Haddad c. R., 2020 QCCA 793
[12] Notre Cour a reconnu que les tribunaux de première instance sont « enclins à modifier les actes d’accusation plutôt que de les annuler lorsque les circonstances le permettent »[9]. Dans le cas du paragraphe 601(3) C.cr., il s’agit même d’une obligation :
[65] L’article 601(3) C.cr. énonce l’obligation – on notera l’emploi du mot « shall » dans le texte anglais de la disposition législative – qu’a un tribunal de première instance de modifier l’acte d’accusation dans certaines circonstances. Cette obligation de modifier l’acte d’accusation est présente lors d’une énonciation défectueuse d’un élément constitutif nécessaire (art. 601(3)b)(i) C.cr.), d’un défaut en substance (art. 601(3)b)(iii) C.cr.) ou d’un vice de forme quelconque (art. 601(3)c) C.cr.).[10]
[13] Une modification faite en vertu du paragraphe 601(3) C.cr. peut donc intervenir « à tout stade des procédures lorsqu’il s’agit d’un détail de l’infraction »[11]. Elle ne doit toutefois pas avoir pour effet de créer une nouvelle accusation, différente de l’accusation initiale[12]. Cependant, l’omission d’un élément essentiel dans un chef d’accusation ne sera pas nécessairement fatale si l’accusé a été raisonnablement informé de l’infraction reprochée et qu’il n’en subit pas de préjudice[13].
i) Le chef 7 (le complot)
[14] Dans R. c. Douglas, la Cour suprême s’est penchée sur la question du caractère suffisant d’un acte d’accusation comportant une allégation de complot. Elle écrit :
Pour conclure qu'un complot donné est visé par l'acte d'accusation, il suffit que la preuve produite démontre que le complot prouvé met en cause certains des accusés; qu'il a eu lieu au cours de la période indiquée dans l'acte d'accusation; que son objet était le type d'infraction imputé. Groberman fait une remarque très judicieuse sur ce point dans son article intitulé "The Multiple Conspiracies Problem in Canada" (1982), 40 U.T. Fac. L. Rev. 1, aux pp. 9 et 10 :
[TRADUCTION] Habituellement, à moins d'être exceptionnellement précis, le texte de l'acte d'accusation spécifie seulement le type d'infraction qui était l'objet de l'entente, le nom des participants allégués, ainsi que la période durant laquelle le complot se serait déroulé. Même si le complot prouvé vise un nombre de personnes inférieur au nombre des accusés mentionnés, ou s'il n'a eu lieu que durant une partie seulement de la période indiquée, on peut dire que le complot imputé est assimilable à celui qui a été prouvé. Par conséquent, pour qu'un complot donné soit visé par l'acte d'accusation, il suffit qu'il mette en cause certains des accusés, qu'il se soit produit au cours de la période mentionnée dans l'acte d'accusation et que son objet ait été le type de crime allégué.[14]
[Soulignements ajoutés]
[15] À la fin du procès, le juge a exercé sa discrétion en modifiant le chef 7 pour y préciser que le complot visait une introduction par effraction dans le but de commettre un vol. Ce faisant, le juge ne faisait que spécifier, conformément à la preuve présentée, la nature particulière de l’acte criminel « qui était l'objet de l'entente ». Cette modification n’avait toutefois pas pour effet de créer une autre infraction comportant des caractéristiques différentes de nature à priver l'appelant d’une défense pleine et entière et de son droit à un procès équitable[15].