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jeudi 25 septembre 2025

La fourchette de peines en matière de tentative de meurtre dans un contexte conjugal et celle applicable en matière de tentative de meurtre avec usage d'une arme à feu

Jean c. R., 2024 QCCA 1137

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[62]      La fourchette de peines en matière de tentative de meurtre dans un contexte conjugal a été décrite par le juge Doyon dans l’arrêt Roy[21] et confirmée récemment dans l’arrêt V.L.[22] : soit 1) des peines de plus courte durée (7 ans et moins); 2) les peines de durée intermédiaire (8 à 14 ans); et 3) les peines de plus longue durée (15 ans et plus). 

[63]      Pour les auteurs du Traité de droit criminel[23], il existerait une fourchette distincte visant les tentatives de meurtre non spécifiées qui se déclinent de la manière suivante : des peines de plus courte durée (7 ans et moins); des peines de durée intermédiaire (8 à 11 ans); des peines de plus longue durée (12 ans d’emprisonnement et plus).

[64]      L’utilité d’une telle fourchette distincte ne s’impose pas d’emblée et l’arrêt Roy donne un portrait utile qui n’exige pas d’être adapté ou modulé à l’égard des infractions de tentative de meurtre impliquant une arme à feu par opposition à celles commises en contexte conjugal. Les cas de figure les plus graves de tentative de meurtre appellent une peine supérieure à 15 ans[24], mais c’est l’ensemble des facteurs atténuants et aggravants qui permettront d’identifier une peine proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant (art. 718.1 C.cr.).

[65]      En matière de tentative de meurtre avec armes à feu, la Cour a confirmé une peine de 16 ans dans Alexandre[25], de 19 ans dans Fuentes[26] et de 20 ans dans Hotte[27]. Dans l’arrêt Roy, la Cour est intervenue pour réduire une peine d’emprisonnement à perpétuité à 15 ans (moins la détention provisoire) en raison de l’absence de circonstances aggravantes la justifiant[28].

[66]      La Cour d’appel de l’Ontario applique une fourchette entre 6 ans et l’emprisonnement à perpétuité[29]. La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse évoque une fourchette de 10 ans, 16 ans et l’emprisonnement à perpétuité[30].

[67]      Les fourchettes de peines ne sont pas des codifications rigides. Elles « ne sont rien de plus que des condensés des peines minimales et maximales déjà infligées »[31], elles « ne devraient pas être considérées comme des “moyennes”, encore moins comme des carcans, mais plutôt comme des portraits historiques à l’usage des juges chargés de déterminer les peines »[32].

mardi 26 août 2025

Les éléments essentiels de l’infraction de tentative de meurtre

R. c. F.M., 2024 QCCQ 621

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[130]     L’infraction de tentative de meurtre est définie à l’article 239 du Code criminel (C.cr.) en ces termes : « Quiconque, par quelque moyen, tente de commettre un meurtre est coupable d’un acte criminel […] ».

[131]     Cette infraction comporte deux éléments essentiels :

a)   L’intention de tuer quelqu’un;

b)   Un comportement qui équivaut à une tentative de meurtre, c’est-à-dire une conduite qui constitue une tentative de causer intentionnellement la mort de quelqu’un.

[132]     Depuis l’arrêt Ancio[15] de la Cour suprême du Canada, la mens rea de la tentative de meurtre est définie comme étant l’intention spécifique de tuer (art. 229a)i) C.cr.).

[133]     Une tentative de meurtre est un meurtre raté, en ce sens que l’accusé n’obtient pas le résultat convoité, c’est-à-dire la mort de sa victime. L’accusé, coupable d’une tentative de meurtre, est frustré dans son but de causer la mort intentionnellement de quelqu’un[16]. Des gestes qui dépassent le stade de la simple préparation en vue de commettre un meurtre doivent être posés avec cette intention spécifique.

[134]     La Cour d’appel de la Colombie-Britannique mentionne dans l’arrêt R. v. Goldberg[17], que les gestes posés pour une tentative de meurtre devraient dépasser le stade de la simple préparation; mais on n’a pas à attendre par exemple une tentative de tirer quand la personne accusée a entre les mains une arme à feu pour être accusée de tentative de meurtre.

[135]     La Cour ajoute que, quand l’accusé pointe une arme chargée en direction de personnes en leur disant qu’elles vont mourir, l’accusé a dépassé le stade de la simple préparation.

[136]     Tel que le mentionne la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Habib c. La Reine[18] :

[67] […] La tentative criminelle se distingue des seuls actes préparatoires. Ainsi, pour qu’il s’agisse d’une tentative, un commencement d’exécution doit être établi. Cette distinction entre la tentative criminelle et les actes préparatoires est hautement contextuelle, comme le note le juge Le Dain dans R. c. Deutsch[19] :

[…] On a souvent fait remarquer qu’aucun critère général satisfaisant n’a été ou ne peut être formulé pour tracer la ligne de démarcation entre la préparation et la tentative et que l’application de cette distinction aux faits d’une affaire en particulier devait être une question de jugement fondé sur le bon sens […]

À mon avis, la distinction entre la préparation et la tentative est essentiellement qualitative et met en jeu le lien entre la nature et la qualité de l'acte en question et la nature de l'infraction complète, bien qu'il faille nécessairement examiner, en faisant cette distinction qualitative, la proximité relative de l'acte en question avec ce qui aurait constitué une infraction complète, sous l'angle du temps, du lieu et des actes sous le contrôle de l'accusé qui restent à être accomplis. Je conclus que cette opinion est compatible avec ce qui a été dit au sujet de l'actus reus de la tentative en cette Cour et dans d'autres décisions canadiennes qui doivent être considérées comme faisant autorité sur la question.

[137]     Dans la décision R. c. Sweeney[20], le juge Normand Bonin de la Cour du Québec mentionne ce qui suit en regard de la tentative de commettre un crime :

[25]     Le crime de tentative en droit criminel canadien est distinct et autonome du crime convoité[21]. Le législateur ne cherche pas à punir l’intention criminelle. Il veut punir le geste posé dans l’exécution du crime, même à son début, de façon à prévenir les maux engendrés par le crime dès leur initiation.

[26]     Une tentative est composée des actes préparatoires à un crime, d’un commencement d’exécution et de l’intention spécifique[22] de commettre le crime. Il comporte donc l’actus reus et la mens rea qui doivent être démontrés hors de tout doute raisonnable. Ainsi, une intention illicite jumelée à de simples actes préparatoires qui n’atteignent pas le seuil du commencement d’exécution ne seront pas passibles d’une accusation de tentative de commettre un crime.[23]

[27]     Une déclaration de culpabilité à l’égard d’un crime de tentative implique que soit évaluée, à la lumière de toutes les circonstances, la détermination de l’accusé à accomplir son dessein.[24] À ce chapitre, la nature de l’infraction convoitée et les méthodes couramment employées pour la commettre peuvent aussi être considérées.[25]

[28]     La Cour suprême rappelle que la ligne de démarcation entre les actes de préparation et la tentative est ténue. Il n’y a aucun critère général qui permette de faire les distinctions précises dans chaque cas. Il s’agit d’une question de circonstances et de jugement fondé sur le bon sens.[26] […]

[29]     Bien que l’imminence de la commission d’un crime puisse contribuer à la qualification d’un crime de tentative et à l’évaluation de la persévérance de l’accusé dans son dessein, elle n’est pas absolument requise pour conclure à une tentative. Il n’est pas nécessaire non plus que les gestes ultimes visant la réalisation du crime soient posés, il suffit qu’il y ait bel et bien un commencement d’exécution.[27]

[30]     Le commencement d’exécution ne constitue pas nécessairement, en soi, un geste illégal, il s’inscrit dans une trame d’événements de nature à démontrer la persistance de l’accusé dans son dessein criminel. Il suffit que les gestes posés démontrent hors de tout doute raisonnable la détermination et l’intention illicite arrêtée de l’accusé d’accomplir le crime.[28] Néanmoins, pour constituer une tentative, il doit cependant y avoir un rapport étroit entre les actes préparatoires et le crime projeté de telle façon que les gestes posés constituent vraiment une étape dans la perpétration du crime lui-même et « des mesures suffisantes en droit pour le perpétrer ».[29]

[31]     Sous réserve que la volte-face d’un accusé soit un des éléments parmi d’autres qui permette de douter de l’intention véritable de l’accusé, une fois franchi le cap du commencement d’exécution du projet illicite, le désistement en soi ne constituera généralement pas une défense.[30] En effet, le législateur veut réprimer la criminalité constituée par la tentative et les risques pour les citoyens du fait des actes de tentative de commettre un crime.

[138]     Tel que le mentionne la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, dans l’arrêt R. v. Goldberg[31]l’actus reus n’a pas besoin d’être le « dernier acte » ni un acte « non équivoque ». Par ailleurs, une fois que la tentative est établie, « il importe peu que le crime n’ait pas été accompli en raison d’une interruption, d’une impossibilité ou d’un changement d’avis ».

Quand un accusé pointe une arme chargée en direction de personnes en leur disant qu’elles vont mourir, il a dépassé le stade de la simple préparation en matière de tentative de meurtre

R. v. Goldberg, 2014 BCCA 313

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[40]        As Gaul J. observed in the case at bar, the Court in Ancio endorsed the principle that the actus reus of attempted murder consists of “some step towards the commission of the offence attempted going beyond mere acts of preparation.” This formulation and its predecessors in the jurisprudence have been the subject of much learned comment, and indeed criticism. Learned authors have proposed a number of tests, or approaches, to the question of what constitutes the actus reus of an attempt – the “equivocality” theory; the notion of remoteness or proximity; the “last act”, “first act”, and “indispensable element” approaches; the “probable desistance” test; whether “substantial steps” were taken; whether the act created some danger to the public; and others. (See, e.g., M. Manning & P. Sankoff, eds., Manning, Mewett & Sankoff - Criminal Law (4th ed., 2009) at 292-299; Kent Roach, Criminal Law (4th ed., 2009) at 122-5; Don Stuart, Canadian Criminal Law: A Treatise (6th ed., 2011) at 694-711; Hamish Stewart, “When Does Fraud Vitiate Consent? A Comment on R. v. Williams” (2004) 49 Crim. L.Q. 144 at 159-64; Randal Marlin, “Attempts and the Criminal Law: Three Problems” (1976) 8 Ott. L. Rev. 518; Nola Garton, “The Actus Reus in Criminal Attempts” (1974) 2 Queens L.J. 183; E. Meehan and J.H. Currie, The Law of Criminal Attempt (2nd ed., 2000) at 105-93; Peter MacKinnon, “Making Sense of Attempts” (1982) 7 Queen’s L.J. 253; Allan Manson, “Recodifying Attempts, Parties and Abandoned Intentions” (1989) 14 Queen’s L.J. 85. On the nature of attempts generally, see also J.H. Beale, “Criminal Attempts” (1903) 16 Harv. L. Rev. 491 and F.B. Sayer, “Criminal Attempts” (1928) 41 Harv. L. Rev. 822 at 843-858.)

[41]        In Canada, however, the Supreme Court has been content to apply the “acts beyond mere preparation” criterion and to leave the question of where to draw the line to the common sense of trial judges. As stated by Le Dain J. for the Court in Deutsch v. The Queen 1986 CanLII 21 (SCC), [1986] 2 S.C.R. 2:

It has been frequently observed that no satisfactory general criterion has been, or can be, formulated for drawing the line between preparation and attempt, and that the application of this distinction to the facts of a particular case must be left to common sense judgment. See, for example, Kelley v. Hart (1934), 1934 CanLII 358 (AB CA), 61 C.C.C. 364, per McGillivray J.A. at p. 370; R. v. Brown1947 CanLII 381 (ON CA), [1947] O.W.N. 419, per Laidlaw J.A. at p. 421; R. v. Cline (1956), 1956 CanLII 150 (ON CA), 115 C.C.C. 18, per Laidlaw J.A. at p. 26; and Haughton v. Smith[1975] A.C. 476per Lord Reid at p. 499. Despite academic appeals for greater clarity and certainty in this area of the law I find myself in essential agreement with this conclusion.

In my opinion the distinction between preparation and attempt is essentially a qualitative one, involving the relationship between the nature and quality of the act in question and the nature of the complete offence, although consideration must necessarily be given, in making that qualitative distinction, to the relative proximity of the act in question to what would have been the completed offence, in terms of time, location and acts under the control of the accused remaining to be accomplished. I find that view to be compatible with what has been said about the actus reus of attempt in this Court and in other Canadian decisions that should be treated as authoritative on this question. [At 22-3; emphasis added.]

Professor Roach (supra, at 124) suggests that “[i]n a practical sense”, mens rea and actus reus do not exist in this context in watertight compartments – i.e., that where the evidence of intent is not strong, the actus reus must be more ‘proximate’ to the act attempted, whereas a more ‘remote’ actus reus may be accepted where there is extremely strong proof of mens rea.

[48]        The parallels between the case at bar and Boudreau are obvious. Here, as in Boudreau, the accused pointed a gun at his victims and told Mr. Walsh to “back up”. According to the testimony accepted by the trial judge, he also said they were going to die that night. Of course, one does not know what would have happened had he not been ‘jumped’ by Mr. Walsh, but the law is clear that attempted murder does not necessarily require an attempt to shoot: see Boudreau at para. 30, citing Cline. It is also trite law that the actus reus need not be the ‘last act’ in the attempt (see, e.g., R. v. James (1971) 1970 CanLII 1073 (ON CA), 2 C.C.C. (2d) 141 (Ont. C.A.) at para. 5; R. v. Burns [1994] 1 S.C.R. 665 at para. 47), nor an ‘unequivocal’ act (see R. v. Sorrell (1978) 1978 CanLII 2388 (ON CA), 41 C.C.C. (2d) 9 (Ont. C.A.) at 23; Cline at 487.) As well, this court has held that once an attempt is established, “it makes no difference whether non-commission was due to interruption, frustration or change of mind”: see R. v. Roberts [1981] B.C.J. No. 1185, citing Regina v. Kosh 1964 CanLII 361 (SK CA), [1965] 1 C.C.C. 230 (Sask. C.A.) at 235.


dimanche 25 mai 2025

Le verdict de culpabilité à une infraction incluse doit être disponible et expliqué au jury lorsqu’il est vraisemblable en regard de la preuve

Joseph c. R., 2018 QCCA 1441

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[19]        Le meurtre au deuxième degré est évidemment inclus dans l’infraction de meurtre au premier degré. Le verdict de culpabilité à une infraction incluse doit être disponible et expliqué au jury lorsqu’il est vraisemblable en regard de la preuve : R. c. Aalders1993 CanLII 99 (CSC)[1993] 2 R.C.S. 482R. c. Sarrazin2011 CSC 54 (CanLII)[2011] 3 R.C.S. 505. Conséquemment, le juge du procès n’a pas nécessairement l’obligation d’instruire le jury à l’égard de toutes les infractions incluses, mais il doit le faire si le verdict est vraisemblable, même s’il contredit la thèse de la défense, puisque le jury peut tirer des inférences différentes de celles qui lui sont proposées : Ménard c. R., 2014 QCCA 877.

[20]        Par ailleurs, à moins qu’il ne s’agisse d’une décision stratégique, l’omission de s’opposer aux directives ne constitue pas, dans tous les cas, une fin de non-recevoir en appel : Barboza-Pena c. R., 2008 QCCA 1133, paragr. 103.

[21]        Enfin, on sait que le complice peut être déclaré coupable d’une infraction incluse même si l’auteur réel est coupable de l’infraction initiale : R. c. Kirkness1990 CanLII 57 (CSC)[1990] 3 R.C.S. 74R. c. Jackson1993 CanLII 53 (CSC)[1993] 4 R.C.S. 573. Ce sera le cas, notamment, lorsque le complice n’aura que la mens rea de l’infraction incluse.

[24]        Il est vrai, en ce qui concerne le tireur, qu’il serait déraisonnable d’envisager un meurtre au deuxième degré. En revanche, dans le cas de l’appelant, la question se pose différemment : même si le tireur a commis un meurtre au premier degré, la question est de savoir si le jury pouvait raisonnablement entretenir un doute raisonnable sur la mens rea d’un meurtre au premier degré. Lorsque la participation à l’infraction de meurtre au premier degré se fait par aide ou encouragement (art. 21(1)b) et c) C.cr.), la poursuite doit prouver que l’accusé a agi ou a omis d’agir avec l’intention d’aider ou d’encourager la perpétration d’un meurtre au premier degré. Il devait donc savoir, au moment de l’aide ou de l’encouragement, que le meurtre était prémédité et serait de propos délibéré : R. c. Briscoe2010 CSC 13 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 411.

[25]        De plus, le jury peut entretenir un doute sur cet aspect, non seulement en raison d’une preuve positive, mais aussi en raison d’une absence de preuve ou d’une carence dans la preuve, d’où la nécessité d’évaluer l’air de vraisemblance (« the air of reality ») aussi à la lumière des faiblesses de la preuve.

Il peut y avoir des infractions moindres et incluses à la tentative de meurtre lorsqu'il y a une particularisation de la modalité de commission du crime

Ramkaran c. R., 2009 QCCA 852

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[65]           Reste la question de savoir si l'appelante peut être reconnue coupable d'une infraction incluse en application du paragraphe 662 (1) C.cr. Dans l'arrêt R. c. Colburne1991 CanLII 3701 (QC CA), [1991] R.J.Q. 1199, notre Cour a analysé les infractions incluses dans celle de tentative de meurtre, lorsque l'acte d'accusation ne particularise pas la commission de l'infraction. La Cour a conclu que les infractions de voies de fait (art. 265 C.cr.), de voies de fait graves (art. 268 C.cr.) et de causer illégalement des lésions corporelles (art. 269 C.cr.) n'étaient pas incluses dans l'infraction de tentative de meurtre. Par ailleurs, lorsque le ministère public précise à l'acte d'accusation la modalité de commission du crime, cela peut permettre de considérer les infractions découlant de cette particularisation : Tousignant c. R., (1960), 1960 CanLII 504 (QC CA), 33 C.R. 234 (C.A.Q.).

[66]           En l'espèce, le ministère public a spécifié à l'acte d'accusation le mode de commission de la tentative de meurtre en alléguant « by stabbing him ». Dans ces circonstances, les infractions de voies de fait graves (art 268 C.cr.), voies de fait infligeant des lésions corporelles (art. 267 C.cr.) et de causer illégalement des lésions corporelles (art. 269 C.cr.) sont incluses dans l'infraction de tentative de meurtre.

lundi 21 avril 2025

Le fait de décharger à plusieurs reprises une arme à feu en direction d'une autre personne peut être suffisant, selon les circonstances de l'affaire, pour inférer l'intention de tuer cette personne même en l'absence d'un mobile précis, d'un complot préexistant ou de menace

Alexandre c. R., 2012 QCCA 935 

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[70]           Ainsi, l'inférence qu’une personne qui décharge une arme à feu en direction de quelqu'un a l'intention de la tuer ne constitue pas toujours une inférence raisonnable. Cela est particulièrement vrai, dit l'appelant, en l'absence d'un complot préexistant, de menaces ou d'un mobile. En pareils cas, la preuve circonstancielle sera généralement insuffisante pour permettre l'inférence d'une intention de causer la mort.

[71]           L'appelant reproche au juge de première instance de ne pas avoir fourni de directives à cet effet aux jurés. Pourtant, dit-il, la preuve révélait que l'accusé n'a prononcé aucune parole durant ou après la fusillade, que le tir provenant de l'arme d’un coaccusé, Gherry Dorsainvil, n’a pas mis la vie de la victime en danger, et qu'aucun des assaillants n'a tenté d'empêcher la victime de quitter les lieux.

[72]           Pourtant, soutient l'appelant, une pareille directive s'imposait car la Couronne a soutenu durant ses plaidoiries que le fait de tirer à bout portant en direction d'une personne démontre qu'on tente de causer sa mort.

[73]           De plus, selon l'appelant, le résumé de la preuve par le juge du procès n'aurait pas été équitable, n'ayant pas comporté une revue de la preuve favorable à la défense. Par exemple, il n'existait aucune preuve de préméditation, de planification, de complot ou d'un mobile et le juge du procès n'aurait pas formulé des directives adéquates à cet égard.

[74]           La Couronne soulève d'emblée que cette question est une question mixte de fait et de droit qui ne figure pas à l'avis d'appel. L'appelant, qui n'a pas présenté de requête pour permission d'appeler comme l'exige l'article 69.5 des Règles de la Cour d'appel du Québec en matière criminelle relativement à un moyen mixte de fait et de droit, serait forclos de plaider cet aspect.

[75]           Je ne partage pas le point de vue de la poursuite sur ce point. De façon générale, une question qui porte sur l'erreur commise par un juge dans ses directives au jury est une question de droit[18]. Une directive du juge du procès au jury n'est pas basée sur des conclusions factuelles. Le juge du procès a pour rôle d'identifier le cadre juridique qui s'applique à la situation, et de proposer ce cadre au jury. C'est au jury qu'il appartiendra de tirer des conclusions quant aux faits de l'affaire, dans le cadre juridique proposé par le juge, pour déterminer si l’accusé est coupable ou non.

[76]           Traitant maintenant du mérite de l'argument de l'appelant, l'appelant a raison d'affirmer que l'intention requise pour l'infraction de tentative de meurtre est une intention spécifique de causer la mort. Une intention moindre n'est pas acceptable, notamment celle prévue pour l'homicide coupable à l'article 229(a)(ii) C.cr. Ainsi, il ne suffit pas qu'un accusé ait « l’intention de causer [à la victime] des lésions corporelles qu’elle sait être de nature à causer sa mort, et qu’il lui est indifférent que la mort s’ensuive ou non »[19].

[77]           Par contre, il est également faux d'affirmer que le fait de décharger à plusieurs reprises une arme à feu en direction d'une autre personne serait insuffisant pour inférer l'intention de tuer cette personne en l'absence d'un mobile précis, d'un complot préexistant ou de menaces. La jurisprudence citée par l'appelant ne lui est d'aucun secours, les circonstances factuelles ayant été différentes de celles de la présente affaire.

[78]           Par ailleurs, le juge du procès n'a pas indiqué au jury que la seule décharge d'une arme suffit à démontrer l'intention de tuer. Il a plutôt invité le jury à tenir compte de toutes les circonstances de la fusillade, et a expliqué que la déduction conforme au bon sens n'est pas automatique. Elle ne s'applique que si l'analyse de tous les éléments de preuve ne soulève aucun doute sur la question de l'intention.

[79]           Le juge a mentionné à plusieurs reprises que le jury devait tenir compte de l'ensemble de la preuve pour déterminer si l'appelant avait l'intention requise. Les directives du juge du procès n'ont pas à être parfaites, et il n'avait pas à insister davantage sur les conséquences probables d'une fusillade.

[80]           De plus, la preuve ne révèle aucunement que l'appelant ne voulait que susciter la peur, infliger des blessures ou se défendre. Il aurait donc été erroné pour le juge du procès de donner des directives en ce sens. La trajectoire des deux tirs de l'appelant ne supporte pas l'hypothèse qu'il aurait délibérément « manqué » la victime, qui n'était pas armée. Il ne l'a pas atteinte, mais il faut considérer que la victime fuyait, bougeait et s'était cachée derrière une colonne. Le coaccusé Dorsainvil a atteint la victime au thorax, et la pourchassait alors qu'elle tentait de sortir du bar. On ne saurait non plus soutenir que Dorsainvil et l'appelant n'ont pas tenté d'empêcher la victime de fuir les lieux. Dans ces circonstances, l'absence de préméditation n'implique pas nécessairement une absence d'intention de tuer la victime.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...