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lundi 15 septembre 2025

Les facteurs pertinents pour évaluer le risque de récidive en matière d'emprisonnement dans la collectivité

R. c. Proulx, 2000 CSC 5

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(i)  Risque de récidive

 

70                              Divers facteurs sont pertinents pour évaluer le risque de récidive.  Dans Brady, précité, aux par. 117 à 127, le juge en chef Fraser de la Cour d’appel de l’Alberta suggère de vérifier si le délinquant a respecté les ordonnances des tribunaux dans le passé et, de manière plus générale, s’il a des antécédents judiciaires tendant à indiquer qu’il ne respectera pas les conditions de son ordonnance de sursis à l’emprisonnement.  Dans Maheu, précité, à la p. 418, Madame le juge Rousseau‑Houle a énuméré certains autres facteurs qui pourraient être pertinents:

 

. . . 1)  la nature de l’infraction, 2) les circonstances pertinentes de celle‑ci, ce qui peut mettre en cause les événements antérieurs et postérieurs, 3) le degré de participation de l’inculpé, 4) la relation de l’inculpé avec la victime, 5) le profil de l’inculpé, c’est‑à‑dire son occupation, son mode de vie, ses antécédents judiciaires, son milieu familial, son état mental, 6) sa conduite postérieurement à la commission de l’infraction, 7) le danger que représente pour la communauté particulièrement visée par l’affaire, la mise en liberté de l’inculpé.

 

71                              Cette liste est fort utile, mais elle ne doit pas être considérée comme exhaustive.  Le risque que pose un délinquant donné pour la collectivité doit être apprécié au cas par cas, selon les faits propres à chaque affaire.  De plus, les facteurs énumérés précédemment ne devraient pas être appliqués de façon mécanique. Comme a conclu le juge en chef Fraser dans Brady, précité, au par. 124:

 


[traduction]  Le fait qu’un délinquant a oublié de comparaître devant le tribunal une fois il y a dix ans ne le rend pas d’office inadmissible à l’octroi du sursis à l’emprisonnement.  Le simple fait de se présenter à son procès ne garantit pas non plus au délinquant l’obtention du sursis.  Le tribunal doit évidemment tenir compte de tous les aspects des manquements antérieurs aux ordonnances des tribunaux, notamment la fréquence des manquements, l’âge et la maturité du délinquant, le temps écoulé depuis les derniers manquements, leur gravité et leurs circonstances.

 

72                              Le risque de récidive devrait aussi être apprécié à la lumière des conditions assortissant l’ordonnance de sursis à l’emprisonnement.  Dans les cas où il y a un certain risque que le délinquant puisse mettre en danger la sécurité de la collectivité, il est possible de réduire ce risque au minimum en assortissant l’ordonnance de conditions appropriées:  voir Wismayer, précité, à la p. 32; Brady, précité, au par. 62Maheu, précité, à la p. 418.  De fait, une telle mesure est envisagée par l’al. 742.3(2)f), qui habilite le tribunal à imposer au délinquant l’obligation d’observer «telles autres conditions raisonnables que le tribunal considère souhaitables [. . .] pour assurer la bonne conduite du délinquant et l’empêcher de commettre de nouveau la même infraction ou de commettre d’autres infractions».  Par exemple, il est possible que le tribunal veuille prononcer, à l’endroit d’un délinquant souffrant d’une dépendance à la drogue, une condamnation à l’emprisonnement avec sursis assortie d’une ordonnance de participation à un programme de traitement, malgré le fait que le délinquant possède de nombreux antécédents judiciaires liés à cette dépendance, dans la mesure toutefois où il estime que les chances de réadaptation sont bonnes et que le degré de surveillance sera suffisant pour assurer l’observation par le délinquant des conditions de son ordonnance de sursis à l’emprisonnement.

Quant à la sécurité de la collectivité en matière d'emprisonnement dans la collectivité, il s’agit essentiellement du risque de récidive

Goyette c. R., 2023 QCCA 1657

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[20]      Jusqu’à récemment, l’emprisonnement dans la collectivité ne pouvait être envisagé lorsque l’infraction était punissable par une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité[17]. L’article 742.1 C.crfut récemment modifié par le Parlement afin de l’élargir à une gamme beaucoup plus importante d’infractions, incluant l’invasion de domicile[18]. Cet article est maintenant ainsi rédigé :

742.1 Le tribunal peut ordonner à toute personne qui a été déclarée coupable d’une infraction de purger sa peine dans la collectivité afin que sa conduite puisse être surveillée — sous réserve des conditions qui lui sont imposées en application de l’article 742.3 —, si elle a été condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans et si les conditions suivantes sont réunies :

742.1 If a person is convicted of an offence and the court imposes a sentence of imprisonment of less than two years, the court may, for the purpose of supervising the offender’s behaviour in the community, order that the offender serve the sentence in the community, subject to the conditions imposed under section 742.3, if

a) le tribunal est convaincu que la mesure ne met pas en danger la sécurité de la collectivité et est conforme à l’objectif essentiel et aux principes énoncés aux articles 718 à 718.2;

(a) the court is satisfied that the service of the sentence in the community would not endanger the safety of the community and would be consistent with the fundamental purpose and principles of sentencing set out in sections 718 to 718.2;

b) aucune peine minimale d’emprisonnement n’est prévue pour l’infraction;

(b) the offence is not an offence punishable by a minimum term of imprisonment;

c) il ne s’agit pas d’une infraction prévue à l’une ou l’autre des dispositions suivantes :

(c) the offence is not an offence under any of the following provisions:

(i) l’article 239 (tentative de meurtre), pour laquelle une peine au titre de l’alinéa 239(1)b) est infligée,

(i) section 239, for which a sentence is imposed under paragraph 239(1)(b) (attempt to commit murder),

(ii) l’article 269.1 (torture),

(ii) section 269.1 (torture), or

(iii) l’article 318 (encouragement au génocide);

d) il ne s’agit pas d’une infraction de terrorisme ni d’une infraction d’organisation criminelle poursuivies par mise en accusation et passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans ou plus.

(iii) section 318 (advocating genocide); and

(d) the offence is not a terrorism offence, or a criminal organization offence, prosecuted by way of indictment, for which the maximum term of imprisonment is 10 years or more.

[21]      Puisque l’infraction en cause dans cet appel ne tombe pas sous les exceptions énoncées aux paragraphes b), c) et d) de l’article 742.1 C.cr. précité, et que la peine d’emprisonnement imposée est de moins de deux ans, le juge pouvait permettre à l’appelant de purger sa peine dans la collectivité s’il était convaincu que cette mesure 1) ne met pas en danger la sécurité de la collectivité; et 2) qu’elle est conforme à l’objectif essentiel et aux principes applicables à la détermination de la peine énoncés aux articles 718 à 718.2 C.cr.  Or, dans ce cas-ci, le juge était convaincu que ni l’une ni l’autre de ces deux conditions n’était satisfaite.

[22]      Quant à la sécurité de la collectivité, il s’agit essentiellement du risque de récidive. À cet égard, deux facteurs doivent être pris en compte : 1) le risque que le délinquant récidive; et 2) la gravité du préjudice susceptible de découler d’une récidive. Si à la lumière de l’ensemble des circonstances, notamment les antécédents judiciaires et le respect passé des ordonnances judiciaires, le juge conclut que le risque de récidive est réel, le délinquant doit être incarcéré[19]. Si, au contraire, le juge estime que ce risque est minime, la gravité du préjudice susceptible de découler d’une récidive doit également être prise en considération[20].

vendredi 5 septembre 2025

Il est impossible de purger un emprisonnement dans la collectivité à l'extérieur du Canada

R. v. Laffin, 2018 QCCA 904

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[22]        There is not much case law directly on this question and the parties submitted none. There is, however, the case of R. v. Goett2012 ABCA 215, from the Court of Appeal of Alberta, apparently known to counsel for the respondent but surprisingly not mentioned in her appeal book. In Goett, the appellant sought to serve a CSO in Texas after pleading guilty to federal income tax offences. Goett, a 71-year old resident of Alberta at the time of the offences, had moved to the United States permanently, apparently seeking treatment for serious medical issues.

[23]        In Goett, the Court wrote at paragraph 14:

[14]      The sentencing judge correctly concluded that an Alberta court has no jurisdiction to order that a conditional sentence be served in Texas. The conditional sentence and Criminal Code procedures which govern it are completely statutory: R v Bailey, 2012 ABCA 165, [2012] AJ No 550. The Criminal Code speaks at length about territorial jurisdiction. It also defines those courts which are empowered under the Code. No foreign court is so identified. Sections 742.5 (1) and (1.1) provide for transfers of conditional sentence orders from one province or territory to another only where the Crown consents. There is no similar provision for the transfer of a conditional sentence to any other jurisdiction. Accordingly, there is no statutory authority to enable a Canadian court to ask a foreign court to administer a sentence imposed in Canada.

[My emphasis]

[24]        I agree. Contrary to the respondent, I fail to see how that finding would have been different if Mr. Goett had arranged to be supervised in Texas. I would add that a CSO requires an efficient method of bringing the offender before the court if he does not comply with the conditions of the order. In the context of an offender being abroad, it is difficult to imagine how this may be achieved other than by relying on the offender to surrender. One must not forget that, though it may result in an order that the offender serve a portion of the unexpired sentence in custody, a breach of a CSO condition is not an offence: s. 742.6 Cr.C. and consequently, extradition is not possible. Moreover, hearings on CSO breaches should be held promptly. Community safety and the administration of the sentence themselves give the matter a sense of urgency: see s. 742.6(10)(11)(13)(14) Cr.C.

[25]        I also rely on this passage from R. v. Greco, (2001) 2001 CanLII 8608 (ON CA), 159 C.C.C. (3d) 146 (C.A. Ont.), at paragraph 14:

[14]      For example, if a probationer commits a breach of the order while abroad and fails or refuses to voluntarily return to Canada, then, absent a right of extradition or some other co-operative arrangement with the foreign state, Canada would likely be powerless to bring the offender to justice. Likewise, if the “offensive conduct” abroad is conduct that the probationer is required to engage in or refrain from under the laws of the foreign state, prosecution in Canada could well constitute an affront to the requirements of inter-national comity and result in our courts declining jurisdiction.

[Internal reference omitted]

[26]        In Greco, it seems that Moldaver J.A. leaves open the possibility of a co‑operative arrangement with a foreign state, something that the Alberta Court of Appeal does not discuss in Goett. I do not need, however, to resolve the issue here because, firstly, there is no evidence of an agreement between Canada and the United States relating to the enforcement of a Canadian CSO and, secondly, it remains “that the principle of the sovereign equality of states generally prohibits extraterritorial application of domestic law”:  R. v. Cook1998 CanLII 802 (SCC), [1998] 2 S.C.R. 597, at para. 26.  Further, given that no offence is committed by a breach of a CSO condition, Canada is even more powerless to bring the offender to justice.

[27]        In sum, absent a statutory authority to enable a Canadian court to ask a foreign court to administer a sentence imposed in Canada and seeing no possibility of enforcement of the CSO, I would allow the appeal and set aside the illegal sentences.

mardi 12 août 2025

Une peine d'emprisonnement dans la collectivité est rarement une peine proportionnelle pour une agression sexuelle comportant des facteurs aggravants

R. v. Maslehati, 2024 BCCA 207

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[105]   In both T.H. and Henry, this Court acknowledged the availability of conditional sentences for adult sexual assault prosecuted by indictment. However, the Court also held that a conditional sentence will rarely constitute a fit sentence for a sexual assault involving aggravating circumstances, such as penile penetration.

[106]   The majority judgment in R.S. took a similar approach to sexual assaults that fall at the “higher end of [the] range” of wrongful conduct:

[4]        … Conditional sentences will rarely, if ever, be proportionate in the context of violent sexual assault cases …

[24]        Parliament’s decision to expand the availability of conditional sentences by repealing s. 742.1(f)(iii) did no more than make conditional sentences available in a wider range of circumstances. It did not have the effect of rendering conditional sentences appropriate or inappropriate in any particular circumstances. Sentencing remains a discretionary decision that courts must make, governed by the parameters established by the Criminal Code.

[25]      … The principles that govern sentencing remain unchanged. It is for the court to craft the appropriate sentence in every case, and the primary consideration for the court is proportionality.

[27]        … Sexual assault is defined in terms of sexual touching without consent, a wide spectrum of conduct that ranges from touching to forced intercourse. It may be that, in some circumstances, a conditional sentence is appropriate for sexual assault at the lowest end of the range of wrongful conduct. But there is no basis to suppose that it is appropriate for sexual assault at the higher end of that range.

[Emphasis added.]

[107]   Before us, the respondent acknowledged this line of authority. Moreover, even though T.H. and Henry both addressed conditional sentences within the context of penile penetration, the respondent accepted that a conditional sentence will also be rarely available for an adult sexual assault with aggravating circumstances that does not involve penile penetration. This was a reasonable concession and jurisprudentially sound.

[108]   However, the respondent stressed that in amending the Criminal Code in 2022, Parliament made a considered choice to reinstate conditional sentences and says that amendment must be given meaningful effect. In support of this argument, he pointed to the following comments of Justice MacKenzie in T.H.:

[60]            I do agree, however, with the Ontario Court of Appeal that although conditional sentences are now available in sexual assault cases, they will rarely be proportionate in violent sexual assault cases (R.S., at para. 4). But at the same time, I also note Justice Paciocco’s statement in his concurring reasons that “[i]t would be an error in principle to hold that conditional sentences are not available in sexual offence cases because denunciation and deterrence are the primary sentencing goals, or based solely on the kind of sexual intrusion that has occurred” (R.S., at para. 78).

[61]            I would emphasize the following observations of the Supreme Court of Canada in Proulx:

116      Sentencing judges will frequently be confronted with situations in which some objectives militate in favour of a conditional sentence, whereas others favour incarceration. In those cases, the trial judge will be called upon to weigh the various objectives in fashioning a fit sentence. …  There is no easy test or formula that the judge can apply in weighing these factors. Much will depend on the good judgment and wisdom of sentencing judges, whom Parliament vested with considerable discretion in making these determinations pursuant to s. 718.3.

[62]            Finally, Justice Paciocco’s comments in R.S., which underscore the punitive nature of conditional sentences, should not be overlooked:

[71]      It is important to appreciate that a conditional sentence is a sentence of imprisonment, albeit one that may be served entirely in the community. It is described as a sentence of imprisonment in s. 742.1 of the Criminal CodeProulx, at para. 29.[3] The punitive impact of a conditional sentence should not be understated, even though an offender may not experience institutional incarceration where a conditional sentence is imposed. Conditional sentences carry significant consequences, and they are punitive, not lenient, and can be as harsh in application as sentences of incarcerationProulx, at para. 41.

Further, the stigma of a conditional sentence with house arrest is also significant (Proulx, at para. 105).

[Emphasis in original.]

[109]   I accept, as did the Court in T.H., that it would be an error in principle for judges to instruct themselves that conditional sentences are not available in adult sexual assault prosecutions by indictment, or that they are precluded for sexual assaults involving a particular form of sexual contact: T.H. at para. 60, citing R.S. at para. 78.

[110]   I also accept that a carefully crafted conditional sentence with punitive conditions can give meaningful effect to the principles of denunciation and deterrence: Wells at para. 35Proulx at para. 41R.S. at para. 71T.H. at para. 62. This law is binding on us.

[111]   Nevertheless, consistent with the approach I have taken to the issue of range, I consider that a judge’s assessment of whether a conditional sentence constitutes a fit sentence for an adult sexual assault with aggravating circumstances must account for society’s better understanding of the harmfulness and the wrongfulness of sexual violence. The principles established in cases such as Proulx specific to the interpretation and application of s. 742.1 of the Criminal Code continue to resonate. However, whether the pre-requisites for a conditional sentence have been met in a case involving sexual assault must be determined within the now-existing jurisprudential context for this offence, as shaped by GoldfinchFriesen, and other of the Supreme Court of Canada’s decisions relevant to development of the law in this area.

[112]   As such, to the extent that K.B. (a decision cited by the judge in this case), suggests that Parliament’s choice to reinstate conditional sentences constitutes a “dramatic change” to the sentencing approach for these offences (at para. 7), it is incorrect. The fact that conditional sentences are once again available is a “dramatic change”, but only in the sense that they had not been available as a sentencing option for quite some time, and they now are. I agree with the majority comments in R.S. that notwithstanding the 2022 amendment, the principles that govern sentencing for sexual assault remain “unchanged”: at para. 25. Those principles, including denunciation, deterrence, and proportionality, must now be assessed with the guidance provided by Goldfinch and Friesen and the new-found emphasis on the harmfulness and the wrongfulness of sexual violence.

[113]   In my view, in this context, a conditional sentence will generally not constitute a fit sentence for the kind of offence at issue in this appeal without a factual finding of diminished moral blameworthiness or compelling mitigation. See, for example, R. v. M.K.M.2024 BCSC 575 at paras. 79–82.

[114]   Principally, this is because without either of those findings, a penitentiary term of at least two years’ imprisonment will generally be required in a prosecution by indictment with aggravating circumstances, even for a first-time offender. Accordingly, s. 742.1 is removed from consideration.

[115]   Secondly, even where imprisonment of less than two years is imposed, an absence of diminished moral blameworthiness or compelling mitigation will generally render a conditional sentence in a case with aggravating circumstances inconsistent with the fundamental purpose and principles of sentencing. Denunciation and deterrence are accepted as paramount in these cases. Proulx recognizes that incarceration usually provides greater denunciation than a conditional sentence: at para. 102. In my view, the need to denunciate sexual violence is “so pressing” that in the absence of diminished moral blameworthiness or compelling mitigation, incarceration is generally required to express society’s condemnation of the conduct: Proulx at para. 106.

[116]   In R. v. Cutfeet2023 MBCA 83, for example, the Manitoba Court of Appeal upheld a decision to reject a conditional sentence for an adult sexual assault in which the offender got into bed with the victim while she was sleeping, pulled her pants and underwear down, and put his hand on her breast: at para. 3. There was neither penile nor digital penetration. Notwithstanding the presence of Gladue factors that justified a sentence of less than two years (14 months’ imprisonment and 12 months’ probation), the sexual assault was found to have involved a “significant violation of the [victim’s] personal and bodily integrity” and had “considerable impact” on her: at para. 19. Mr. Cutfeet was ordered to serve his sentence in a custodial institution.

[117]   Indeed, prior to conditional sentences being removed as a sentencing option for indictable adult sexual assault, this form of sentence was frequently rejected in cases involving a highly intrusive sexual assault and/or other aggravating features, even where the judge imposed a sentence of less than two years’ imprisonment.

[118]   For an example of British Columbia cases, see: R. v. B.S.B.2010 BCCA 40R. v. Kontzamanis2011 BCCA 269; and R. v. Greenhalgh2012 BCCA 236.

[119]   See also Wells from the Supreme Court of Canada, in which the Court upheld a 20-month term of conventional imprisonment in a case involving a sleeping or unconscious 18-year-old victim (vaginal abrasions, but no evidence of penile penetration). In R. v. R.A.R.2000 SCC 8, that same Court overturned a six-month conditional sentence imposed for a sexual assault involving digital penetration by an employer against a victim in her early twenties, and substituted a one-year custodial term with three years of probation on the basis of aggravating factors, including: an abuse of authority; the violent and demeaning nature of the acts; the vulnerability of the victim; and the harm done to the victim’s career and family life: at para. 31.

[120]   Both of these cases were pre-Friesen and heard as companion cases to Proulx, in which the Court made clear that a conditional sentence can be both denunciatory and deterrent. And yet, that form of sentence was denied.

vendredi 4 juillet 2025

L’emprisonnement dans la collectivité

Casavant c. R., 2025 QCCA 20 

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[84]      Je rappelle que le crime d’agression sexuelle est grave et qu’il interpelle vivement, comme tous les crimes du reste, les objectifs de dénonciation et de dissuasion, mais également les autres objectifs de la peine qui sont énumérés au Code criminel. Dans les circonstances du dossier et afin de répondre aux différents objectifs de la peine, personne ne suggère que l’appelant mérite autre chose qu’une peine de prison; et il recevra une peine de prison.

[85]      La question est de savoir si cette peine peut être purgée dans la collectivité.

[86]      Le dilemme entre ces deux modalités de peine d’emprisonnement a été exposé dans l’arrêt Proulx qui reprenait l’idée exprimée d’une part, par feu le juge Rosenberg, dans l’arrêt R. v. Wismayer (1997), 1997 CanLII 3294 (ON CA), 115 C.C.C. (3d) 18 (C.A.O.) et, d’autre part, par un arrêt anglais. Avec sagesse, on rappelle que l’objectif de la peine d’emprisonnement dans la collectivité est de réduire le nombre de délinquants non dangereux en prison. On y a donc recours pour les délinquants qui autrement se retrouveraient derrière les barreaux, de sorte qu’elle n’est pas appropriée pour les délinquants qui mériteraient un autre type de peine que l’emprisonnement :

[56] Conjugué aux al. 718.2d) et e), l’art. 742.1 met les tribunaux en garde contre l’« extension de l’application » du régime d’emprisonnement avec sursis aux délinquants qui n’auraient autrement pas été emprisonnés (Gagnon, précité, à la p. 2645; McDonald, précité, aux pp. 437 à 439). Comme le dit le juge Rosenberg, dans Wismayer, précité, à la p. 42:

[TRADUCTION] L’objectif du législateur de réduire le nombre de délinquants non violents détenus en prison et d’accroître le recours aux sanctions communautaires sera contré si les tribunaux refusent de rendre des ordonnances d’emprisonnement avec sursis à l’égard des infractions qui donnent lieu normalement à des peines d’emprisonnement et n’y recourent que pour les infractions jusqu’ici sanctionnées par des mesures autres que l’emprisonnement.

La réalisation de l’objectif du législateur qui est de réduire le recours à l’emprisonnement pour les délinquants non dangereux pourrait être compromise si des ordonnances de sursis à l’emprisonnement étaient prononcées à tort.

[57] L’expérience des tribunaux anglais dans l’application d’une peine semblable, appelée « suspended sentence » (« conditional sentence » au Canada), illustre bien les préoccupations susmentionnées. Comme l’a expliqué le lord juge en chef Parker, au nom de la Cour d’appel (Division criminelle), dans R. c. O’Keefe (1968), 53 Cr. App. R. 91, aux pp. 94 et 95:

[TRADUCTION] Notre Cour tient à préciser, aussi catégoriquement que possible, qu’une condamnation avec sursis ne doit pas être prononcée lorsque, n’eût été le pouvoir d’infliger cette peine, une ordonnance de probation aurait été la décision appropriée. Après tout, la condamnation avec sursis est une peine d’emprisonnement…

Notre Cour estime donc que, avant de prononcer une condamnation avec sursis, le tribunal doit écarter toute autre sanction possible, comme l’absolution inconditionnelle, l’absolution sous condition, l’ordonnance de probation et l’amende, puis se demander s’il s’agit d’un cas commandant l’emprisonnement et, dans l’affirmative, s’il doit y avoir emprisonnement immédiat ou s’il est possible d’y surseoir?

R. c. Proulx2000 CSC 5 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 61, par. 56-57.

[87]      En clair, l’emprisonnement avec sursis est une peine de prison (d’une durée maximale de deux ans moins un jour, comme le prévoit le Code criminel) et non une « probation renforcée ou sévère ». Il ne faut donc pas se surprendre lorsque le candidat, n’eût été cette mesure, aurait été condamné à l’incarcération.

[88]      Il vaut de rappeler que le législateur a également codifié l’important principe de modération dans le recours à l’emprisonnement, comme le rappelle l’arrêt R. c. Bachou2022 QCCA 1145. Ce principe doit être envisagé à l’égard de tous les délinquants. Le juge Cournoyer, qui écrit pour la Cour, ajoute que « [c]e faisant, le législateur a "positionné l’emprisonnement comme une mesure de dernier recours" » : R. c. Bachou, 2022 QCCA 1145, par. 41, voir aussi 37-43.

[89]      Cela dit, il est vrai que, tant ce principe que l’arrêt Proulx reconnaissent qu’il faut examiner tous les objectifs de la peine et que, parfois, seule l’incarcération est celle qui permet d’atteindre les objectifs de dénonciation et de dissuasion : R. c. Bachou2022 QCCA 1145, par. 43. Voici comment le juge Lamer exprime cette idée dans l’arrêt Proulx :

[114] Lorsque des objectifs punitifs tels que la dénonciation et la dissuasion sont particulièrement pressants, par exemple en présence de circonstances aggravantes, l’incarcération sera généralement la sanction préférable, et ce en dépit du fait que l’emprisonnement avec sursis pourrait également permettre la réalisation d’objectifs correctifs. À l’inverse, selon de la nature des conditions imposées dans l’ordonnance de sursis, la durée de celle‑ci et la situation du délinquant et de la collectivité au sein de laquelle il purgera sa peine, il est possible que l’emprisonnement avec sursis ait un effet dénonciateur et dissuasif suffisant, même dans les cas où les objectifs correctifs présentent moins d’importance.

R. c. Proulx2000 CSC 5 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 61, par. 114 (je souligne).

[90]      Je conviens qu’atteindre l’équilibre n’est pas toujours simple. Après tout, lorsqu’on conclut que le crime mérite une peine de prison, le raisonnement pousse naturellement vers le choix de l’incarcération. Comme le rappelait la Cour suprême, « [l]a détermination d’une peine juste et appropriée est un art délicat » : R. c. M. (C.A.), 1996 CanLII 230 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 500, par. 91.

[91]      D’abord, le juge tombe dans l’erreur évoquée par mon collègue le juge Doyon dans l’arrêt R. c. Lemieux, c’est-à-dire de s’appuyer sur des précédents inadéquats :

[107] D’autre part, il serait tout aussi erroné de déterminer la peine en insistant indûment sur les peines infligées depuis 2007. Il pourrait alors être trop facile de conclure, sur cette base, que les tribunaux imposent l’incarcération dans les cas d’agressions sexuelles. Une telle conclusion pourrait bien être erronée puisque l’emprisonnement avec sursis était prohibé jusqu’à récemment, ce qui ne laissait pas de place à cette alternative à l’incarcération.

R. c. Lemieux2023 QCCA 480, par. 107.

[92]      En effet, les décisions auxquelles le juge fait référence, et reprises plus haut au paragraphe [44], sont des décisions qui ont été prononcées alors que l’emprisonnement dans la collectivité n’était plus autorisé par la loi. En revanche, l’arrêt R. c. M.B.que cite le juge, est rendu à un moment où cette peine était possible. Cependant, les faits de cette affaire sont très éloignés des faits du présent dossier. Dans M.B., l’appelant était médecin de profession. Il avait été condamné pour des infractions sexuelles à l’égard d’enfants et d’une patiente. La Cour y note que « les facteurs aggravants sont par ailleurs particulièrement importants puisque deux chefs d’accusation comportent une atteinte à l’intégrité psychologique de deux jeunes enfants et que toutes les infractions se sont déroulées dans le cadre d’une relation médecin-patiente et ont donné lieu à des abus de confiance » : R. c. M.B.2000 CanLII 11365, par. 62 (C.A.Q.).

[93]      Évidemment, comme l’arrêt Tremblay le souligne, la relation médecin-patient place l’aiguille de l’abus de confiance à un niveau élevé et les agressions sexuelles sur les enfants ne font rien pour diminuer la lourde responsabilité du délinquant démontrée par la preuve.

[94]      Il est vrai que le présent dossier comporte des éléments aggravants, notamment la vulnérabilité de la plaignante, la pénétration vaginale et l’absence de protection. L’appelant a profité du sommeil de la plaignante pour l’agresser. En quelque sorte, ces éléments aggravants font déjà bouger l’aiguille vers la peine d’emprisonnement et en augmentent la durée, par opposition à une peine d’une autre nature ou d’une durée moindre.

[95]      Toutefois, afin d’écarter l’emprisonnement dans la collectivité, le juge s’appuie de manière erronée sur la dissuasion et sur la dénonciation.

[96]      Je rappelle ses propos cités plus haut, au paragraphe [46] des présents motifs, selon lesquels il faut « prioriser la dénonciation et la dissuasion générale afin de lancer un message clair » et que c’est « par une lourde peine que le message portera » afin « que ce genre de crime cesse ».

[97]      Je rappelle d’abord que l’arrêt Proulx reconnaît que la poursuite des objectifs de dénonciation et de dissuasion générale n’est pas un obstacle dirimant à l’emprisonnement avec sursis : R. c. Proulx2000 CSC 5 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 61, par. 102 et 107.

[98]      Plus récemment, la Cour suprême a reconnu, à l’instar de notre Cour, qu’il faut infliger une peine juste et que le fait de l’augmenter uniquement pour atteindre les deux objectifs de dénonciation et de dissuasion est une erreur :

[51] Ainsi, « on ne peut infliger à une personne une peine totalement disproportionnée à la seule fin de dissuader ses concitoyens de désobéir à la loi » (Nur, par. 45). De même, le juge Vauclair affirme avec justesse que « la recherche de l’exemplarité au détriment des éléments de preuve qui démontrent le mérite des objectifs de réhabilitation est incompatible avec le principe d’individualisation » (Lacelle Belec c. R., 2019 QCCA 711, par. 30 (CanLII), citant R. c. Paré2011 QCCA 2047, par. 48 (CanLII), le juge Doyon). La proportionnalité joue un rôle restrictif et, en ce sens, elle est garante d’une peine qui est individualisée, juste et appropriée.

R. c. Bissonnette2022 CSC 23, par. 51R. c. Sylvain-Bourgelas2024 QCCA 486, par. 91.

[99]      La dénonciation des comportements inacceptables débute avec le dépôt des accusations criminelles. Dans la mesure où la société a fermé les yeux devant des comportements de la nature de ceux en cause, ou les a banalisés, on peut affirmer que cette époque est définitivement révolue. La criminalisation des comportements et le stigmate rattaché au procès et à la condamnation participent à la dénonciation. La peine termine l’exercice. Mais à cette étape, il s’agit de punir de façon juste un crime et un délinquant. Seule une peine juste est acceptable. La gravité du crime, les circonstances dans lesquelles il est commis, et le délinquant font inéluctablement varier le résultat et doivent être reconnus.

[100]   Dans l’arrêt V.L., la Cour explique pourquoi les tribunaux ne devraient pas s’investir de la mission de faire cesser le crime. Pour la majorité, j’y écris :

[53] Le système de justice criminelle, dont les tribunaux ne sont qu’une composante, est justement cela, un système. Dans l’accomplissement de sa mission, les composantes du système, organismes gouvernementaux ou initiatives communautaires, collaborent dans leurs interventions sur les problèmes sociaux qui parfois, et malheureusement, se transforment en drames plus graves, trop graves. Chaque composante participe à sa manière à l’effort collectif pour agir, notamment, sur les comportements délinquants et sur l’aide apportée aux victimes. Il a été observé, avec raison selon moi, que l’orientation des tribunaux de juridiction criminelle semblent fondamentalement peu équipés pour intervenir efficacement à l’égard de ce dernier volet : voir Anne-Marie Boisvert, La création d'un tribunal spécialisé en matière de violences sexuelles et de violence conjugale au Québec : vers une meilleure justice?, (2021) 26 Rev. Can. D.P. 269.

[54] Dans l’arrêt Lacelle Bélec, la Cour rappelait qu’il « est évident que le procès criminel et le processus de détermination de la peine ne parviendront jamais à soulager entièrement certaines victimes des souffrances qu’elles ont subies et qu’elles subissent parfois toujours » et « de là l’importance de l’accompagnement et de l’aide mis en place par l’État ou les groupes communautaires qui se réalisent dans un autre contexte qu’une salle de cour » : R. c. Lacelle Belec, 2019 QCCA 711, par. 70-71.

[55] Cela étant dit, la criminalisation d’un comportement, la mise en accusation de la personne délinquante, sa condamnation et l’attribution d’un casier judiciaire participent à la dénonciation et à la dissuasion. Il ne faut pas sous-estimer ces éléments. La punition n'est qu’un des maillons.

[56] La certitude d’être accusé s’avère beaucoup plus dissuasive que la sévérité de la peine elle-même : R. c. Hills, 2023 CSC 2, par. 137. La science sociale ne peut être ignorée à cet égard : R. c. Paré, 2011 QCCA 2047, par. 53; R. c. Brais2016 QCCA 356, par.19-23.

[57] Comme le souligne l’auteure et professeure Anne-Marie Boisvert : « L'infliction de souffrance pour apaiser la souffrance n'est pas nécessairement une stratégie gagnante. Elle est même en contradiction avec elle-même. » : Anne-Marie Boisvert, La création d'un tribunal spécialisé en matière de violences sexuelles et de violence conjugale au Québec : vers une meilleure justice? (2021) 26 Rev. Can. D.P. 269, p. 286 (références omises).

[58] J’ajoute que la juge de la peine saisit mal le propos de la Cour dans l’arrêt Laurendeau. La Cour explique qu’en matière de peine pour des crimes commis dans un contexte de violence conjugale, la peine « doit dénoncer le caractère inacceptable et criminel de la violence conjugale et celui d'accroître la confiance des victimes et du public dans l'administration de la justice » : R. c. Laurendeau, 2007 QCCA 1593, par. 19.

[59] D’abord, comme je l’ai mentionné, il est vrai que l’action et la réponse du système pénal participent à la confiance du public, mais la criminalisation et la mise en accusation sont déjà des signaux importants que la société juge un comportement inacceptable. Le procès et la condamnation sont également des messages importants. Ensuite, il faut replacer ces propos dans le contexte où une absolution conditionnelle était demandée pour Laurendeau. La Cour explique que « si l'absolution conditionnelle n'est pas exclue en principe, elle ne sera indiquée que dans certains cas dont le présent ne fait pas partie » et elle convient plutôt que les circonstances particulières de l’affaire militaient en faveur d'une peine d'emprisonnement : Laurendeau, par. 18-20.

R. c. V.L.2023 QCCA 449, par. 53-59.

[101]   Cela dit, lorsque des personnes vulnérables sont victimes, le législateur a indiqué que les facteurs de dissuasion et de dénonciation doivent recevoir une attention particulière (art. 718.04 C.cr.). Si ce facteur rend plus rares les cas où l’emprisonnement ne sera pas la réponse au crime, il demeure que tous les objectifs doivent être considérés et que la possibilité d’une peine d’emprisonnement dans la collectivité ne peut être écartée.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...