Lachance c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2021 QCCS 5321
Lien vers la décision
[51] Dans Granger c. Montcalm (Municipalité de)[22], le juge Cournoyer, alors qu’il siégeait à cette Cour, mentionne ce qui suit relativement à l’utilisation de Google Street View et son authentification :
[90] L'admissibilité des images tirées de Google Street View, de Google Earth ou d’outils similaires de navigation virtuelle soulève plusieurs questions. La consultation de la jurisprudence laisse paraître des incertitudes quant aux conditions d’utilisation de ces outils.
[91] En l'espèce, quatre règles doivent être examinées : 1) les exigences relatives à l'authentification de ce moyen de preuve matérielle de même que les règles suivantes de la procédure pénale accusatoire et contradictoire : 2) la communication de la preuve, 3) le principe de la « preuve complète » et 4) les critères de la contre-preuve.
[92] L’utilisation de l’outil de navigation virtuelle Google Street View présente les attributs de différents moyens traditionnels de preuve matérielle.
[93] Il comporte les propriétés et caractéristiques d’une photographie, celle d’une vidéo ou de la visite des lieux. Le visionnement à l'aide de Google Street View constitue l'équivalent moderne d'une visite des lieux.
[Caractères gras ajoutés – références omises]
[52] Le juge Cournoyer poursuit comme suit, relativement à l’admission de cette preuve, la nécessité de l’authentification et la nécessité que les lieux n’ont pas changé depuis :
[100] Par contre, l’authentification d’images tirées de Google Street View doit être établie selon les principes décrits par l’auteur Vauclair qui résume ainsi les principes formulés par la Cour suprême dans R. c. Nikolovski :
1235. Il est maintenant acquis que les mêmes règles d’admissibilité régissent la preuve audio, photographique ou vidéo, ces deux dernières étant le prolongement naturel de la preuve audio. Le juge devra tenir un voir-dire pour déterminer si, d’une manière prépondérante, on a démontré (1) que la preuve décrit bien la scène du crime, (2) qu’elle est présentée équitablement et sans intention de tromper, notamment qu’elle n’a pas été retouchée ou modifiée et (3) qu’un témoin peut attester de ces faits sous serment.
[…]
[Les appels de notes sont omis]
[101] Watt énonce la règle au sujet de l'admissibilité des photographies en ces termes :
The admissibility of photographs depends upon accuracy, fairness and proper authentication. They must constitute a true representation of what they purport to depict and not be calculated to mislead. They must be verified on oath by the person who took them, or someone in a position to attest to their accuracy.
A photograph is a graphic portrayal of oral testimony. It may be excluded where its probative value is exceeded by its prejudicial effect.
[Le soulignement est ajouté]
[102] Il formule celle relative aux enregistrements vidéo de la manière suivante :
The admissibility of videotape is governed by considerations similar to those applicable to photographs and audiotape. It must be authenticated by the operator of the recorder or another who has viewed it and can attest to the time, date, location and circumstances of the recording, as well the accuracy of the picture. The recording may be direct or circumstantial evidence.
The proliferation of enhancement techniques in connection with videotape may create admissibility problems with portions, but not necessarily all of the tape.
[Le soulignement est ajouté]
[103] Finalement, il décrit la visite des lieux et souligne qu’il devient essentiel de s’assurer que les lieux visités n’aient pas changés depuis le moment pertinent pour les fins du procès :
A view is an observation made of a person, place, or thing during the course of the trial after the jury has been sworn, but before it has rendered its verdict. Views are authorized by s. 652 of the Criminal Code and may be taken by a judge (in a trial by judge alone) or jury. Views take place in the presence of all the participants, including D, counsel, and the court reporter.
A determination whether to order a view may include consideration of several factors, for example:
i. the importance to an issue to be decided of the information that may be gained by the view;
ii. the extent to which the information has been or could be obtained from other sources, including maps, diagrams, models, photographs, or videotapes; and
iii. the extent to which the place, person, or thing to be viewed has changed in appearance since the material time, and the consequent danger that the view may mislead.
It is unclear whether a view is real evidence, circumstantial in nature, from which the trier of fact may draw its own inferences, or is simply a clarification of the testimony of witnesses.
[Le soulignement est ajouté]
[104] Comme on le constate, l’authentification des images tirées de Google Street View s’avère particulièrement cruciale en raison de la possibilité que les lieux représentés aient changé, ce qui, en l’espèce, ne peut être déterminé.
[53] Dans le présent cas, la situation se présente différemment, puisque les images tirées de Google Street View sont produites en défense. Il ne saurait donc être question des règles de la communication de la preuve, du principe de la preuve complète et des critères de la contre-preuve.
[54] Cela dit, l’authentification des images devait être établie selon les principes formulés par la Cour suprême dans R. c. Nokolovski. Même si la juge ne tient pas de voir-dire, à proprement parler, les conditions suivantes sont établies par l’appelant à la satisfaction de la juge et sans opposition de l’intimé :
1- Les images décrivent bien la scène;
2- Les images sont présentées équitablement et sans intention de tromper;
3- Les images n’ont pas été retouchées ou modifiées.
[55] En outre, il ressort du témoignage de l’appelant que les lieux n’ont pas changé entre le moment de l’infraction et le moment où les images sont tirées de Google Street View.
[56] La juge ne commet donc pas d’erreur en permettant la production des images.