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lundi 20 janvier 2025

Comment déterminer si l'erreur alléguée par un accusé porte sur une question de fait ou de droit?

R. c. Ledoux, 2017 QCCA 1041

Lien vers la décision


[39]   L’article 19 du Code criminel prévoit :

19. L’ignorance de la loi chez une personne qui commet une infraction n’excuse pas la perpétration de l’infraction.

19. Ignorance of the law by a person who commits an offence is not an excuse for committing that offence.

[40]   Comme l’explique si bien le professeur Hugues Parent dans son Traité de droit criminel, Tome I — L’imputabilité, 4e éd., Montréal, Thémis, 2015, par. 503 :

Si une erreur de fait implique « une représentation inexacte de la réalité matérielle » (soit que l’individu croit à l’existence de faits inexistants ou à l’inexistence de faits existants), l’erreur de droit suppose, pour sa part, une mauvaise interprétation de sa signification au point de vue juridique (soit que l’individu ignore la règle de droit ou se méprend sur son contenu, sa portée ou son application).

[41]   Cet énoncé est conforme au droit. La Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Molis1980 CanLII 8 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 356, 362 tranche :

… Parliament has by the clear and unequivocal language of s. 19 chosen not to make any distinction between ignorance of the existence of the law and that as to its meaning, scope or application. Parliament has also clearly expressed the will that s. 19 of the Criminal Code be a bar to any such defence…

[42]   Le professeur Don Stuart dans son traité Canadian Criminal Law, Fifth Edition, Thomson-Carswell, 2007, p. 366-371 (ci-après: « Stuart »), reprend la même idée, illustrant le caractère parfois limite de la distinction entre erreur de droit et erreur de fait. Pour illustrer la démarcation, il rapporte les propos de Glainville Williams dans Criminal Law (the General Part), 2nd Ed., Stevens & Sons, 1961 qui avance que l’erreur de fait est reliée au sens de la personne, tandis que l’erreur de droit est celle qui découle de sa pensée.

[43]   Une lecture des savants auteurs fait immédiatement ressortir que l’erreur de droit ou de fait et le droit criminel suivent une dynamique qui n’est ni claire ni simple. Aussi, une fois le principe clairement affirmé, ça se complique.

[44]   L’arrêt R. c. Prue; R. c. Baril1979 CanLII 227 (CSC), [1979] 2 R.C.S. 547 est un arrêt important. La Cour était saisie d’une infraction criminalisant le seul fait de violer une interdiction de conduire imposée par la loi provinciale. La Cour décide que cette dernière interdiction de conduire « provinciale » devenait un « fait » dans l’économie du droit criminel et, par conséquent, son ignorance offrait une défense d’erreur de fait. Quelques années plus tard, la Cour qualifie une telle méprise, dans un contexte similaire, d’erreur de droit : R. c. MacDougall1982 CanLII 212 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 605, ce qui fait dire à l’auteur Stuart que la logique n’est pas toujours au rendez-vous, les deux arrêts étant selon lui irréconciliables : Stuart, p. 370.

[45]   L’analogie avec la présente affaire tient à ce que l’erreur de l’intimé porterait sur le concept d’interception de communication privée dans un contexte de droit du travail. Le raisonnement veut que l’erreur portant sur un concept étranger au droit criminel devienne un fait en rapport avec ce dernier et donne donc ouverture à l’erreur de fait.

[46]   Ce raisonnement est reconnu en doctrine, mais il est critiqué lorsqu’il excède les cas où une défense d’apparence de droit est prévue par la loi : voir Stuart, p. 353. À titre d’exemple, et en simplifiant, un vol n’est consommé que si un bien est pris sans apparence de droit : art. 322 C.cr., de sorte qu’une personne peut se tromper sur son « droit » de posséder cette chose : R. c. Lilly1983 CanLII 153 (CSC), [1983] 1 R.C.S. 794.

[47]   Cela dit, le droit évolue et tente de se raffiner, voire d’atténuer l’affirmation péremptoire de l’article 19 C.cr. Dans R. c. Klundert2004 CanLII 21268 (C.A.O.) (ci-après: « Klundert »), le juge Doherty conclut qu’une erreur de droit peut parfois nier la mens rea lorsque la perpétration de l’infraction exige la démonstration que l’accusé a agi dans le but d’atteindre un objectif spécifique ("in relation to the achievement of a purpose"). Se référant à R. c. Docherty1989 CanLII 45 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 941, le juge Doherty explique que l’utilisation du mot « wilfullly » (en français, « volontairement ») peut signifier l’atteinte de l’objectif décrit dans la loi. Il écrit, dans l’arrêt Klundert, au par. 44 : « [w]hile the word “wilfully” refers to a culpable mental state, the exact meaning of the word will depend on the context in which it is used…».

jeudi 11 juillet 2024

Comment déterminer si l'erreur alléguée par l'accusé porte sur une question de fait ou de droit?

R. c. Ledoux, 2017 QCCA 1041

Lien vers la décision


[39]   L’article 19 du Code criminel prévoit :

19. L’ignorance de la loi chez une personne qui commet une infraction n’excuse pas la perpétration de l’infraction.

19. Ignorance of the law by a person who commits an offence is not an excuse for committing that offence.

[40]   Comme l’explique si bien le professeur Hugues Parent dans son Traité de droit criminel, Tome I — L’imputabilité, 4e éd., Montréal, Thémis, 2015, par. 503 :

Si une erreur de fait implique « une représentation inexacte de la réalité matérielle » (soit que l’individu croit à l’existence de faits inexistants ou à l’inexistence de faits existants), l’erreur de droit suppose, pour sa part, une mauvaise interprétation de sa signification au point de vue juridique (soit que l’individu ignore la règle de droit ou se méprend sur son contenu, sa portée ou son application).

[41]   Cet énoncé est conforme au droit. La Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Molis1980 CanLII 8 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 356, 362 tranche :

… Parliament has by the clear and unequivocal language of s. 19 chosen not to make any distinction between ignorance of the existence of the law and that as to its meaning, scope or application. Parliament has also clearly expressed the will that s. 19 of the Criminal Code be a bar to any such defence…

[42]   Le professeur Don Stuart dans son traité Canadian Criminal Law, Fifth Edition, Thomson-Carswell, 2007, p. 366-371 (ci-après: « Stuart »), reprend la même idée, illustrant le caractère parfois limite de la distinction entre erreur de droit et erreur de fait. Pour illustrer la démarcation, il rapporte les propos de Glainville Williams dans Criminal Law (the General Part), 2nd Ed., Stevens & Sons, 1961 qui avance que l’erreur de fait est reliée au sens de la personne, tandis que l’erreur de droit est celle qui découle de sa pensée.

[43]   Une lecture des savants auteurs fait immédiatement ressortir que l’erreur de droit ou de fait et le droit criminel suivent une dynamique qui n’est ni claire ni simple. Aussi, une fois le principe clairement affirmé, ça se complique.

[44]   L’arrêt R. c. Prue; R. c. Baril1979 CanLII 227 (CSC), [1979] 2 R.C.S. 547 est un arrêt important. La Cour était saisie d’une infraction criminalisant le seul fait de violer une interdiction de conduire imposée par la loi provinciale. La Cour décide que cette dernière interdiction de conduire « provinciale » devenait un « fait » dans l’économie du droit criminel et, par conséquent, son ignorance offrait une défense d’erreur de fait. Quelques années plus tard, la Cour qualifie une telle méprise, dans un contexte similaire, d’erreur de droit : R. c. MacDougall1982 CanLII 212 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 605, ce qui fait dire à l’auteur Stuart que la logique n’est pas toujours au rendez-vous, les deux arrêts étant selon lui irréconciliables : Stuart, p. 370.

[45]   L’analogie avec la présente affaire tient à ce que l’erreur de l’intimé porterait sur le concept d’interception de communication privée dans un contexte de droit du travail. Le raisonnement veut que l’erreur portant sur un concept étranger au droit criminel devienne un fait en rapport avec ce dernier et donne donc ouverture à l’erreur de fait.

[46]   Ce raisonnement est reconnu en doctrine, mais il est critiqué lorsqu’il excède les cas où une défense d’apparence de droit est prévue par la loi : voir Stuart, p. 353. À titre d’exemple, et en simplifiant, un vol n’est consommé que si un bien est pris sans apparence de droit : art. 322 C.cr., de sorte qu’une personne peut se tromper sur son « droit » de posséder cette chose : R. c. Lilly1983 CanLII 153 (CSC), [1983] 1 R.C.S. 794.

[47]   Cela dit, le droit évolue et tente de se raffiner, voire d’atténuer l’affirmation péremptoire de l’article 19 C.cr. Dans R. c. Klundert2004 CanLII 21268 (C.A.O.) (ci-après: « Klundert »), le juge Doherty conclut qu’une erreur de droit peut parfois nier la mens rea lorsque la perpétration de l’infraction exige la démonstration que l’accusé a agi dans le but d’atteindre un objectif spécifique ("in relation to the achievement of a purpose"). Se référant à R. c. Docherty1989 CanLII 45 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 941, le juge Doherty explique que l’utilisation du mot « wilfullly » (en français, « volontairement ») peut signifier l’atteinte de l’objectif décrit dans la loi. Il écrit, dans l’arrêt Klundert, au par. 44 : « [w]hile the word “wilfully” refers to a culpable mental state, the exact meaning of the word will depend on the context in which it is used…».

[48]   Dans le contexte d’une infraction au paragraphe 239(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1, le juge Doherty illustre de façon éloquente le rôle de l’erreur dans l’évaluation de la mens rea. L’erreur peut être une erreur de fait, une erreur de droit ou une erreur mixte de fait et de droit. Cela étant, seule l’erreur de droit ne peut constituer une défense. Il écrit :

[49]      The requisite knowledge or purpose may be negated by a mistaken belief.  A tax payer may through arithmetic error misstate the amount of tax owing, or she may be unaware of the statutory definition of income, or she may have come to a mistaken conclusion as to the application of that definition to her affairs.  The first of these errors is factual, the second, legal, and the third is a mixture of both.

[50]      Factual errors can negate the fault requirement of an offence requiring knowledge and purpose.  Purely legal errors raise a more difficult problem.  A mistake of law does not excuse the commission of a criminal offence:  Criminal Code, R.S.C. 1985, c. C-46, s. 19.  The fault element of a crime may, however, be defined so as to make various kinds of errors, including purely legal errors relevant to the existence of the required culpable mental state:  A. Mewett and M. Manning, Criminal Law, 3rd ed. (Toronto:  Butterworths, 1994) at pp. 389-391; H. Stuart, “Mistake of Law Under the Charter”, (1998) 40 Crim. L.Q. 476 at 486-494. For example, where an offence requires that the Crown prove that an accused acted without “colour of right”.  Mistakes as to the applicable civil law can provide the basis for a “colour of right”:  R. v. Demarco (1973), 1973 CanLII 1542 (ON CA)13 C.C.C. (2d) 369 at 372 (Ont. C.A.). In those cases the mistake of law is not advanced as an excuse for committing the crime but rather negates the existence of the required culpable state of mind:  R. v. Howson1966 CanLII 285 (ON CA)[1966] 3 C.C.C. 348 at 356 (Ont. C.A.). Similarly, where an offence requires proof that the accused intended to violate a court order, a mistake as to the legal effect of that court order can negate the required culpable state of mind:  R. v. Ilczyszyn (1988), 1988 CanLII 7063 (ON CA)45 C.C.C. (3d) 91 at 95-96 (Ont. C.A.).

[49]   Enfin, il précise que “[t]he extent to which any mistake, including a legal mistake, can negate the fault requirement turns on an interpretation of the language of the statute in the legislative context in which it is used…”: Klundert, par. 54. Dans cette affaire, le libellé de l’infraction exigeait que le geste soit posé dans le but d’éluder l’impôt. Je conviens avec le juge Doherty que plusieurs types d’erreurs innocentes peuvent expliquer le geste autrement que par le souhait d’éluder de l’impôt.

lundi 23 mars 2015

La croyance de l'accusé quant au caractère honnête de acte n'est pas un élément constitutif de l'infraction de fraude

R. v. Kingsbury, 2012 BCCA 462 (CanLII)


[36]        In R. v. Dumont[1968] 1 C.C.C. 360 (Que. C.A.), the accused, as a reward for aiding a government employee, was directed to fill out and submit a fictitious invoice for work he did not perform.  Justice Rinfret for the Quebec Court of Appeal discussed the mens rea at 362, arguably recognizing the relevance of subjective knowledge of entitlement:
(Translation) I have already spoken of the intent to defraud (s. 323 uses the word “frustrer”) and I repeat that Mr. Dumont certainly knew that he had no valid claim against the Government, that he was not legally entitled to any remuneration, that the account produced and signed by him was fictitious, and that the debt owing to him was non-existent; he knowingly took this devious route, assisted by a departmental employee, to obtain an asset to which he could not have made any legal claim.
[Emphasis added.]
[37]        In R. v. Mercer (1998), 1998 CanLII 18029 (NL CA)160 Nfld. & P.E.I.R. 174 (Nfld. C.A.), Ms. Mercer was convicted of defrauding the government of two social security cheques she received and cashed during her first month of employment as a teacher.
[38]        On appeal, the argument was that the trial judge’s conclusion that she had the requisite mens rea was unreasonable and unsupported by the evidence.  Justice Green, for the Newfoundland Court of Appeal, rejected that argument and concluded at paras. 31-32:
[31]      Even if the trial judge had accepted, at face value, the appellant’s assertion that she felt that she was doing nothing wrong, that, in itself, would not have amounted to a defence to this charge. As previously indicated, a subjective intention to act dishonestly or a subjective appreciation of the dishonest nature of the act is not a requirement of establishing the mens rea of fraud.
[32]      Having represented that she had not obtained any income from employment in the previous twelve months, having committed herself in writing to report any changes in her financial circumstances to the authorities and having acknowledged in her evidence that she knew that she had an obligation to report any income, it is clear that she had the requisite knowledge of the prohibited act and of the consequence that the Department would be induced to continue to give her assistance and thereby be deprived of money in circumstances where she was not entitled to it. Having put herself in a position where she received social assistance benefits after the beginning of September in the circumstances of her knowledge of the previous representations which she made and their consequences, it cannot be said that she did not know that she was not entitled to the money or that she did not have to return it. In Théroux, the following comment of Taggart, J.A. in R. v. Long (1990), 1990 CanLII 5405 (BC CA)61 C.C.C. (3d) 156 (BCCA)was approved:
... the mental element of the offence of fraud must not be based on what the accused thought about the honesty or otherwise of his conduct and its consequences. Rather it must be based on what the accused knew were the facts of the transaction, the circumstances in which it was undertaken and what the consequences might be of carrying it to a conclusion.
Here, the appellant knew the facts of the transaction, the circumstances in which it was undertaken and what the consequences would be.
[Emphasis added.]
[39]        In Mercer, the trial judge rejected the assertion that the accused honestly believed she was entitled to the money.  The appellant’s argument posits that if the trial judge found as a fact that Ms. Mercer had an honest belief she was entitled to the money, the mens rea for fraud would not have been made out.  This is because Ms. Mercer would have had no subjective knowledge that she had deprived the government of something to which it was entitled, as she believed she was entitled to the money.  Such a belief should be distinguished, the appellant argues, from Ms. Mercer’s belief that she felt that she was doing nothing wrong, which is not relevant to the mens rea of fraud post-Théroux


[48]        It follows that I respectfully agree with the analysis of Professor Nightingale in The Law of Fraud and Related Offences (Scarborough: Carswell, 1996) at ch. 10-14:
It is submitted that with respect to the consequence of deprivation, while an accused must either desire it or foresee it is a consequence of his or her conduct, and while this must be assessed subjectively, the accused’s opinion or belief that the consequences do not amount to a deprivation or a detriment is not relevant.  What an accused must desire or foresee is the fact or set of facts which constitute what is characterized as deprivation.  It is not necessary that an accused appreciate that the facts desired or foreseen occurring will constitute a deprivation in law.  Therefore, as with intent in relation to the circumstances of dishonesty, so long as there is knowledge of the facts which constitute the requisite elements of the actus reus, the accused’s opinion based upon an assessment of those facts is not a relevant consideration to the finding of intent.
For example, in Olan, to establish intent with respect to the consequences, it was sufficient to establish that the accused knew or could foresee that the corporation would part with its liquid assets in return for other less valuable assets.  It was not necessary for the accused to perceive or believe that this transaction was detrimental to the corporation or constituted deprivation in law.
Therefore, fraudulent intent in relation to the consequence element of the actus reus of the offence can be defined as desire or foresight as to the facts found in law to constitute deprivation, “detriment,” “prejudice” or “risk of prejudice” to the economic interests of the victim.
[49]        It is important to note that this analysis is consistent with the principle enshrined in s. 19 of the Code that a mistake of law is not a defence.  It is also consistent with the principle that an honest but mistaken belief in a fact (or of mixed fact and law) that if true would mean that there had been no deprivation will negate fraudulent intent with respect to the consequences of a prohibited act.  (See the helpful discussion of these issues in Nightingale, ch. 11.)

lundi 5 août 2013

Une erreur sur ce qu'est la loi ne peut pas servir de moyen de défense

R. c. Compagnie Électronique Hi-Fi, 2006 QCCQ 14521 (CanLII)


[26]            L'article 19 du Code criminel édicte que « l'ignorance de la loi chez une personne qui commet une infraction n'excuse pas la perpétration de cette infraction ».
[27]            Le juge Lamer s'est exprimé, à propos de ce moyen de défense, dans les arrêts Molis et Forster. Il écrit :
[…] le Parlement a choisi, par les termes clairs et non équivoques de l'art. 19, de ne faire aucune distinction entre l'ignorance de l'existence de la loi et celle de son sens, de sa portée ou de son application. Le Parlement a aussi clairement exprimé la volonté que l'art. 19 du Code criminel constitue une fin de non-recevoir à toute défense de cette espèce, même si l'infraction est créée par un texte législatif (par. 27(2) de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23) comme c'est le cas en l'espèce.
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
Un principe de notre droit criminel veut qu'une croyance honnête mais erronée quant aux conséquences juridiques d'actes délibérés ne constitue pas un moyen de défense opposable à une accusation criminelle, même si l'erreur ne peut être attribuée à la négligence de l'accusé : Molis c. La Reine1980 CanLII 8 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 356. Récemment, dans l'arrêt R. c. Docherty,1989 CanLII 45 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 941, à la p. 960, notre Cour a réaffirmé le principe que le fait de savoir que les actes qu'on accomplit sont contraires à la loi ne constitue pas un élément de la mens rea d'une infraction et ne peut donc pas servir de moyen de défense.
[28]            Dans l'arrêt Pontes, le juge Cory précise :
[…] En d'autres termes, une erreur sur ce qu'est la loi ne peut pas servir de moyen de défense.
L'application de ce principe mène à la conclusion qu'un accusé ne peut pas invoquer comme moyen de défense qu'il s'est enquis de façon raisonnable de la légalité de ses actes ou de sa situation. Ce moyen de défense a été explicitement rejeté dans l'arrêt Molis c. La Reine1980 CanLII 8 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 356

L'ignorance de la loi, chez une personne qui commet une infraction, n'excuse pas la perpétration de cette infraction

R. c. Émond, 2011 QCCQ 15482 (CanLII)


[19]           L'article 19 du Code criminel prévoit que « l'ignorance de la loi, chez une personne qui commet une infraction, n'excuse pas la perpétration de cette infraction. »
[20]           Dans R. c. Molis, 1980 CanLII 8 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 356, la Cour suprême écrit :
16    Quel que puisse être le bien-fondé de cette distinction (ce sur quoi je ne me prononce pas), le Parlement a choisi, par les termes clairs et non équivoques de l'art. 19, de ne faire aucune distinction entre l'ignorance de l'existence de la loi et celle de son sens, de sa portée ou de son application. 
[22]           Dans R. c. Forster, 1992 CanLII 118 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 339, le juge Lamer écrit au nom de la majorité :
15    Un principe de notre droit criminel veut qu'une croyance honnête, mais erronée quant aux conséquences juridiques d'actes délibérés ne constitue pas un moyen de défense opposable à une accusation criminelle, même si l'erreur ne peut être attribuée à la négligence de l'accusé: Molis c. La Reine, 1980 CanLII 8 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 356. Récemment, dans l'arrêt R. c. Docherty,1989 CanLII 45 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 941, à la p. 960, notre Cour a réaffirmé le principe que le fait de savoir que les actes qu'on accomplit sont contraires à la loi ne constitue pas un élément de la mens rea d'une infraction et ne peut donc pas servir de moyen de défense.

mardi 11 décembre 2012

L’évolution à la pièce de la défense d’erreur de droit : l’erreur attribuable aux conseils inexacts d’un juriste ou aux jugements des tribunaux fut-elle laissée à la dérive ?

Résumé

Depuis la seconde moitié du xxe siècle, plusieurs systèmes juridiques ont reconsidéré leur position de principe devant la défense d’erreur de droit. Si le droit pénal canadien ne fait pas exception, il se distingue toutefois par la singularité du processus d’évolution mis en place. En effet, le droit canadien, contrairement au droit français et au droit sud-africain, a maintenu l’interdiction de principe de cette défense tout en aménageant en parallèle une longue série d’exceptions à cette règle. Nous verrons que ce processus de modernisation n’est pas idéal puisqu’il mène à la création ad hoc de catégories rigides qui ne s’appuient pas sur un principe unificateur clair. Cette lacune est particulièrement évidente au moment de l’examen du sort réservé à la défense d’erreur de droit attribuable aux conseils inexacts d’un juriste ou aux jugements des tribunaux en droit canadien, français et sud-africain.

Tiré de: L’évolution à la pièce de la défense d’erreur de droit : l’erreur attribuable aux conseils inexacts d’un juriste ou aux jugements des tribunaux fut-elle laissée à la dérive ?
Simon Roy
Lien vers le document
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039342ar.pdf
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039342ar.html

mardi 12 octobre 2010

La défense d’erreur provoquée par une personne en autorité

Lévis (Ville) c. Tétreault; Lévis (Ville) c. 2629-4470 Québec inc., 2006 CSC 12, [2006] 1 R.C.S. 420

24 Selon l’opinion du juge en chef Lamer, cette défense constituait une exception limitée, mais nécessaire, à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi ne saurait justifier la commission d’une infraction pénale :

L’erreur de droit provoquée par une personne en autorité existe à titre d’exception à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi ne constitue pas une excuse. Comme il a été souligné dans plusieurs des affaires où cette règle a été analysée, la complexité des règlements actuels permet de présumer qu’un citoyen responsable ne peut raisonnablement avoir une connaissance approfondie du droit. Toutefois, cette complexité ne justifie pas le rejet d’une règle qui encourage les citoyens à devenir responsables et le gouvernement à rendre publiques les règles de droit, et qui constitue un fondement essentiel de la primauté du droit. La multiplicité des règlements est un motif qui permet de créer une exception limitée à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi n’est pas une excuse.

(Jorgensen, par. 25)

25 Le juge en chef Lamer a assimilé cette défense à une excuse qui opère comme le moyen basé sur la provocation policière. Le caractère répréhensible de l’acte est établi. Cependant, le droit pénal se refuse à en imputer la responsabilité à son auteur en raison des circonstances qui l’ont produit. Le prévenu a droit alors à un arrêt des procédures plutôt qu’à un acquittement (Jorgensen, par. 37).

26 Après son analyse de la jurisprudence, le juge en chef Lamer définit les éléments constitutifs et les conditions d’ouverture de la défense. Il impose au prévenu l’obligation de démontrer la présence de six éléments :

(1) la présence d’une erreur de droit ou d’une erreur mixte de droit et de fait;

(2) la considération par son auteur des conséquences juridiques de l’acte accompli;

(3) le fait que l’avis obtenu provenait d’une personne compétente en la matière;

(4) le caractère raisonnable de l’avis;

(5) le caractère erroné de l’avis reçu;

(6) l’accomplissement de l’acte sur la base de cet avis.

(Jorgensen, par. 28-35)

27 Ce cadre d’analyse me paraît s’être imposé, bien que notre Cour ne se soit pas exprimée à son sujet dans l’arrêt Jorgensen. Ainsi, cette méthode a été employée par des cours d’appel provinciales pour étudier et appliquer la défense d’erreur causée par une personne en autorité (R. c. Larivière 2000 CanLII 8295 (QC C.A.), (2000), 38 C.R. (5th) 130 (C.A. Qué.); Maitland Valley Conservation Authority c. Cranbrook Swine Inc. 2003 CanLII 41182 (ON C.A.), (2003), 64 O.R. (3d) 417 (C.A.)). (...)

lundi 24 mai 2010

Analyse de ce que constitue la défense d'erreur de droit - le concept de l'erreur extra-pénale

R. c. Kairouz, 2010 QCCQ 2649 (CanLII)

[106] Rappelons, d'entrée de jeu, que la défense d'erreur de droit est en principe irrecevable en droit pénal canadien. Les professeurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon expliquent pourquoi, aux pages 1071 et 1072 de leur ouvrage précédemment cité :

« L'erreur de droit ne peut en principe avoir aucune incidence sur la mens rea d'un individu. Cette règle se retrouve à l'article 19 du Code criminel, voulant que l'ignorance de la loi ne puisse constituer ni une excuse ni une justification pour la perpétration d'une infraction criminelle […]. »

[107] Cela dit, cette règle n'est pas absolue. Ainsi, dans Droit pénal, infractions, moyens de défense et peine (Collection de droit 2009-2010, École du Barreau et Les Éditions Yvon Blais Inc., Montréal, 2009), la juge Sophie Bourque, de la Cour supérieure, écrit-elle, aux pages 193 et 194 :

« Nul n'est censé ignorer la loi. L'article 19 C.cr. énonce que «l'ignorance de la loi chez une personne qui commet une infraction n'excuse pas la perpétration de l'infraction». L'erreur quant à la loi, même sincère et honnête, n'est pas une excuse. Cependant, cette interdiction n'est pas absolue. Il faut faire attention de ne pas qualifier d'erreur de droit ce qui ne l'est pas et ainsi priver un accusé d'un moyen de défense par ailleurs valable […].

[…]

Les enseignements de l'arrêt Docherty [1989 CanLII 45 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 941] sont cependant toujours d'actualité lorsque la mens rea de l'infraction implique un élément de connaissance de certains faits. […]

[…]

Par ailleurs, une erreur quant à une notion de droit privé ou de droit civil est généralement une défense opposable à une accusation. […] »

[108] Or, les professeurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon expliquent, aux pages 1082 à 1084 de leur ouvrage précité, que la défense d'erreur de droit fondée sur la méprise à l'égard d'une règle de droit civil ou de droit de la famille doit être traitée à la lumière des règles applicables à la défense d'erreur de fait :

« L'erreur extra-pénale est l'erreur commise au sujet d'une règle empruntée à une branche autre que le droit pénal et qui prévoit une incrimination. Il arrive, en effet, qu'un texte à caractère pénal incorpore des normes ou des notions empruntées à une autre branche du droit. Dans la plupart des cas, il s'agit de notions provenant du droit civil comme les notions de propriété ou de mariage. […] En ce qui concerne la bigamie, il faut prouver l'existence d'un premier mariage valide. Les auteurs ont estimé qu'il serait abusif de ne pas accepter l'erreur commise par rapport à une telle norme ou notion. Étant donné la complexité du droit civil, le citoyen ne devrait pas subir les conséquences d'une condamnation criminelle dans un tel cas.

[…]

En outre, la discrimination entre la loi pénale et la loi civile est tout à fait arbitraire si, en refusant de prendre en considération l'erreur de droit, on sanctionne l'indifférence des justiciables.

Pour acquitter l'accusé, les tribunaux n'invoqueront pas l'erreur de droit et jugeront qu'il y avait absence de mens rea ou assimileront cette erreur à une erreur de fait. C'est ainsi que la Cour suprême du Canada a admis, dans un jugement majoritaire, qu'une erreur portant sur une norme extra-pénale incorporée dans un texte d'incrimination pourrait être acceptée en défense sous la forme d'une erreur de fait. […]

[…]

L'assimilation d'une erreur extra-pénale à une erreur de fait ne constitue pas une solution souhaitable. Qualifier les éléments normatifs incorporés dans les textes d'incrimination comme des faits ne servira qu'à compliquer davantage les choses. La question principale sera déplacée une fois de plus. Au lieu de se demander si l'erreur de droit a été excusable ou raisonnable, on cherchera à déterminer si l'erreur porte sur un autre domaine du droit que le droit pénal.

Il faut quand même admettre que, jusqu'au moment où l'erreur de droit sera reconnue comme défense par le législateur canadien, le concept de l'erreur extra-pénale constitue une alternative préférable à la stricte application de la règle «nul n'est censé ignorer la loi ». »

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...