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vendredi 15 septembre 2023

L'inopérabilité de l'article 636 Ccr

R. c. Maxwell, 2022 QCCQ 9020

Lien vers la décision


[16]      Luamba is a young black man who was randomly stopped by police officers while driving, on three occasions, within a period of fourteen months. On each of these occasions, Luamba did not receive a statement of offence. Luamba filed suit against the state, alleging that the common law rule articulated in the Supreme Court Ladouceur decision and the provision of the HSC that authorized random stops of motorists violated his constitutional rights[22] and could not be justified in a free and democratic society, within the meaning of s. 1 of the Charter. According to Luamba, the common law rule and the HSC provision at issue in this case have been diverted from their main purpose, highway safety, to allow for racial profiling. Thus, Luamba asked the Superior Court to invalidate both the common law rule and the HSC provision at issue in this case, pursuant to s. 52(1) of the Constitution Act of 1982[23].

[17]      In its analysis, the Superior Court acknowledged that the question raised by Luamba regarding the violation of his right not to be arbitrary detained, guaranteed by s. 9 of the Charter, had already been decided by the Supreme Court in the 1990 Ladouceur decision. In such circumstances, the vertical stare decisis rule requires that the lower court examine the decision rendered by the higher court to determine if the rationale adopted by the higher court (its ratio decidendi) is binding or distinguishable from the matter to be decided by the lower court. If the rationale adopted by the higher court is binding, the lower court must apply that rationale[24]. A lower court is, however, entitled to depart from the rationale adopted by a higher court if a new legal issue is raised, or if there is a significant change in the circumstances or evidence[25]. With that said, in the Luamba decision, the Superior Court found that the rationale adopted by the Supreme Court in the Ladouceur decision was binding. However, the Superior Court found that it was entitled to depart from that rationale because a new legal issue had been raised[26] and because the evidence adduced established a significant change of circumstances[27]. In Short, the Superior Court concluded that it could decide “anew” the issue raised by Luamba regarding the alleged violation of his right not to be arbitrary detained.

[18]      After reviewing the evidence, the Superior Court decided that the common law rule and the HSC provision at issue in this case resulted in an arbitrary detention and therefore violated s. 9 of the Charter[28], a finding which is consistent with the Supreme Court decision in Ladouceur. However, the Superior Court found that the common law rule and the HSC provision at issue in this case could not be justified in a free and democratic society, within the meaning of s. 1 of the Charter, a finding that departs from the Supreme Court decision in Ladouceur[29]. Consequently, the Superior Court invalidated the common law rule articulated in the Ladouceur decision and the provision of the HSC that authorized random stops of motorists[30].

[19]      A declaration of invalidity made pursuant to s. 52(1) of the Constitution Act of 1982, such as to one made by the Superior Court in the Luamba decision, means that the law, whether it be a common law rule or a statutory provision, is of no force nor effect to the full extent of its inconsistency with the Constitution[31]. Such a declaration has impacts beyond the case in which it was made. As stated by the Supreme Court: “to the extent that the law is unconstitutional, it is not merely inapplicable for the purposes of the case at hand. It is null and void and is effectively removed from the statute books”[32]. In a nutshell, if it were to be applicable to the matter at hand, the declaration of invalidity made in the Luamba decision would mean that the common law rule articulated in the Ladouceur decision and s. 636 of the HSC would no longer exist. Otherwise said, police officers would no longer have the authority to randomly stop motorists outside an organized “spot-check” or “checkpoint” program.

[20]      The Luamba decision was however appealed, and its conclusions are suspended pending the appeal. This means that as of today, the common law rule articulated in the Ladouceur decision and s. 636 of the HSC are still in force. Otherwise said, the law still authorises police officers to perform random stops of motorists, even if they are not participating in an organized “spot-check” or “checkpoint” program.

vendredi 29 septembre 2017

Immobilisation d’un véhicule pour vérification documentaire

Malenfant c. R., 2006 QCCS 7246 (CanLII)

Lien vers la décision

[18]            Lorsqu’il est rejoint par les policiers, l’appelant a déjà immobilisé son véhicule sur un terrain privé et en est même descendu.  En pareilles circonstances, les tribunaux reconnaissent le pouvoir d’interpellation de l’agent de la paix, indépendamment du fait que le véhicule soit en mouvement ou non.
[19]            En l’espèce, les actions subséquentes de l’agente Beaulieu sont dictées par les articles du Code de sécurité routière qui obligent le conducteur à être porteur de certains documents qu’il est tenu d’exhiber à l’agent de la paix sur demande.  Les articles 61(2)65 et 97stipulent les exigences de la loi relativement au permis de conduire pendant que les articles 35(1) et 36 énoncent des impératifs à peu près similaires relativement aux certificats d’immatriculation et d’assurance:
« 65.     Pour conduire un véhicule routier sur un chemin public, sur les chemins soumis à l’administration du ministère des Ressources naturelles ou entretenus par celui-ci, sur un chemin privé ouvert à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler, une personne doit être titulaire d’un permis de la classe appropriée à la conduite de ce véhicule tel que déterminé par règlement et comportant, le cas échéant, les mentions prescrites par ce règlement.
97.        La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit avoir avec elle son permis.
            En outre des chemins publics, le présent article s’applique sur les chemins soumis à l’administration du ministère des Ressources naturelles ou entretenus par celui-ci, sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler.
61.        La Société délivre les permis suivants autorisant la conduite de véhicules routiers : le permis d’apprenti-conducteur, le permis probatoire, le permis de conduire et le permis restreint.
            Le titulaire d’un permis n’est tenu de produire celui-ci qu’à la demande d’un agent de la paix ou de la Société et à des fins de sécurité routière uniquement.
35.               La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit avoir avec elle le certificat d’immatriculation du véhicule, sauf dans les dix jours de l’immatriculation, ainsi que l’attestation d’assurance ou de solvabilité prévue par la Loi sur l’assurance automobile (chapitre A-25).
36.               La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit, à la demande d’un agent de la paix, lui remettre pour examen les pièces visées à l’article 35. »
(Nos soulignés)
[20]            Le Code de la sécurité routière (L.R.Q.c, C-24.2) précise de plus, à son article premier, que ces dispositions régissent l’utilisation des véhicules sur les chemins publics et sur certains chemins et terrains privés dont ne fait pas partie l’allée du 65 Taché.
[21]            Pour recourir au pouvoir d’immobilisation au hasard d’un véhicule, l’agent de la paix n’est pas tenu d’avoir des motifs raisonnables et probables de croire à la commission d’une infraction au Code de sécurité routière.
[22]            En sauvegardant les dispositions législatives qui autorisent les agents de la paix à intercepter au hasard des automobilistes, à des fins de vérification, la Cour suprême constatait que, bien que ces interpellations violaient les garanties constitutionnelles de l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés, ces atteintes étaient justifiables dans une société libre et démocratique comme la nôtre.
[23]            Monsieur le juge Cory écrit, dans l’arrêt Ladouceur :

« Reconnaître la validité de la vérification de routine au hasard, c’est se rendre à la réalité.  Dans la régions rurales, il sera impossible de mettre sur pied un programme structuré efficace.  Pourtant, les infractions en matière de circulation dans ces régions entraînent des conséquences tout aussi tragiques que dans les plus grands centres urbains.
(…)
Ceux qui conduisent des véhicules automobiles sur la route n’ont aucun droit civil de le faire.  Ils ne peuvent le faire que s’ils sont titulaires d’un permis à cette fin.  Cette exigence ne constitue pas une atteinte aux droits civils.  Il n’y a aucune raison pour laquelle un conducteur d’un véhicule automobile sur la route ne puisse être tenu de démontrer à l’agent d’un organisme chargé d’appliquer la loi qu’il possède un permis à cette fin.  Si la police a le pouvoir d’interroger le conducteur d’un véhicule automobile pour vérifier son droit de le conduire, le certificat d’immatriculation du véhicule et le nom et l’adresse du propriétaire et du conducteur, tous les pouvoirs d’arrestation draconiens dont nous avons discuté paraîtraient peu ou pas nécessaires.
Bien que le concept de ce qui peut constituer une violation des droits civils puisse être quelque peu différent de nos jours, la qualification par le juge McRuer de la nature de la conduite et la nécessité de la contrôler sont aussi valides aujourd’hui qu’elles l’étaient à ce moment-là.  Afin d’assurer un contrôle approprié, la société doit être en mesure d’exiger que des interpellations au hasard soient effectuées sans motif précis et en dehors de tout programme formel.
(Nos soulignés).
[24]            L’agent de la paix peut donc, ainsi, intercepter un véhicule de façon aléatoire et exiger de son conducteur de lui exhiber ses permis de conduire et certificats d’immatriculation ou d’assurance afin de s’assurer que l’usager de la route est en droit d’y opérer un véhicule qui répond à toutes les exigences de la loi et qu’il a avec lui tous les documents requis à cette fin.  L’automobiliste doit alors s’exécuter sous peine de sanctions pénales.
[25]            En agissant de cette façon, le policier se conforme non seulement aux pouvoirs que lui confère le Code de sécurité routière mais répond également à la mission qui est sienne en vertu de l’article 39.1 de la Loi de police (L.R.Q. c. P-19), soit celle de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité du public dans tout le territoire du Québec et d’y prévenir le crime et les infractions aux lois du Québec.
[26]            Monsieur le juge Cory exprime avec justesse, toujours dans l’arrêt Ladouceur, ce qui soutend un tel principe et qui justifie les interceptions aléatoires à des fins de vérifications documentaires :
« L’interception et la vérification des véhicules constituent le seul moyen de vérifier le bon fonctionnement des freins et des ceintures de sécurité.  Il est encore plus important de déterminer si un conducteur possède un permis et des assurances.  Encore une fois, cela ne peut se faire qu’en interceptant des véhicules.  Les statistiques démontrent que le conducteur sans permis constitue une menace sur la route.  En outre, un tel conducteur démontre un mépris de la loi et de l’irresponsabilité ainsi qu’une tendance marquée à être impliqué dans des accidents graves.  Tous ceux qui circulent sur les routes ont intérêt à ce que les conducteurs sans permis soient arrêtés et chassés de la route.  De même, la société dans son ensemble a intérêt à réduire les frais des services médicaux, d’hospitalisation et de réadaptation qui doivent être assurés aux victimes d’accidents ainsi que le préjudice émotionnel causé à leur famille.  Il est certain que le remède préventif que prévoit le par. 189a(1) et qui consiste à obliger les conducteurs à s’arrêter est préférable à la tragédie terminale incurable que représentent la victime d’un accident mortel et la victime handicapée de façon permanente.  Il vaut certainement mieux permettre les interpellations au hasard et empêcher qu’un accident ne survienne que refuser le droit d’interpeller et confirmer de façon répétée les tristes statistiques à la morgue et à l’hôpital. »

Pouvoir d’interpeller un automobiliste hors de la voie publique

Malenfant c. R., 2006 QCCS 7246 (CanLII)

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[27]            S’il est généralement admis que notre droit permet ces vérifications au hasard ou sans motif précis lorsque l’automobiliste circule sur la voie publique, est-ce si différent lorsque le conducteur ciblé a quitté le chemin public depuis quelques secondes pour se garer sur une propriété privée ?
[28]            Il nous semble que le sens commun dicte une réponse négative à la question et que les propriétés privées situées en bordure de nos routes ne devraient pas servir de refuge ou de havre d’immunité pour les conducteurs non détenteurs d’un permis valide ou pour les véhicules non immatriculés ou sans assurance, qui viennent tout juste de circuler sur un chemin public qu’ils ont quitté avec empressement à la vue ou à l’approche des forces de l’ordre.
[29]            D’un autre côté, il est tout aussi vrai que les pouvoirs policiers doivent être balisés pour se prémunir des interpellations et des interceptions dictées par un simple caprice, par la mauvaise foi ou par tout autre motif biaisé ou discriminatoire. Il est cependant tout aussi nécessaire que les pouvoirs de l’agent de la paix s’accompagnent des accessoires indispensables à leur exécution tel celui d’être autorisé suivre le véhicule ciblé hors de la voie publique, pour y compléter une vérification de routine décidée ou entreprise sur un chemin public.
[30]            Aussi, dans la mesure où un véhicule quitte la voie publique, avant que le policier qui l’y a vu circuler, ait eu l’opportunité de procéder à une vérification documentaire ou de signifier au conducteur visé de s’immobiliser pour ce faire, il doit pouvoir poursuivre son action dans un lieu privé où se réfugie le conducteur, même s’il s’agit d’un chemin privé.  De même, celui qui circule sur la voie publique avec un véhicule et qui, percevant l’approche policière, ne doit pas pouvoir esquiver ses obligations légales en se rangeant momentanément sur une propriété privée.
[31]            Cela est d’autant plus vrai lorsque, comme dans le présent cas, l’agent de la paix perçoit raisonnablement la manœuvre du conducteur comme étant suspecte et destinée à se prémunir d’une interpellation policière qu’il craint.  Ici, c’est le comportement de Miguel Malenfant qui a incité la policière à s’introduire sur une propriété privée pour s’assurer du droit de ce dernier de circuler sur la voie publique.
[32]            En somme et assez paradoxalement, l’appelant, qui cherchait à se rendre invisible, a plutôt attiré sur lui la suspicion de la policière.
[33]            C’est d’ailleurs cette impossibilité d’agir, alors que le véhicule de l’appelant se trouve toujours sur la voie publique, qui distingue la présente affaire de l’arrêt de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick dans R. c. Caissie[8], affaire dans laquelle les policiers ont délibérément retardé l’intervention après avoir décidé d’intercepter le conducteur pour une vérification de routine.
[34]            Le Tribunal ne peut concevoir que, dans une société libre et démocratique comme la nôtre, un policier qui exerce le pouvoir légitime d’intercepter au hasard un automobiliste qu’il voit circuler sur une voie publique pour une fin reliée à la sécurité routière,  ne puisse intervenir pour protéger la vie des autres usagers de la route parce que le conducteur en question a réussi à trouver refuge sur une propriété privée avant que l’agent de la paix n’ait eu l’opportunité de vérifier son droit de circuler sur la route[9].
[35]            Dans l’arrêt Cotnoir, un des deux policiers qui intervenaient auprès de l’appelant agissait en pensant que celui-ci pouvait être en détresse, alors que l’autre soupçonnait la commission d’un crime.  L’Honorable juge Robert Pidgeon, alors juge à la Cour d’appel, écrit pour la majorité ce qui suit :
« Elle soulève uniquement la question de leurs pouvoirs d’enquête à titre de pouvoirs accessoires à leur obligation de secours et de prévention du crime.  Ici, la seule façon pour la policière de vérifier l’identité de la personne dans le véhicule automobile consistait à pénétrer sur cette propriété.  En outre, cette intrusion dans la cour de l’appelant ne portait pas atteinte de façon démesurée à l’inviolabilité de la propriété privée et était nécessaire dans les circonstances.  L’atteinte pourrait même être qualifiée de purement technique.  D’autre part, les agents pouvaient présumer détenir une autorisation implicite du propriétaire de pénétrer sur son terrain afin de prévenir la perpétration d’une infraction contre ses biens.  Enfin, comme l’a mentionné le juge Sopinka dans l’arrêt Belnavis « il existe une différence marquée en matière d’atteinte raisonnable en matière de vie privée [notes omises] selon que la personne qui l’invoque se situe dans sa résidence ou dans une automobile. »[10]
(Nos soulignés).
[36]            Partageant le même avis, monsieur le juge Chamberland ajoute ce qui suit à ce sujet :
« Pour l’un, il s’agissait donc de mettre un terme à la perpétration d’un crime, ou d’en prévenir la commission, pour l’autre, il s’agissait de porter secours à un concitoyen.  Dans ces circonstances, les agents Gougeon et Bélanger avaient, à mon avis, le droit de pénétrer sur le terrain où les évènements se déroulaient pour faire les vérification d’usage et, le cas échéant, enquêter ou porter assistance. »[11]
(Nos soulignés).
[37]            Le Tribunal est d’avis que ces réflexions empreintes de sagesse s’appliquent également aux circonstances de la présente affaire.
[38]            Il faut certes souligner que, contrairement à l’arrêt  Cotnoir, la preuve ne fait pas état, ici, de soupçons de commission d’une infraction criminelle avant l’interception de Miguel Malenfant mais la situation justifiait et nécessitait que la policière puisse compléter son travail de vérification d’un usager de la voie publique qui venait d’effectuer une manœuvre suspecte.
[39]            Dans les circonstances de l’espèce, l’agent de la paix n’a pas, de façon injustifiable, utilisé les pouvoirs découlant de son devoir de veiller à la sécurité des citoyens puisque le comportement de l’appelant lui permettait de croire raisonnablement que celui-ci cherchait à se soustraire d’une éventuelle vérification qu’il craignait.

Le pouvoir d’interception au CSR n’est pas restreint à la constatation d’une infraction relative à la conduite mais a été étendu à la garde et au contrôle

Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Lessard, 2014 QCCQ 20950 (CanLII)

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[22]        D’importants pouvoirs sont dévolus aux agents de la paix soit par la Loi sur la police, le Code de la sécurité routière (CSR) ou par la Common Law pour permettre à ceux-ci de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité publique, d’assurer la répression des crimes et la protection des personnes et des biens.       
[23]        Les policiers n’ont cependant pas tous les pouvoirs bien qu’ils aient le devoir d’assurer la sécurité dans nos communautés. L’étendue de leurs pouvoirs doit être analysée à la lumière des faits particuliers de chaque cas d'espèce et examinée en fonction des gestes posés à chacune des étapes de l’interpellation policière.
[24]        Quant aux pouvoirs émanant du CSR, ils s’appliquent à l’utilisation des véhicules sur les chemins publics ou sur certains terrains privés. À l’article 636, est prévu le pouvoir d’un agent de la paix, s’il agit dans l’exercice de ses fonctions, de faire immobiliser un véhicule et de procéder à l’identification du conducteur.
[25]        Le pouvoir d’interception au CSR n’est pas restreint à la constatation d’une infraction relative à la conduite mais a été étendu à la garde et au contrôle. Si une interpellation se fait auprès d’un justiciable sur un terrain privé, certaines dispositions de la loi ne s’appliquent pas mais la définition contenue à d'autres articles englobent les chemins privés ouverts à la circulation publique.
[26]        Suivant la common law, bien que les policiers soient tenus d'enquêter sur les crimes, ils ne sont pas pour autant habilités à prendre n'importe quelle mesure pour s'acquitter de cette obligation. Le droit à la liberté individuelle est un élément fondamental protégé par la Constitution canadienne qui interdit aux policiers d’arrêter ou de détenir quelqu’un sur la foi d'une intuition ou d’une discrétion exercée arbitrairement. 
[27]        Rappelons que le droit commun encadre le pouvoir des policiers d’intercepter des véhicules à moteur sur la base de motifs précis reliées à la sécurité routière, à la sobriété des conducteurs, à la validité du permis ou à l’état mécanique des véhicules qui circulent sur la voie publique.
[28]        Une interpellation au hasard ou de routine constitue une violation de l’article 9 de la Charte, mais la Cour Suprême a décidé que cette détention se justifie lorsque les policiers poursuivent un but légitime[10].  Par contre, pour agir conformément à leurs pouvoirs d’intervention, ils doivent le faire sans motif oblique.[11]

Les pouvoirs d'intervention des policiers dans un stationnement privé

R. c. Vega Diaz, 2017 QCCQ 7862 (CanLII)

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[19]        Un des arguments proposés du requérant se veut que les policiers ne pouvaient intervenir dans le stationnement de l’immeuble, cet endroit ne rencontrant pas la définition de « chemin public » ou de « certains chemins et terrains privés » prévue à l’article 1 du Code de la sécurité routière (CSR)
[20]      Bien que souvent présente dans un cadre de révision administrative, le Tribunal était conscient qu’une certaine controverse peut planer à ce sujet quand on tente de qualifier le caractère privé ou non d’un stationnement résidentiel.
[21]      Ainsi, un stationnement à l’arrière d’un immeuble à logements, où chaque endroit est réservé aux locataires et où les visiteurs doivent se garer dans la rue a été considéré comme stationnement privé.
[22]      Dans une autre affaire, toutes les cases de stationnement étaient réservées et identifiées par un numéro, correspondant à chaque unité de condo de l’immeuble. On a aussi considéré le tout comme stationnement privé.
[23]      Ici, cette preuve n’a pas été faite. La photo des lieux de la rue montre une entrée sans barrière ou affiche interdisant l’accès à des visiteurs. Ce stationnement est vaste et comporte plusieurs stationnements; tout comme l’immeuble semble comporter plusieurs logements. On peut se garer tout près de la rue ou plus loin vers l’arrière.
[24]      Bref, la simple référence en plaidoirie voulant que le requérant, lui-même visiteur, a utilisé la place de son ami qui y réside, est insuffisante pour déterminer que le stationnement en est un comme décrit dans les deux affaires ci-haut.
[25]      Qui plus est, dans une affaire analogue à la nôtre, la Cour d’appel a récemment tranché cette question en lien avec l’expression « tout autre lieu public » contenue au paragr. 259(1) du Code criminel. On décrit l’endroit comme :
La preuve accréditant que quelques espaces avaient des poteaux indiquant des numéros d’appartement. D’autres, dans l’immeuble adjacent, avaient des numéros, mais à la peinture défraichie.
[26]      La Cour d’appel conclut ainsi :
[32]        Le stationnement visé est de dimensions appréciables, tel qu’il appert des photos déposées. Sa partie avant jouxte un chemin public sur toute sa largeur et elle ne comporte aucun signe ou obstacle qui empêche un automobiliste ou un piéton de s’y engager ou d’y pénétrer. Le stationnement est à la disposition des occupants des 20 appartements des deux immeubles, des membres de leurs familles, de leurs invités et, plus généralement, de toute personne qui visite un locataire. Ces faits permettaient au juge d’instance de conclure que le public avait un accès suffisant à cet endroit pour en faire un lieu public où la sécurité des personnes présentes peut être menacée par un conducteur assujetti à une interdiction de conduire selon le Code criminel.
4.2. Le juge a-t-il erré en ne reconnaissant pas une violation des droits constitutionnels de l’appelant entraînant l’exclusion de la preuve?
[33]        La Cour estime que compte tenu des circonstances entourant l’arrestation de l’appelant, celle-ci était justifiée. Au départ, il existait un motif d’interception relié à la conduite automobile puisque l’appelant s’apprêtait à s’engager sur la voie publique avec des phares éteints, la nuit, contrairement à l’article 424 du Code de la sécurité routière. Par ailleurs, les policiers étaient justifiés de vérifier alors si l’appelant était détenteur d’un permis de conduire, vu qu’il se trouvait au volant d’un véhicule automobile. Enfin, en découvrant qu’il était sous le coup d’une interdiction de conduire sur un lieu public, ils étaient en droit de procéder à son arrestation.
[27]      L’argument du requérant, confronté à cet arrêt, voulant qu’il n’y avait pas ici d’infractions au CSR au départ relève de la sémantique. Les agents ont clairement identifié l’art. 636 du CSR comme assise de leur intervention. Le Tribunal est d’avis que cette assise suffit. Dans la mesure où l’intervention est légalement justifiée par le CSR, il importe peu qu’il s’agisse d’une mesure préventive, de vérifications permises ou de constatations d’infractions comme telles.

L'interception sur un terrain privé VS 636 Csr

R. c. Gasse, 2013 QCCQ 8053 (CanLII)

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[29]      En premier lieu, nous devons déterminer si les policiers pouvaient intervenir de la manière dont ils ont procédé pour interpeller et sommer le requérant à subir un test de dépistage d’alcool. Il est clair de l'intervention des policiers qu'ils se croyaient investis des mêmes pouvoirs que ceux qu'ils utilisent habituellement lorsqu'ils exigent qu'un conducteur de véhicule automobile immobilise son véhicule sur la route, en vertu de l'article 636 du Code de la sécurité routière qui se lit ainsi:
«636. Un agent de la paix, identifiable à première vue comme tel, peut, dans le cadre des fonctions qu'il exerce en vertu du présent code, des ententes conclues en vertu de l'article 519.65 et de la Loi concernant les propriétaires, les exploitants et les conducteurs de véhicules lourds (chapitre P-30.3), exiger que le conducteur d'un véhicule routier immobilise son véhicule. Le conducteur doit se conformer sans délai à cette exigence.»
[30]      Dans la présente affaire, l'attention des policiers est attirée par un véhicule qui recule rapidement dans une entrée sans qu’ils ne puissent décrire rien de particulier au sujet de la conduite. Il est à se demander si c'est la façon dont le véhicule a reculé qui a attiré leur attention ou le fait qu'il y avait également trois personnes à l'extérieur qui discutaient à une heure tardive de la nuit.
[33]      Il est à noter que les observations des policiers se limitent à deux personnes à l'extérieur de leurs véhicules sur un terrain privé dont l’une vient de sortir de son véhicule qu'elle vient de déplacer.
[34]      Comme mentionné précédemment, leur façon de faire est similaire à celle qu'ils auraient utilisée s'ils avaient demandé à un automobiliste de s'immobiliser sur la route. Par contre, est-ce que l'article 636  du Code de sécurité routière trouve application en la présente affaire?
[35]      L'auteur Karl-Emmanuel Harrison dans la deuxième édition de son volume sur les capacités affaiblies, précise les exigences légales à cette sphère d’activité pour l'agent de la paix qui intervient en vertu de l'article 636 du Code de sécurité routière:
«L'agent de la paix a quatre exigences légales à satisfaire. Premièrement, il doit être identifiable comme tel à première vue. Deuxièmement, il ne doit utiliser ce pouvoir que dans l'exercice des fonctions qui lui sont attribuées par les lois relatives à la sécurité routière. Troisièmement, il ne peut requérir que l'immobilisation d'un véhicule routier. Quatrièmement, il ne peut demander qu'à un conducteur circulant sur un chemin public ou un lieu de circulation public de s'immobiliser.» (Soulignements du tribunal)
[36]      Or, la toute première question que le tribunal doit résoudre est de déterminer si les agents pouvaient exercer leur pouvoir en vertu de l'article 636 du Code de sécurité routière lorsqu'un véhicule est déjà immobilisé sur un terrain privé avant qu'ils ne le demandent et que le conducteur est à l'extérieur à discuter avec une autre personne?
[37]      Dans la décision Briand, le juge Michel Parent fait une analyse très détaillée de toute cette question et souligne qu’« afin de décider si l'agent de la paix agissait en vertu du Code de sécurité routière, il faut déterminer où était l'automobile lorsque l'agent a interpellé le conducteur et non pas où l'automobile a finalement décidé de s'immobiliser ».
[38]      Dans Briand, tout comme dans la présente affaire, toute l'interpellation policière a eu lieu sur un terrain privé alors que le conducteur avait déjà immobilisé son véhicule de sa propre volonté et sans contrainte. Dans ce type de circonstances, il est clair que l'agent de la paix n'agit pas dans le cadre de ses fonctions et la cour a décidé que le policier ne peut fonder son pouvoir d’intervention sur les prescriptions de l'article 636 du Code de sécurité routière. L'affaire Lacasse du juge Bellavance va également dans le même sens.
[39]      La Cour d'appel dans Harvey autorise l'intervention des policiers dans une entrée privée en utilisant le pouvoir prévu à l'article 636 du Code de sécurité routière. Cependant, cela survient après que les policiers aient suivi et observé le véhicule pendant un certain trajet sur la voie publique pour un motif précis et après avoir fait certaines constatations particulières quant au comportement de la conductrice. Il en va de même dans Élie où le conducteur a fait une manœuvre bizarre et qu’il a été suivi sur une certaine distance avant d’être intercepté sur la route, pour un motif précis relié à la conduite d’une automobile. La présente affaire se distingue très clairement de ces deux dernières décisions.
[40]      Dans le présent dossier, la Cour conclut que les policiers n’avaient aucun motif précis d’intervention et qu’ils ne se sont fondés sur aucune observation préalable sérieuse avant d’intercepter les deux personnes à l’extérieur, situées sur un terrain privé. Il ne s’agissait pour eux que d’aller voir ce qui se passait. La cour ne retient pas la version des policiers quant à la manœuvre prétendument observée et qu’ils voulaient voir l’état du conducteur. En accord avec les principes énoncés dans les décisions Briand et Lacasse, comme le véhicule était déjà immobilisé et que le conducteur en était sorti, les policiers ne pouvaient pas fonder leur intervention en application de l’article 636 du Code de la sécurité routière.
[41]      Toujours en référant à l'auteur Harrison, les policiers n'agissaient pas dans le cadre de leurs fonctions en vertu de la sécurité routière. En effet l'auteur précise que :
«(…) une interpellation ne peut pas se fonder sur la curiosité ou un caprice de la part de l'agent de la paix : Donnacona (Ville de )c. Plamondon [1996] A.Q. 2575 (QL) (CS). Lorsque le Code de la sécurité routière est détourné à d'autres fins ou qu'il sert uniquement à satisfaire, comme moyen d'enquête, la curiosité d'un policier, il en résulte une détention arbitraire qui n'est pas justifiable dans une société libre et démocratique. »
Ce passage trouve application dans la présente affaire compte tenu que les policiers n'avaient aucun véritable motif d'intervenir ou d'enquêter et qu'ils sont allés voir ce qui se passait à cet endroit, sans plus.
[42]      En second lieu, puisque les policiers n'intervenaient pas en l'application de l'article 636 du Code de la sécurité routière, pouvaient-ils intervenir en vertu de leur devoir général de préserver la paix et la sécurité du public ou plus précisément de leur pouvoir d'intervention de common law.
[43]      Pour exercer ces pouvoirs, les policiers doivent être en mesure de justifier certains motifs d’intervention (articulable cause), tel que mentionné dans l'arrêt R. c. Mann :
«Le critère servant à déterminer si un policier a agi conformément aux pouvoirs que lui confère la common law a d'abord été formulé par la Cour d'appel d'Angleterre en matière de juridiction criminelle dans l'arrêt Waterfield, précité, p. 660-661. Il s'est dégagé de cet arrêt une analyse à deux volets applicable lorsque la conduite du policier constitue à première vue une atteinte illicite à la liberté ou aux biens d'une personne. En pareil cas, le tribunal se demande d'abord si la conduite du policier à l'origine de l'atteinte entre dans le cadre général d'un devoir imposé à ce dernier par une loi ou par la common law. Si cette condition préliminaire a été satisfaite, le tribunal poursuit l'analyse et se demande si cette conduite, bien qu'elle respecte le cadre général du devoir en question, a donné lieu à un emploi injustifiable de pouvoirs afférents à ce devoir.» 
[44]      L'auteur Harrison sur le même sujet mentionne :
« Pour pouvoir légalement entraver, à des fins d'enquête, à la liberté de circulation d'un individu en l'absence d'une disposition législative ou réglementaire l'habilitant spécifiquement à le faire, il faut que l'agent de la paix soit en mesure d'établir le devoir dont il cherche à s'acquitter en procédant à l'interpellation de l'individu et de justifier celle-ci au regard de l'ensemble des circonstances. En outre, il doit pouvoir énoncer clairement un motif précis pour lequel il décide d'intercepter cette personne en particulier et, au surplus, que ce motif ait trait à la possibilité que cette personne sera relié à la commission d'une activité criminelle sous enquête. »
[45]      Plus loin, l’auteur précise :
« (…) Le policier n'ayant connaissance d'aucune infraction ni possibilité d'infraction au moment où il a décidé de procéder à l'interception, il n'enquêtait alors sur rien de particulier, sinon la présence d'un véhicule circulant sur une rue passante ou non, ce qui n'est pas susceptible de constituer une infraction en soi. Dès lors, rien ne lui permettait d'établir un motif précis qui lui permettrait de relier l'accusé à la commission ou à la possibilité de la commission d'une infraction quelconque. »
[46]      Dans la présente affaire, les policiers n'ont fait état d'aucun motif pouvant justifier une intervention même en vertu de leurs pouvoirs de common law. Il n'y avait aucune menace à la sécurité publique, aucune plainte relativement au fait que ces individus pouvaient troubler l'ordre public, faire du bruit ou quoi que ce soit. En fait, il n'y avait absolument aucun motif d'intervention pour les policiers, si ce n'est de satisfaire leur curiosité à la suite d'une manœuvre qu’ils qualifient d'étrange ou de particulière sans pouvoir en préciser la nature.
[47]      Donc, en appliquant le test mentionné dans l'arrêt Mann, la Cour conclut que les policiers n'agissaient pas dans le cadre général d'un devoir imposé par une loi ou par la common law lorsqu'ils ont décidé d'intervenir.

mercredi 12 juin 2013

L'interdiction de conduire imposée à des délinquants ayant commis l'infraction de conduite dangereuse causant la mort se situe généralement entre trois et cinq ans

Bilodeau c. R., 2013 QCCA 980 (CanLII)

Lien vers la décision

[62] Un tour d'horizon des arrêts récents de la Cour en la matière montre que l'interdiction de conduire imposée à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires se situe généralement entre trois et cinq ans.

[63] Dans R. c. Roy, la Cour confirme la peine imposée en première instance à la suite d'une course de rue planifiée entre deux amis. L'accusé, qui détenait un permis probatoire, avait consommé de l'alcool. La victime a rapidement gagné la course. À son retour vers la municipalité d'où ils étaient partis, la victime, suivie de l'accusé, a fait une manœuvre dans un virage et heurté un poteau. Elle est décédée sur le coup. La victime était le principal responsable de son accident. L'accusé, un jeune homme sans antécédents, dans une relation amoureuse stable et avec un emploi stable, a écopé de 90 jours de prison discontinus, avec trois ans de probation et une interdiction de conduire de trois ans.

[64] Dans R. c. Perry, une affaire de conduite dangereuse causant la mort dans le cadre d'une course de rue en motocyclette, la peine imposée était une peine avec sursis de deux ans moins un jour, avec une interdiction de conduire subséquente de un an. La Cour infirme la peine en partie seulement et substitue à la peine avec sursis une peine de 23 mois ferme d'emprisonnement[20]. La période d'interdiction de conduire n'est pas remise en question en appel. Le jeune homme impliqué détenait une longue liste de facteurs aggravants : son permis était suspendu lors de la course, il avait un passager alors que cela lui était interdit, il avait de nombreuses infractions antérieures d'excès de vitesse et la course a entraîné une mort et des lésions chez deux autres personnes. Il n'avait cependant pas d'antécédents judiciaires, poursuivait des études au cégep et était propriétaire de sa propre entreprise de lavage de vitres.

[65] Par ailleurs, dans Fournier c. R., un dossier de conduite dangereuse causant la mort, la Cour infirme la peine de détention de trois ans et l'interdiction de conduire de trois ans pour la remplacer par une détention de 18 mois et une interdiction de conduire de deux ans. On a ainsi voulu éviter le pénitencier au jeune homme impliqué, favorisant sa réhabilitation, et ce, puisqu'il acceptait les conséquences de ses gestes et les regrettait sincèrement.

[66] Dans Paré c. R., une affaire de conduite avec facultés affaiblies et de conduite dangereuse causant la mort, la Cour infirme les peines d'emprisonnement concurrentes de cinq et trois ans et les interdictions de conduire de dix et huit ans imposées par le premier juge. Elle y substitue des peines réduites de prison de trois ans et trente mois et des interdictions de conduire de six et cinq ans. L'accusé n'a pas d'antécédents judiciaires, bénéficie d'un rapport présentenciel favorable, a un bon dossier de conduite, accepte la responsabilité de ses gestes, témoigne d'empathie envers la famille de la victime et exprime des remords sincères.

[67] Dans R. c. Fortin, un autre dossier de conduite dangereuse causant la mort, la Cour confirme une peine de deux ans d'emprisonnement avec interdiction de conduire un véhicule moteur et révocation du permis de conduire pour trois ans. Le premier juge avait insisté sur l'importance de la dissuasion et de l'exemplarité à cause, entre autres, de la haute vitesse de l'appelant (215 km/h).

[68] Dans R. c. Montuori, l'accusé avait écopé de six mois d'emprisonnement et d'une probation de deux ans assortie d'une ordonnance lui interdisant de conduire un véhicule pour une durée de cinq ans à la suite d'une accusation de conduite dangereuse causant des lésions corporelles. En appel de la durée de l'interdiction de conduire, la Cour conclut qu'une période d'interdiction de cinq ans était justifiée puisque le délinquant avait un permis probatoire au moment de l'incident, qu'il circulait à une vitesse de 216 km/h dans une zone de 100 km/h et qu'il a tenté de fuir les policiers pour éviter son arrestation. Même si la durée de l'interdiction pouvait sembler longue, elle se devait de refléter la dissuasion générale et l'exemplarité nécessaires se rattachant aux circonstances de la commission de l'infraction.

[69] Dans Ferland c. R., la Cour confirme une peine pour conduite dangereuse causant la mort et conduite dangereuse causant des lésions de 3½ ans de détention et de trois ans d'interdiction de conduire. La peine était justifiée par la vitesse (160 km/h) dans des conditions de pluie intense, alors que l'accusé avait 32 ans et une condamnation antérieure pour conduite avec facultés affaiblies.

[70] Il y a quelques années, avant les amendements de 2006 j'en conviens, dans Olivier c. R., un cas de négligence criminelle ayant causé la mort de deux personnes à l'occasion d'une course de rue spontanée, la Cour maintient la peine d'emprisonnement de trois ans accompagnée d'une interdiction de conduire de cinq ans. Pour justifier une peine sévère, on a retenu les infractions antérieures de comportement dangereux sur la route, dont leur similitude et proximité avec la conduite reprochée.

[71] Je note de ces arrêts prononcés au cours des dernières années que, dans aucun cas, la période d'interdiction de conduire ne dépasse cinq ans lorsqu'il s'agit de conduite dangereuse causant la mort. En outre, dans tous ces cas, il est difficile de savoir s'il y a eu une longue période d'interdiction préalable au verdict et à la peine comme dans la situation de l'appelant.

[72] Il est vrai que, dans son exposé, le ministère public relève quelques arrêts rendus en Ontario et au Manitoba où les interdictions de conduire ont été de dix ans ou d'environ sept ans dans des cas de conduite dangereuse causant la mort.

[73] Cependant, d'une part, je note que ces exemples se démarquent de la jurisprudence de la Cour sur la question. D'autre part, je constate que, dans plusieurs de ces décisions, la longue période d'interdiction de conduire est consécutive à une peine d'emprisonnement plus courte que celle imposée ici par la juge.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...