Rechercher sur ce blogue

Aucun message portant le libellé Privilèges. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé Privilèges. Afficher tous les messages

lundi 19 mai 2025

Dès lors que l’information provenant d’une source ou d’un contrôleur de cette source sert à l’obtention d’une autorisation judiciaire utilisée dans le cadre d’une enquête menée contre un accusé, cette information devient pertinente et doit être communiquée

Badaro c. R., 2021 QCCA 1353

Lien vers la décision


[111]   Cela dit, un bref retour sur le contexte procédural entourant le rejet de la requête de l’appelant s’impose aux fins de mieux cerner le véritable enjeu lié à ce moyen d’appel.

[112]   En septembre 2015, l’appelant et des coaccusés présentent une requête de type Garofoli. Ils demandent aussi l’autorisation de contre-interroger l’auteur des déclarations sous serment déposées au soutien de deux demandes d’autorisation judiciaires obtenues par la police. Avant la date prévue pour l’audition de ces requêtes, l’appelant élargit sa demande pour requérir la communication de l’intégralité de toute la documentation produite dans le cadre de ces demandes d’autorisation.

[113]   La juge décide de tenir une audition ex parte pour réviser la partie caviardée de l’information déjà communiquée par la poursuivante. Au terme de son enquête, la juge transmet à l’appelant un résumé judiciaire amendé qui décrit notamment la nature des informations qui doivent demeurer biffées. De plus, après avoir révisé leur contenu, la juge ordonne une seconde communication des déclarations sous serment incluant les parties dont elle autorise le rétablissement. Pour le reste, la juge se dit d’avis « que la version amendée du résumé judiciaire indiqu[ait] suffisamment aux accusés la nature des éléments écartés et permet[tait] de passer à la dernière étape de la procédure Garofoli »[76].

[114]   L’appelant a renoncé à contre-interroger l’affiant comme il le demandait au départ. Il a toutefois maintenu ses demandes d’informations entourant les rapports des sources, de sorte à pouvoir « alimenter de potentielles nouvelles requêtes »[77], le cas échéant.

[115]   Il est maintenant acquis en jurisprudence que le rapport des sources et les notes des contrôleurs de sources font partie du dossier d’enquête des policiers. En principe, ces informations doivent être communiquées à la défense. Notre Cour dans l’arrêt Vaillancourt c. R. a fait sienne la position de la Cour supérieure de justice de l’Ontario[78] sur cette question :

[56]      Notamment, dans l'affaire R. v. McKenzie, la Cour supérieure de justice de l'Ontario écrit en 2016, dans le contexte d'une requête de type Garofoli, que « [t]he state of the jurisprudence on the subject of disclosure of the contents of the "investigative file" against the accused in this context may be fairly described as diverse, evolving and unsettled ». Lors de la conférence préparatoire du 16 juin 2017, l'avocate de l'intimée faisait vraisemblablement référence à l'arrêt R. v. McKay rendu en 2016 par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique qui écrit que : « SDRs [Source Debrief Reports] the affiant has read and relied upon must be disclosed » (dans le cadre d'une requête de type Garofoli). En février 2017, dans R. c. Antoine, la Cour supérieure résume les principes applicables à la communication de la preuve dans le cadre d'une contestation de type Garofoli, indiquant notamment que : « [l]es comptes-rendus des contacts avec l'informateur que le dénonciateur a lus et auxquels il s'est fié doivent être divulgués ».[79]

[Renvois omis]

[116]   En somme, dès lors que l’information provenant d’une source ou d’un contrôleur de cette source sert à l’obtention d’une autorisation judiciaire utilisée dans le cadre d’une enquête menée contre un accusé, cette information devient pertinente et doit être communiquée. Les notes des contrôleurs de sources seront donc qualifiées de pertinentes à la condition d’avoir été communiquées à l’affiant et de faire partie de l’information déposée au soutien de la demande d’autorisation.

[117]   Cette précision s’impose du fait que la requête de l’appelant ratissait large en demandant la communication de toute information, même indirecte, portant sur des personnes ou des faits liés à l’enquête. Or, la poursuivante n’était tenue de communiquer que la preuve pertinente, c’est-à-dire les informations provenant des sources et les notes de leurs contrôleurs remises à l’affiant aux fins de la demande d’autorisation[80], et ce, sous réserve bien entendu d’un privilège pouvant être rattaché à ces mêmes informations.

[118]   La protection accordée à l’identité des indicateurs de police constitue un de ces privilèges susceptibles d’être levés que si son maintien met en péril l’innocence de l’accusé[81].

[119]   Comme je l’ai indiqué précédemment, l’appelant a renoncé à contre‑interroger l’affiant. Il a donc choisi de se priver d’un moyen efficace en mesure d’établir la pertinence de la preuve recherchée par la démonstration d’une possibilité raisonnable d’utiliser les informations caviardées sans quoi son droit à une défense pleine et entière serait compromis[82].

[120]   Plus précisément, concernant la protection des sources, la juge a conclu sur la base d’une preuve demeurée non contredite que la divulgation des notes et des rapports des contrôleurs de sources violerait le privilège relatif aux indicateurs de police :

[48]      Lors du voir-dire, la poursuivante a fait témoigner deux experts, le sergent Alain Belleau et la caporale Caroline Lanctôt, qui ont expliqué les risques importants qu'entraînerait la divulgation des rapports de sources et des notes des contrôleurs de sources pour les indicateurs de police. Ces témoins-experts ont notamment affirmé que la divulgation des rapports de sources et des notes des contrôleurs de sources pouvait mettre en péril la sécurité des indicateurs de police compte tenu de l'utilisation des informations reliées aux sources, par les organisations criminelles. La structure de ces documents pourrait par exemple être révélatrice de l'identité des indicateurs. Or, le privilège relatif aux indicateurs de police protège toute l'information susceptible de révéler, ne serait-ce qu'implicitement, l'identité des sources.

[…]

[50]      Soulignons que la programmation d'algorithmes permet de regrouper d'infimes informations, ce qui rend encore plus sensible la divulgation lorsqu'il s'agit d'informations reliées ou provenant d'indicateurs.[83]

[Soulignement ajouté]

[121]   Et d’ajouter :

[51]      David Badaro n’a pas démontré que la levée de ce privilège était requise pour que son innocence puisse être établie. La preuve au dossier ne révèle aucun « motif de conclure que la divulgation de l’identité de l’indicateur est nécessaire pour démontrer l’innocence de l’accusé ». Rien ne justifie donc de faire exception à l’application de ce privilège en l’espèce.[84]

[Renvoi omis]

[122]   Je souligne au passage que l’appelant n’a pas demandé l’autorisation pour se pourvoir sur une question mixte de droit et de fait de sorte qu’il ne peut contester en appel les déterminations factuelles de la juge. Sa prétention selon laquelle « la preuve ne permettait pas de conclure que la divulgation des documents aurait permis l’identification des indicateurs de police »[85] ne peut donc se vérifier.

[123]   De toute façon, la juge a expressément conclu dans le sens contraire :

[47]      La communication des rapports des sources et des notes des contrôleurs de sources porterait, au contraire, indéniablement atteinte au privilège des indicateurs de police de ce dossier.[86]

[124]   La requête de l’appelant ne visait pas le dévoilement d’informations caviardées pour réfuter une preuve quelconque déjà communiquée par la poursuivante, pour permettre la présentation d’un moyen de défense potentiel ou encore pour décider de l’opportunité ou pas de présenter une preuve[87]. En appel, on ignore toujours en quoi le résumé judiciaire amendé fait par la juge s’avère insuffisant et pourquoi les parties caviardées des déclarations sous serment partiellement rétablies par sa décision ne répondent pas aux attentes de l’appelant.

[125]   Puisque l’appelant n’explique pas en quoi l’information déjà transmise ne contient déjà pas tous les renseignements pertinents inhérents aux sources et à leur contrôleur, il me faut alors conclure que sa procédure voyait plus grand et demandait purement et simplement le dévoilement de l’identité des sources au détriment du privilège relatif aux indicateurs de police.

[126]   La juge a expressément conclu à l’inexistence d’une preuve appuyant un tant soit peu l’idée selon laquelle la levée de ce privilège était requise pour soulever un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’appelant[88].

[127]   La demande de communication des rapports des sources et des notes de ceux qui les contrôlent était manifestement vouée à l’échec tant sur le plan de la pertinence qu’en vertu du privilège entourant l’identité des sources. Pour tout dire, cette demande comportait tous les attributs d’une expédition de pêche à laquelle la juge n’a pas voulu se prêter.

[128]   En résumé, il n’a pas été démontré une possibilité raisonnable que sans la communication de l’information recherchée, le droit de l’appelant à une défense pleine et entière allait être compromis[89]. De plus, le dévoilement de cette information mettait en péril l’anonymat des sources impliquées sans qu’il soit démontré la nécessité d’écarter ce privilège pour permettre à l’appelant de soulever un doute raisonnable à l’égard des accusations portées contre lui.

jeudi 15 mai 2025

Les principes généraux concernant le privilège relatif au litige et sa renonciation

R. v. Alek Minassian, 2020 ONSC 7130

Lien vers la décision


B.   LITIGATION PRIVILEGE

General Principle

[7]               The defence in a criminal trial is free to retain experts and conduct investigations without any general duty to disclose the fruits of such inquiries to the Crown.  An expert opinion obtained by the defence is not subject to disclosure, nor are any of the materials relied upon by the expert in preparing that opinion.

Waiver when expert called to testify

[8]               Notwithstanding the general principles of litigation privilege, where the defence intends to call an expert witness at trial, the Criminal Code requires that notice be given to the Crown 30 days before trial.  Further, if that witness is called to testify, the defence must provide either a copy of the expert’s report (if there is one) or a summary of his or her anticipated evidence not later than the close of the prosecution case.[1]

[9]               These Criminal Code provisions are only minimum requirementsIn addition, it is well accepted in the case law (and not in dispute in this case) that when an expert testifies at trial, disclosure must be made of any material relied upon by the expert in coming to his or her opinion.  As stated by the Supreme Court of Canada in R. v. Stone:

. . . The act of calling of Dr. Janke would certainly constitute waiver of any privilege attached to his report. As noted by McEachern C.J., once a witness takes the stand, he/she can no longer be characterized as offering private advice to a party.  They are offering an opinion for the assistance of the court.  As such, the opposing party must be given access to the foundation of such opinions to test them adequately.  Given the fact that the report would have to have been disclosed after Dr. Janke’s direct examination, the prior disclosure of the report cannot be said to have had any material impact on the outcome of the trial.  Absent the earlier disclosure, the Crown would have been entitled to stand the appellant down before completing its cross‑examination of him, and to recall him once they had been given an opportunity to consider the contents of the report.[2]

[10]           If the expert is relying on information obtained from the accused in coming to his opinion, and has taken notes of those interviews, those notes must be disclosed if the expert testifies.[3]  The defence in this case has already produced the handwritten and typed notes of the interviews done by Dr. Westphall and his co-authors.

Waiver when material used by witness to refresh memory

[11]           Another common manner in which litigation privilege is waived is where a witness (whether expert or not) uses material to which the privilege might otherwise attach in order to refresh his or her memory.

[12]           In R. v. Sachkiw,[4] the accused was charged with refusing to provide a breath sample.  The next day he made notes of his interactions with the police and everything he could recall that had been said.  He did this before consulting legal counsel, but the notes were clearly for the purpose of preserving his memory of the events, in anticipation of the future litigation.  As such, they were found to be protected by litigation privilege.  However, prior to his trial, the accused reviewed his notes for the purpose of refreshing his memory as to the specifics of the events.  After a careful and scholarly analysis, Dawson J. ruled that this constituted a waiver of the privilege and the notes must now be disclosed.  I agree with and adopt that analysis.

mardi 29 avril 2025

Le privilège de l’informateur

Autorité des marchés financiers c. Lacroix, 2022 QCCQ 1698

Lien vers la décision


[17]        Au Canada, la nécessité de protéger les indicateurs de police est reconnue depuis longtemps.

[18]        La Cour suprême dans l’arrêt Basi résume les critères pour que le privilège de l’informateur s’applique :

La question du privilège se pose lorsque, dans le cadre d’une enquête, un policier garantit la protection et la confidentialité d’un indicateur éventuel en échange de renseignements utiles qu’il lui serait difficile ou impossible d’obtenir autrement. On reconnaît depuis longtemps que, lorsque les circonstances le justifient, un marché de ce genre s’avère un outil indispensable pour la détection, la prévention et la répression du crime.[6]

[19]        Récemment, dans Personne désignée c. R., la Cour d’appel du Québec rappelle que la Cour suprême a maintes fois exprimé l’importance de l’indicateur pour la police et le système de justice pénale en aidant les enquêtes criminelles, l’arrestation des délinquants, ce qui favorise le maintien de l’ordre public[7].

[20]        Elle ajoute au sujet de l’importance du privilège :

[86] L’importance du privilège relatif aux indicateurs de police se traduit par la protection absolue de son identité. Il s’agit d’une règle adoptée afin d’atteindre deux objectifs interreliés, soit de protéger la sécurité de la source et d’encourager d’autres personnes à communiquer des informations aux autorités : R. c. Leipert1997 CanLII 367 (CSC)[1997] 1 R.C.S. 281, par. 9 ; R. c. Barros2011 CSC 51 (CanLII)[2011] 3 R.C.S. 368, par. 28R. c. Durham Regional Crime Stoppers Inc., 2017 CSC 45 (CanLII)[2017] 2 R.C.S. 157, par. 11-12.[8]

 

[21]        Dans l’arrêt Bisaillon c. Keable, le juge Beetz écrivait :

Le principe confère en effet à l'agent de la paix le pouvoir de promettre explicitement ou implicitement le secret à ses indicateurs, avec la garantie sanctionnée par la loi que cette promesse sera tenue même en cour, et de recueillir en contrepartie de cette promesse, des renseignements sans lesquels il lui serait extrêmement difficile d'exercer ses fonctions et de faire respecter le droit criminel.[9]

[22]        Le privilège interdit non seulement à l’État de divulguer l’identité de l’informateur, mais également toute information qui pourrait permettre de l’identifier[10]. En ce sens, le privilège est très large. Il n’inclut toutefois pas les renseignements fournis par l’informateur, qui doivent être divulgués à la défense.

[23]        Le privilège de l’indicateur de police ne souffre que d’une exception, soit celle visant à démontrer l’innocence de l’accusé[11]. Ainsi, « ni le droit à la divulgation de la preuve ni le droit de présenter une défense pleine et entière ne permettent de l’écarter »[12].

[24]        Le privilège appartient conjointement à l’État et à l’informateur de sorte que ni l’un ni l’autre ne peut y renoncer unilatéralement[13].

[25]        Toutefois, dans certaines circonstances, une personne qui a acquis le statut d’informateur de police et reçu l’assurance de la confidentialité de son identité peut perdre ce privilège. Si dans le cours de sa collaboration avec la police, la personne devient agent double ou agent provocateur, c’est-à-dire un agent civil d’infiltration qui agit sous les directives de la police, son identité pourra être révélée à l’accusé ou au défendeur.

[26]        Dans l’arrêt Barros, le juge Binnie mentionne :

Aucune protection n’est accordée à la « source » dont la conduite va au‑delà de la fourniture de renseignements et qui agit comme « agent provocateur » ou n’est par ailleurs un témoin important du crime.  L’agent provocateur et le témoin important ont tous les deux une part active dans toute enquête et procédure criminelle, et leur rôle ne se borne pas au simple fait de donner un « tuyau » à la police.  À partir du moment où l’indicateur se rend sur le « terrain » et se met à agir comme un agent de la police, le privilège relatif aux indicateurs de police, qui empêcherait la divulgation de son identité, cesse de s’appliquer à l’égard des événements dans le cadre desquels il agit comme agent : R. c. Broyles, 1991 CanLII 15 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 595, p. 607‑609; R. c. Davies (1982), 1982 CanLII 3809 (ON CA), 1 C.C.C. (3d) 299 (C.A. Ont.), p. 303; R. c. Babes (2000), 2000 CanLII 16820 (ON CA), 146 C.C.C. (3d) 465 (C.A. Ont.).[14]

[27]        Dans l’arrêt R. v. G.B., la Cour d’appel de l’Ontario fait la distinction entre l’informateur confidentiel et l’agent provocateur :

In general terms, the distinction between an informer and an agent is that an informer merely furnishes information to the police and an agent acts on the direction of the police and goes "into the field" to participate in the illegal transaction in some way. The identity of an informer is protected by a strong privilege and, accordingly, is not disclosable, subject to the innocence at stake exception. The identity of an agent is disclosable.[15]

[28]        Dans l’arrêt R. v. N.Y., elle ajoute :

A confidential informant is a voluntary source of information to police or security authorities and is often paid for that information, but does not act at the direction of the state to go to certain places or to do certain things. A state agent does act at the direction of the police or security authorities and, too, is often paid. The state agent knows that if charges are laid, his or her identity may be disclosed to the defence and that he or she may be required to testify. A major distinction is that a confidential informant is entitled to confidentiality (subject to innocence at stake considerations) and may not be compelled to testify – protections that are vital to the individuals who provide such information, as they often put their lives on the line to provide information that may be vital to state security. A state agent is not afforded such a shield.[16]

[29]        Selon la jurisprudence, la différence entre un informateur de police et un agent provocateur tient essentiellement au fait que l’agent agit sous la direction de la police dans sa participation active à l’enquête alors que l’informateur lui fournit des informations de son propre chef.

[30]        Dans Personne désignée c. R., la Cour d’appel ajoutait ceci au sujet des activités de l’informateur de police et des circonstances dans lesquelles il conserve son privilège :

[88] L’utilisation d’indicateurs est un compromis accepté pour assurer l’efficacité des enquêtes criminelles et l’arrestation des délinquants. Un compromis, car l’informateur n’a pas toujours les mains propres. Il n’est pas rare qu’un informateur soit une personne impliquée dans le milieu criminel et connue des policiers, d’où la sensibilité des ententes avec ces personnes.

[89]           Un informateur peut contrevenir à la loi, à l’éthique ou la morale en divulguant des informations à la police. Cela n’affecte pas le privilège d’indicateur : Solliciteur général du Canada, et al. c. Commission royale (dossiers de santé)1981 CanLII 33 (CSC), [1981] 2 R.C.S. 494.

[90]           Dans ce dernier arrêt, le juge Martland reprenait les propos d’un arrêt anglais pour souligner que la conduite de l’informateur n’est pas déterminante. Le juge Martland poursuit en expliquant que « la règle peut jouer en faveur aussi bien de l’indicateur de police menteur ou malveillant ou vindicatif ou intéressé ou même dément que de celui qui apporte des renseignements par un sens idéaliste de son devoir civil. L’expérience semble démontrer que malgré la possibilité d’abus de l’immunité contre divulgation qui en résulte, il est dans l’intérêt public de respecter, de façon générale, cette immunité » : Solliciteur général du Canada, et al. c. Commission royale (dossiers de santé)1981 CanLII 33 (CSC), [1981] 2 R.C.S. 494, 538, citant l’arrêt D. v. National Society for the Prevention of Cruelty to Children[1978] A.C. 171, à la p. 233.

[91]           Dans l’arrêt Hiscock, le juge LeBel, alors à notre Cour, soulignait ce dernier arrêt et, à propos de l’informateur, il notait que :

L’informateur joue un rôle souvent important, parfois même essentiel, dans l’action policière et l’application des lois criminelles. Son action se situe à l'occasion dans des marges fort grises. L'on tolère apparemment, dans l'intérêt d'une meilleure application de la justice, la commission de certains actes criminels. L'on permet à l'informateur de réaliser des profits personnels. Son identité est protégée même lorsqu'il pose des actes illégaux ou délictueux, comme l'a conclu la Cour suprême du Canada dans l'affaire Re Health Records. L'on notera cependant qu'il s'agissait toujours d'actes délictueux commis pour les fins du service de l'État. Dans l'affaire Re Health Records, il s'agissait d'informations recueillies par la police, auprès de médecins ou d'employés d'hôpitaux de l'Ontario, en violation des obligations de ces personnes à leur secret professionnel. L'informateur de police s'était certes mal conduit. Cependant, il n'était pas sorti de son rôle. Les informations étaient recueillies illégalement, mais en vue de l'objectif général de l'application des lois, même si celle-ci impliquait des actes que le droit ou, à tout le moins, la morale, réprouverait.

R. c. Hiscock1992 CanLII 2959[1992] R.J.Q. 895, p. 911-912.

[92]           Le juge LeBel exposait ensuite les limites évidentes du privilège en rappelant que :

Le privilège de l'informateur ne saurait être interprété et appliqué pour accorder une licence de commettre des actes criminels dans le seul intérêt du prévenu. Il est de nature à couvrir des actes illégaux, voire même criminels, pourvu qu'il demeure orienté vers la fonction de mise en application des lois. Si l'on acceptait l'argument des appelants, le privilège que l'on invoque se trouverait complètement détourné de sa finalité, puisqu'utilisé pour une fin et des intérêts contraires à ceux qui le justifient dans le droit public canadien. […]

R. c. Hiscock1992 CanLII 2959 , [1992] R.J.Q. 895, p. 912.

[93]           À son tour, en 2017, citant l’arrêt Hiscock, le juge Moldaver, écrivant pour la Cour suprême, rappelait que « l’action de l’indicateur se situe souvent dans des marges grises sur le plan moral et que des individus qui commettent des actes répréhensibles pour fournir des informations à la police peuvent malgré tout avoir droit au privilège relatif aux indicateurs de police » : R. c. Durham Regional Crime Stoppers Inc.2017 CSC 45 (CanLII), [2017] 2 R.C.S. 157, par. 19.

[31]        À la suite de ce long passage illustrant les circonstances dans lesquelles le privilège doit être maintenu, le Tribunal procède à l’analyse de la preuve en ayant à l’esprit qu’elle établit que la personne qui a communiqué des informations à l’AMF n’a ni renoncé à son privilège, ni accepté de devenir un agent provocateur, qu’il n’a eu aucun échange avec les défendeurs et qu’il n’a commis aucune action illégale.

dimanche 30 mars 2025

Le compte d'honoraire de l'avocat est présumé être privilégié & l'exception du crime

Maranda c. Richer, 2003 CSC 67

Lien vers la décision


33                              En droit, lorsqu’il s’agit d’autoriser une perquisition dans un cabinet d’avocats, le fait même du montant des honoraires doit être considéré comme un élément d’information protégé, en règle générale, par le privilège avocat-client.  Sans pour autant entraîner la création d’une catégorie nouvelle d’informations privilégiées, une telle présomption apportera une précision nécessaire aux méthodes de mise en application du privilège avocat-client, qui se situe dans les privilèges génériques, comme on se le rappellera.  En raison des difficultés inhérentes à l’appréciation de la neutralité des informations contenues dans les comptes d’avocats et de l’importance des valeurs constitutionnelles que mettrait en danger leur communication, la reconnaissance d’une présomption voulant que ces informations se situent prima facie dans la catégorie privilégiée assure mieux la réalisation des objectifs de ce privilège établi de longue date.  Elle respecte aussi cette volonté de réduire au minimum les atteintes au privilège avocat-client, que notre Cour exprimait encore récemment avec force dans l’arrêt McClure, précité, par. 4-5.


34                              Ainsi, lorsque le ministère public estimera que la communication de cette information ne porterait aucune atteinte à la confidentialité de la relation, il lui appartiendra de l’alléguer de manière suffisante dans sa demande d’autorisation d’un mandat de saisie et de perquisition.  Le juge devra s’en assurer par un examen attentif de la demande, sous réserve de la révision éventuelle de sa décision.  Par ailleurs, certaines informations demeureront accessibles à partir d’autres sources, comme la banque du client qui conserverait les chèques ou documents constatant le paiement de comptes d’honoraires.  En principe, toutefois, on ne pourra forcer l’avocat à fournir cette information dans une enquête ou lors de la présentation de la preuve contre son client.  Dans le présent dossier, le ministère public n’a ni allégué ni démontré que la communication du montant des comptes d’honoraires de Me Maranda ne porterait pas atteinte au privilège qui protégeait sa relation professionnelle avec M. Charron.  Ces informations devaient alors demeurer confidentielles comme l’a décidé le premier juge.

 

3.     L’exception de crime

35                              Comme dernier motif pour justifier la communication du montant des honoraires et débours de l’avocat dans ce dossier, la Cour d’appel a invoqué l’application de l’exception de crime.  Ce motif surprend et n’aurait pas dû être soulevé en appel.  Le dénonciateur n’avait pas allégué cette exception. Le ministère public ne l’a pas plaidée en Cour supérieure.  Contrairement à l’opinion de la Cour d’appel, il est difficile de trouver dans l’affidavit soumis par le dénonciateur au soutien de la demande d’autorisation, les éléments d’information justifiant l’application de cette exception.  Pour y parvenir, il faudrait conclure que cette exception s’applique dès qu’un avocat est consulté par un client au sujet d’une infraction du même type que celle visée par les dispositions de l’art. 462.31 C. cr., relatives à des biens dits infractionnels.  En l’espèce, l’affidavit ne prétend certes pas que Me Maranda aurait été lié de quelque manière aux actes dont on voulait accuser son client.

36                              La jurisprudence reconnaît l’existence de cette exception (voir Amadzadegan-Shamirzadi c. Polak, 1991 CanLII 3002 (QC CA), [1991] R.J.Q. 1839 (C.A.)).  Son régime juridique, tant au stade d’une mesure d’enquête comme une perquisition qu’au procès, mériterait un examen attentif.  Celui-ci ne se justifierait pas dans le présent dossier où il suffit de constater que les allégations et faits nécessaires pour y recourir faisaient défaut.  Sur ce point, donc, aussi, le pourvoi est bien fondé.

37                              Malgré les circonstances dans lesquelles le juge de première instance a décidé de demeurer saisi de cette affaire, ses conclusions me paraissent conformes à l’orientation générale de la jurisprudence de notre Cour.  Celle-ci demeure soucieuse de protéger le secret professionnel de l’avocat, qui joue un rôle fondamental dans la conduite de la justice pénale.  La confidentialité des rapports entre l’avocat et son client demeure essentielle à la conduite de la justice pénale et à la protection des droits constitutionnels des accusés.  Il importe d’éviter que le cabinet de l’avocat, tenu conformément à des normes déontologiques strictes, devienne un dépôt d’archives au service de la poursuite.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La différence entre le mobile et l'intention

R. v. Darnley, 2020 ONCA 179 Lien vers la décision [ 46 ]        Historically, courts have used the term “motive” when describing this purpo...