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mardi 4 mars 2014

La défense "de minimis non curat lex" et le contexte conjugal

Gosselin c. R., 2012 QCCA 1874 (CanLII)


[37]        Qu’en est-il de l’argument du de minimis non curat lex (« des petites choses la loi ne se soucie pas ») soulevé par l’appelant? Le geste fait par l’appelant est-il trop peu important pour justifier une condamnation dans les circonstances?

[38]        L’appelant qualifie de banal son geste en plaidant que retenir sa conjointe comme il l’a fait ne peut sérieusement être considéré comme des voies de fait dignes d’une accusation criminelle. En appui de cet argument, il cite un extrait de l’arrêt de la Cour suprême dans R. c. Jobidon concernant un acte innocent posé par un parent à l’endroit de son enfant récalcitrant. Pour l’appelant, le contact entre conjoints en l’espèce est tout aussi trivial et, par conséquent, doit être également considéré comme innocent. Fait dans le cadre des rapports entre deux individus qui forment un couple, le geste ne peut, dit-il, justifier la qualification d’acte criminel.

[39]        L’argument de la banalité du geste est sans mérite.

[40]        Contrairement à ce que plaide l’appelant, il ne s’agit pas d’une violation technique de l’article 266 du Code criminel. Sur le plan théorique et pratique, l'application de la maxime de minimis non curat lex à une déclaration de culpabilité pour l'infraction des voies de fait s'avère toujours difficilement soutenable. Dans les faits de l'espèce, le juge ne pouvait écarter la preuve présentée devant lui en application du concept de minimis non curat lex. Les éléments de l’infraction sont ici clairement établis : l’acte de retenir Mme  V... a été fait de manière intentionnelle et la victime n’y a pas consenti. Même en l'absence de séquelles physiques, les actes de nature hostile posés dans un contexte de violence conjugale sont généralement considérés incompatibles avec une « défense » fondée sur de minimis.

[41]        De fait, le contexte conjugal fait voir que le geste de l’appelant est tout sauf un acte banal. Le professeur Glanville Williams expose les bases de l'application très exceptionnelle de la maxime de minimis dans le contexte de l'infraction d'assault en droit anglais en soulignant que le « contact social ordinaire » ne constitue pas des voies de fait. Or, cette exception ne peut s'appliquer à un acte hostile, commis à l'endroit d'une conjointe sans son consentement, comme l'acte posé par l'appelant. Son comportement n'est pas susceptible d'être qualifié d'« ordinary social contact » pour reprendre l'expression de l'auteur Williams.

[42]        Profitant de la confiance que procurent les rapports intimes qui caractérisent l'union conjugale, l’appelant retient physiquement sa conjointe sans son consentement d’une manière que, d’ordinaire, on ne ferait pas avec un étranger. Elle lui résiste et, avant l’intervention de M. Bélair, l’appelant ne la laisse pas aller. Il s’autorise, au nom de son statut de conjoint, à ignorer l’absence de consentement clairement manifestée par sa conjointe avec qui il est censé mener des relations d’égal à égal. Appliquer le concept de minimis non curat lex ici aurait l’effet pervers de ne pas tenir compte de l’absence de consentement de Mme  V... du seul fait qu’elle est la conjointe de l’accusé. Il aurait aussi l’effet pervers de nier le mal social – la violence conjugale – dont la conduite de l’appelant est une manifestation claire. Pour reprendre les mots de la Cour suprême dans Jobidon, « [l]e législateur n’a certainement pas voulu cette conséquence absurde ».

lundi 3 décembre 2012

Autre arrêt concernant l'utilisation de la justice criminelle à des fins civiles

R. c. Liakas, 2000 CanLII 1312 (QC CA)

Lien vers la décision

[49] Il faut noter que, dès que les représentants de la banque ont eu des motifs raisonnables de croire que l'appelant avait posé des actes frauduleux, ils ont avisé la GRC de l'affaire. En conséquence, dès le début la banque perdait le contrôle sur la question de savoir si une dénonciation allait éventuellement être faite.

[50] Deuxièmement, la banque n'a jamais fait de menaces ou de promesses à l'appelant qu'il y aurait ou qu'il n'y aurait pas une poursuite pénale.

[51] Enfin, il s'agit d'un crime sérieux (une fraude pour une somme d'environ 4 000 000 $) et l'arrêt de la procédure aurait jeté du discrédit sur l'administration de la justice. La doctrine suivant laquelle on blâme la victime d'une fraude d'avoir recours au tribunal pénal par suite du fait que l'auteur de la fraude néglige ou refuse d'indemniser la victime trouve surtout application lorsque le préjudice subi par la victime est peu considérable et que la victime, pour convaincre l'auteur de l'indemniser, promet de ne pas dénoncer son acte ou le menace d'une poursuite. Ainsi, dans ce genre de situation, il paraît évident que la victime se sert du système pénal pour recouvrer sa créance. Mais on ne saurait blâmer la victime d'une vaste fraude, qui désire à la fois recouvrer sa créance et faire punir l'auteur de la fraude, de mettre en branle et le système civil et le système pénal. Bref, ce n'est pas parce que la victime a une voie de droit civile qu'elle ne peut pas dénoncer le crime et que, si elle dénonce le crime, l'auteur de la fraude a droit à l'arrêt de la procédure du fait que la victime avait une voie de droit civile.

[52] Le fait que, si l'appelant avait remboursé la banque, celle-ci aurait cessé d'engager des frais d'avocats pour aider la GRC à accumuler des éléments de preuve et qu'elle se serait désintéressée de l'affaire est bien naturel et n'établit pas que la banque a voulu se servir d'une façon abusive du système de la justice pénale dans le but de percevoir une créance civile.

[53] Il n'est pas inutile d'ajouter qu'aucun reproche ne peut être fait au Ministère public qui, indépendamment de la conduite qu'aurait eu la banque, avait le devoir, dans l'intérêt public, de faire sanctionner le crime par l'appelant. Voir Régina c. Finn 1996 CanLII 6632 (NL CA), (1996), 106 C.C.C.(3d) 43 (Cour d'appel de Terre-Neuve) qui a été confirmé, du moins quant au résultat, par la Cour suprême du Canada à 1997 CanLII 398 (SCC), (1997), 112 C.C.C.(3d) 288.

Utilisation de la justice criminelle à des fins civiles

R. c. Finn, 1997 CanLII 398 (CSC), [1997] 1 RCS 10

Lien vers la décision

1               Le juge Sopinka ‑‑ Le présent pourvoi est formé de plein droit. À notre avis, ce n’est pas l’un des cas les plus manifestes où il y a lieu de conclure à l’existence d’un abus de procédure. Les accusations ont été portées à la suite d’une enquête et d’une décision indépendantes des autorités. On ne saurait donc affirmer que l’objet de la poursuite était de promouvoir l’intérêt, en droit civil, qu’aurait la plaignante à obtenir le paiement d’une dette. De plus, il n’y a eu aucune iniquité de nature à constituer un abus de procédure.




jeudi 23 juin 2011

L'existence et la nature de la défense "de minimis non curat lex"

R. c. Freedman, 2006 QCCQ 1855 (CanLII)

[39] The case law and doctrine clearly establish that the maxim was and is used in non-criminal matters. In criminal law, it is presumed to exist although the extent of it has yet to be defined by the Courts.

[40] For instance, L'Heureux-Dubé J. mentioned the principle in R. v. Hinchey, without deciding if and how it applied in Canadian criminal Law:

¶ 69 In my view, this interpretation removes the possibility that the section will trap trivial and unintended violations. Nevertheless, assuming that situations could still arise which do not warrant a criminal sanction, there might be another method to avoid entering a conviction: the principle of de minimis non curat lex, that "the law does not concern itself with trifles". This type of solution to cases where an accused has "technically" violated a Code section has been proposed by the Canadian Bar Assocation, in Principles of Criminal Liability: Proposals for a New General Part of the Criminal Code of Canada (1992), and others: see Professor Stuart, Canadian Criminal Law: A Treatise (3rd ed. 1995) at pp. 542-46. I am aware, however, that this principle's potential application as a defence to criminal culpability has not yet been decided by this Court, and would appear to be the subject of some debate in the courts below. Since a resolution of this issue is not strictly necessary to decide this case, I would prefer to leave this issue for another day.

[41] In Canadian Foundation, Arbour J. qualified the case law of “somewhat unsatisfactory” and recognized that a codification project “may cure judicial reluctance to rely on de minimis; however, the common law defence of de minimis, as preserved under s. 8(3) of the Code, is sufficient to prevent parents and others from being exposed to harsh criminal sanctions for trivial infractions.” . Arbour J. went on to suggest that the “appropriate expansion in the use of the de minimis defence — not unlike the development of the doctrine of abuse of process — would assist in ensuring that mere technical violations of the assault provisions of the Code that ought not to attract criminal sanctions are stayed.” But whether or not to apply the doctrine is definitely an exercise of judicial discretion.

[42] In the seminal case of The "Reward", all that was said about it is the following:

"This Court cannot take on itself legislative functions: it must administer the law as it stands; certainly with such qualifications as the law permits. The Court is not bound to a strictness at once harsh and pedantic in the application of the statutes. The law permits the qualification implied in the ancient maxim 'de minimis non curat lex'. Where there are irregularities of a very slight consequence, it does not intend that the infliction of penalties should be inflexibly severe. If the deviation were a mere trifle which if continued in practice would weight little or nothing on the public interest, it might be overlooked."

[43] The Supreme Court does offer very limited guidance on the issue. Again, L'Heureux-Dubé J. in R. v. Cuerrier was of opinion that the principle of de minimis non curat lex, might apply to prevent or stop prosecuting innocent conduct.

[44] In Canadian Foundation, Arbour J. pointed out that:

In effect, the defence is that there was only a "technical" commission of the actus reus and that "the conduct fell within the words of an offence description but was too trivial to fall within the range of wrongs which the description was designed to cover" (E. Colvin, Principles of Criminal Law (2nd ed. 1991), at p. 100). The defence of de minimis does not mean that the act is justified; it remains unlawful, but on account of its triviality it goes unpunished (S. A. Strauss, "Book Review of South African Criminal Law and Procedure by E. Mr. Burchell, J. S. Wylie and P. Mr. A. Hunt" (1970), 87 So. Afr. L.J. 471, at p. 483).

[45] In R. v. Elek, Faulkner J. held that "a much better way to approach the task is to ask whether or not the conduct of the accused is sufficiently serious that it should properly be stigmatized as criminal", and he would thus go a step further and apply the doctrine to non-trifling matters .

[46] Commenting on R. v. Hinchey , the Ontario Court of Appeal described the defence in the following terms: "This principle seeks to avoid the criminalization of harmless conduct by preventing the conviction of those who have not really done anything wrong. The application of the principle goes only so far as to preclude the criminalization of conduct for which there is no reasoned apprehension of harm to any legitimate personal or societal interest." It was thus referring to the analogy made by Doherty J. in R. v. Murdock, where a parallel is drawn between the de minimis defence and the harm principle as a principle of fundamental justice

[60] In my opinion, a Court should, without limitation, consider the following factors: 1) the defendant's character, 2) the nature of the proven offence, 3) the circumstances surrounding the proven offence, including, if any, the accused's motive, 4) the circumstances surrounding the laying of the charge, including if any, the plaintiff's motive, 5) the actual harm caused by the offence, 6) the specific objective, if any, intended to be achieved by the legislature when it enacted the provision and 7) the public interest.

mardi 7 septembre 2010

Cadre analytique que doit adopter le juge pour évaluer la défense de nécessité

R. v. Costoff, 2010 ONCJ 109 (CanLII)

[17] The defence of “necessity” is set out in R. v. Perka 1984 CanLII 23 (S.C.C.), [1984] 2 S.C.R. 232. There are three elements to the defence of necessity:

• Imminent danger and peril.

• No reasonable legal alternative to what the defendant did.

• A relationship between the harm inflicted and the harm avoided.

[18] For the defence to be successful, I must have a reasonable doubt about each of these elements. Where an accused places before the court sufficient evidence to raise the issue, the onus is on the Crown to meet it beyond a reasonable doubt (R. v. Gyetvan [2005] O.J. No. 5813 para 18:

“The state of the law, therefore, is that for the necessity defence to prevail, the trial judge must be satisfied that there is evidence sufficient to give an air of reality of each of the three requirements. Having considered the evidence in this case and the applicable law, I am satisfied that the evidence here is sufficient to give an air of reality to each of these requirements.”

[19] In a significant review of the law in R. v. L.S. [2001] B.C.J. No. 3062, the justice observed at para 25:

“Generally, if there is clear evidence that the accused, or someone under his or her protection is at an immediate risk of physical harm, if no reasonable alternative is available and, if the driving is for no longer than is necessary to escape the harm, the defence of necessity will succeed”.

[20] In Regina v. Latimer [2001] S.C.J. No 1, the court observed that the standard is a modified objective test which takes into account the situation and characteristics of the particular accused:

“The accused person must, at the time of the act, honestly believe, on reasonable grounds, that he faces a situation of imminent peril that leaves no reasonable legal alternative open.” (para. 33)

dimanche 7 mars 2010

Existence en droit canadien du moyen de défense affirmatif, relevant de l'excuse, fondé sur la contrainte

R. c. Orchard, 2006 QCCQ 3374 (CanLII)

[60] Dans les arrêts R. c. Hibbert et R. c. Ruzic, la Cour suprême du Canada confirme l'existence en droit canadien du moyen de défense affirmatif, relevant de l'excuse, fondé sur la contrainte et en dessine les contours.

[61] L'on peut en tirer les propositions suivantes :

- les moyens de défense de common law fondés sur la nécessité et la contrainte s'appliquent à des situations de faits identiques; par conséquent, ils reposent sur le même fondement théorique;

- le moyen de défense de contrainte doit répondre aux conditions suivantes :

• l'existence d'un danger imminent et évident;

• l'absence de solution raisonnable et légale autre que celle de contrevenir à la loi;

• le danger évité doit être proportionné « au mal causé par [les actes illégaux] ».

- il n'est pas nécessaire que le danger soit immédiat; il suffit d'interpréter le critère d'immédiateté comme exigeant la présence d'un lien temporel étroit entre les menaces et la mise en exécution;

- la norme applicable pour apprécier, d'une part, la gravité du danger, et d'autre part, déterminer si le défendeur a un moyen de s'en sortir, s'avère à la fois objective et subjective;

- cette norme doit donc prendre en compte le point de vue de la personne raisonnable placée dans des circonstances similaires, mais aussi la situation particulière de la personne invoquant le moyen et sa capacité de trouver une solution raisonnable autre que celle de commettre les infractions, eu égard à ses antécédents personnels et ses caractéristiques essentielles;

- plus particulièrement, l'existence d'un moyen de s'en sortir sans danger, une illustration de la seconde condition susmentionnée, pourrait être déterminée selon une norme objective tout en prenant en considération la situation personnelle de la personne invoquant le moyen, jugée « pertinente et importante ».

[62] Par ailleurs, la personne qui invoque le moyen de défense fondée sur la contrainte doit s'acquitter d'un fardeau de présentation consistant à faire valoir des éléments de preuve suffisamment probants qui permettraient éventuellement, au vu de toutes les circonstances « de conserver un doute raisonnable quant au moyen de défense soulevé ».

[63] Quand les faits permettent la présentation d'une telle défense, il incombe au Ministère public d'établir hors de tout doute raisonnable que l'accusé n'a pas agi sous le fait de la contrainte

Le moyen de défense fondé sur la contrainte pour un participant à une infraction par l’application de l’article 21(1)(b) du Code criminel

R. c. Gionet, 2009 NBCP 10 (CanLII)

23. Le moyen de défense fondé sur la contrainte pour un participant à une infraction par l’application de l’article 21(1)(b) du Code criminel est conservé par le paragraphe 8(3) du Code criminel. Il s’agit d’un moyen de défense reconnu en common law au Canada depuis longtemps. Ce moyen de défense doit être différencié de celui retrouvé dans l’article 17 du Code criminel. Dans l’arrêt Paquette c. La Reine 1976 CanLII 24 (C.S.C.), [1977] 2 R.C.S. 189, la Cour suprême du Canada a conclu que l’article 17 du Code criminel ne s’appliquait qu’aux personnes qui sont l’auteur principal d’une infraction et non aux personnes qui sont participants à une infraction par l’application de l’article 21 du Code criminel. Pour cette raison, M. Gionet ne peut pas fonder son moyen de défense sur l’article 17 - il n’était pas l’auteur principal du vol : voir R. c. Hibbert 1995 CanLII 110 (C.S.C.), [1995] 2 R.C.S. 973.

24. Le moyen de défense de common law fondé sur la contrainte fournit une « excuse » et protège absolument contre une déclaration de culpabilité à l’infraction. Une excuse reconnaît que l’acte en question était répréhensible mais empêche à son auteur l’imputation de criminalité ou de responsabilité criminelle. La notion de caractère involontaire au sens moral empêche l’attribution d’une responsabilité délictuelle en raison du fait que l’auteur du délit, qui reconnaît sa participation à l’infraction, est nonobstant excusé pour sa criminalité en raison des circonstances extrêmes dans lesquelles il a agi. Un individu ne devrait pas être reconnu criminellement responsable pour des gestes s’il réagissait à une menace de préjudice imminent. Si l’on élimine le choix viable ou raisonnable, l’auteur d’un délit agit de façon inévitable. Il n’avait pas, selon lui, aucun choix que de commettre l’infraction en question. La contrainte fournit également une excuse aux personnes qui aident quelqu’un à commettre une infraction par suite de menaces de violence grave : voir R. c. Hibbert (supra) au paragraphe 38.

25. Le moyen de défense fondé sur la contrainte entre en jeu « dans des circonstances où une personne est exposée à un danger extérieur et qui, pour éviter le danger qui la menace, accomplit un acte qui serait par ailleurs criminel » : R. c. Hibbert (supra) au paragraphe 50. La jurisprudence renseigne que les éléments constitutifs du moyen de défense de contrainte fondé sur la common law sont les suivants :

1) Que l’accusé a agi uniquement en résultat des menaces de mort ou de lésions corporelles graves. Les menaces doivent viser l’intégrité de la personne. Il doit exister un lien temporel étroit entre les menaces et le préjudice que l’on menace de causer;

2) Que les menaces étaient de telle nature à porter l’accusé à croire qu’elles pourraient être mises en œuvre. Les menaces devaient être des menaces réelles qui ont influencé l’accusé au moment où il a commis l’infraction. Les menaces peuvent être de nature explicite ou implicite - voir R. v. Mena 1987 CanLII 2868 (ON C.A.), (1987) 34 C.C.C. (3d) 304 (C.A. Ont) à la page 322 :

« Mere fear does not constitute duress in the absence of a threat, either express or implied. Where an implied threat is relied upon to constitute duress either under s. 17 or under the common law, the threshold question is whether the acts, conduct or words of the person alleged to have made the threat could reasonably be construed as a threat of the required kind.” . . .

3) Que les menaces devaient être si graves ou sérieuses qu’elles auraient l’effet de causer chez la personne raisonnable qui se situe dans la même situation que l’accusé à agir de la même façon. Il s’agit donc d’appliquer une norme à la fois subjective et objective dans l’appréciation de la gravité des menaces. Il existe une exigence de proportionnalité entre les menaces proférées et l’acte criminel à accomplir. Selon R. c. Ruzic, 2001 CSC 24 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 687 au paragraphe 62 :

« . . . un accusé soumis à une contrainte ne possède pas seulement des droits, mais encourt également des obligations envers autrui et la société. L’accusé assume, envers les autres êtres humains, l’obligation fondamentale d’adapter sa conduite en fonction de la gravité et de la nature des menaces proférées. »

4) Que l’accusé n’avait pas de moyen de s’en sortir sans danger. Encore une fois, la norme subjective et objective entre en jeu pour déterminer la viabilité d’un moyen de s’en sortir sans danger. Il faut préciser que la loi n’oblige aucunement que l’accusé demande la protection de la police dans tous les cas. L’exigence d’objectivité doit tenir compte de la situation particulière dans laquelle se trouvait l’accusé et de la façon dont il percevait la situation dont il faisait face : voir R. c. Ruzic (supra) au paragraphe 98.

26. En ce qui concerne les troisième et quatrième volets des éléments constitutifs, l’application de la norme objective et subjective exige que le tribunal examine objectivement, du point de vue de la personne raisonnable, les éléments de preuve qui soutiennent la gravité de la menace ainsi que l’existence d’un moyen de s’en sortir sans danger, mais le tribunal doit prendre en considération :

« . . . la situation particulière dans laquelle se trouvait le prévenu et la capacité de celui-ci de discerner une solution autre que celle de commettre un crime, compte tenu de ses antécédents et de ses caractéristiques essentielles. Le processus comporte une appréciation pragmatique de la situation de l’accusé, tempérée par la nécessité d’éviter d’écarter la responsabilité criminelle sur la foi d’une excuse purement subjective et invérifiable. » (Voir R. c. Ruzic, (supra) au paragraphe 61.)

Cet arrêt reconnaît aussi qu’il existe chez l’accusé la responsabilité de démontrer un certain courage et d’opposer une résistance normale aux menaces proférées. (Voir le paragraphe 62.)

27. C’est à l’accusé d’invoquer le moyen de défense. Il doit présenter des preuves à ce sujet. Il n’est pas cependant obligé de témoigner, mais peut avancer le moyen de défense par d’autres preuves admissibles. Une fois que l’accusé a présenté suffisamment de preuve pour invoquer le moyen de défense en question, il incombe au ministère public d’établir hors de tout doute raisonnable que l’accusé n’a pas agi sous l’effet de la contrainte. (Voir R. c. Ruzic (supra) au paragraphe 100.)

28. Nonobstant que l’excuse fondée sur la contrainte exonère l’accusé de toute responsabilité personnelle en mettant l’accent non pas sur l’acte répréhensible mais plutôt sur les circonstances du délit ainsi que la capacité personnelle de l’accusé de l’éviter, il faut toujours prendre en ligne de compte que ce moyen de défense est considéré comme une concession à la faiblesse humaine. Comme le précise le juge LeBel au paragraphe 40 de l’arrêt Ruzic : « La loi est conçue pour s’appliquer aux personnes ordinaires et non à une collectivité de saints ou de héros ».

dimanche 17 janvier 2010

Le principe Minimis non curat lex est un moyen de défense recevable contre une accusation de voie de fait en droit criminel canadien

R. c. Guimont, 2009 QCCQ 9881 (CanLII)

[41] Il est reconnu que la maxime, le principe minimis non curat lex est un moyen de défense recevable contre une accusation de voie de fait en droit criminel canadien. L'honorable juge Arbour, dissidente dans Canadian Foundation faisait ainsi valoir ce moyen de défense comme un palliatif à l'inconstitutionnalité de l'article 43 C.cr. qu'elle aurait décidé. La juge Arbour formulait ainsi son opinion :

200 Le Juge en chef refuse, à juste titre, de s’en remettre uniquement au pouvoir discrétionnaire de la poursuite pour écarter les affaires ne justifiant pas des poursuites et des sanctions. En matière de droit criminel, le poursuivant doit faire montre de discernement lorsqu’il s’agit d’écarter des affaires sans importance, mais ce n’est pas suffisant. La loi doit empêcher les déclarations de culpabilité relatives à un comportement qui ne mérite pas d’être puni, et c’est ce qu’elle fait. Si le système judiciaire n’est pas confronté à une multitude de poursuites insignifiantes pour des comportements qui ne font que remplir les conditions théoriques nécessaires pour qu’il y ait « crime » (par exemple, le vol d’un sou), c’est grâce à l’efficacité du pouvoir discrétionnaire de la poursuite et parce que les juges peuvent appliquer le moyen de défense de common law fondé sur le principe de minimis non curat lex (la loi ne se soucie pas des petites choses sans importance).

[…]

203 Certes, la jurisprudence relative à l’application du moyen de défense est limitée. L’application rare du moyen de défense fondé sur le principe de minimis par les tribunaux peut s’expliquer par le fait que les policiers et les poursuivants passent au crible toutes les accusations criminelles de sorte que seules celles qui le méritent donnent lieu à un procès. Le principe de minimis peut, malgré tout, être invoqué en tant que moyen de défense de common law maintenu par le par. 8(3) du Code, et il appartient aux tribunaux de l’appliquer et de le développer à leur guise (J. Hétu, « Droit judiciaire : De minimis non curat praetor : une maxime qui a toute son importance! » (1990), 50 R. du B. 1065, p. 1065-1076). En fait, ce moyen de défense veut seulement que l’actus reus ait été [traduction] « pour ainsi dire » accompli et que [traduction] « le comportement en cause correspond à la définition d’une infraction, mais qu’il soit trop anodin pour être compris parmi les actes fautifs que cette définition est censée viser » (E. Colvin, Principles of Criminal Law (2e éd. 1991), p. 100). Le moyen de défense* fondé sur le principe de minimis ne signifie pas que l’acte en cause est justifié, cet acte reste illégal, mais en raison de son caractère anodin, il ne sera pas puni (S. A. Strauss, « Book Review of South African Criminal Law and Procedure par E. M. Burchell, J. S. Wylie et P. M. A. Hunt » (1970), 87 So. Afr. L.J. 471, p. 483).

204 Les raisons données pour justifier l’excuse « de minimis » sont généralement les suivantes : (1) le droit criminel ne doit s’appliquer qu’à l’inconduite grave (2) l’accusé doit échapper au stigmate d’une déclaration de culpabilité criminelle et à l’infliction d’une peine sévère pour un comportement relativement anodin, et (3) les tribunaux ne doivent pas se retrouver ensevelis sous un nombre considérable de dossiers sans importance (K. R. Hamilton, « De Minimis Non Curat Lex » (décembre 1991), document de travail mentionné dans le rapport du groupe de travail sur la nouvelle codification du droit pénal de l’Association du Barreau canadien, Principes de responsabilité pénale : Proposition de nouvelles dispositions générales du Code criminel du Canada (1992), p. 206. Le principe repose en partie sur l’idée que le mal que la disposition créant l’infraction vise à prévenir n’a pas vraiment été fait. Cela est compatible avec le double principe fondamental de justice pénale selon lequel il ne saurait y avoir de culpabilité pour un comportement inoffensif et irrépréhensible (voir mes motifs dans l’arrêt R. c. Malmo-Levine, 2003 CSC 74 (CanLII), [2003] 3 R.C.S. 571, 2003 CSC 74, par. 234-235 et 244).

[42] Au nom de la majorité, le juge en chef McLachlin s'exprimait ainsi dans Canadian Foundation:

44 […] Quant au moyen de défense fondé sur le principe de minimis, il est aussi, sinon plus, imprécis et difficile à appliquer que le moyen de défense fondé sur le caractère raisonnable que prévoit l’article 43.

[43] Nous retenons, malgré le peu d'exemples d'application par la jurisprudence, que cette défense s'applique aux voies de fait qui revêtent un caractère anodin, sans signification ou inoffensif. Ce moyen de défense s'applique-t-il en l'espèce? Comparant la conduite de l'accusée avec celles étudiées dans certaines décisions, la pression qu'a mise l'accusée sur l'épaule de X n'avait rien d'une plaisanterie, d'un contact affectueux mal interprété ou d'un mouvement fait pour se dégager. Il ne s'agissait pas non plus d'avoir légèrement tassé une personne afin d'avoir accès à une porte.)

[44] Ce geste a été posé dans un contexte scolaire et sans doute pour démontrer une autorité avec plus de fermeté qu'avec la parole. Quoique limite et d'une gravité mineure, cette voie de fait, mise dans son contexte, ne permet pas cette défense. Son application en l'espèce ouvrirait un tort individuel et social. On ne peut s'attendre à ce que pour se faire entendre ou pour réagir à une inconduite, il soit banalisé de presser une partie du corps d'une personne.

jeudi 31 décembre 2009

Possession de monnaie contrefaite - défense de minimis non curat lex

R. c. S.G., 2006 QCCQ 13467 (CanLII)

[9] L’accusé par tout ceci a-t-il commis les crimes qui lui sont reprochés, à savoir la possession de monnaie contrefaite, a-t-on fait une preuve hors de tout doute raisonnable de sa culpabilité en ces affaires ?

[10] Certes, la preuve est à l’effet qu’au domicile de l’accusé fut retrouvé ce que produit sous la côte P-6.

[11] Cette même preuve démontre également que tout ceci part d’une activité de jeu d’enfants et que les pièces en question se trouvaient là où l’un ou l’autre des fils de l’accusé avait accès, d’ailleurs d’autres documents enfantins semblent s’y être retrouvés.

[12] La mère plaignante nous dit, à l’occasion de son témoignage, que ses fils ont eu ou utilisé chez elle ce genre de billets, a-t-elle, elle aussi, contrevenu à la loi?

[13] Bien que la mens rea de ce crime soit d’intention générale, l’accusé a-t-il eu cette intention et en a-t-on fait la preuve hors de tout doute raisonnable?

[14] Mais, qu’est-ce que la mens rea, l’intention coupable? L’Honorable juge Irénée Lagarde, au troisième tome de son ouvrage « Droit pénal canadien », à la page 2379, écrit :

« C’est un principe de droit, exprimé par la maxime actus non facit reum nisi mens sit rea, que personne ne peut être déclaré coupable d’un acte criminel ou d’une infraction criminelle à moins qu’il n’ait agi avec une intention coupable. On peut définir la mens rea comme l’état d’esprit du prévenu qui établit qu’il a agi avec une intention coupable, frauduleusement, en connaissance de cause. »

[15] L’Honorable juge Ritchie, de la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt R. c. King[1], citant les paroles de Lord Goddard, dans Harding c. Price, écrit que :

« …the court should not find a man guilty of an offence against the criminal law unless he has a guilty mind.”

[16] Enfin, pour sa part, l’Honorable juge Dickson, dans l’arrêt Leary c. La Reine, mentionne que :

« Le principe selon lequel un tribunal ne devrait conclure à la culpabilité d’une personne en droit criminel que si elle était mal intentionnée existe dans tous les systèmes de droit pénal civilisés. »

[17] À partir de tout ceci, le tribunal n’a pas la conviction qui le met à l’abri d’un doute raisonnable, quant à l’intention coupable de l’accusé, car rien de malicieux de sa part ne transpire de la preuve.

[18] Qui plus est, il semble au tribunal qu’ici, la maxime « De minimis non curat lex » s’applique.

[19] En effet, dans une affaire de R. c. David Freedman, mon collègue l’Honorable juge Martin Vauclair statue, après une étude fort intéressante sur le sujet, référant autant à la doctrine qu’à la jurisprudence, que :

« There is no question, in the Court’s opinion, that the defence of de minimis is well alive in Canadian criminal law. There are numerous cases where the defence has been recognized as such and either applied or denied. A few cases have expressed doubt as to its existence. »

[20] Il ajoute au paragraphe 60 de sa décision :

« In my opinion, a Court should, without limitation, consider the following factors : 1) the defendant’s character, 2) the nature of the proven offence, 3) the circumstances surrounding the proven offence, including, if any, the accused’s motive, 4) the circumstances surrounding the laying of the charge, including if any, the plaintiff’s motive, 5) the actual harm caused by the offence, 6) the specific objective, if any, intended to be achieved by the legislature when it enacted the provision and 7) the public interest. »

[21] Sur cette base analytique, vu ce que mentionné ci-devant, l’ensemble des faits reliés à toute cette cause milite nettement en l’application de la défense prévue par cette maxime latine « de minimis non curat lex «, qui se traduit par « la loi ne se soucie pas d’affaires futiles, bénignes ou insignifiantes.

mardi 1 décembre 2009

La défense d'automatisme

R. c. D.N., 2009 QCCQ 6964 (CanLII)

[34] Dans la Collection de droit 2008-2009, volume 12, l'automatisme est ainsi défini :

Le corps est là, il bouge, mais l'esprit n'y est pas. Le corps est dissocié de l'esprit, c'est pourquoi on parlera souvent d'un état de dissociation. L'exemple le plus facile à comprendre, comme nous l'avons déjà mentionné, est le somnambulisme, où la personne bouge, parle et est même parfois capable de comportements complexes durant une longue période de temps, mais dont l'esprit n'a aucun contrôle sur ce que le corps fait. (p. 186)

[35] Une telle défense impose à l'accusé une procédure ainsi décrite à la page 187 :

L'accusé qui désire soumettre au juge des faits une défense d'automatisme doit donc se conformer à une procédure en deux étapes. La première étape consiste à convaincre le juge du droit qu'il s'est acquitté de sa charge de présentation quant à l'aspect involontaire de l'acte qui lui est reproché. Cette charge de présentation consiste à convaincre le juge qu'il existe une preuve qui permettrait à un jury qui a reçu des directives appropriées de conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu'il a agi invo-lontairement. L'accusé doit présenter une allégation de caractère involontaire, confirmée par le témoignage d'experts d'un psychiatre ou d'un psychologue.

[36] L'auteure réfère à la décision rendue par la Cour suprême dans Stone, plus spécifiquement au paragraphe 187, dans lequel le juge Bastarache écrit :

Pour satisfaire à la charge de présentation ou d'établissement des fondements, une allégation de caractère involontaire appuyée d'une preuve psychiatrique est nécessaire dans tous les cas. Toutefois, cette charge exigera généralement plus qu'une allégation de caractère involontaire de la part de l'accusé, confirmée par une preuve d'expert que l'automatisme est plausible en supposant que les faits relatés à l'expert par l'accusé sont exacts et véridiques. […]

[37] La Cour d'appel dans l'affaire Boivin a eu l'occasion de revenir sur les règles lorsqu'une défense d'automatisme est présentée par l'accusé. Ainsi au paragraphe 21 :

Le droit présume que les gens agissent volontairement. Puisque la défense d'automatisme revient à prétendre qu'un acte n'était pas volontaire, c'est à l'accusé qui invoque cette défense qu'il incombe de repousser cette présomption du caractère volontaire de l'acte.

[38] Au paragraphe 23 :

Dans un premier temps, il est responsable d'une charge de présentation. À cette étape, l'accusé doit convaincre le juge du droit que la défense d'automatisme peut être soumise au juge des faits, en l'occurrence le jury.

[39] Finalement au paragraphe 24 :

L'accusé s'acquitte de cette charge de présentation s'il existe une preuve permettant à un jury ayant reçu des directives appropriées de trancher raisonnablement la question de l'automatisme. L'accusé doit présenter une allégation de caractère involontaire, confirmée par le témoignage d'expert, d'un psychiatre ou d'un psychologue.

[40] Toutes les causes de jurisprudence soumises par les parties établissent clairement la nécessité de présenter une preuve d'expert pour étayer une défense d'automatisme.

[41] Dans la cause R. c. J.S., il s'agissait d'une accusation d'agression sexuelle et l'accusé plaidait l'automatisme, c'est-à-dire le somnambulisme. Le juge résume très bien au paragraphe 28, les tenants et aboutissants d'une telle défense :

Premièrement, la défense doit établir les fondements de l'automatisme en démontrant au juge du procès qu'il existe une preuve qui permettrait à un jury ayant reçu des directives appropriées de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l'accusé a agi involontairement. Pour ce faire, la défense devra présenter une allégation de caractère involontaire, confirmée par le témoignage d'un psychiatre et démontré [sic] d'autres facteurs pertinents tels : l'intensité de l'élément déclencheur, le témoignage corroborant d'observateurs; les antécédents médicaux corroborants d'états de dissociation apparentés à l'automatisme; la question de savoir s'il y a preuve de l'existence d'un mobile de crime et celle de savoir si la personne qui aurait déclenché l'état d'automatisme est également la victime de la violence qui en a résulté. Aucun facteur n'est déterminant à lui seul. Le juge du procès doit soupeser toute la preuve disponible dans chaque affaire.

[42] Plus récemment dans l'affaire Spence, se posait la question de la nécessité d'établir si la défense avançait réellement une défense d'automatisme. La poursuite affirmait que tel était le cas, alors que la défense avançait le doute sur l'actus reus et le fait accidentel lié au contexte.

[43] Au paragraphe 113, le juge écrit :

If the Crown fis correct, then this case has to be considered under the rubric of automatism as delineated by the Supreme Court of Canada in R. v. Stone 1999 CanLII 688 (S.C.C.), 1999 CanLII 688 (S.C.C), (1999) 134 C.C.C. (3d) 353. This would mean that the defendant would need to call medical evidence, and that both the evidentiary and the persuasive burdens would be on the defendant to rebut the presomption of volontariness, and establish involontary action on the balance of probabilities.

[44] La jurisprudence anglophone réfère à l'expression « sexsomnia », lorsqu'elle aborde une affaire d'agression sexuelle reliée à une défense d'automatisme.

[45] Au paragraphe 114 de la même affaire, le juge écrit :

The Crown relies upon the policy concerns enunciated in recent cases dealing with what legal and journalistic pundits have referred to as "sexsomnia" or sexual offences committed in a narcoleptic or somnambulistic state.

[46] Comme dans les deux causes citées, la présente affaire en est aussi une de sexsomnie et requiert de la part de la défense de satisfaire à son fardeau de présentation.

samedi 28 novembre 2009

Le moyen de défense fondé sur l'obéissance aux ordres d'un supérieur et celui de l'agent de la paix

R. c. Finta, 1994 CanLII 129 (C.S.C.)

Les membres des forces militaires ou policières peuvent invoquer le moyen de défense fondé sur l'obéissance aux ordres d'un supérieur et celui de l'agent de la paix dans des poursuites pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Ces moyens de défense sont examinés en regard du critère de l'illégalité manifeste. Ils ne peuvent donc être invoqués lorsque les ordres en question étaient manifestement illégaux. Même dans le cas où les ordres étaient manifestement illégaux, le moyen de défense fondé sur l'obéissance aux ordres d'un supérieur et celui de l'agent de la paix pourront être invoqués si l'accusé n'avait pas la liberté morale d'y obéir ou non. C'est‑à‑dire que l'accusé voyait dans l'ordre un élément de contrainte ou de menace telle qu'il n'avait d'autre choix que d'y obéir. On pourrait par exemple conclure que l'accusé a été forcé d'exécuter les ordres manifestement illégaux dans le cas où, n'eût été son obéissance, il aurait été tué.

mardi 17 novembre 2009

Défense de common law : « De minimis non curat lex »

R. c. Poirier, 2008 QCCQ 2394 (CanLII)

[7] Il est maintenant reconnu en jurisprudence que la défense de « De minimis non curat lex » existe en droit pénal canadien. En effet, l’art. 8(3) du Code criminel permet d’invoquer ce moyen de défense de common law à l’encontre d’une accusation de voies de fait simples.

[8] En fait, ce moyen de défense veut seulement que l’actus reus ait été [TRADUCTION] « pour ainsi dire » accompli et que [TRADUCTION] « le comportement en cause correspond à la définition d’une infraction, mais qu’il soit trop anodin pour être compris parmi les actes fautifs que cette définition est censée visée » (E. Colvin, Principles of Criminal Law (2e éd. 1991), p. 100). Le moyen de défense fondé sur le principe de minimis ne signifie pas que l’acte en cause est justifié, cet acte reste illégal, mais en raison de son caractère anodin, il ne sera pas puni.

[9] Le principe repose en partie sur l’idée que le mal que la disposition créant l’infraction vise à prévenir n’a pas vraiment été fait. Cela est compatible avec le double principe fondamental de justice pénale selon lequel il ne saurait y avoir de culpabilité pour un comportement inoffensif et irrépréhensible.

[10] Dans le présent dossier, il est exact qu’un climat de méfiance existe entre l’accusé et la plaignante. Les relations propriétaire-locataire sont difficiles parce que la plaignante porte souvent plainte devant la Régie du logement, soit pour contester une hausse de loyers, soit pour se plaindre de harcèlement ou encore pour dénoncer un dégât d’eau.

[11] C’est dans ce contexte d’animosité que l’accusé a posé les gestes reprochés.

[12] Il ne fait pas de doute dans l’esprit de la Cour que l’accusé a, d’une manière intentionnelle, employé la force contre la plaignante sans son consentement au sens de l’art. 265(1)a) du Code criminel. Cependant, le degré de force utilisé dans les circonstances peut être qualifié de très minime.

[13] De plus, les gestes ont été posés sans agressivité, sans prononcer de propos injurieux, menaçants ou belliqueux envers la plaignante et appliqués dans le seul but de fermer la porte de la salle de lavage conformément au règlement du service des incendies, car il s’agit d’une porte coupe-feu.

[14] Bien que l’infraction de voies de fait simples ne soit pas sans gravité, la Cour conclut, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, que la voie de fait causée par l’accusé est, eu égard à toutes les circonstances de la présente affaire, anodine, inoffensive et sans signification.

vendredi 18 septembre 2009

Les degrés d’intoxication pertinents en droit

R. c. Daley, 2007 CSC 53, [2007] 3 R.C.S. 523

[40] (...) La Cour a examiné la question du degré d’intoxication pouvant soulever un doute raisonnable quant à l’absence d’intention spécifique dans R. c. Robinson, 1996 CanLII 233 (C.S.C.), [1996] 1 R.C.S. 683. (...) Dans Robinson, la Cour a statué que les règles énoncées dans Beard violaient l’art. 7 et l’al. 11d) de la Charte parce qu’elles obligeaient le jury à rendre un verdict de culpabilité même en présence d’un doute raisonnable quant à l’intention véritable de l’accusé. Pourtant, il est possible qu’un accusé dont l’intoxication n’a pas annihilé la capacité de former une intention n’ait pas exercé cette capacité et n’ait pas formé d’intention spécifique. La question fondamentale reste toujours celle de l’intention véritable de l’accusé.

[41] Notre jurisprudence établit trois degrés d’intoxication pertinents en droit. Il y a d’abord ce que nous pourrions appeler l’intoxication « légère ». C’est l’état où l’alcool provoque un relâchement des inhibitions et du comportement socialement acceptable. Cet état n’a jamais été reconnu comme facteur ou excuse lorsqu’il s’agit de déterminer si l’accusé avait la mens rea requise : voir Daviault, p. 99. Vient en deuxième lieu l’intoxication « avancée ». Il s’agit d’un état d’intoxication tel que l’accusé n’a pas d’intention spécifique, lorsque l’atteinte à sa capacité de prévoir les conséquences de ses actes est suffisante pour susciter un doute raisonnable concernant l’existence de la mens rea requise. Dans Robinson, la Cour a indiqué qu’il s’agit du degré d’intoxication avec lequel les jurys seront le plus souvent aux prises :

Dans la plupart des affaires de meurtre, le juge des faits se concentre sur le volet « prévisibilité » du sous‑al. 229a)(ii) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, c’est-à-dire sur la question de savoir si l’accusé a prévu que ses actes seraient de nature à causer la mort de la victime. Par exemple, prenons le cas où l’accusé et une autre personne se bagarrent à l’extérieur d’un bar. Au cours de la bagarre, l’accusé jette l’autre personne par terre et lui assène un coup de pied mortel à la tête. Dans ce type d’affaire, le jury, en supposant qu’il rejettera toute allégation de légitime défense ou de provocation, sera vraisemblablement aux prises avec la question de savoir si l’accusé a prévu que ses actes seraient de nature à causer la mort de l’autre personne. [par. 49]

On ne peut invoquer de défense fondée sur ce degré d’intoxication qu’à l’égard d’infractions d’intention spécifique.

[42] Il faut comprendre que le degré d’intoxication nécessaire pour qu’une défense d’intoxication de ce type soit retenue peut varier suivant l’infraction. C’est ce que la Cour a reconnu dans Robinson quant à certains types d’homicide, au par. 52 :

[D]ans les cas où il s’agit seulement de savoir si l’accusé a voulu tuer la victime (sous‑al. 229a)(i) du Code), bien que l’accusé ait le droit d’invoquer toute preuve d’intoxication pour faire valoir qu’il n’avait pas l’intention requise, et qu’il ait droit à ce que le juge du procès donne une directive en ce sens (en supposant bien sûr que le moyen de défense est vraisemblable), je suis d’avis que, dans la plupart des cas, l’intoxication qui n’est pas suffisante pour engendrer une incapacité fera rarement naître un doute raisonnable dans l’esprit du jury. Par exemple, dans le cas où un accusé pointe un fusil de chasse à quelques pouces de la tête de quelqu’un et appuie sur la gâchette, il est difficile de concevoir comment l’intoxication peut être invoquée avec succès comme moyen de défense, à moins que le jury ne soit convaincu que l’accusé était ivre au point d’être incapable de former l’intention de tuer.

J’hésiterais à parler de capacité de former une intention, de crainte de faire perdre de vue la question fondamentale (à savoir, celle de l’intention véritable), mais je crois que ce passage signifie qu’il se peut que l’accusé ait à établir un degré d’intoxication particulièrement avancé pour opposer une telle défense d’intoxication à certains types d’homicides où la mort est la conséquence évidente des actes commis.

[43] Le troisième et dernier degré d’intoxication pertinent en droit est celui de l’intoxication extrême s’apparentant à l’automatisme, qui exclut tout caractère volontaire et qui, de ce fait, constitue un moyen de défense exonérant totalement de toute responsabilité criminelle. Comme on l’a vu, toutefois, ce moyen ne peut être invoqué que très rarement et, aux termes de l’art. 33.1 du Code criminel, qu’à l’égard d’infractions non violentes.

[44] Puisque la preuve d’une intoxication légère n’a jamais constitué un moyen de défense, il est clair que le juge du procès n’a pas à donner de directives au jury à ce sujet; en effet, la défense ne serait pas vraisemblable. C’est au par. 48 de Robinson qu’est décrite la condition préalable pour que le juge ait l’obligation de donner au jury des directives sur l’intoxication : « pour que le juge du procès soit tenu en droit de donner au jury des directives sur l’intoxication, il doit être convaincu que l’intoxication a eu un effet qui pourrait avoir vicié la prévision des conséquences par l’accusé d’une manière suffisante pour susciter un doute raisonnable » (soulignement omis). Voilà la condition préalable pour qu’il soit nécessaire de donner des directives au jury sur l’ivresse avancée.

[101] (...) L’accusé ne subit aucune injustice si le jury reçoit seulement pour directive d’examiner l’intention véritable. C’est ce que la Cour a reconnu dans Seymour, par. 26 : « Ce n’est que si le jury est bien informé qu’il doit conclure que l’accusé avait l’intention requise, qu’il ne lui sera manifestement pas possible de statuer que l’accusé qui était incapable de former l’intention spécifique nécessaire pour commettre l’infraction a formé cette intention » (soulignement omis). Néanmoins, malgré cette affirmation et la déclaration qu’elle avait faite dans Lemky, la Cour a conclu, dans Seymour, que le juge du procès avait commis une erreur justifiant annulation pour avoir omis de faire un exposé en deux temps. Malheureusement, cette décision a créé un incitatif à interjeter appel chaque fois qu’un juge a recours à un exposé en un temps de type Canute, même s’il s’agit du modèle généralement préconisé par la Cour.

mercredi 1 juillet 2009

Défense «De minimis non curat lex»

R. c. Dubé, 2001 CanLII 273 (QC C.Q.)

Cette défense (issue de la de common law), très rarement invoquée, est fondée sur le caractère insignifiant du geste reproché à un accusé : elle équivaut à soutenir que même si, d'un point de vue qui pourrait être qualifié de technique, tous les éléments constitutifs de l'infraction ont été prouvés hors de tout doute raisonnable, l'acte fautif est à ce point banal qu'il ne mérite pas d'être sanctionné par le droit criminel.

Elle a par exemple été retenue dans l'affaire R. c. Lepage, (1989) 74 C.R. (3d) 368 (Sask. Q.B.) : l'accusé faisait alors face à une accusation de voies de fait simples pour avoir écarté quelqu'un de son chemin alors que ce dernier l'empêchait de quitter son bureau.

En contexte de violence conjugale, comme c'est le cas ici, l'argument est cependant plus délicat : c'est d'ailleurs probablement là l'un des motifs pour lesquels, en cette matière, les tribunaux font preuve d'une extrême prudence lorsque le moyen est soulevé.

Ainsi, dans l'affaire R. c. Cole, [1990] Y.J. No. 19 (Yuk. T.C.), alors qu'il avait à apprécier les gestes d'avoir craché en direction de l'ami de coeur de son ex-conjointe et d'avoir fait «a slight but deliberate push and a virtually concurrent shoutder nudge» à l'endroit de cette dernière, le juge Hudson en est-il venu à la conclusion suivante, à la page 2:

"De minimis does not apply, in that the least touching in anger would be an assault, and that is clearly what I have found."

De même, dans l'affaire R. c. Stewart, [1996] O.J. No. 2704 (Ont. C.J. (P.D.)), où il avait aussi à apprécier le moyen de défense à l'égard d'un geste par lequel un homme avait repoussé sa conjointe suffisamment fort pour lui faire perdre l'équilibre sans toutefois qu'elle ne tombe ni se blesse, le juge Renaud a estimé nécessaire de faire une mise au point, que l'arrêtiste résume dans les termes suivants, à la page 1:

"The accused applied force intentionally to the complainant by means of a push to which she had not consented. If the deviation in law were a mere trifle, which, if continued in practice would weigh little or nothing on the public interest, it might properly be overlooked. Here, the situation involved a domestic relationship. In sentencing, evidence of spousal abuse deemed an aggravating circumstance. Subject to the type of curial review provided by the doctrine of abuse of process, the determination of a clear case of intentional assaultive behaviour, within the domestic context, ought not to be influenced by the application of the doctrine of de minimis. No persuasive argument was advanced to sustain the submission that a spouse consented to any form of violence in the course of a domestic argument."

On comprend en effet que si les tribunaux devaient se montrer accueillants à l'égard de la défense «De minimis non curat lex» en contexte de violence conjugale, l'exercice ne pourrait aboutir qu'à l'acceptation d'un principe postulant qu'un certain niveau de violence est acceptable, niveau en deçà duquel les gestes posés ne mériteraient pas d'intéresser le droit criminel. Et, si la porte devait être ainsi entrouverte, on imagine déjà la difficulté que représenterait la délimitation de balises, la détermination du niveau de force socialement tolérable ne pouvant résulter que d'une appréciation subjective, qui pourrait n'être fondée que sur de simples perceptions.

samedi 4 avril 2009

Provocation policière

R. c. Mack, [1988] 2 R.C.S. 903

Résumé des faits
L'appelant a témoigné à son procès pour trafic de drogues et, au moment de clore sa défense, il a demandé une suspension d'instance pour cause de provocation policière. Son témoignage indique qu'il a refusé systématiquement les offres d'un indicateur de police pendant six mois et qu'il n'a été persuadé de lui vendre des drogues qu'à cause de la persistance de l'indicateur, de ses menaces et de l'offre d'une importante somme d'argent.

Analyse
132. En conclusion, et pour résumer, la bonne façon d'aborder la doctrine de la provocation policière est celle formulée par le juge Estey dans l'arrêt Amato, précité, et précisée dans les présents motifs. Comme je l'ai mentionné et expliqué précédemment, il y a provocation policière quand:

a) les autorités fournissent à une personne l'occasion de commettre une infraction sans pouvoir raisonnablement soupçonner que cette personne est déjà engagée dans une activité criminelle, ni se fonder sur une véritable enquête;

b) quoi qu'elles aient ce soupçon raisonnable ou qu'elles agissent au cours d'une véritable enquête, les autorités font plus que fournir une occasion et incitent à perpétrer une infraction.

133. Il n'est ni utile ni sage de dire dans l'abstrait quels éléments sont nécessaires pour prouver une allégation de provocation policière. Il est cependant essentiel que les facteurs sur lesquels s'appuie un tribunal soient reliés aux raisons sous‑jacentes de la reconnaissance de la doctrine en premier lieu.

134. Comme je suis d'avis que la doctrine de la provocation policière ne dépend pas de la culpabilité, il ne faut pas axer l'analyse sur l'effet de la conduite de la police sur l'état d'esprit de l'inculpé. Plutôt, j'estime qu'autant que possible il faut effectuer une évaluation objective de la conduite de la police et de ses agents. La prédisposition, ou l'activité criminelle passée, présente ou soupçonnée de l'inculpé ne sont pertinentes qu'à titre d'éléments permettant de déterminer si l'occasion de commettre l'infraction fournie par les autorités à l'inculpé est justifiable. En outre, il doit y avoir un rapport suffisant entre la conduite passée de l'inculpé et l'occasion offerte puisque, autrement, le soupçon de la police ne serait pas raisonnable. Quoique, sans être concluante, la prédisposition de l'accusé ait une certaine pertinence relativement à l'évaluation de la façon dont la police a initialement abordé une personne en lui offrant une occasion de commettre une infraction, elle n'est jamais pertinente pour déterminer si elle est allée au‑delà d'une offre, puisqu'il faut l'évaluer en fonction de ce que la personne ordinaire sans prédisposition aurait fait.

135. L'absence de soupçon raisonnable ou de véritable enquête est significative pour évaluer la conduite de la police, en raison du danger que cette dernière n'entraîne des gens qui autrement n'auraient été impliqués dans aucun crime, et parce qu'on ne doit pas avoir recours à la force policière simplement pour éprouver au hasard la vertu des gens. Cependant, la présence d'un soupçon raisonnable ou la simple existence d'une véritable enquête ne justifiera jamais les techniques de provocation policière: les forces policières ne doivent jamais faire autre chose que d'offrir une occasion, indépendamment de leur perception de la moralité de l'inculpé et de l'existence d'une enquête honnête. Pour décider si la police a employé des moyens qui semblent dépasser l'offre simple d'une occasion, il est utile de considérer les facteurs suivants, individuellement ou collectivement:

‑‑ le genre de crime qui fait l'objet de l'investigation et la disponibilité d'autres techniques pour la détection par la police de sa perpétration;

‑‑ si l'individu moyen, avec ses points forts et ses faiblesses, dans la situation de l'inculpé, aurait été incité à commettre un crime;

‑‑ la persistance et le nombre de tentatives faites par la police avant que l'inculpé n'accepte de commettre une infraction;


‑‑ le genre d'incitations utilisées par la police, y inclus: la tromperie, la fraude, la supercherie ou la récompense;

‑‑ le moment où se situe la démarche de la police, en particulier si la police a déjà fait enquête au sujet de l'infraction ou si elle intervient alors que l'activité criminelle est en cours;

‑‑ si la démarche de la police présuppose l'exploitation d'émotions humaines, telles la compassion, la sympathie et l'amitié;

‑‑ si la police paraît avoir exploité une vulnérabilité particulière d'une personne, comme un handicap mental ou l'accoutumance à une substance particulière;

‑‑ la proportionnalité de l'implication de la police, comparée à celle de l'inculpé, y compris une évaluation du degré du dommage causé ou risqué par la police, en comparaison de celui de l'inculpé, et la perpétration de tout acte illégal par les policiers eux‑mêmes;

‑‑ l'existence de menaces, tacites ou expresses, proférées envers l'inculpé par la police ou ses agents;

‑‑ si la conduite de la police cherche à saper d'autres valeurs constitutionnelles.

136. Cette énumération n'est pas exhaustive, mais j'espère qu'elle contribuera à l'élaboration d'un schéma d'application de la doctrine de la provocation policière. Jusqu'à maintenant, je n'ai pas fait mention de l'exigence, que l'on retrouve dans les motifs du juge Estey dans l'arrêt Amato, précité, que la conduite doit avoir été, dans tous les cas, révoltante voire scandaleuse. Je suis d'avis que c'est là un facteur qu'il vaut mieux examiner au chapitre des questions de procédure, vers lesquelles je me tourne maintenant.

jeudi 2 avril 2009

Nécessité

Perka c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 232

Résumé des faits
Les appelants ont été accusés d’avoir importé du cannabis au Canada et d’en avoir eu la possession en vue d’en faire le trafic. Au procès, les accusés ont invoqué le moyen de défense fondé sur la nécessité, soutenant qu’ils n’avaient pas eu l’intention d’importer au Canada, puisque leur destination était l’Alaska, mais qu’à la suite d’une série d’ennuis mécaniques aggravés par le mauvais temps, ils avaient décidé, par mesure de précaution pour le navire et pour l’équipage, de chercher refuge sur la côte canadienne afin de réparer le navire. Le navire a trouvé une baie abritée mais s’est échoué par le milieu sur des rochers. La défense a soumis en preuve que le capitaine, qui craignait que le navire ne chavire, a ordonné à l’équipage de décharger la cargaison.

Analyse
Le moyen de défense fondé sur la nécessité peut être invoqué au Canada et il doit être considéré comme une excuse applicable en vertu du par. 8(3) du Code criminel. Le critère essentiel qui régit l’application de ce moyen de défense est le caractère involontaire, du point de vue moral, de l’acte mauvais, qui se mesure en fonction de ce que la société considère comme une résistance normale et appropriée à la pression.

(1) le danger est imminent ;
(2) il n’y a pas de solution raisonnable légale autre que de celle de commettre le crime ;
(3) la mesure est proportionnelle.

Ce moyen de défense ne s’applique qu’à une situation de danger imminent où l’on a agi afin d’éviter un péril imminent et immédiat. L’acte en question ne peut être qualifié d’involontaire que s’il était inévitable et s’il ne s’offrait à l’accusé aucune possibilité raisonnable d’adopter une autre ligne de conduite qui ne comportait pas d’infraction à la loi. De même, le mal causé par la violation de la loi doit être moindre que celui que l’accusé a cherché à éviter. Si l’accusé a prévu ou aurait dû prévoir que ses actes pourraient donner lieu à une situation d’urgence qui exigerait la perpétration d’une infraction à la loi, il se peut qu’il ne puisse pas faire valoir que sa réaction a été involontaire.

Toutefois, la simple négligence ou le simple fait qu’il participait à une activité criminelle ou immorale lorsque la situation d’urgence s’est présentée n’empêche pas l’accusé d’invoquer ce moyen de défense. Enfin, lorsque l’on fournit à la Cour suffisamment d’éléments de preuve pour soulever la question de la nécessité, il incombe à la poursuite de réfuter ce moyen de défense et de prouver hors de tout doute raisonnable que l’acte de l’accusé était volontaire; le fardeau de la preuve n’incombe pas à l’accusé.

Le moyen de défense de nécessité se fonde sur une appréciation réaliste de la faiblesse humaine, tout en reconnaissant qu’un droit criminel humain et libéral ne peut astreindre des personnes à l’observation stricte des lois dans des situations d’urgence où les instincts normaux de l’être humain, que ce soit celui de conservation ou d’altruisme, commandent irrésistiblement l’inobservation de la loi. Le caractère objectif du droit criminel est préservé; de tels actes sont toujours mauvais, mais dans les circonstances ils sont excusables. Ce n’est pas l’éloge qu’on provoque, mais l’indulgence, lorsqu’on accomplit un acte mauvais alors qu’on est soumis à une pression qui, selon l’expression d’Aristote dans l’Éthique a Nicomaque, précité, à la p. 121, «surpasse[…] les forces humaines et que personne ne pourrait supporter»

Le moyen de défense fondé sur la nécessité doit être restreint aux rares cas où l’on retrouve un véritable « caractère involontaire ». Ce moyen de défense doit être « strictement contrôlé et scrupuleusement limité »

L’exigence que l’obéissance à la loi soit «démonstrativement impossible» pousse cette appréciation un cran plus loin. Si l’accusé se devait d’agir, pouvait-il vraiment agir de manière à éviter le danger ou à prévenir le mal sans contrevenir à la loi? Y avait-il moyen de s’en sortir légalement? Il faut se demander si l’auteur de l’acte avait réellement le choix: pouvait-il faire autrement? S’il y avait une solution raisonnable et légale autre que celle de contrevenir à la loi, alors la décision de contrevenir à la loi est un acte volontaire, mu par quelque considération autre que les impératifs de la «nécessité» et de l’instinct humain.

On ne saurait trop insister sur cette exigence qu’il n’y ait pas d’autre solution légale et raisonnable possible.

Même si les exigences qu’il y ait urgence et absence de «moyen de s’en sortir légalement» sont remplies, il y a nettement une autre considération. Il doit y avoir un moyen quelconque d’assurer la proportionnalité

Aucun système raisonnable de justice criminelle, si libéral et humanitaire soit-il, ne pourrait excuser l’imposition d’un mal plus grand afin de permettre à l’auteur de l’acte d’éviter un moindre mal.

Par exemple, si la personne doit détruire une ville entière afin d’éviter de se briser un doigt, on s’attendrait à juste titre à ce qu’elle subisse le mal elle-même. Céder à la menace dans un tel cas ne correspond pas à la résistance normale et ordinaire aux pressions à laquelle on s’attendrait. Néanmoins, àmesure que diminue le mal fait aux autres et qu’augmente la menace de mal pour la personne soumise à la contrainte, on en vient à un seuil où, selon les termes du Model Penal Code, «une personne ayant une force de caractère raisonnable» serait «incapable de résister». La détermination de ce seuil relève manifestement d’une appréciation morale de ce à quoi on s’attend qu’une personne puisse résister dans des situations difficiles. Un moyen utile d’effectuer cette appréciation consiste à comparer les intérêts opposés qui sont en jeu et à évaluer la mesure dans laquelle le mal causé par une personne dépasse l’avantage qui découle de son acte.

Nécessité

R. c. Latimer, [2001] 1 R.C.S. 3, 2001 CSC 1

Résumé des faits
Le présent pourvoi découle de la mort de Tracy Latimer, une fillette de 12 ans qui souffrait d’une paralysie cérébrale grave. Son père, Robert Latimer, lui a enlevé la vie il y a environ sept ans. Il a été déclaré coupable de meurtre au deuxième degré.

Analyse
Le moyen de défense fondé sur la nécessité est restreint et n’a qu’une application limitée en droit criminel. L’accusé doit démontrer l’existence de trois éléments avant de pouvoir invoquer la nécessité. Premièrement, il doit y avoir danger imminent. Deuxièmement, l’accusé ne doit pas avoir d’autre solution raisonnable et légale que d’agir comme il l’a fait. Troisièmement, il doit y avoir proportionnalité entre le mal infligé et le mal évité.

Tuer quelqu’un — dans le but de mettre fin à la douleur produite par un état de santé physique ou mental qui peut être traité par des soins médicaux — n’est pas une réaction proportionnée au mal que constitue une douleur qui ne met pas la vie en danger et qui résulte de cet état de santé.

Les deux premières exigences — le danger imminent et l’absence de solution raisonnable et légale — doivent être évaluées selon la norme objective modifiée décrite précédemment. Comme il est mentionné dans Perka, la nécessité repose sur une norme objective : le caractère involontaire se mesure en fonction de ce que la société considère comme une résistance normale et appropriée à la pression

Il est habituel et, dans la plupart des cas, préférable que le juge du procès se prononce sur la possibilité d’invoquer un moyen de défense avant les exposés finals au jury. Même si ce moyen de défense a été soustrait à l’examen du jury à une étape plus avancée du procès que d’habitude, cela n’a pas nui à l’équité du procès de l’accusé ni violé ses droits constitutionnels.

Le principe de la « preuve à réfuter » est un élément du droit constitutionnel de l’accusé à une défense pleine et entière. Cela signifie que l’accusé a le droit de connaître la preuve qui pèse contre lui avant d’y répondre. La raison d’être de ce principe est que, avant de présenter sa défense, l’accusé doit pouvoir tenir pour acquis que le ministère public a présenté toute la preuve sur laquelle il se fondera pour établir sa culpabilité

Le juge du procès n’a pas porté atteinte aux droits de l’accusé en répondant à la question du jury, qui voulait savoir s’il pouvait participer à la détermination de la peine. Le procès n’est pas devenu inéquitable du seul fait que le juge du procès a miné le pouvoir d’annulation de fait du jury. Dans la plupart voire la totalité des cas, l’annulation par le jury n’est pas un élément valable dont il faut tenir compte en analysant l’équité du procès pour l’accusé. Il est souhaitable et légitime pour le juge du procès d’empêcher l’annulation par le jury; en fait, le juge est tenu de prendre les mesures nécessaires pour que le jury applique la loi correctement.

L’expression « annulation par le jury » vise la situation rare où le jury choisit en connaissance de cause de ne pas appliquer la loi et acquitte le défendeur malgré la force de la preuve qui pèse contre lui. L’annulation par le jury est un concept inusité en droit criminel, car elle reconnaît effectivement qu’il peut arriver que le jury décide, dans de très rares cas, de ne pas appliquer la loi.

Le juge en chef Dickson a prévenu que « reconnaître ce fait qu’un jury peut annuler est très loin de suggérer qu’un avocat peut encourager un jury à méconnaître une loi qui ne lui plaît pas ou à lui dire qu’il a le droit de le faire ».

La règle au Canada veut qu’il appartienne au jury de déterminer la culpabilité et au juge du procès de déterminer la peine. Le rôle du jury est de déterminer à partir des faits si la preuve établit la culpabilité.

Il peut paraître étrange que le jury, ne connaissant pas la peine, puisse ne tenir aucun compte des conséquences de ses conclusions, mais ce fait est aussi approprié que souhaitable compte tenu du risque que le jury puisse être influencé — en faveur de l’acquittement ou de la déclaration de culpabilité — par la peine éventuelle. Cette logique s’applique avec la même force lorsque la peine prescrite est une peine minimale fixée par la loi. Le fait qu’une personne reconnue coupable soit assujettie à une peine minimale fixée d’avance ne devrait pas influencer le jury dans l’examen de la question de la culpabilité.

En l’espèce, la peine minimale obligatoire pour meurtre au deuxième degré ne constitue pas une peine cruelle et inusitée au sens de l’art. 12 de la Charte canadienne des droits et libertés.

La gravité de l’infraction ainsi que la situation personnelle du contrevenant et les circonstances particulières de l’infraction doivent être prises en compte aux fins de l’analyse fondée sur l’art. 12

Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si une peine est cruelle et inusitée au sens de l’art. 12 de la Charte consiste, pour reprendre les termes utilisés par le juge en chef Laskin, à se demander «si la peine infligée est excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine.» En d’autres termes, bien que l’État puisse infliger une peine, l’effet de cette peine ne doit pas être exagérément disproportionné à ce qui aurait été approprié.

En vérifiant si une peine est exagérément disproportionnée, la cour doit d’abord prendre en considération la gravité de l’infraction commise, les caractéristiques personnelles du contrevenant et les circonstances particulières de l’affaire afin de déterminer quelles peines auraient été appropriées pour punir, réhabiliter ou dissuader ce contrevenant particulier ou pour protéger le public contre ce dernier.

Quant aux caractéristiques du contrevenant et aux circonstances particulières de l’infraction, nous devons tenir compte des circonstances aggravantes et des circonstances atténuantes.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

L’analyse et la vérification des informations de source en matière de possession d’arme est différente d’un dossier de stupéfiants

Chamoun c. R., 2021 QCCQ 6619 Lien vers la décision [ 115 ]        Le Tribunal appuie l’argument de la poursuivante quant au caractère parti...