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dimanche 3 septembre 2023

L’approche qui accompagne l’évaluation du témoignage d’un enfant

M.D. c. R., 2022 QCCA 915

Lien vers la décision


[61]      Par ailleurs, le juge Cory décrit dans le même arrêt l’approche qui accompagne l’évaluation du témoignage d’un enfant, y compris l’évaluation de sa crédibilité ou sa fiabilité, lorsque le juge du procès évalue les contradictions ou les incohérences entre le témoignage et l’enregistrement vidéo, car il doit être prudent à l’égard de celles-ci :

47        Si, dans le cours du contreinterrogatoire, l’avocat de la défense arrache des déclarations qui contredisent une partie ou une autre de l’enregistrement magnétoscopique, cela ne rend pas ces parties inadmissibles en preuve.  Il est évident que, au moment de la décision finale sur les questions en litige, il se peut fort bien qu’on accorde moins de poids à un enregistrement qui a été contredit.  Cependant, le fait que l’enregistrement a été contredit au cours du contreinterrogatoire ne signifie pas nécessairement que le contenu de l’enregistrement est faux ou qu’il n’est pas fiable.  Le juge du procès peut néanmoins conclure, comme en l’espèce, que les incohérences sont sans importance et que l’enregistrement est plus fiable que le témoignage obtenu au procès.  Dans l’arrêt R. c. B. (G.)1990 CanLII 7308 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 30, à la p. 55, le juge Wilson a déclaré ceci:

. . . une faille, comme une contradiction, dans le témoignage d’un enfant ne devrait pas avoir le même effet qu’une faille semblable dans le témoignage d’un adulte.  [. . .]  Il se peut que les enfants ne soient pas en mesure de relater des détails précis et de décrire le moment ou l’endroit avec exactitude, mais cela ne signifie pas qu’ils se méprennent sur ce qui leur est arrivé et qui l’a fait.

48        Elle a conclu que, même si la crédibilité de tout témoin doit être appréciée, la norme applicable aux adultes à cet égard ne convient pas toujours pour apprécier la crédibilité d’un jeune enfant.  Cette façon d’aborder la question du témoignage des enfants a été répétée dans R. c. W. (R.)1992 CanLII 56 (CSC), [1992] 2 R.C.S. 122, aux pp. 132 à 134.  Dans cet arrêt, le juge McLachlin a reconnu que les enfants ont une perspective des choses qui peut influer sur leur souvenir des événements et que la présence d’incohérences, spécialement sur des questions secondaires, devrait être évaluée en contexte.  Un contreinterrogatoire habile permet presque à coup sûr d’embrouiller un enfant, même s’il dit la vérité.  Cette confusion peut engendrer des incohérences dans son témoignage.  Même si le juge des faits doit être prudent à l’égard de tout élément de preuve qui a été contredit, il s’agit là d’une question qui concerne le poids qui doit être accordé à l’enregistrement magnétoscopique et non son admissibilité.

[Le soulignement est ajouté]

samedi 17 avril 2010

Quand le dépôt des notes sténo du témoignage de la victime rendu à l'enquête préliminaire peut être utilisée au procès à titre de témoignage

R. c. Morissette, 2010 QCCQ 1900 (CanLII)

[14] Il est établi que le Tribunal jouit d'un pouvoir discrétionnaire d'admettre en preuve ou d'écarter un témoignage rendu à l'enquête préliminaire lorsque toutes les conditions énoncées à l'article 715 C.cr. sont rencontrées, comme c'est le cas en l'espèce.

[15] Le procureur de la défense soumet que l'utilisation du témoignage antérieur, produit comme preuve à charge au procès, est inéquitable envers l'accusé car le contre-interrogatoire mené à l'enquête préliminaire, loin d'être exhaustif, préparait plutôt le procès.

[16] Le juge Wilson dans l'arrêt Potvin s'exprime ainsi :

« […] À mon avis, il est essentiel à notre système de justice que l'accusé ait eu l'occasion voulue de contre-interroger le témoin au moment de la déposition antérieure, si la transcription doit être produite comme preuve à charge dans un procès criminel. Cela est conforme au point de vue traditionnel selon lequel c'est l'occasion de contre-interroger, et non le contre-interrogatoire lui-même, qui est cruciale (sic) si on veut traiter l'accusé de façon équitable. […] »

[17] Sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire par le Tribunal, le juge Wilson dans l'arrêt Potvin précise :

«[…] Je pense que ce terme lui confère le pouvoir discrétionnaire d'écarter le témoignage antérieur dans des circonstances où son utilisation aurait un effet inéquitable envers l'accusé. Je m'empresse cependant d'ajouter que ces circonstances seront relativement rares et que le pouvoir discrétionnaire de prévenir l'inéquité n'est pas un pouvoir général de contrecarrer l'objet du par. 643(1) [maintenant 715(1) ] en écartant automatiquement la preuve du témoignage antérieur. »

[18] Et un plus loin :

« À mon avis, dès que l'on accepte que le par. 643(1) [maintenant 715(1) ] donne au juge du procès le pouvoir discrétionnaire de s'éloigner de l'application purement mécanique de l'article, il faut donner à ce pouvoir discrétionnaire une interprétation suffisamment large pour couvrir les deux types de situations, c'est-à-dire le cas où le témoignage a été obtenu d'une façon inéquitable envers l'accusé et le cas où, même si la façon de l'obtenir était équitable envers l'accusé, son utilisation ne serait pas équitable envers l'accusé. […] »

[19] Ce pouvoir doit être interprété plus largement que le principe traditionnel de preuve voulant qu'un élément soit écarté si son effet préjudiciable est supérieur à sa valeur probante. Référant à l'arrêt Clarkson c. La Reine, le juge Wilson ajoute :

« […] Le juge du procès devrait plus se préoccuper de protéger l'accusé contre l'iniquité que d'utiliser des éléments de preuve probants «sans trop tenir compte de l'équité du processus décisionnel […] »

[20] La Cour d'appel dans l'arrêt R. v. Michaud reprend les critères établis dans l'arrêt Hawkins pour déterminer les paramètres du pouvoir discrétionnaire de l'article 715 C.cr. citant le juge Lamer :

[…] cette déclaration est toujours assujettie au pouvoir discrétionnaire résiduel que possède le juge d'exclure la déclaration lorsque «sa valeur probante est faible et que l'accusé pourrait subir un préjudice indu»: Smith, précité, à la p. 937 […] De plus, comme la juge McLachlin l'a fait ressortir dans R. c. Seaboyer, 1991 CanLII 76 (C.S.C.), [1991] 2 R.C.S. 577, à la p. 610, il faut interpréter le «préjudice» d'une façon large de façon à englober à la fois le préjudice causé à l'accusé et celui causé au procès même.

[21] Pour déterminer si l'accusé subit un préjudice qui rendrait le procès inéquitable en raison de l'admission en preuve d'un témoignage recueilli antérieurement au procès, il faut examiner l'ensemble de la preuve. Même si un témoin n'a pu être contre-interrogé sur un sujet précis, le reste de la preuve pourrait pallier cette lacune.

[22] En l'espèce, le témoignage que l'on recherche à faire admettre en preuve est celui de la présumée victime et seul témoin direct du geste reproché. Sans son témoignage, rien ne peut expliquer les photographies prises par les policiers. La crédibilité du témoin constitue donc un point litigieux.

[23] Dans l'arrêt Osolin, le juge Cory insiste sur l'importance du contre-interrogatoire particulièrement lorsque la crédibilité d'un témoin est en cause dans un procès :

« Le contre-interrogatoire a une importance incontestable. Il remplit un rôle essentiel dans le processus qui permet de déterminer si un témoin est digne de foi. Même lorsqu'il vise le témoin le plus honnête qui soit, il peut permettre de jauger la fragilité des témoignages. Il peut servir, par exemple, à montrer le handicap visuel ou auditif d'un témoin […] C'est le moyen par excellence d'établir la vérité et de tester la véracité. Il faut autoriser le contre-interrogatoire pour que l'accusé puisse présenter une défense pleine et entière. La possibilité de contre-interroger les témoins constitue un élément fondamental d'un procès équitable auquel l'accusé a droit. Il s'agit d'un principe ancien et bien établi qui est lié de près à la présomption d'innocence. […] »

[24] De plus, la Cour suprême a indiqué dans l'arrêt Shearing, qu'un contre-interrogatoire complet et incisif est l'outil le plus efficace dont dispose un accusé lorsque, comme c'est souvent le cas en matière d'agression sexuelle, c'est la parole de l'accusé contre la crédibilité de son accusateur.

[25] Même si la défense a eu l'occasion voulue au sens de l'article 715 C.cr. de contre-interroger la présumée victime à l'enquête préliminaire, il demeure qu'admettre ce témoignage en preuve au procès, alors qu'il constitue la seule version accusatoire, priverait l'accusé d'un contre-interrogatoire complet. En outre, l'évaluation de la crédibilité de ce témoin peut avoir un impact sur le verdict. Admettre en preuve le témoignage rendu à l'enquête préliminaire priverait le Tribunal de la possibilité d'observer le témoin pendant son témoignage afin d'analyser sa crédibilité.

[26] En l'espèce, en soupesant le droit de l'accusé à une défense pleine et entière et l'intérêt de la société dans l'utilisation d'éléments de preuve probants en vue de faire ressortir la vérité, le tribunal estime que le premier doit primer.

[27] Le dépôt ou la lecture des notes sténographiques du témoignage rendu à l'enquête préliminaire par le seul témoin direct de l'infraction pour valoir de preuve au procès serait inéquitable pour l'accusé.

[28] Le Tribunal est d'avis que décider autrement causerait un effet préjudiciable à l'accusé qui le priverait d'un procès juste et équitable.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...