R. c. Michaud-Ratté, 2024 QCCQ 2816
Lien vers la décision
[7] Le Tribunal répond par l’affirmative et voici pourquoi.
[9] L’article 11 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances mentionne que le juge autorisateur doit être convaincu, sur la foi d’une dénonciation faite sous serment, qu’il existe des motifs raisonnables de croire à la présence en un lieu de drogue. Si oui, il délivre un mandat autorisant un agent de la paix à perquisitionner ce lieu.
[10] Dans Fuller, la Cour d’appel de l’Ontario mentionne que la décision du juge réviseur aurait pu être différente sans qu’il ait à casser le mandat de perquisition[5].
[11] Au même effet, dans Hibbert, la Cour supérieure de l’Ontario précise que le test pour le juge réviseur est de se demander vu l’ensemble des circonstances, si le juge autorisateur avait pu conclure que les conditions préalables à la délivrance du mandat étaient remplies.
[12] Dans Dawkins[7], la Cour supérieure de l’Ontario rappelle que lorsqu’un mandat de perquisition repose sur des informations fournies par un informateur, il est nécessaire d’évaluer la fiabilité des renseignements en utilisant les trois facteurs identifiés dans Debot, à savoir si l’information était convaincante, si elle était corroborée et si l’informateur était crédible.
[13] Le Tribunal considère que les sources sont relativement peu fiables. En effet, les trois sont anonymes, les sources B et C sont codées sans que l’on explique davantage. Nous n’avons pas l’historique des sources, nous ne savons pas d’où ils viennent et s’ils ont des antécédents judiciaires. On sait simplement qu’elles ont déjà donné de l’information menant à des perquisitions.
[14] Le Tribunal fait siens les propos très pertinents de son collègue Michel Boudreault dans l’affaire Senneville[9] concernant l’affirmation dans les affidavits qu’une source est codée sans donner plus de détail :
« À l’intérieur de l’affidavit impliquant le requérant, deux sources ont obtenu la mention codées. Or, quelle est la valeur de l’affirmation sources codées? L’utilisation de cette expression est de nature à semer de la confusion sur la crédibilité ou la fiabilité des sources, parce qu’il n’y a aucune explication soumise au juge émetteur sur la signification du terme codées. De l’avis du Tribunal, il ne suffisait pas de dire qu’elles étaient codées, mais il fallait expliquer pourquoi ».
[15] Le Tribunal se penchera maintenant sur la question de savoir si les sources étaient convaincantes.
[16] Dans Sunstrum[10], on présente une liste non exhaustive des six questions à se poser pour évaluer si les informations fournies étaient convaincantes et le Tribunal répondra à chacune.
[17] Premièrement, l’information de la source était-elle une connaissance de première main ou des ouï-dire ? Le Tribunal considère que l’information est partiellement de première main et partiellement du ouï-dire. La source A semble témoin personnellement de l’endroit où est situé l’appartement de l’accusé, de la façon de monter les escaliers, du type de drogue vendue, de la conjointe qui habite avec l’accusé et des véhicules de l’accusé et de sa mère. Par contre, concernant les informations provenant des trois sources, il n’est pas précisé clairement dans l’affidavit s’ils ont une connaissance personnelle.
[18] Deuxièmement, l’information était-elle connue de tous, facilement obtenue ou a-t-elle été suggérée par la nature de l’information selon laquelle la source avait une connaissance personnelle des activités criminelles ? Le Tribunal considère que l’information n’était pas connue de tous, mais par les sources qui avaient une connaissance personnelle ou par des personnes interposées des activités criminelles.
[19] Troisièmement, les informations fournies par les sources étaient-elles précises, détaillées et spécifiques ? Le Tribunal répond par oui. En combinant les trois sources, on obtient le nom du suspect, son adresse, une brève description de son logement de l’extérieur et une confirmation qu’il vend de la méthamphétamine.
[20] Quatrièmement, la nature des informations était-elle telle qu’elle pouvait être considérée comme fondée sur plus que des rumeurs et potins ? Les sources B et C ressemblent plus à une rumeur, mais la source A est plus précise et dépasse ce stade.
[21] Cinquièmement, les informations fournies par les sources étaient-elles telles qu’elles révélaient clairement comment elles avaient eu l’occasion d’obtenir ses connaissances ? Le Tribunal répond que non. L’affidavit ne fait pas mention comment les sources ont connaissance des faits.
[22] Sixièmement, les informations des sources étaient-elles actuelles ou non? Le Tribunal répond par non. Il n’y a aucune information sur le sujet dans l’affidavit.
[23] En soupesant ces réponses, le Tribunal conclut que les sources étaient moyennement convaincantes.
[24] En présence de sources relativement peu fiables et moyennement convaincantes, il importe maintenant de voir si elles ont été corroborées.
[25] Le Tribunal considère qu’elles ont été corroborées. En effet, l’affidavit mentionne que les policiers font une recherche au Centre de renseignement policier du Québec (CRPQ) pour valider l’adresse du suspect et ses antécédents. Ils font de la surveillance de la résidence de l’accusé qui leur permet de constater la présence de l’accusé, du va- et-vient à la résidence et dans les véhicules, un homme qui semble transporter de l’argent, un homme avec des antécédents en matière de stupéfiants et l’accusé qui transporte un sac de plastique rempli à moitié d’une substance blanche.
[26] Dans Gero[11], la Cour d’appel de l’Ontario indique que la portée de l’examen des mandats est restreinte. L’examen n’est pas une audience de novo de la demande ex parte. Le juge réviseur ne substitue pas son point de vue à celui du juge de délivrance. La norme consiste à voir s’il existe suffisamment de preuves crédibles et fiables pour permettre à un juge de paix de conclure à des motifs de croire qu’une infraction a été commise, et que la preuve de cette infraction se trouve dans le lieu précisé de la fouille. En examinant les critères de Debot, le Tribunal doit examiner l’ensemble des circonstances pour déterminer si un mandat aurait pu être émis. La faiblesse d’un facteur peut être compensée par la force des deux autres.
[27] Le Tribunal considère que la faiblesse du facteur de la fiabilité des sources est compensée par le fait qu’elles soient moyennement convaincantes, mais surtout corroborée par les policiers dont la surveillance et les vérifications ont permis d’ajouter des motifs.
[28] Les incongruités quant à la couleur noire ou grise de la camionnette et quant à la marque Mazda ou Nissan du petit véhicule japonais paraissent plutôt insignifiantes dans les circonstances ou l’accusé est filmé avec ce qui semble être de la drogue dans un sac de plastique durant la surveillance policière, en plus des autres observations soit du va- et-vient à la résidence et dans les véhicules, un homme qui semble transporter de l’argent ainsi qu’un homme avec des antécédents en matière de stupéfiants.
[29] L’affiant doit présenter les faits d’une manière complète, sincère, claire, concise[12] et objective, ce qu’il a fait. Cela a permis au juge autorisateur de faire une évaluation indépendante[13]. Il n’a pas fait un tri pour taire des faits essentiels. Le fait que l’accusé se promène à l’extérieur sur son balcon avec un sac pouvant contenir de la drogue sans se cacher n’est pas un tri ni une cachette. Le policier mentionne dans l’affidavit qu’il a vu le sac, donc cela implique nécessairement que l’accusé ne le cachait pas.
[30] Le fait de ne pas mentionner que l’accusé s’en va chez le voisin avec le sac en laissant la porte ouverte et qu’il se met à réparer la porte avec une perceuse sont des faits anecdotiques, non pertinents et ne sont pas disculpatoires. Cela ne change rien pour le juge autorisateur. Même si on qualifiait ces faits comme compatibles avec l’innocence, cela n’empêche pas la délivrance d’un mandat de perquisition[14].
[31] L’affiant doit aussi présenter les faits qu’il aurait dû savoir[15]. Le fait de ne pas mentionner dans l’affidavit qu’une fouille de l’appartement a eu lieu un mois avant concernant la conjointe de l’accusé, mentionnée par la source A[16], ne change rien non plus pour le juge autorisateur quand il lit l’affirmation dans l’affidavit d’un policier qui observe du va-et-vient impliquant notamment un individu avec des antécédents en matière de stupéfiants et qu’il voit l’accusé avec un sac de plastique transparent rempli à moitié d’une substance blanche. Ce qui est important, c’est l’information récente provenant des sources, mais surtout corroborée par les surveillances et dénoncée au juge autorisateur.
[32] Nous ne sommes pas du tout dans un cas de rédaction habile ou astucieuse de l’affiant pour obtenir à tout prix un mandat de perquisition[17].
[33] Le Tribunal considère donc qu’en prenant les éléments dans leur ensemble[18], qu’il existait suffisamment de preuves crédibles et fiables dans l’affidavit pour permettre au juge autorisateur de croire que des infractions en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances avaient été commises et que des éléments de preuve relatifs à ces infractions seraient découverts le 22 septembre 2022 au domicile de l’accusé et dans ses véhicules.
[34] Le Tribunal ne peut intervenir puisqu’il n’est absolument pas convaincu, au regard de l’ensemble des renseignements présentés au juge de paix, qu’il n’exisait aucun fondement justifiant l’autorisation[19].