Rechercher sur ce blogue

Aucun message portant le libellé Code criminel - Article 487. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé Code criminel - Article 487. Afficher tous les messages

lundi 19 mai 2025

Revue de la jurisprudence quant aux « motifs raisonnables de croire », la « preuve touchant la commission d’une infraction », le rôle de l'affiant et le rôle des juges autorisateur et réviseur

Abedi-Sarvestani c. R., 2025 QCCQ 1105 

Lien vers la décision


Signification des termes « motifs raisonnables de croire » (MRC)

[165]   L’expression « motifs raisonnables et probables de croire » fait référence à un fardeau de persuasion qui se situe au-delà du simple soupçon et en deçà de la prépondérance des probabilités.

[166]   Mon collègue le juge Galiatsatos résume la jurisprudence pertinente à ce sujet en ces termes [54] :

« [traduction]

[168] Bien qu’un simple soupçon ne suffise pas, la Cour suprême du Canada a décidé dans l’arrêt R. c. Storrey que l’information n’a pas à constituer une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité 83En fait, les cours d’appels ont décrit la norme comme n’étant ni élevée ni trop sévère84.

[169]   De plus, dans l’arrêt Mugesera c. Canada, la Cour suprême a ajouté que la norme des motifs raisonnables exigeait moins que la prépondérance des probabilités applicable en matière civile 85.

 

[170]     Dans le même ordre d’idées, dans l’arrêt R. v. Loewen, la Cour d’appel de l’Alberta a précisé qu’une croyance peut être « raisonnable » même si l’existence des faits n’est pas probable; le mot « raisonnable » se rapporte donc à des attentes légitimes qu’un fait, sans qu’il soit nécessaire de dire si cela est « plus probable qu’improbable »86. Plus récemment, dans l’arrêt R. vHa, le même tribunal a réitéré que les « motifs raisonnables » constituent une norme moins élevée que celle de la « prépondérance des probabilités »87, une opinion partagée par la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’arrêt R. v. Shinkewski88, par la Cour d’appel de l’Ontario dans les arrêts R. v. Jacobson89 et R. v. Sadikov90 ainsi que par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans les arrêts R. v. Spence91R. v. Jir92R. v. Henareh93 et R. v. Glendinning94. »

[Références omises]

[Nos soulignements]

 

Signification des termes « preuve touchant la commission d’une infraction », utilisés au paragraphe 487 (1) b) C.cr.

[167]   Dans l’arrêt CanadianOxy Chemicals LTD[55], la Cour suprême indique que l’expression « preuve touchant la commission d’une infraction » doit recevoir une interprétation large, fondée sur l’objet visé par l’article 487 C.cr.

[168]   Ces termes incluent tout ce qui est lié ou logiquement lié à l’incident sur lequel porte l’enquête, les parties impliquées et leur culpabilité potentielle.

[169]   Plus récemment, les auteurs Hasan et coll.[56] ont défini ces termes comme suit :

« [traduction]

Les choses peuvent être « logiquement liées à l’incident sur lequel porte l’enquête » et peuvent donc « fournir une preuve touchant la commission de l’infraction », même si elles ne tendent pas à incriminer un suspect ou à établir qu’une infraction a été commise. Le mot « preuve » dans ce contexte inclut les choses qui révèlent les circonstances entourant l’incident sur lequel porte l’enquête, identifient les personnes impliquées dans cet incident ou témoins de celui-ci, font la lumière sur des motifs ou des intentions possibles et élucident, soutiennent ou encore infirment d’éventuelles défenses. »

[Nos soulignements]

 

[170]   Par conséquent, la Cour doit garder à l’esprit qu’un mandat de perquisition est un outil d’enquête conçu pour s’assurer que tous les renseignements et éléments de preuve pertinents sont trouvés et conservés le plus rapidement possible.

[171]   Au commencement d’une enquête relative à un crime donné, plus d’un suspect peuvent être identifiés. Les moyens d’enquête à la disposition des policiers visent à leur permettre de mener légalement leur investigation dans le but de solutionner ce crime. Les différents fardeaux applicables à l’obtention d’autorisations judiciaires ont été établis afin d’assurer un équilibre entre l’intérêt qu’a la société en la résolution du crime et la protection des citoyens contre des intrusions étatiques injustifiées[57].

 

Article 11 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (« LRCDAS »)

[172]   Compte tenu du fait que les cinq mandats de perquisitions (R-8 à R-12) ont été délivrés en vertu du paragraphe 11 (1) de la LRCDAS, il apparaît pertinent de référer à celui-ci :

Mandat de perquisition

11 (1) Le juge de paix qui, sur demande ex parte, est convaincu sur la foi d’une dénonciation faite sous serment qu’il existe des motifs raisonnables de croire à la présence, en un lieu, d’un ou de plusieurs des articles énumérés ci-dessous peut délivrer à un agent de la paix un mandat l’autorisant, à tout moment, à perquisitionner en ce lieu et à les y saisir :

a) une substance désignée ou un précurseur ayant donné lieu à une infraction à la présente loi;

b) une chose qui contient ou recèle une substance désignée ou un précurseur visé à l’alinéa a);

c) un bien infractionnel;

d) une chose qui servira de preuve relativement à une infraction à la présente loi ou, dans les cas où elle découle en tout ou en partie d’une contravention à la présente loi, à une infraction prévue aux articles 354 ou 462.31 du Code criminel.

[Nos soulignements]

 

Le rôle de l’affiant

[173]   La Cour suprême a notamment défini le rôle de l’affiant dans les arrêts Araujo[58] et Morelli[59].

[174]   Ce dernier a l'obligation juridique d'exposer les faits pertinents à la demande d’autorisation de façon complète et sincère.

[175]   Pour satisfaire à cette obligation, l’affiant n’a pas à soumettre un affidavit long et volumineux, référant aux moindres détails de l’enquête. La clarté et la concision sont de mise.

[176]   L’affiant ne peut toutefois faire volontairement fit de certains faits pertinents dans le but de faciliter l’obtention de l’autorisation recherchée.

[177]   Ainsi, afin d’être complet, l’affidavit doit contenir tous les faits pouvant avoir une incidence sur l’appréciation de la suffisance des motifs au soutien de l’autorisation.

[178]   L’affiant doit également présenter la situation de manière franche et honnête, c’est-à-dire sans omettre stratégiquement certains éléments ni recourir à des tournures de phrase pouvant induire le juge autorisateur en erreur. Rappelons que l’affiant présente les motifs au soutien de sa demande sous la forme d’une déclaration sous serment, laquelle a la même valeur et la même signification que celle faite en salle d’audience. L’affiant doit donc aborder la rédaction de son affidavit animé du même engagement de dire la vérité.

[179]   Dans la mesure où l’affidavit satisfait à ce qui précède, l’affiant bénéficie d’une certaine souplesse dans son style de rédaction.

[180]   Il peut, par exemple, choisir de résumer les informations apparaissant à un document afin d’en faire ressortir les éléments pertinents à la demande plutôt que de le reprendre dans son intégralité. Il s’agit même d’une approche à préconiser[60].

[181]   L’affiant peut également recourir à des « remarques », indiquant le lien qu’il cherche à établir entre deux éléments de preuve dans le but de faciliter la compréhension pour le juge autorisateur.

[182]   L’utilisation de verbiage inutile et de formules préfabriquées sont toutefois à éviter. Ils n’apportent généralement rien d’utile, rendent la lecture fastidieuse et sont susceptibles de créer de la confusion.

[183]   Par ailleurs, de l’avis du Tribunal, l’affiant devrait prendre l’habitude d’articuler sa pensée, afin d’exposer clairement les raisons pour lesquelles il estime que l’autorisation devrait être octroyée, plutôt que de laisser le soin au juge autorisateur de les deviner. Après tout, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément ».

[184]   Finalement, en plus des obligations juridiques susmentionnées, l’affiant a la responsabilité de documenter avec minutie la provenance des informations dont il a pris connaissance au cours de la rédaction des dénonciations au soutien des demandes d’autorisations judiciaires[61]. Ce qui exige rigueur et discipline.

 

Le rôle du juge autorisateur

[185]   La Cour suprême a défini le rôle du juge saisi d’une demande d’autorisation de la manière suivante :

« [29] […] Le juge saisi d’une demande d’autorisation doit examiner attentivement l’affidavit sachant que des droits constitutionnels sont en jeu et déterminer, à l’issue d’un examen minutieux, si la police a satisfait à l’exigence. Tout cela est effectué dans le cadre d’une procédure où certaines mesures sont autorisées ex parte. Le juge saisi d’une demande d’autorisation joue donc un rôle de gardien du droit et des principes constitutionnels qui protègent le droit à la vie privée. Il ne doit pas se contenter d’approuver la demande machinalement; il lui incombe de scruter les documents que lui présente le requérant. […] Il ne devrait accorder l’autorisation que dans la mesure où sa nécessité est établie dans les documents présentés à l’appui de la demande[62]. »

[Nos soulignements]

[186]   La présomption de validité implique que, lorsqu’un juge autorisateur signe une autorisation, on présume qu’il a rempli son rôle tel qu’il est défini ci-dessus.

[187]   Pour ce motif, quiconque conteste la validité d’une autorisation supporte le fardeau, selon la prépondérance des probabilités, d’en prouver l’invalidité.

 

Le rôle du juge réviseur

[188]   Le juge réviseur ne substitue pas son opinion à celle du juge autorisateur. Il doit faire preuve d’une grande déférence à l’égard de ce dernier, notamment lorsque comme en l’espèce les dénonciations ne font l’objet d’aucun caviardage, mise à part la plaque d’immatriculation d’un tiers innocent.

[189]   Le juge réviseur peut être amené à effectuer un exercice d’excision ou d’amplification s’il est démontré que l’affiant, au moment de la demande, savait ou aurait dû savoir que certains renseignements étaient inexacts, imprécis, trompeurs, faux ou manquants.

[190]   Une fois cette opération d’excision ou d’amplification terminée, le juge réviseur détermine si les renseignements révisés contiennent des éléments de preuve fiables et suffisants auxquels il est raisonnable de croire et en vertu desquels l’autorisation pouvait être délivrée.

[191]   Pour ce faire, il procède à une analyse globale et contextuelle de tous les renseignements contenus à la dénonciation. Le juge réviseur, tout comme le juge autorisateur, peut tirer des inférences raisonnables des éléments exposés à la dénonciation.

[192]   Dans l’arrêt Nero[63], la Cour d’appel de l’Ontario résume ces principes de la manière suivante :

« [traduction]

[68] Le contrôle repose sur la présomption de validité de l’ordonnance ou du mandat habilitant : Pires; Lising, par. 30; Beauchamp, par. 85; R. v. Ebanks2009 ONCA 851, 249 C.C.C. (3 d) 29, par. 21. Le contrôle exige une analyse contextuelle du dossier et non pas une dissection fragmentaire d’éléments individuels dépouillés de leur contexte dans une vaine recherche de conclusions subsidiaires : Beauchamp, par. 85; R. v. Sadikov2014 ONCA 72, 305 C.C.C. (3 d) 421, par. 87.

[…]

[70] Le critère ou la norme de contrôle que le juge réviseur doit appliquer est de déterminer si les dénonciations contenaient des éléments de preuve fiables et suffisants, auxquels on pouvait raisonnablement ajouter foi et en vertu desquels le juge autorisateur aurait pu conclure que les conditions préalables avaient été respectées Garofoli, p. 1452; R. c. Araujo, 2000 CSC 65, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 51 et 54Sadikov, par. 84; Beauchamp, par. 87; R. c. Morelli, 2010 CSC 8, [2010] 1 R.C.S. 253, par. 40.

[71]     Le juge réviseur, tout comme le juge autorisateur, peut tirer des inférences raisonnables du contenu de la dénonciation. Qu’un élément de preuve dans la dénonciation puisse soutenir plus d’une inférence ou même une inférence contraire à une autre qui appuie une condition préalable est sans conséquence. La question se limite à une évaluation de la dénonciation pour déterminer si elle contient quelques éléments de preuve fiables qui pourraient raisonnablement être considérés et sur la base desquels une ordonnance ou un mandat peut être délivré : Morelli, par. 40Sadikov, par. 88.

 

[72]      Des erreurs ou des omissions dans la dénonciation ne sont pas à elles seules fatales à la justesse des documents permettant d’établir les conditions préalables nécessaires : Garofoli, p. 1452; Araujo, par. 54; Pires; Lising, par. 30. »

[Soulignements du Tribunal]

 

[193]   Dans l’affaire Hayouna[64], la Cour d’appel du Québec résume le rôle du juge réviseur en ces termes :

« [6] Au stade de la révision, le rôle du juge est de déterminer si le mandat satisfait à la norme des « motifs raisonnables de croire » qu’une infraction a été commise et que la preuve se trouve dans le lieu ciblé par le mandat[65]Pour s’acquitter de cette tâche, il ne doit ni disséquer ni fragmenter les éléments de preuve[66], ni les prendre individuellement hors de leur contexte[67], ni même s’arrêter à analyser chacun des éléments qui ont suscité chez le juge autorisateur la conviction de l’existence de « motifs raisonnables de croire »[68]Est donc à proscrire la vaine recherche pour des inférences alternatives compatibles avec l’innocence du suspect qui seraient dépouillées de leur contexte[69]. De plus, négliger d’analyser les éléments « as a whole »[70] et « in combination »[71] constitue une erreur de droit. Plutôt, le juge réviseur doit évaluer le portrait d’ensemble[72] et se livrer à une analyse contextuelle[73] et holistique[74] du dossier.

[7] En l’espèce, la juge devait vérifier s’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre au juge de paix de délivrer le télémandat[75]Avant d’intervenir, la juge devait se déclarer convaincue, au regard de l’ensemble des renseignements présentés au juge de paix, « qu’il n’y avait aucun fondement justifiant l’autorisation »[76].

[Soulignements du Tribunal]

 

Le pouvoir discrétionnaire d’annuler une autorisation

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La différence entre le mobile et l'intention

R. v. Darnley, 2020 ONCA 179 Lien vers la décision [ 46 ]        Historically, courts have used the term “motive” when describing this purpo...