is not an error, however, to instruct the jury that the reasonableness of the mistake be taken into consideration. Indeed, section 265(4), which applies to all cases of assault, though it seems clear that it is directed specifically to sexual assault, mandates the following:
Where an accused alleges that he believed that the complainant consented to the conduct that is the subject‑matter of the charge, a judge, if satisfied that there is sufficient evidence and that, if believed by the jury, the evidence would constitute a defence, shall instruct the jury, when reviewing all the evidence relating to the determination of the honesty of the accused's belief, to consider the presence or absence of reasonable grounds for that belief.
mercredi 22 septembre 2010
L'infraction de méfait peut, dans certaines circonstances, être moindre et incluse à celle d’introduction par effraction avec commission d’un acte criminel
R. c. Laurin, 2007 QCCQ 10788 (CanLII)
[12 ] Il va donc de soi que « telle qu'elle est décrite dans la disposition qui la crée » l’infraction prévue à l’art. 348.(1)b)d) est celle de s’être introduit soit « en brisant quelque partie intérieure ou extérieure d'une chose », soit en « ouvrant toute chose employée ou destinée à être employée pour fermer ou pour couvrir une ouverture intérieure ou extérieure ».
[21] À mon tour, je conclus que l’infraction d’introduction par effraction avec commission d’un acte criminel [ art. 348.(1)b)d) ] ne constitue qu’une seule infraction dont la composante « effraction » peut être commise de plusieurs façons. Tout comme d’ailleurs, soit dit en passant, l’infraction de méfait prévue à l’art. 430.(1)a) ne constitue qu’une seule infraction qui peut être commise de plusieurs façons, à savoir soit en détruisant ou en détériorant un bien.
[22] L’une des façons de commettre une « effraction » étant, au terme de la définition d‘ « effraction » précité à l’art. 321, « en brisant » quelque partie intérieure ou extérieure d'une chose (to break any part, internal or external), je conclus également que l’infraction prévue à l’art. 430.(1)a) est nécessairement comprise à l’infraction prévue à l’art. 348.(1)b)d) du C. cr.: en effet, nécessairement qu’en « brisant quelque partie intérieure ou extérieure d'une chose» [art 321.a)] l’on « détruit ou détériore un bien » [art. 430.(1)a)]. Tel que mentionné ci-dessus, tel est le critère applicable en matière d’infraction comprise « telle qu'elle est décrite dans la disposition qui la crée » [ arrêt Beyo (précité)]:
¶ 30 A way to determine whether one offence is included in another as it is described in the Criminal Code is to ask whether the main offence may be committed without committing the "included" offence.
[12 ] Il va donc de soi que « telle qu'elle est décrite dans la disposition qui la crée » l’infraction prévue à l’art. 348.(1)b)d) est celle de s’être introduit soit « en brisant quelque partie intérieure ou extérieure d'une chose », soit en « ouvrant toute chose employée ou destinée à être employée pour fermer ou pour couvrir une ouverture intérieure ou extérieure ».
[21] À mon tour, je conclus que l’infraction d’introduction par effraction avec commission d’un acte criminel [ art. 348.(1)b)d) ] ne constitue qu’une seule infraction dont la composante « effraction » peut être commise de plusieurs façons. Tout comme d’ailleurs, soit dit en passant, l’infraction de méfait prévue à l’art. 430.(1)a) ne constitue qu’une seule infraction qui peut être commise de plusieurs façons, à savoir soit en détruisant ou en détériorant un bien.
[22] L’une des façons de commettre une « effraction » étant, au terme de la définition d‘ « effraction » précité à l’art. 321, « en brisant » quelque partie intérieure ou extérieure d'une chose (to break any part, internal or external), je conclus également que l’infraction prévue à l’art. 430.(1)a) est nécessairement comprise à l’infraction prévue à l’art. 348.(1)b)d) du C. cr.: en effet, nécessairement qu’en « brisant quelque partie intérieure ou extérieure d'une chose» [art 321.a)] l’on « détruit ou détériore un bien » [art. 430.(1)a)]. Tel que mentionné ci-dessus, tel est le critère applicable en matière d’infraction comprise « telle qu'elle est décrite dans la disposition qui la crée » [ arrêt Beyo (précité)]:
¶ 30 A way to determine whether one offence is included in another as it is described in the Criminal Code is to ask whether the main offence may be committed without committing the "included" offence.
dimanche 7 mars 2010
Les éléments essentiels de la défense d’apparence de droit
R. c. Wawatie, 2002 CanLII 34646 (QC C.Q.)
[31] L’article 429 (2) du Code criminel est à l’effet suivant :
« Nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction visée aux articles 430 à 446 s’il prouve qu’il a agi avec une justification ou une excuse légale et avec apparence de droit. »
[32] Selon l’arrêt Greagham, il est clair que la particule « ET » entre l’excuse légale et l’apparence de droit doit être interprétée comme étant disjonctif et non conjonctif de sorte que l’accusé n’a qu’à démontrer qu’il a agi avec apparence de droit.
[33] L’apparence de droit ou « colour of right » en anglais a été défini dans plusieurs jugements, mais à notre avis, ce sont les arrêts Demarco et Howson qui les résument tous. Les extrait suivants de ces arrêts nous semblent pertinents :
The term « colour of right » generally, although not exclusively, refers to a situation where there is an assertion of a proprietary or possessory right to the thing which is the subject matter of the alleged theft. One who is honestly asserting what he believes to be an honest claim cannot be said to act “without colour of right”, even though it may be unfounded in law or in fact.” (nous soulignons)
[34] Dans l’arrêt Nundah, cité par la Cour d’Appel dans Howson5, on peut lire également ceci :
“The question whether he honestly believed the property to be his is that which is material. Possibly some of the strongest beliefs held by human beings might be found by other minds to be completely destitute of reasonable grounds… A man may be ever so much mistaken in his reasoning processes and yet be honest, though you would not accept his mere statement of opinion unless there was some colour in the circumstances for his entertaining the opinion he claims to have had.”
[35] Dans Howson , citons les extrait suivants :
In my view the word “right” should be construed broadly. The use of the word cannot be said to exclude a legal right. The word is in its ordinary sense charged with legal implications. I do not think that S. 19 affects S. 269. Section 19 only applies when there is an offence. There is no offence if there is colour of right. If upon all the evidence it may fairly be inferred that the accused acted under a genuine misconception of fact or law, there would be no offence of theft committed. The trial tribunal must satisfy itself that the accused has acted upon an honest, but mistaken belief that the right is based upon either fact or law, or mixed fact and law….”
“The weight of authority would indicate, I think, that the test for the determination of the presence of an honest belief is a subjective rather than an objective one.”
[36] On peut donc résumer comme suit les éléments essentiels de la défense d’apparence de droit :
36.1. La croyance de l’accusé dans le droit qu’il invoque doit être honnête ;
36.2. Cette croyance honnête peut être basée sur des erreurs de faits ou de droit, ou mixtes de faits et de droit ;
36.3. Le test à utiliser par le juge pour déterminer si la croyance de l’accusé est honnête doit être un test subjectif et non objectif ;
36.4. Le mot « droit » dans l’expression « apparence de droit » doit recevoir une interprétation large et être pris dans son sens ordinaire ;
36.5. Le caractère raisonnable de cette croyance n’est pas un élément nécessaire dans l’analyse de la notion d’apparence de droit.
[31] L’article 429 (2) du Code criminel est à l’effet suivant :
« Nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction visée aux articles 430 à 446 s’il prouve qu’il a agi avec une justification ou une excuse légale et avec apparence de droit. »
[32] Selon l’arrêt Greagham, il est clair que la particule « ET » entre l’excuse légale et l’apparence de droit doit être interprétée comme étant disjonctif et non conjonctif de sorte que l’accusé n’a qu’à démontrer qu’il a agi avec apparence de droit.
[33] L’apparence de droit ou « colour of right » en anglais a été défini dans plusieurs jugements, mais à notre avis, ce sont les arrêts Demarco et Howson qui les résument tous. Les extrait suivants de ces arrêts nous semblent pertinents :
The term « colour of right » generally, although not exclusively, refers to a situation where there is an assertion of a proprietary or possessory right to the thing which is the subject matter of the alleged theft. One who is honestly asserting what he believes to be an honest claim cannot be said to act “without colour of right”, even though it may be unfounded in law or in fact.” (nous soulignons)
[34] Dans l’arrêt Nundah, cité par la Cour d’Appel dans Howson5, on peut lire également ceci :
“The question whether he honestly believed the property to be his is that which is material. Possibly some of the strongest beliefs held by human beings might be found by other minds to be completely destitute of reasonable grounds… A man may be ever so much mistaken in his reasoning processes and yet be honest, though you would not accept his mere statement of opinion unless there was some colour in the circumstances for his entertaining the opinion he claims to have had.”
[35] Dans Howson , citons les extrait suivants :
In my view the word “right” should be construed broadly. The use of the word cannot be said to exclude a legal right. The word is in its ordinary sense charged with legal implications. I do not think that S. 19 affects S. 269. Section 19 only applies when there is an offence. There is no offence if there is colour of right. If upon all the evidence it may fairly be inferred that the accused acted under a genuine misconception of fact or law, there would be no offence of theft committed. The trial tribunal must satisfy itself that the accused has acted upon an honest, but mistaken belief that the right is based upon either fact or law, or mixed fact and law….”
“The weight of authority would indicate, I think, that the test for the determination of the presence of an honest belief is a subjective rather than an objective one.”
[36] On peut donc résumer comme suit les éléments essentiels de la défense d’apparence de droit :
36.1. La croyance de l’accusé dans le droit qu’il invoque doit être honnête ;
36.2. Cette croyance honnête peut être basée sur des erreurs de faits ou de droit, ou mixtes de faits et de droit ;
36.3. Le test à utiliser par le juge pour déterminer si la croyance de l’accusé est honnête doit être un test subjectif et non objectif ;
36.4. Le mot « droit » dans l’expression « apparence de droit » doit recevoir une interprétation large et être pris dans son sens ordinaire ;
36.5. Le caractère raisonnable de cette croyance n’est pas un élément nécessaire dans l’analyse de la notion d’apparence de droit.
lundi 4 janvier 2010
Exposé sur l'infraction de méfait
R. c. Robertson, 2008 QCCQ 156 (CanLII)
[18] Quant à l'élément matériel, ou actus reus, il tient en effet essentiellement, quand le chef d'accusation réfère au sous-paragraphe a) de l'article 430(1) comme c'est le cas ici, à la notion de détérioration du bien ciblé.
[19] S'exprimant à ce sujet dans son ouvrage intitulé Les infractions contre la personne et contre les biens (Wilson et Lafleur, Montréal, 6e éd., 2007), la professeure Rachel Grondin écrit ce qui suit, à la page 177:
«La Cour d'appel du Québec a jugé que coller des affiches sur un lampadaire municipal n'était pas une détérioration d'un bien. Selon cette décision, le terme «détériorer» signifie que l'usage ou la valeur du bien est diminué. Ainsi le moindre dommage ne suffit pas pour constituer un méfait.»
[20] L'auteure réfère alors à l'affaire Quickfall c. R., 1993 CanLII 3509 (QC C.A.), [1993] R.J.Q. 468 (C.A.) (permission d'en appeler refusée par la Cour suprême du Canada). Il s'agissait, dans ce dossier, d'une accusation de méfait portée contre un protestataire qui avait collé des affiches sur des poteaux appartenant à la Ville de Montréal.
[21] S'exprimant tant en son nom qu'en celui du juge LeBel, qui a depuis accédé à la Cour suprême du Canada, le juge Proulx énonce, dans cet arrêt majoritaire, ce qui suit, à la page 6:
«Sans être en désaccord avec cette définition du mot «détériorer» selon laquelle la chose «est rendue moins apte à servir à sa destination première», j'ajouterais, m'inspirant de ma lecture des dictionnaires, que le fait de «détériorer» signifie que du moins temporairement l'usage ou la valeur du bien est diminué («impaired»),que le bien a été mis en mauvais état ou gâté: en ce sens, et avec respect pour l'opinion contraire, je ne crois pas que «le moindre dommage» suffit pour constituer un méfait». [soulignements ajoutés]
[23] On réalise bien, à l'analyse de cet arrêt, que la barre à franchir pour que l'élément matériel de l'infraction de méfait soit rencontré est bien basse; car, entre «le moindre dommage au bien» considéré par le juge McCarthy et «la diminution, du moins temporairement, de l'usage, de la valeur ou de l'état du bien» plutôt envisagée par le juge Proulx, il y a une différence de degré bien davantage qu'une différence de nature.
[24] Il faut par ailleurs faire intervenir dans le débat, à ce stade-ci, une autre considération que le juge Proulx a senti le besoin de faire ressortir dans l'arrêt Quickfall, à savoir le fait que le prétendu méfait ait été causé à un bien public ou à un bien privé. Il s'explique, à ce sujet, à la page 6 de ses notes:
«Pour revenir au cas à l'étude, j'estime utile d'appliquer ici la distinction faite dans l'arrêt R. c. The Committee for the Commonwealth of Canada, 1991 CanLII 119 (C.S.C.), 1991 IIJCan 119 (C.S.C.), 1991 CanLII 119 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 139, quant à l'usage des biens privés et publics. Si dans cet arrêt était davantage pertinente la question de l'accès à la propriété publique et de son étendue par rapport à la propriété privée, par analogie, il y a lieu de distinguer le cas de l'affichage sur des biens publics plutôt que sur des biens privés, de la même façon que je distinguerais le cas cité par le juge Hugessen de l'herbe foulée du pré de l'herbe foulée dans un parc auquel le public a accès. Dans ce dernier cas, le méfait serait plutôt constitué par l'abus de la personne qui au départ y avait légalement accès alors que dans le premier cas, la culpabilité provient du seul fait de l'intrus qui, en passant à pied dans un champ, a légèrement écrasé l'herbe.
[…]
Autant à l'égard d'un bien public que privé, je ne crois pas que l'objectif du Code pénal soit bien servi en criminalisant à outrance des comportements comme celui de l'appelant qui ne dépassent pas la limite de la tolérance et qui, dans la réalité, ne sont susceptibles que de causer des dommages très minimes: n'y a-t-il pas ici une question de degré?»
[25] Abstraction faite de l'opinion minoritaire et appliqués aux faits de l'espèce dont le Tribunal est maintenant saisi, les principes émanant de l'arrêt Quickfall conduisent néanmoins à la conclusion que l'élément matériel de l'accusation de méfait à laquelle l'accusée doit répondre ici est prouvé. D'abord, le geste qui lui est reproché a été posé à l'égard d'un bien privé plutôt que public et à la faveur d'une intrusion, madame Robertson n'ayant jamais été autorisée à monter à bord du voilier. Ensuite, elle a profité de son intrusion pour altérer le nom du bateau, ce qui s'est traduit par une diminution temporaire de l'usage du lettrage récemment apposé par la propriétaire. Enfin, l'identification du voilier sous son nouveau nom, pour laquelle la propriétaire avait déboursé un montant significatif, a été partiellement, mais définitivement, «mise en mauvais état ou gâtée» puisque, selon la preuve non contredite, le «i» du nom a été endommagé de façon permanente et devra être réparé par un professionnel pour pouvoir retrouver son intégrité et son éclat d'origine.
[26] Aussi faudrait-il considérer, à ce stade-ci de l'analyse, que le «degré» d'altération du lettrage, couplé au fait que cette altération a été perpétrée à l'égard d'un bien privé et à la faveur d'une intrusion, est suffisant pour conclure à l'existence de l'élément matériel de l'infraction: la criminalisation du comportement de l'accusée, qui «a dépassé la limite de la tolérance» dans les circonstances, paraît dès lors justifiée lorsqu'il est envisagé sous l'angle de l'actus reus.
[27] Mais, avant de s'arrêter à la question de la mens rea, une vérification additionnelle s'impose.
[28] La Cour d'appel du Québec a en effet, depuis l'affaire Quickfall, rendu un autre arrêt en la matière. Dans un jugement unanime déposé en 1996 dans l'affaire R.v. Kealey, 1996 CanLII 6371 (QC C.A.), 1996 CanLII 6371 (QC C.A.), la Cour a, pour l'essentiel, repris la position majoritaire antérieurement exprimée. Il s'agissait là aussi d'un cas dans lequel on reprochait à l'accusé d'avoir commis un méfait d'une valeur de plus de 1,000.00$ «en fixant des autocollants sur la propriété de la Ville de Hull»; ce dernier protestait ainsi contre le Premier Ministre de l'époque, que les affiches traitaient de menteur.
[29] Bien que la Cour se soit davantage attardée à la question de la délimitation du droit à la liberté d'expression garanti par la Charte canadienne, elle a alors aussi abordé la question de la définition de l'élément matériel de l'infraction de méfait. Elle s'exprime dans les termes suivants sur le sujet, aux pages 2 à 4:
«The facts are simple and they are not in dispute. Appellant, a self-described political protester, was arrested and charged with mischief after he had posted five stickers on a guard-rail and a stop sign which were the property of the City of Hull. The stickers indicated appellant's opinion on the then Prime Minister of Canada and their content was clearly political in nature («Impeach lying Brian»). The removal of the stickers involved a cost to the city of 163.96$.
[…]
Given the evident political purpose of the stickers in this case, the absence of any real abuse or damage to public property, and the relatively insignificant clean-up costs, the principle set out in the Quickfall case should be applied here.
In coming to this conclusion, we do not wish to suggest that all postering, in any circumstances, however abusive or damaging to public property, will be protected and can never constitute mischief. There may well be cases where the affixing of posters will be abusive and involve serious damage to public property or serious danger to public safety. But none of such abusive or extreme circumstances were present in this case.»
[30] S'il précise l'état du droit à l'égard de la pose raisonnable d'autocollants sur des biens de propriété publique en contexte d'exercice légitime de la liberté d'expression garantie par la Charte canadienne, ce jugement, on le réalise bien, n'ajoute rien à l'arrêt Quickfall en ce qui a trait à la définition du concept de «détérioration», ou encore en ce qui concerne la distinction qu'il y a lieu de formuler entre la pose d'autocollants sur un bien de propriété publique ou sur un bien de propriété privée.
[31] Cela dit, et puisque le Tribunal en est arrivé à la conclusion que l'élément matériel de l'infraction de méfait est ici prouvé, venons-en maintenant à l'élément intentionnel.
[32] C'est l'article 429 (1) C.cr. qui balise cette question:
«Quiconque cause la production d'un événement en accomplissant un acte […], sachant que cet acte […] causera probablement la production de l'événement et sans se soucier que l'événement se produise ou non, est, pour l'application de la présente partie, réputé avoir causé volontairement la production de l'événement.»
[33] La mens rea de l'infraction de méfait découle donc, pour l'essentiel, d'une part de la connaissance de la probabilité de la détérioration du bien visé, et d'autre part de l'insouciance du comportement qui est à l'origine de la détérioration de ce bien, le fait de ne pas s'être soucié des conséquences de l'acte posé ayant la même portée juridique que le fait d'avoir posé le geste en sachant pertinemment que la détérioration du bien en découlerait probablement.
[34] Dans son ouvrage intitulé Les infractions contre la propriété: le vol, la fraude et certains crimes connexes (Les Éditions Yvon Blais Inc., Cowansville, 1996), les professeurs Gagné et Rainville écrivent d'ailleurs à ce sujet, à la page 296:
«L'accusé qui croît improbable que son comportement entraîne la détérioration ou la destruction du bien d'autrui ne se rend donc pas coupable de méfait. Le méfait entraîne un dommage réel, soit la destruction ou la détérioration d'un bien. Or, le législateur a jugé bon malgré tout d'exiger la connaissance de la probabilité de ce résultat. Le législateur décide d'absoudre celui qui sait qu'il existe un faible risque de destruction du bien d'autrui. Il sera acquitté dès lors qu'il estimait ce résultat improbable.»
[36] L'accusée n'a pas témoigné à son procès. Le Tribunal n'est donc pas en mesure de conclure qu'elle estimait qu'il n'existait qu'un faible risque que le lettrage du voilier puisse être endommagé à la suite de son geste. Mais cela ne permet pas de conclure que l'élément intentionnel est nécessairement prouvé pour autant, le fait pour l'accusée d'exercer son droit fondamental de ne pas témoigner n'ayant pas pour conséquence de renverser le fardeau de la preuve. Car, il ne faut jamais l'oublier, que l'accusée témoigne ou non, c'est toujours sur la Poursuivante que repose le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable, outre l'élément matériel de l'infraction, l'élément intentionnel.
[37] Dès lors, la preuve de la Poursuivante doit être appréciée globalement, en soupesant chacune de ses composantes et chacune des circonstances entourant ces composantes.
[38] Or, ce qui frappe ici le Tribunal, c'est que le ruban adhésif utilisé par madame Robertson pour masquer le fameux «i» est un masking tape tout usage vendu en vente libre et qui est couramment employé par les peintres pour démarquer les contours et les changements de couleur: il est précisément utilisé parce qu'il est réputé ne pas endommager la surface sur laquelle il est apposé.
[39] Aussi est-ce possiblement parce que le ruban est resté trop longtemps en place, la plaignante ayant attendu que les policiers l'observent sur les lieux avant de le faire enlever par son conjoint, et ce au moment où le soleil d'été plombait dessus et risquait de liquéfier la colle adhésive, qu'une partie de la lettre «i» a été endommagée en l'enlevant.
[40] Dans ces circonstances, le Tribunal ne peut acquérir la conviction que l'accusée savait, en apposant le ruban adhésif, que le lettrage serait abîmé ou qu'il y avait une probabilité qu'il le soit lorsque le ruban serait enlevé; tout comme il ne peut non plus acquérir la conviction qu'elle a fait preuve d'insouciance à cet égard. Car, encore une fois, ce type de ruban adhésif est généralement utilisé précisément en raison de sa capacité à ne pas laisser de traces lorsqu'il est retiré.
[41] Un doute raisonnable est dès lors soulevé quant à l'élément intentionnel de l'infraction. En pareil contexte, l'accusée doit en bénéficier et, en conséquence, être acquittée.
[18] Quant à l'élément matériel, ou actus reus, il tient en effet essentiellement, quand le chef d'accusation réfère au sous-paragraphe a) de l'article 430(1) comme c'est le cas ici, à la notion de détérioration du bien ciblé.
[19] S'exprimant à ce sujet dans son ouvrage intitulé Les infractions contre la personne et contre les biens (Wilson et Lafleur, Montréal, 6e éd., 2007), la professeure Rachel Grondin écrit ce qui suit, à la page 177:
«La Cour d'appel du Québec a jugé que coller des affiches sur un lampadaire municipal n'était pas une détérioration d'un bien. Selon cette décision, le terme «détériorer» signifie que l'usage ou la valeur du bien est diminué. Ainsi le moindre dommage ne suffit pas pour constituer un méfait.»
[20] L'auteure réfère alors à l'affaire Quickfall c. R., 1993 CanLII 3509 (QC C.A.), [1993] R.J.Q. 468 (C.A.) (permission d'en appeler refusée par la Cour suprême du Canada). Il s'agissait, dans ce dossier, d'une accusation de méfait portée contre un protestataire qui avait collé des affiches sur des poteaux appartenant à la Ville de Montréal.
[21] S'exprimant tant en son nom qu'en celui du juge LeBel, qui a depuis accédé à la Cour suprême du Canada, le juge Proulx énonce, dans cet arrêt majoritaire, ce qui suit, à la page 6:
«Sans être en désaccord avec cette définition du mot «détériorer» selon laquelle la chose «est rendue moins apte à servir à sa destination première», j'ajouterais, m'inspirant de ma lecture des dictionnaires, que le fait de «détériorer» signifie que du moins temporairement l'usage ou la valeur du bien est diminué («impaired»),que le bien a été mis en mauvais état ou gâté: en ce sens, et avec respect pour l'opinion contraire, je ne crois pas que «le moindre dommage» suffit pour constituer un méfait». [soulignements ajoutés]
[23] On réalise bien, à l'analyse de cet arrêt, que la barre à franchir pour que l'élément matériel de l'infraction de méfait soit rencontré est bien basse; car, entre «le moindre dommage au bien» considéré par le juge McCarthy et «la diminution, du moins temporairement, de l'usage, de la valeur ou de l'état du bien» plutôt envisagée par le juge Proulx, il y a une différence de degré bien davantage qu'une différence de nature.
[24] Il faut par ailleurs faire intervenir dans le débat, à ce stade-ci, une autre considération que le juge Proulx a senti le besoin de faire ressortir dans l'arrêt Quickfall, à savoir le fait que le prétendu méfait ait été causé à un bien public ou à un bien privé. Il s'explique, à ce sujet, à la page 6 de ses notes:
«Pour revenir au cas à l'étude, j'estime utile d'appliquer ici la distinction faite dans l'arrêt R. c. The Committee for the Commonwealth of Canada, 1991 CanLII 119 (C.S.C.), 1991 IIJCan 119 (C.S.C.), 1991 CanLII 119 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 139, quant à l'usage des biens privés et publics. Si dans cet arrêt était davantage pertinente la question de l'accès à la propriété publique et de son étendue par rapport à la propriété privée, par analogie, il y a lieu de distinguer le cas de l'affichage sur des biens publics plutôt que sur des biens privés, de la même façon que je distinguerais le cas cité par le juge Hugessen de l'herbe foulée du pré de l'herbe foulée dans un parc auquel le public a accès. Dans ce dernier cas, le méfait serait plutôt constitué par l'abus de la personne qui au départ y avait légalement accès alors que dans le premier cas, la culpabilité provient du seul fait de l'intrus qui, en passant à pied dans un champ, a légèrement écrasé l'herbe.
[…]
Autant à l'égard d'un bien public que privé, je ne crois pas que l'objectif du Code pénal soit bien servi en criminalisant à outrance des comportements comme celui de l'appelant qui ne dépassent pas la limite de la tolérance et qui, dans la réalité, ne sont susceptibles que de causer des dommages très minimes: n'y a-t-il pas ici une question de degré?»
[25] Abstraction faite de l'opinion minoritaire et appliqués aux faits de l'espèce dont le Tribunal est maintenant saisi, les principes émanant de l'arrêt Quickfall conduisent néanmoins à la conclusion que l'élément matériel de l'accusation de méfait à laquelle l'accusée doit répondre ici est prouvé. D'abord, le geste qui lui est reproché a été posé à l'égard d'un bien privé plutôt que public et à la faveur d'une intrusion, madame Robertson n'ayant jamais été autorisée à monter à bord du voilier. Ensuite, elle a profité de son intrusion pour altérer le nom du bateau, ce qui s'est traduit par une diminution temporaire de l'usage du lettrage récemment apposé par la propriétaire. Enfin, l'identification du voilier sous son nouveau nom, pour laquelle la propriétaire avait déboursé un montant significatif, a été partiellement, mais définitivement, «mise en mauvais état ou gâtée» puisque, selon la preuve non contredite, le «i» du nom a été endommagé de façon permanente et devra être réparé par un professionnel pour pouvoir retrouver son intégrité et son éclat d'origine.
[26] Aussi faudrait-il considérer, à ce stade-ci de l'analyse, que le «degré» d'altération du lettrage, couplé au fait que cette altération a été perpétrée à l'égard d'un bien privé et à la faveur d'une intrusion, est suffisant pour conclure à l'existence de l'élément matériel de l'infraction: la criminalisation du comportement de l'accusée, qui «a dépassé la limite de la tolérance» dans les circonstances, paraît dès lors justifiée lorsqu'il est envisagé sous l'angle de l'actus reus.
[27] Mais, avant de s'arrêter à la question de la mens rea, une vérification additionnelle s'impose.
[28] La Cour d'appel du Québec a en effet, depuis l'affaire Quickfall, rendu un autre arrêt en la matière. Dans un jugement unanime déposé en 1996 dans l'affaire R.v. Kealey, 1996 CanLII 6371 (QC C.A.), 1996 CanLII 6371 (QC C.A.), la Cour a, pour l'essentiel, repris la position majoritaire antérieurement exprimée. Il s'agissait là aussi d'un cas dans lequel on reprochait à l'accusé d'avoir commis un méfait d'une valeur de plus de 1,000.00$ «en fixant des autocollants sur la propriété de la Ville de Hull»; ce dernier protestait ainsi contre le Premier Ministre de l'époque, que les affiches traitaient de menteur.
[29] Bien que la Cour se soit davantage attardée à la question de la délimitation du droit à la liberté d'expression garanti par la Charte canadienne, elle a alors aussi abordé la question de la définition de l'élément matériel de l'infraction de méfait. Elle s'exprime dans les termes suivants sur le sujet, aux pages 2 à 4:
«The facts are simple and they are not in dispute. Appellant, a self-described political protester, was arrested and charged with mischief after he had posted five stickers on a guard-rail and a stop sign which were the property of the City of Hull. The stickers indicated appellant's opinion on the then Prime Minister of Canada and their content was clearly political in nature («Impeach lying Brian»). The removal of the stickers involved a cost to the city of 163.96$.
[…]
Given the evident political purpose of the stickers in this case, the absence of any real abuse or damage to public property, and the relatively insignificant clean-up costs, the principle set out in the Quickfall case should be applied here.
In coming to this conclusion, we do not wish to suggest that all postering, in any circumstances, however abusive or damaging to public property, will be protected and can never constitute mischief. There may well be cases where the affixing of posters will be abusive and involve serious damage to public property or serious danger to public safety. But none of such abusive or extreme circumstances were present in this case.»
[30] S'il précise l'état du droit à l'égard de la pose raisonnable d'autocollants sur des biens de propriété publique en contexte d'exercice légitime de la liberté d'expression garantie par la Charte canadienne, ce jugement, on le réalise bien, n'ajoute rien à l'arrêt Quickfall en ce qui a trait à la définition du concept de «détérioration», ou encore en ce qui concerne la distinction qu'il y a lieu de formuler entre la pose d'autocollants sur un bien de propriété publique ou sur un bien de propriété privée.
[31] Cela dit, et puisque le Tribunal en est arrivé à la conclusion que l'élément matériel de l'infraction de méfait est ici prouvé, venons-en maintenant à l'élément intentionnel.
[32] C'est l'article 429 (1) C.cr. qui balise cette question:
«Quiconque cause la production d'un événement en accomplissant un acte […], sachant que cet acte […] causera probablement la production de l'événement et sans se soucier que l'événement se produise ou non, est, pour l'application de la présente partie, réputé avoir causé volontairement la production de l'événement.»
[33] La mens rea de l'infraction de méfait découle donc, pour l'essentiel, d'une part de la connaissance de la probabilité de la détérioration du bien visé, et d'autre part de l'insouciance du comportement qui est à l'origine de la détérioration de ce bien, le fait de ne pas s'être soucié des conséquences de l'acte posé ayant la même portée juridique que le fait d'avoir posé le geste en sachant pertinemment que la détérioration du bien en découlerait probablement.
[34] Dans son ouvrage intitulé Les infractions contre la propriété: le vol, la fraude et certains crimes connexes (Les Éditions Yvon Blais Inc., Cowansville, 1996), les professeurs Gagné et Rainville écrivent d'ailleurs à ce sujet, à la page 296:
«L'accusé qui croît improbable que son comportement entraîne la détérioration ou la destruction du bien d'autrui ne se rend donc pas coupable de méfait. Le méfait entraîne un dommage réel, soit la destruction ou la détérioration d'un bien. Or, le législateur a jugé bon malgré tout d'exiger la connaissance de la probabilité de ce résultat. Le législateur décide d'absoudre celui qui sait qu'il existe un faible risque de destruction du bien d'autrui. Il sera acquitté dès lors qu'il estimait ce résultat improbable.»
[36] L'accusée n'a pas témoigné à son procès. Le Tribunal n'est donc pas en mesure de conclure qu'elle estimait qu'il n'existait qu'un faible risque que le lettrage du voilier puisse être endommagé à la suite de son geste. Mais cela ne permet pas de conclure que l'élément intentionnel est nécessairement prouvé pour autant, le fait pour l'accusée d'exercer son droit fondamental de ne pas témoigner n'ayant pas pour conséquence de renverser le fardeau de la preuve. Car, il ne faut jamais l'oublier, que l'accusée témoigne ou non, c'est toujours sur la Poursuivante que repose le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable, outre l'élément matériel de l'infraction, l'élément intentionnel.
[37] Dès lors, la preuve de la Poursuivante doit être appréciée globalement, en soupesant chacune de ses composantes et chacune des circonstances entourant ces composantes.
[38] Or, ce qui frappe ici le Tribunal, c'est que le ruban adhésif utilisé par madame Robertson pour masquer le fameux «i» est un masking tape tout usage vendu en vente libre et qui est couramment employé par les peintres pour démarquer les contours et les changements de couleur: il est précisément utilisé parce qu'il est réputé ne pas endommager la surface sur laquelle il est apposé.
[39] Aussi est-ce possiblement parce que le ruban est resté trop longtemps en place, la plaignante ayant attendu que les policiers l'observent sur les lieux avant de le faire enlever par son conjoint, et ce au moment où le soleil d'été plombait dessus et risquait de liquéfier la colle adhésive, qu'une partie de la lettre «i» a été endommagée en l'enlevant.
[40] Dans ces circonstances, le Tribunal ne peut acquérir la conviction que l'accusée savait, en apposant le ruban adhésif, que le lettrage serait abîmé ou qu'il y avait une probabilité qu'il le soit lorsque le ruban serait enlevé; tout comme il ne peut non plus acquérir la conviction qu'elle a fait preuve d'insouciance à cet égard. Car, encore une fois, ce type de ruban adhésif est généralement utilisé précisément en raison de sa capacité à ne pas laisser de traces lorsqu'il est retiré.
[41] Un doute raisonnable est dès lors soulevé quant à l'élément intentionnel de l'infraction. En pareil contexte, l'accusée doit en bénéficier et, en conséquence, être acquittée.
mercredi 16 septembre 2009
La mens rea requise relativement à l'infraction de méfait
R. c. Marone, 2007 CanLII 43003 (QC C.M.)
[97] Comme l’indiquait la Cour d’appel de la Colombie Britannique dans l’affaire « R. c. Toma », 2000 BCCA 494 (CanLII), (2000) 147 C.C.C. (3d) 252, la mens rea requise est celle d’une intention de causer le dommage ou une insouciance telle qu’elle équivaut à cette intention.
[97] Comme l’indiquait la Cour d’appel de la Colombie Britannique dans l’affaire « R. c. Toma », 2000 BCCA 494 (CanLII), (2000) 147 C.C.C. (3d) 252, la mens rea requise est celle d’une intention de causer le dommage ou une insouciance telle qu’elle équivaut à cette intention.
vendredi 28 août 2009
Le sens qu'il convient d'accorder au mot jouissance du paragraphe 430(1) du Code criminel
R. c. Drapeau, 1995 CanLII 5099 (QC C.A.)
Résumé des faits
En octobre 1986, les Bélanger s'installent dans une nouvelle maison, voisine de celle de l'appelant. Les premiers mois passent sans difficultés particulières. Au printemps 1987, les Bélanger se sentent observés, de façon exagérément indiscrète, par l'appelant et sa famille, mais ils feignent l'indifférence tout en espérant que ce comportement cessera. A la fin du printemps, les Bélanger acceptent d'installer de façon mitoyenne une haie dont ils avaient commencé la plantation sur leur propre terrain. Cette haie devient vite source de querelles, l'appelant critiquant continuellement les Bélanger à propos de leur façon de l'arroser, de la tailler et de l'entretenir. Les difficultés persistent pendant plusieurs années. De fait, tout est source de difficultés: la haie, les chiens de l'appelant sont en liberté et agressifs, la surveillance constante et indiscrète que l'appelant et sa famille exercent, les engueulades entre l'appelant et ses autres voisins (les Dionne), les provocations, les imitations de cris d'animaux et de comportements humains, les applaudissements, les regards prolongés et haineux, les poursuites en automobile et les insultes.
Analyse
***Opinion minoritaire***
A mon avis, le mot jouissance a ici un sens plus englobant que le seul fait d'être titulaire d'un droit à la possession du bien; il inclut l'action de tirer d'un bien qu'une personne détient légalement les satisfactions que ce bien est en mesure de procurer. En somme, la personne qui, animée d'une intention coupable, gêne volontairement son voisin dans la jouissance de sa propriété s'expose à devoir répondre à une accusation de méfait fondée sur l'al. 430(1)d) du Code criminel. L'infraction exige évidemment du ministère public qu'il fasse la preuve de faits et gestes posés volontairement par l'accusé et d'une intention coupable (mens rea) de sa part.
***Opinion majoritaire***
La solution de la difficulté que pose le dossier réside plutôt dans la réponse à la question suivante. Lorsque l'appelant a ennuyé les Bélanger au moment où ceux-ci étaient sur leur terrain, voulait-il simplement les ennuyer, sans égard au fait qu'ils étaient sur leur terrain (dans ce cas l'appelant ne serait pas coupable), ou voulait-il les gêner dans la jouissance de leur terrain, ou, à tout le moins, savait-il qu'il les gênait dans cette jouissance (dans ce cas il y aurait culpabilité)?
Après réflexion je ne peux me défaire d'un doute à cet égard, doute qui profite à l'appelant.
On this view, "enjoyment" of property, for the purposes of sec. 430(1)(d) of the Code, would include "deriving the benefit" or "taking advantage" of its ownership, occupancy or possession. Both meanings are entirely compatible with my conclusion that wilful interference with the enjoyment of property is an offence in relation to property or rights in property. And for the reasons explained, I do not believe that appellant's conviction is supported by the evidence, even if "enjoyment" is interpreted in this way.
Résumé des faits
En octobre 1986, les Bélanger s'installent dans une nouvelle maison, voisine de celle de l'appelant. Les premiers mois passent sans difficultés particulières. Au printemps 1987, les Bélanger se sentent observés, de façon exagérément indiscrète, par l'appelant et sa famille, mais ils feignent l'indifférence tout en espérant que ce comportement cessera. A la fin du printemps, les Bélanger acceptent d'installer de façon mitoyenne une haie dont ils avaient commencé la plantation sur leur propre terrain. Cette haie devient vite source de querelles, l'appelant critiquant continuellement les Bélanger à propos de leur façon de l'arroser, de la tailler et de l'entretenir. Les difficultés persistent pendant plusieurs années. De fait, tout est source de difficultés: la haie, les chiens de l'appelant sont en liberté et agressifs, la surveillance constante et indiscrète que l'appelant et sa famille exercent, les engueulades entre l'appelant et ses autres voisins (les Dionne), les provocations, les imitations de cris d'animaux et de comportements humains, les applaudissements, les regards prolongés et haineux, les poursuites en automobile et les insultes.
Analyse
***Opinion minoritaire***
A mon avis, le mot jouissance a ici un sens plus englobant que le seul fait d'être titulaire d'un droit à la possession du bien; il inclut l'action de tirer d'un bien qu'une personne détient légalement les satisfactions que ce bien est en mesure de procurer. En somme, la personne qui, animée d'une intention coupable, gêne volontairement son voisin dans la jouissance de sa propriété s'expose à devoir répondre à une accusation de méfait fondée sur l'al. 430(1)d) du Code criminel. L'infraction exige évidemment du ministère public qu'il fasse la preuve de faits et gestes posés volontairement par l'accusé et d'une intention coupable (mens rea) de sa part.
***Opinion majoritaire***
La solution de la difficulté que pose le dossier réside plutôt dans la réponse à la question suivante. Lorsque l'appelant a ennuyé les Bélanger au moment où ceux-ci étaient sur leur terrain, voulait-il simplement les ennuyer, sans égard au fait qu'ils étaient sur leur terrain (dans ce cas l'appelant ne serait pas coupable), ou voulait-il les gêner dans la jouissance de leur terrain, ou, à tout le moins, savait-il qu'il les gênait dans cette jouissance (dans ce cas il y aurait culpabilité)?
Après réflexion je ne peux me défaire d'un doute à cet égard, doute qui profite à l'appelant.
On this view, "enjoyment" of property, for the purposes of sec. 430(1)(d) of the Code, would include "deriving the benefit" or "taking advantage" of its ownership, occupancy or possession. Both meanings are entirely compatible with my conclusion that wilful interference with the enjoyment of property is an offence in relation to property or rights in property. And for the reasons explained, I do not believe that appellant's conviction is supported by the evidence, even if "enjoyment" is interpreted in this way.
mercredi 26 août 2009
Le moindre dommage ne suffit pas pour constituer un méfait
R. c. Quickfall, 1993 CanLII 3509 (QC C.A.)
Sans être en désaccord avec cette définition du mot «détériorer» selon laquelle la chose «est rendue moins apte à servir à sa destination première», j'ajouterais, m'inspirant de ma lecture des dictionnaires***, que le fait de «détériorer» signifie que du moins temporairement l'usage ou la valeur du bien est diminué («impaired»), que le bien a été mis en mauvais état ou gâté: en ce sens, et avec respect pour l'opinion contraire, je ne crois pas que «le moindre dommage» suffit pour constituer un méfait.
Alors qu'au sous-par. 430(1)a) le méfait est caractérisé par le fait de détruire ou détériorer, le sous-par. 430(1)b) parle d'un méfait qui rend un bien «inefficace, inutile ou inopérant», décrivant ici une détérioration en quelque sorte plus marquée qu'au sous-par. 430(1)a).
Pour revenir au cas à l'étude, j'estime utile d'appliquer ici la distinction faite dans l'arrêt R. c. The Committee for the Commonwealth of Canada, 1991 CanLII 119 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 139 quant à l'usage des biens privés et publics. Si dans cet arrêt était davantage pertinente la question de l'accès à la propriété publique et de son étendue par rapport à la propriété privée, par analogie, il y a lieu de distinguer le cas de l'affichage sur des biens publics plutôt que sur des biens privés, de la même façon que je distinguerais le cas cité par le Juge Hugessen de l'herbe foulée du pré de l'herbe foulée dans un parc auquel le public a accès. Dans ce dernier cas, le méfait serait plutôt constitué par l'abus de la personne qui au départ y avait légalement accès alors que dans le premier cas, la culpabilité provient du seul fait de l'intrus qui en passant à pied dans un champ, a légèrement écrasé l'herbe.
Appliquant ces éléments de la définition du mot «détériorer» ci-haut proposée, si je prends le cas d'une personne qui écrit avec une craie un message public sur un trottoir, je doute qu'elle commette un «méfait» ou encore, je vois mal comment le fait d'apposer sur une vitrine d'un édifice public un collant qui peut être enlevé sans difficulté soit inclus dans cette catégorie d'infractions. Ce geste est certes ennuyeux et parfois choquant tout en faisant preuve d'un manque de civisme et contrevenant possiblement à un règlement municipal, mais encore faut-il que «l'usage ou la valeur du bien a été diminué», ou que le bien «est rendu moins apte à servir à sa destination première» pour constituer une «détérioration» au sens du Code criminel. À l'inverse, il n'est pas dit que le fait de peinturer un mur de graffiti avec un solvant ne créerait pas un état de «détérioration», le mur ayant été véritablement «mis en mauvais état» et sa «valeur diminuée».
Autant à l'égard d'un bien public que privé, je ne crois pas que l'objectif du Code pénal soit bien servi en criminalisant à outrance des comportements comme celui de l'appelant qui ne dépassent pas la limite de la tolérance et qui, dans la réalité, ne sont susceptibles que de causer des dommages très minimes: N'y a-t-il pas ici une question de degré?
En l'espèce, l'appelant a posé ses affiches sur des biens publics dont «l'usage n'a été aucunement interrompu» et dont «la valeur n'a pas été non plus diminuée». L'affichage n'a jamais non plus «empêché l'usage du bien»: en conséquence, je ne vois pas en quoi il y a eu «détérioration» des poteaux.
Pour reprendre la question posée dans le jugement accueillant la permission d'appeler, je dirais que le fait d'utiliser des lieux publics aux fins d'affichage, et ce selon le procédé utilisé par l'appelant, ne constituait pas un méfait vu les inconvénients mineurs qui en ont résulté et qui n'ont pas diminué l'usage ou la valeur du bien, ou encore qui n'ont pas gâté ou mis en mauvais état ces lieux publics.
Sans être en désaccord avec cette définition du mot «détériorer» selon laquelle la chose «est rendue moins apte à servir à sa destination première», j'ajouterais, m'inspirant de ma lecture des dictionnaires***, que le fait de «détériorer» signifie que du moins temporairement l'usage ou la valeur du bien est diminué («impaired»), que le bien a été mis en mauvais état ou gâté: en ce sens, et avec respect pour l'opinion contraire, je ne crois pas que «le moindre dommage» suffit pour constituer un méfait.
Alors qu'au sous-par. 430(1)a) le méfait est caractérisé par le fait de détruire ou détériorer, le sous-par. 430(1)b) parle d'un méfait qui rend un bien «inefficace, inutile ou inopérant», décrivant ici une détérioration en quelque sorte plus marquée qu'au sous-par. 430(1)a).
Pour revenir au cas à l'étude, j'estime utile d'appliquer ici la distinction faite dans l'arrêt R. c. The Committee for the Commonwealth of Canada, 1991 CanLII 119 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 139 quant à l'usage des biens privés et publics. Si dans cet arrêt était davantage pertinente la question de l'accès à la propriété publique et de son étendue par rapport à la propriété privée, par analogie, il y a lieu de distinguer le cas de l'affichage sur des biens publics plutôt que sur des biens privés, de la même façon que je distinguerais le cas cité par le Juge Hugessen de l'herbe foulée du pré de l'herbe foulée dans un parc auquel le public a accès. Dans ce dernier cas, le méfait serait plutôt constitué par l'abus de la personne qui au départ y avait légalement accès alors que dans le premier cas, la culpabilité provient du seul fait de l'intrus qui en passant à pied dans un champ, a légèrement écrasé l'herbe.
Appliquant ces éléments de la définition du mot «détériorer» ci-haut proposée, si je prends le cas d'une personne qui écrit avec une craie un message public sur un trottoir, je doute qu'elle commette un «méfait» ou encore, je vois mal comment le fait d'apposer sur une vitrine d'un édifice public un collant qui peut être enlevé sans difficulté soit inclus dans cette catégorie d'infractions. Ce geste est certes ennuyeux et parfois choquant tout en faisant preuve d'un manque de civisme et contrevenant possiblement à un règlement municipal, mais encore faut-il que «l'usage ou la valeur du bien a été diminué», ou que le bien «est rendu moins apte à servir à sa destination première» pour constituer une «détérioration» au sens du Code criminel. À l'inverse, il n'est pas dit que le fait de peinturer un mur de graffiti avec un solvant ne créerait pas un état de «détérioration», le mur ayant été véritablement «mis en mauvais état» et sa «valeur diminuée».
Autant à l'égard d'un bien public que privé, je ne crois pas que l'objectif du Code pénal soit bien servi en criminalisant à outrance des comportements comme celui de l'appelant qui ne dépassent pas la limite de la tolérance et qui, dans la réalité, ne sont susceptibles que de causer des dommages très minimes: N'y a-t-il pas ici une question de degré?
En l'espèce, l'appelant a posé ses affiches sur des biens publics dont «l'usage n'a été aucunement interrompu» et dont «la valeur n'a pas été non plus diminuée». L'affichage n'a jamais non plus «empêché l'usage du bien»: en conséquence, je ne vois pas en quoi il y a eu «détérioration» des poteaux.
Pour reprendre la question posée dans le jugement accueillant la permission d'appeler, je dirais que le fait d'utiliser des lieux publics aux fins d'affichage, et ce selon le procédé utilisé par l'appelant, ne constituait pas un méfait vu les inconvénients mineurs qui en ont résulté et qui n'ont pas diminué l'usage ou la valeur du bien, ou encore qui n'ont pas gâté ou mis en mauvais état ces lieux publics.
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