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dimanche 6 avril 2025

Conditions requises pour effectuer validement un prélèvement par écouvillonnage du pénis accessoirement à une arrestation

R. c. Saeed, 2016 CSC 24 

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[73]                          Je vais maintenant examiner les exigences applicables lorsqu’il s’agit d’effectuer un prélèvement par écouvillonnage du pénis accessoirement à une arrestation.

[74]                          Premièrement, comme c’est le cas pour toute fouille accessoire à une arrestation, l’arrestation elle‑même doit être légale. Le prélèvement doit être véritablement accessoire à l’arrestation, en ce sens qu’il doit avoir un lien avec les motifs de l’arrestation et viser un objectif valable. Un tel objectif consistera généralement à préserver ou à découvrir des éléments de preuve (Caslake, par. 19).

[75]                          Deuxièmement, la police doit aussi avoir des motifs raisonnables de croire qu’un prélèvement par écouvillonnage du pénis fournira des éléments de preuve de l’infraction pour laquelle l’accusé a été arrêté. Il ne faut pas confondre ces motifs avec les motifs raisonnables requis pour procéder à l’arrestation. Ils sont indépendants les uns des autres. La réponse à la question de savoir si on a établi l’existence de motifs raisonnables variera selon les faits de chaque affaire. Les facteurs pertinents sont notamment le moment choisi pour procéder à l’arrestation eu égard à l’infraction reprochée, la nature des allégations et la question de savoir si des éléments de preuve indiquent que la substance recherchée a déjà été détruite.

[76]                          À titre d’exemple, la police n’aura généralement pas de motifs raisonnables de procéder à un prélèvement par écouvillonnage du pénis si l’infraction d’ordre sexuel reprochée ne comportait pas de contact entre le pénis du suspect et le plaignant. De même, si le suspect est arrêté plusieurs jours après l’infraction reprochée, la police n’aura probablement pas de motifs raisonnables d’effectuer un tel prélèvement, car la preuve est susceptible de s’être dégradée ou d’avoir été essuyée ou lavée dans l’intervalle.

[77]                          En clair, la démonstration requise pour satisfaire à la norme des motifs raisonnables n’est pas qu’une simple formalité. Le risque de destruction ou de dégradation de l’ADN du plaignant constitue toujours une préoccupation dans un tel contexte. Plus il se sera écoulé de temps entre l’infraction reprochée et le prélèvement, plus il sera difficile pour les policiers d’établir qu’ils ont des motifs raisonnables de croire que le prélèvement fournira des éléments de preuve de l’infraction pour laquelle l’accusé a été arrêté.

[78]                          Enfin, le prélèvement par écouvillonnage du pénis doit être effectué d’une manière non abusive. La police doit avant tout veiller à respecter la vie privée de l’accusé. À cette fin, j’aimerais énoncer un certain nombre de facteurs afin d’aider les policiers à procéder d’une manière non abusive à un tel prélèvement accessoirement à une arrestation :

1.         Le prélèvement par écouvillonnage du pénis devrait, en règle générale, être effectué au poste de police.

2.         Le prélèvement devrait être effectué d’une façon qui protège la santé et la sécurité de toutes les personnes en jeu.

3.         Le prélèvement devrait être autorisé par un agent de police agissant en qualité d’officier supérieur.

4.         L’accusé devrait, peu de temps avant le prélèvement, être informé de la nature de la procédure employée pour le recueillir, du but de celui‑ci et du pouvoir autorisant les policiers à l’exiger.

5.         L’accusé devrait avoir la possibilité d’enlever ses vêtements et d’effectuer le prélèvement lui‑même, et, s’il ne choisit pas cette solution, le prélèvement devrait être effectué ou supervisé par un agent ou un professionnel de la santé qualifié, en ne faisant usage que de la force minimale nécessaire.

6.         Le ou les agents de police chargés du prélèvement devraient être du même sexe que la personne qui y est soumise, à moins que les circonstances ne le permettent absolument pas.

7.         Le nombre de policiers participant au prélèvement devrait se limiter à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

8.         Le prélèvement devrait être effectué dans un endroit privé où personne ne pourra l’observer, sauf les personnes chargées d’y procéder.

9.         Le prélèvement devrait être effectué le plus rapidement possible et de telle manière que la personne ne soit jamais complètement nue.

10.      Un procès‑verbal faisant état des motifs et des modalités d’exécution du prélèvement devrait être dressé.

[79]                          Certains de ces facteurs requièrent davantage d’explications. Comme pour les fouilles à nu, les prélèvements par écouvillonnage du pénis devraient en règle générale être effectués au poste de police. Cette exigence est même plus stricte dans le cas des prélèvements par écouvillonnage du pénis que dans celui des fouilles à nu. Des préoccupations relatives à la sécurité peuvent justifier d’effectuer une fouille à nu sur le terrain pour trouver des armes. Or il est fort peu probable que de telles préoccupations justifient de procéder sur le terrain à un prélèvement par écouvillonnage du pénis. Cependant, je n’exclus pas la possibilité qu’un tel prélèvement puisse être effectué d’une manière non abusive dans un autre lieu approprié, un hôpital par exemple, si des raisons valables le justifient.

[80]                          Les policiers peuvent recourir à la force lorsqu’ils procèdent à un prélèvement par écouvillonnage du pénis accessoirement à une arrestation, mais seulement si la force employée est « nécessaire et proportionné[e] dans les circonstances particulières de l’affaire » (Golden, par. 116). Autrement dit, tout comme pour les fouilles à nu, si l’accusé résiste au prélèvement, les policiers ne peuvent employer que la force minimale nécessaire pour effectuer celui‑ci. Le fait qu’un accusé résiste n’autorise pas les policiers « à recourir à un comportement qui ne respecte pas ou compromet l’intégrité physique et psychologique et la sécurité de cette personne » (Golden, par. 116).

[81]                          En règle générale, avant de procéder au prélèvement, les policiers doivent expliquer à l’accusé la procédure qui sera employée, afin de s’assurer qu’il en comprend la nature et les différentes étapes. Le fait de passer la procédure en revue au préalable avec l’accusé ne peut que contribuer à son déroulement rapide et efficace. Offrir à l’accusé la possibilité d’effectuer lui‑même le prélèvement permet de réduire au minimum le caractère envahissant de l’intervention. Un compte rendu détaillé de la manière dont le prélèvement a été effectué est important pour l’efficacité du contrôle après le fait de telles fouilles (Fearon, par. 82). Et une telle mesure amènera probablement les policiers à se concentrer sur la question de savoir si leur conduite est non abusive (Fearon, par. 82).

[82]                          Ces facteurs obligent les policiers à faire preuve d’une grande prudence lorsqu’ils effectuent un prélèvement par écouvillonnage du pénis et permettront souvent de faire en sorte que celui‑ci soit réalisé de manière non abusive. Ils ne seront toutefois pas déterminants dans tous les cas. Comme l’a fait remarquer la Cour dans Golden, plus l’atteinte à la vie privée de l’accusé sera grande, plus élevé sera le degré de justification requis pour pouvoir procéder à la fouille, et plus serrées seront les contraintes qui s’appliqueront quant à la manière dont celle‑ci pourra être effectuée (par. 87). La même logique vaut en l’espèce. Ma collègue la juge Karakatsanis s’inquiète du fait que le « prélèvement par écouvillonnage génital est encore plus envahissant lorsque la personne qui y est soumise est une femme » (par. 101). Il ne faut pas considérer que les présents motifs décident de la question de savoir si un prélèvement nécessitant l’introduction de quoi que ce soit dans le corps, effectué conformément au pouvoir que la common law confère aux policiers de procéder à une fouille accessoire à l’arrestation, serait non abusif et, partant, conforme à la Charte. Ceux‑ci s’appliquent uniquement aux prélèvements par écouvillonnage génital effectués sur la surface extérieure de la peau.

[83]                          Au fond, la question de savoir si un prélèvement par écouvillonnage effectué sur un pénis accessoirement à une arrestation respecte l’art. 8 dépendra des faits de chaque affaire. Il incombe au ministère public d’établir que la police avait des motifs raisonnables de croire que le prélèvement révélerait les éléments de preuve recherchés et qu’il a été effectué d’une manière non abusive.

jeudi 20 mars 2025

Le médecin qui opère sans le consentement éclairé et explicite du patient s'expose à des accusations de voies de fait

R. c. Park, 1995 CanLII 104 (CSC)

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51               Notre Cour a récemment conclu, à la majorité, dans l'arrêt Dagenais c. Société Radio‑Canada1994 CanLII 39 (CSC)[1994] 3 R.C.S. 835, que la common law doit évoluer d'une manière compatible avec les valeurs de la Charte.  Il s'ensuit que la common law qui régit la mens rea de l'agression sexuelle doit être abordée à la lumière, notamment, de l'art. 15 de la Charte.  Comme c'était le cas dans l'affaire R. c. Lavallee1990 CanLII 95 (CSC)[1990] 1 R.C.S. 852, notre Cour doit s'efforcer de voir à ce que le droit criminel tienne compte des réalités que vivent les femmes, et à ce qu'il ne serve pas à perpétuer la répression et les désavantages historiques.  Le médecin qui opère sans le consentement éclairé et explicite du patient s'expose à des accusations de voies de fait.  Dans de tels cas, est coupable le fait de savoir qu'aucun consentement n'a été communiqué, d'ignorer volontairement ce fait ou de ne pas s'en soucier.  Je ne vois aucune raison de ne pas appliquer une norme identique à l'accusé inculpé d'agression sexuelle.

lundi 10 mars 2025

Guides à l'attention des victimes visant à démystifier le système judiciaire canadien

Faciliter la participation des personnes victimes au processus judiciaire criminel - Mesures d’accompagnement et de protection


Les personnes victimes d’agressions sexuelles ou de violence conjugale face au système de justice pénale : état de situation


Comprendre le  système de justice  pénale canadien : Guide pour les victimes


AMÉLIORER LE SOUTIEN AUX VICTIMES D’ACTES CRIMINELS Rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne


La déclaration de la victime à l’audience  sur la détermination de la peine


Outils et guides d’information de l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes


Personnes victimes d’agression sexuelle et de violences conjugales: Guide des meilleures pratiques en matière d’interrogatoires et de contre-interrogatoires


Commission des libérations conditionnelles du Canada Guide pour les victimes Services d’information


GUIDE D’ACCOMPAGNEMENT SPVM - PROCESSUS DE DÉNONCIATION D’UNE INFRACTION CRIMINELLE DANS UN CONTEXTE DE VIOLENCE CONJUGALE


GUIDE À L'INTENTION DES VICTIMES SI LES MÉDIAS VOUS APPELLENT : AVEC LES MÉDIAS D'ACTES CRIMINELS ET DES SURVIVANTS


*** Note de l'auteur de ce blog: outre cette publication, des liens concernant des ressources spécifiques en lien avec la victime et le droit criminel ont été ajouté dans les sections ''Sites internet pertinents à la pratique du droit criminel'' et ''libellés'', afin de conscientiser les personnes œuvrant dans le système de justice pénale sur l'importance des droits de la victime à l'information, à la participation, à la protection et au dédommagement ***

mardi 4 mars 2025

Le sens du mot consentement est une question de droit et une erreur quant à la portée du consentement n'est pas une défense recevable

R. v. Codina, 2020 ONCA 848

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[100] The meaning to be given to words in a statute is a question of law. For example, the meaning of the word "consent" in the Criminal Code is a question of law. A mistake by an accused as to the meaning of consent is no defence to a charge of assault: see R. v. Barton[2019] S.C.J. No. 332019 SCC 33, at paras. 95-97see also R. v. MacDonald2014 SCC 3 (CanLII)[2014] 1 S.C.R. 37[2014] S.C.J. No. 3, at paras. 54-61R. v. Zora[2020] S.C.J. No. 142020 SCC 14, at para. 114. The appellant purported to advance a mistake of law defence.

L’éjaculation de l'accusé dans la bouche de la victime constitue l’application d’une forme de force à l’endroit de la victime

Blondeau c. R., 2018 QCCA 1250

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[67]      Le juge s’attarde à la fellation. Il estime que le fait de recevoir une fellation n’implique pas généralement pour le bénéficiaire l’emploi d’une force. Donc, « l'emploi de la force intentionnelle doit nécessairement ici caractériser la tentative infructueuse de pénétration de Pierre-François Blondeau sur la banquette arrière du véhicule Jeep ».

[68]      Respectueusement, je ne partage pas cette détermination du juge en ce qui concerne la fellation.

[69]      L’agression sexuelle consiste en des voies de fait, c’est-à-dire l’utilisation intentionnelle de la force, directement ou indirectement contre une personne sans son consentement, commise dans des circonstances de nature sexuelle telle qu’il y a atteinte à l’intégrité de la victime[16]. Ce degré de force requis est minimal, puisqu’un simple toucher peut constituer une agression sexuelle[17].

[70]      Bien que l’appelant ait été passif, selon ses dires, lors de la fellation, l’emploi de la force résulte ici de la relation sexuelle même, alors qu’il y a un contact intentionnel entre l’appelant et la victime[18]. L’éjaculation dans la bouche de la victime constitue également l’application d’une forme de force à l’endroit de la victime[19]. Ces événements se déroulent dans des circonstances de nature sexuelle, plus précisément dans un contexte d’exploitation sexuelle à dimension collective de la jeune victime.

lundi 3 mars 2025

L’interprétation faite du mot « force » employé dans un contexte juridique comprend toute forme d’attouchement

R. c. R.V., 2021 CSC 10

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[51]                          Les articles 151152 et 271 du Code criminel emploient des termes différents pour décrire des actes semblables. Pour établir l’infraction de contacts sexuels visée à l’art. 151, il est nécessaire de prouver que l’accusé a touché un plaignant, et pour établir l’infraction d’incitation à des contacts sexuels visée à l’art. 152, il est nécessaire de prouver que l’accusé a invité, engagé ou incité un plaignant à se toucher ou à toucher un tiers. L’agression sexuelle n’est, quant à elle, pas définie à l’art. 271. Il s’agit plutôt de l’infraction de voies de fait visée au par. 265(1) que le par. 265(2) rend applicable dans des circonstances de nature sexuelle. Se livre à une agression sexuelle quiconque, d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne dans des circonstances de nature sexuelle (Code criminel, al. 265(1)a); R. c. Chase, 1987 CanLII 23 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 293, p. 302; R. c. Ewanchuk, 1999 CanLII 711 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 330, par. 24).

[52]                          Le mot « force » s’entend généralement de la force physique, de la [traduction] « violence ou de la contrainte exercée à l’endroit d’une personne » (R. c. Barton, 2017 ABCA 216, 55 Alta. L.R. (6th) 1, par. 202, conf. par 2019 CSC 33, [2019] 2 R.C.S. 579, citant le Merriam‑Webster Dictionary (en ligne)). Cependant, l’interprétation faite du mot « force » employé dans un contexte juridique comprend toute forme d’attouchement (R. c. Cuerrier, 1998 CanLII 796 (CSC), [1998] 2 R.C.S. 371, par. 10Ewanchuk, par. 23‑25R. c. J.A.2011 CSC 28, [2011] 2 R.C.S. 440, par. 23). En termes simples, bien que les mots « toucher » ou « attouchement » et « force » soient distincts, dans certaines circonstances, notamment celles de l’espèce, ils ont la même signification en droit.

[53]                          Il appert de nombreuses décisions que les directives données sur le droit applicable en matière d’agression sexuelle lorsqu’un accusé est aussi inculpé de contacts sexuels ou d’incitation à des contacts sexuels constituent souvent une source de perplexité et de confusion pour les jurys (voir, p. ex., Tremblay; L.B.C.; J.D.C.S.L.K.D.M.). La question qui se pose dans la présente affaire est de savoir si la juge du procès a correctement expliqué au jury le lien entre les éléments de force et de toucher.

La «force» peut comprendre tout attouchement, quel que soit la force ou la puissance utilisée

R. c. Cuerrier, 1998 CanLII 796 (CSC)

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10                           L’article 265 du Code criminel décrit les éléments généraux qui sous‑tendent toutes les infractions de voies de fait, y compris les voies de fait simples, les voies de fait causant des lésions corporelles, les voies de fait graves, l’agression sexuelle et l’agression sexuelle grave.  L’emploi intentionnel de la force, sans le consentement de la victime, ou la menace d’un tel emploi de la force constituent, comme le précise l’art. 265, l’essence de toutes les formes de voies de fait.  La «force» peut comprendre tout attouchement, quel que soit la force ou la puissance utilisée, et n’est donc pas limitée aux actes physiques destinés à mutiler ou à causer des blessures.  Lorsque l’emploi de la force est consensuel, il n’y a pas de voies de fait (sauf dans des circonstances limitées comme celles expliquées dans l’arrêt R. c. Jobidon1991 CanLII 77 (CSC), [1991] 2 R.C.S. 714, qui ne s’applique pas en l’espèce).  Cependant, dans certaines situations, le par. 265(3) a pour effet de déterminer quand, contrairement aux apparences, aucun consentement n’a été obtenu, écartant ainsi tout moyen de défense fondé sur le consentement.

vendredi 18 octobre 2024

L’expression « l'activité sexuelle » inclut la notion d’identité du partenaire

R. c. Hutchinson, 2014 CSC 19

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[55]                          L’expression « l’activité sexuelle » ne vise pas les conditions ou les caractéristiques de l’acte physique, telles les mesures contraceptives qui sont prises ou la présence de maladies transmissibles sexuellement.  En conséquence, à la première étape de l’analyse relative au consentement, le ministère public doit prouver l’absence d’accord volontaire subjectif à l’acte sexuel physique précis.  Les tromperies rattachables aux conditions ou aux caractéristiques de l’acte physique peuvent vicier le consentement si les éléments constitutifs de l’infraction de fraude prévue à l’al. 265(3)c) du Code criminel sont réunis.

[56]                          Cette approche cadre bien avec le sens ordinaire du par. 273.1(1) et l’économie du Code; de plus, elle ne soulève aucun problème d’incertitude, de surcriminalisation ou d’incompatibilité avec les arrêts Cuerrier et Mabior.

[57]                          À notre avis, l’expression « accord volontaire [. . .] à l’activité sexuelle » englobe en outre tant la nature sexuelle de l’activité (c.‑à‑d. le fait qu’il s’agissait d’un acte de nature sexuelle par opposition à un acte accompli à une autre fin, par exemple un examen médical), que l’identité du partenaire (facteur défini étroitement comme étant l’identité précise d’un partenaire que connaît personnellement le plaignant).  Bien que la question de l’identité et celle de la nature sexuelle de l’acte aient constitué des aspects complexes dans les premières décisions, et bien que, dans l’arrêt Cuerrier, une remarque incidente suggère que ces questions pourraient être examinées à la deuxième étape de l’analyse relative au consentement, soit sous le régime de l’al. 265(3)c), l’approche qu’il convient d’adopter est la suivante : il y a absence d’« accord volontaire [. . .] à l’activité sexuelle » au sens du par. 273.1(1) si le plaignant n’a pas subjectivement consenti à la nature sexuelle de l’acte ou à l’identité précise de son partenaire.  Par conséquent, en cas de croyance erronée du plaignant quant à l’identité de son partenaire ou à la nature sexuelle de l’acte — que cette erreur résulte ou non d’une tromperie —, il n’y a pas eu consentement au sens du par. 273.1(1) du Code criminel.

[58]                          La nature sexuelle de l’acte est un élément expressément inclus comme en témoigne le qualificatif utilisé dans l’expression « l’activité sexuelle » au par. 273.1(1).  Si une personne donne volontairement son accord à une activité non sexuelle (un examen médical par exemple), elle ne consent pas volontairement à une activité sexuelle.  De même, nous sommes d’avis que l’expression « l’activité sexuelle » figurant au par. 273.1(1) devrait inclure la notion d’identité du partenaire, au sens étroit de ce terme; en effet, si la plaignante donne son accord à une activité sexuelle avec A, une personne précise qu’elle connaît personnellement, elle ne consent pas à une activité sexuelle avec B. 

[59]                          Un certain nombre d’anciennes décisions appuient cette interprétation.  Dans R. c. Flattery (1877), 2 Q.B.D. 410 (Cr. Cas. Res.), par exemple, le tribunal a confirmé la déclaration de culpabilité pour viol prononcée contre un homme qui avait eu des rapports sexuels avec une jeune femme en prétendant qu’il s’agissait d’un traitement médical.  La cour a souligné qu’il ne s’agissait pas d’un cas où un homme avait incité sa victime à consentir par la fraude, mais plutôt d’un cas où, comme la victime avait consenti à une intervention chirurgicale — et non à un acte sexuel —, il n’y avait pas eu consentement à une activité sexuelle.

[60]                          De même, dans l’affaire R. c. Dee (1884), 14 L.R. Ir. 468 (Cr. Cas. Res.), une déclaration de culpabilité pour viol a été confirmée dans le cas d’un homme qui avait prétendu être le mari de la victime.  D’affirmer le juge en chef May, [traduction] « [l]’acte qu’elle a autorisé ne peut à bon droit être considéré comme l’acte véritable ayant eu lieu; il y a donc eu, à mon avis, relations sexuelles sans son consentement, et le crime de viol a été établi » (p. 479).

[61]                          Dans Dee, le baron en chef Palles s’est pour sa part exprimé en ces termes :

                         [traduction] . . . un acte accompli par une personne qui croit en toute bonne foi qu’il s’agit d’un acte essentiellement différent ne constitue pas en droit un acte de cette personne.  Nous sommes en présence d’un tel cas — une affaire qui, il n’est guère besoin de le souligner, n’est pas un cas de consentement que l’on veut dans les faits faire déclarer nul pour cause de fraude, mais plutôt une situation où il n’y a jamais eu consentement à ce qui s’est déroulé.  La personne par qui l’acte devait être accompli faisait partie de l’essence même de l’acte.  Le consentement résultant de l’intelligence, le seul consentement connu en droit, valait uniquement pour les actes accomplis par le mari . . . [En italique dans l’original; p. 488.]

[62]                          Dans Clarence, le juge Stephen a reconnu l’existence d’une abondante jurisprudence étayant la thèse selon laquelle les fraudes portant sur l’identité du partenaire ou la nature sexuelle de l’acte vicient le consentement.  Il a toutefois formulé l’observation suivante :

                    [traduction]  Je préfère pour ma part dire que, dans de tels cas, aucun consentement n’a été donné, parce que l’acte auquel il a été consenti n’est pas celui qui a été accompli.  Le consentement à une intervention chirurgicale ou à un examen médical ne constitue pas un consentement à des relations sexuelles ou à un attentat à la pudeur.  La femme qui consent à des relations sexuelles avec son mari ne consent pas à l’adultère.  [p. 44]

[63]                          Plus récemment, dans R. c. G.C.2010 ONCA 451, 266 O.A.C. 299, autorisation d’appel refusée, [2010] 3 R.C.S. v, la Cour d’appel de l’Ontario a adopté cette approche et conclu que, comme la plaignante croyait que le partenaire était son petit ami, alors qu’il s’agissait en fait du frère jumeau identique de ce dernier, il n’y avait eu aucun consentement, au sens de l’art. 273.1 du Code criminel, à « l’activité sexuelle ».  (Voir aussi R. c. O.A.2013 ONCA 581, 310 O.A.C. 305.)

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...