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mardi 17 juin 2025

La fourchette des peines applicables en matière d’infractions d’invasion de domicile s’accompagnant de violence

Laguerre c. R., 2021 QCCA 1537

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[55]      Dans l’arrêt Ouellette[40], la Cour observait le caractère étendu de la fourchette des peines applicables en matière d’infractions d’invasion de domicile s’accompagnant de violence :

[57] En matière d’invasion de domicile qui s’accompagne de violence, la fourchette de peines est étendue, comme le note la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans Moore :

The various home invasion cases to which we have been referred seem to establish a range of six to 13 yearsThe total sentence for a particular individual will depend on the degree of violence involved, the offences committed in the invaded premises and the extent of the offender's involvement. After a proper consideration of all the circumstances of this case it cannot be said that an effective global sentence of eight years was unfit.

[…]

[59] La peine imposée ici se situe nettement dans la fourchette de peines, qu’elle soit de 6 à 13 ans ou de 5 à 15 ans, comme le mentionne le juge de première instance, surtout si on prend en compte la gravité objective des infractions commises, la présence de violence et la durée des deux invasions de domicile consécutives survenues dans la même nuit. Au lieu de reprendre leurs sens et de s’arrêter après la première invasion de domicile commise avec violence, M. Régimballe et son complice M. Ouellette se rendent chez le nouvel ami de la mère de X et posent des gestes d’une grande violence, laissant de sérieuses séquelles aux victimes, particulièrement à P... R... et son fils. Le juge rappelle d’ailleurs dans ses motifs que P... R... a été battu pendant une période d’une heure et demie à deux heures. Ce n’est pas rien. Enfin, les gestes violents posés et les menaces graves proférées s’inscrivent ici dans un contexte de violence conjugale, ce qui accroît la gravité objective des infractions.[41]

[Soulignements ajoutés; renvoi omis]

[56]      En 2018, dans son arrêt Hejazi[42], la Cour d’appel de l’Ontario notait quant à elle une fourchette de peines de 4 à 13 ans d’emprisonnement pour introduction par effraction dans une maison d’habitation, « […] with the high end of the range being appropriate for offences involving violence or sexual assault »[43].

[57]      Finalement, les peines en ces matières de violence conjugale, à plus forte raison lorsque le délinquant est un récidiviste, doivent refléter les préoccupations de la société, prises en compte par le législateur par l’adoption en 1996 du sous-alinéa 718.2a)(ii) C.cret ses amendements subséquents[44].

La fourchette des peines en cas d'invasion de domicile accompagnée de violence

R. c. Sandel, 2024 QCCA 644

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[26]      Il convient de rappeler d’entrée de jeu que l’introduction par effraction dans un dessein criminel est un crime très grave, passible de l’emprisonnement à perpétuité. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il prend la forme d’une invasion de domicile accompagnée de violence. Comme la Cour le soulignait dans l’arrêt Régimballe, « le domicile d’une personne devrait être, en quelque sorte, un sanctuaire où elle a droit de s’attendre à être à l’abri de toute violence »[14].

[27]      La gravité de l’invasion de domicile accompagnée de violence est reflétée dans les peines prononcées dans ce type d’affaires. S’appuyant sur l’arrêt Régimballe, la jurisprudence fait souvent état de deux fourchettes, la première de 5 à 15 ans, la seconde de 6 à 13 ans[15]. Toutefois, depuis l’arrêt Régimballe, la Cour a jugé à deux reprises qu’une peine d’emprisonnement de quatre ans se situait au bas de la fourchette pertinente[16]Dans les circonstances, il y a lieu de préciser que le seuil inférieur de la fourchette applicable en matière d’invasion de domicile accompagnée de violence est de quatre ans.

lundi 16 juin 2025

Les peines pour homicide involontaire coupable

R. c. Gagné-Faucher, 2024 QCCS 3574 

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[80]        Dans l’arrêt R. c. McLaughlin-Thibault[37] citant l’arrêt R. c. Vallée, la Cour d’appel énonce la fourchette de peines en matière d’homicide involontaire coupable.[38]

[9]  […] Sans vouloir donner à la synthèse de la jurisprudence que ces auteurs présentent le caractère d’une codification – cela dépasserait la portée de leur propos – on note qu’ils distinguent deux catégories d’homicides coupables non spécifiés, dont chacune comporte une gradation. Il y a d’abord l’homicide involontaire coupable se rapprochant du meurtre (quasi-meurtre), pour lequel les peines d’emprisonnement vont de 9 ans à l’emprisonnement à perpétuité, avec prédominance des peines de 10 à 15 ans d’emprisonnement. Vient ensuite l’homicide involontaire coupable résultant d’un acte dangereux comportant une prévision objective du risquepour lequel les peines s’étalent de 5 à 9 ans d’emprisonnement (avec possibilité de peines plus importantes dans les cas de « grande violence ») si cette prévision permet d’entrevoir la mort, de 5 à 7 ans lorsqu’elle permet d’entrevoir des lésions corporelles graves, et de 5 ans ou moins lorsqu’elle permet d’entrevoir des lésions corporelles (situation qui se rapproche de l’accident).

[Références omises.]

[81]        Encore très récemment, les auteurs Hughes Parent et Julie Desrosiers vont dans le même sens dans leur nouvel ouvrage Traité de droit criminel : la peine, Tome III, 4e éd., Montréal, Édition Thémis 2024.

[82]        Aussi, ils particularisent davantage la catégorie d’homicide si situant « à mi-chemin entre l’homicide involontaire pure et le meurtre ». Ils écrivent :

621.ii) L’homicide se situant à « mi-chemin entre l’homicide involontaire pur et le meurtre » (homicide involontaire coupable résultant d’un acte dangereux comportant une prévision objective du risque de mort, de lésions corporelles graves ou de lésions corporelles) (peine oscillant entre cinq ans et neuf ans d’emprisonnement) : « Comme le critère pour la détermination de la mens rea dans le cas de l’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal est (outre l’existence de la mens rea requise pour l’infraction sous-jacente) celui de la prévisibilité objective du risque de lésions corporelles qui ne sont ni sans importance ni de nature passagère », il arrive parfois que l’homicide involontaire coupable soit le « résultat de la négligence ou la conséquence non intentionnelle d’un acte illégal moins grave ». Envisagé du point de vue de la culpabilité morale du délinquant, l’homicide involontaire coupable découlant d’un acte comportant une prévisibilité objective du risque de mort est puni plus sévèrement que celui ne comportant pas un tel risque. On parle ici d’une variant entre cinq et neuf ans d’emprisonnement, avec possibilité de peines plus importantes dans le cas de grande violence.

[Références omises.]

[83]        Dans la présente affaire, lors des représentations sur la peine, le poursuivant a référé à cette dernière fourchette de peines de cinq à neuf ans pour le crime d’homicide involontaire alors que la défense a référé à la fourchette de peines applicables à l’infraction incluse de conduite dangereuse causant la mort.

[84]        Pour cette dernière infraction, la fourchette de peines applicables se situe généralement de 12 à 36 mois d’emprisonnement.[39]

[85]        Le Tribunal souligne qu’à l’opposé de l’homicide involontaire se rapprochant du meurtre « le quasi-meurtre », se retrouve l’homicide involontaire coupable se rapprochant de la négligence criminelle (ou d’un accident). Dans la récente édition du Traité de droit criminel: la peine, Tome III, 4e éd., Montréal, Édition Thémis 2024, les auteurs Parent et Desrosiers signalent :

623.iii) L’homicide involontaire coupable se rapprochant de l’accident ou de la négligence criminelle (sentence suspendue à cinq ans d’emprisonnement, possibilité d’emprisonnement avec sursis) : Fondés sur la présence d’une prévisibilité objective de lésions corporelles, les homicides se rapprochant de l’accident ou de la négligence criminelle donne lieu généralement à des peines d’emprisonnement de cinq ans ou moins (depuis le 17 novembre 2022, l’emprisonnement avec sursis est redevenu une peine disponible pour l’homicide involontaire coupable commis sans l’usage d’une arme à feu), avec possibilité de sentence suspendues dans les cas inhabituels, voire exceptionnels.

[Références omises.]

dimanche 15 juin 2025

Un juge qui prône la clémence lors de la détermination de la peine face à une agression sexuelle ne peut pas se reposer sur des mythes, préjugés ou stéréotypes pour arriver à cette fin

R. c. Bonnier, 1992 CanLII 3682 (QC CA)

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Le juge s'arrête au fait que la victime savait fort bien que l'accusé devenait agressif lorsqu'il consommait de l'alcool, s'est pourtant rendue chez lui où elle a généreusement consommé avec lui sans faire beaucoup d'efforts pour quitter les lieux lorsqu'elle a constaté l'état de surexcitation de son hôte.  Il ajoute que les gestes de l'accusé n'en sont pas excusables pour autant mais force est de comprendre que la clémence dont il a fait preuve n'est peut-être pas étrangère à cette perception aujourd'hui désuette que certaines femmes, en certaines situations, attirent sur elles leur malheur que la société ne saurait imputer exclusivement à l'agresseur.  Il en va peut-être ainsi dans certains cas très exceptionnels mais celui qui nous occupe ne me paraît pas en être un.

 

Bonnier a vécu un divorce particulièrement difficile qui l'a conduit en psychothérapie.  Une liaison subséquente avec sa victime a été interrompue par celle-ci ce qui n'a guère contribué à améliorer son état psychique.  Les dépositions des experts au cours du procès sont sur le sujet éloquentes et le premier juge pouvait, à bon droit, tenir compte de ce fait sinon au moment de prononcer la condamnation du moins en imposant la sentence.

 


La victime s'est donc rendue chez Bonnier ce soir-là et celui-ci, tout en consommant une quantité appréciable d'alcool, lui a tenu un long discours tendant à la réconciliation et à la reprise de la vie commune.  Il l'a retenue de force chez-lui et s'est livré à divers gestes que le premier juge a justement qualifié d'ignominieux, graves et répugnants.  Il lui a par ailleurs infligé des blessures, légères, il faut bien en convenir, à la pointe d'un couteau et l'a menacée de blessures beaucoup plus graves.

 

Bonnier s'est, le lendemain, en quelque sorte excusé et sa victime l'a revu lui consentant même des rapports sexuels dont la motivation n'était toutefois peut-être pas la passion.

 

Le premier juge qui a vu et entendu la victime et son agresseur a cru devoir être indulgent, une attitude que siégeant en appel nous ne pouvons totalement ignorer.

 

Le premier juge, pour l'essentiel, me paraît ne pas avoir attaché suffisamment d'importance à la dimension exemplaire qui s'impose en pareille matière.  C'est dire des lieux communs que de rappeler l'incidence sans cesse accrue de ce genre de crimes et ses conséquences souvent néfastes.  Nos collègues de la Cour d'appel de l'Alberta ont écrit et le premier juge a cité:

 

The starting point for a major sexual assault is three years, assuming a mature accused with previous good character and no criminal record.

(R. c. Sandercock, [1985] 48 C.R. (3rd) p.154, C.A. Alberta).

 


un principe dont la rigueur n'a pas toujours et partout été suivie en regard des circonstances particulières de chaque cas.  Quoi qu'il en soit, toutes choses étant relatives, je ne suis pas persuadé que nous sommes ici en présence d'un major sexual assault au sens de l'arrêt Sandercock, cela dit sans en aucune façon vouloir minimiser la répugnance qu'inspirent les gestes de Bonnier.  Sauf le respect relatif que, comme je l'ai dit plus tôt, je crois devoir porter à l'appréciation générale du cas par le premier juge qui a vu et entendu les intéressés et s'est astreint à une sentence complètement motivée, je serais tenté, au seul poste de l'exemplarité, d'imposer une peine de deux ans sur le chef d'agression sexuelle, tel que proposé sans, il faut le dire, trop de vigueur, par le substitut.  Tout compte fait cependant, j'estime qu'une peine de douze mois de réclusion quant au chef d'agression sexuelle loge à la frontière inférieure de l'indulgence permise et je suis donc d'avis de statuer en conséquence, le tout assorti de l'ordonnance de probation tel que prononcée par le premier juge.  Quant à la peine imposée sur le chef de séquestration, je n'interviendrais pas; confusion des peines.

samedi 14 juin 2025

Comment apprécier l'absence de remords d'un contrevenant & la manière de conduire la défense n'est généralement pas pertinente à la détermination de la peine

Gavin c. R., 2009 QCCA 1

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[25]           S'il est reconnu que les remords constituent un facteur atténuant qui, tout comme le plaidoyer de culpabilité, peut justifier une peine plus clémente, l'absence de remords est une question plus épineuse. L'auteur François Dadour écrit, dans De la détermination de la peine : principes et applications, LexisNexis Canada Inc., Markham, 2007,à la page 102 :

Si les remords et les regrets du contrevenant sont clairement un facteur atténuant, cela ne signifiera pas nécessairement que leur absence sera un facteur aggravant. Bien que l'on retrouve, dans la jurisprudence, diverses conclusions à l'effet que le contrevenant n'affiche aucun remords, il demeure généralement reconnu que l'absence de remords simpliciter n'est pas nécessairement un facteur aggravant.

[26]           La plupart des auteurs et la jurisprudence majoritaire de cette Cour considèrent que l'absence de remords ne peut constituer, en soi, un facteur aggravant pouvant justifier une peine plus sévère. L'on peut consulter à cet égard, entre autres, Allan Manson, The Law of Sentencing, précité, p. 160; Eugene E. Ewaschuck, Criminal Pleadings and Practice in Canada, 2nd ed., Canada Law Book, Aurora, vol. 2, p. 18:0270; R. c. Paré1998 R.J.Q. 85 (C.A. Qué.); ainsi que R. c. Beaudry, [2005] J.Q. n°15283 (C.A. Qué.); R. c. D.I.D.B.[2006] Q.J. No. 459 (C.A. Qué.)R. c. Lépine, [2007] J.Q. n°282 (C.A. Qué.); R. c. Peterson, [2007] J.Q. n°2819 (C.A. Qué.) ; R. c. Aprile, [2007] J.Q. n°8070 (C.A. Qué.). D'autres cours d'appel ont exprimé un avis similaire : voir notamment R. v. Muhammad (2004), 2004 BCCA 396 (CanLII), 187 C.C.C. (3d) 14 (B.C.C.A.); R. v. Vu (2003), 2003 BCCA 339 (CanLII), 176 C.C.C. (3d) 568 (B.C.C.A.); R. v. Pavich2000 CanLII 16971 (ON CA), 138 O.A.C. 349; R. v. Henwood[2002] O.J. No. 1031 (Ont.C.A.)R. v. Goar[2005] O.J. No. 2547 (Ont.C.A.)R. v. LaBrie1988 CanLII 9475 (NS CA), 87 N.S.R. (2d) 181 (N.S.C.A.); R. v. Upson (2001), 2001 NSCA 89 (CanLII), 44 C.R. (5th) 313 (N.S.C.A.); R. v. Cormier (1999), 1999 CanLII 13118 (NB CA), 140 C.C.C. (3d) 87 (N.B.C.A..); R. v. Clarke (2001), 2001 NFCA 35 (CanLII), 158 C.C.C. (3d) 60 (N.F.C.A.). Il faut toutefois souligner que d'autres arrêts concluent différemment : R. v. Ermine2002 SKCA 36R. v. Iron2005 SKCA 84R. c. E.S., [2000] J.Q. n°2 (C.A. Qué.); R. c. LucienJ.E. 2000-219 (C.A.)R. c. Lemieux1997 CanLII 10435 (QC CA), [1997] R.J.Q. 1222 (C.A. Qué.).

[27]           En réalité, quoique l'absence de remords puisse être retenue contre un accusé qui recherche une peine plus clémente ou une peine avec sursis : R. c. R.N.S., 2000 CSC 7 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 149; R. c. Deragon2003 CanLII 41273 (QC CA), REJB 2003-48226 (C.A.); R. c. Beaudry, précité, notamment parce que cela peut démontrer qu'il y a peu d'espoir de réhabilitation et donc laisser subsister un risque de récidive : R. c. Maheu1997 CanLII 10356 (QC CA), [1997] R.J.Q. 410 (C.A.), un tribunal ne peut reprocher à un accusé d'avoir exigé la tenue d'un procès ou de continuer à nier sa culpabilité, et encore moins lorsqu'un appel du verdict a été interjeté : R. c. Corriveau2003 CanLII 32937 (QC CA), REJB 2003-44981 (C.A. Qué.); R. c. Deng, 2003 CanLII 75168 (QC CA), [2003] J.Q. no 15393 (C.A. Qué.); R. v. Valentini (1999), 1999 CanLII 1885 (ON CA), 132 C.C.C. (3d) 262 (Ont.C.A.); R. v. Caulfield (1999), 203 W.A.C. 287 (B.C.C.A.).

[28]           Il faut également mentionner que la manière de conduire la défense n'est généralement pas pertinente à la détermination de la peine et ne peut constituer une circonstance aggravante pouvant autoriser une peine plus sévère que celle qui est autrement appropriée, qu'il s'agisse de menaces proférées à des témoins de la poursuite [R. v. Sawchyn (1981), 1981 ABCA 173 (CanLII), 60 C.C.C. (2d) 200 (Alta C.A.)], de faux témoignages [R. v. Kreutziger (2005), 2005 BCCA 231 (CanLII), 196 C.C.C. (3d) 282 (B.C.C.A.); R. v. Kozy (1990), 1990 CanLII 2625 (ON CA), 58 C.C.C.(3d) 500 (Ont. C.A..); R. v. Fuller, 2005 ABCA 193], de tactiques de l'avocat [R. c. Beauchamp2005 QCCA 580 (CanLII), [2005] R.J.Q. 1595 (C.A. Qué.)], ou encore de production de faux documents [R. v. Zeek2004 BCCA 42].

[29]           Force est donc de conclure que, même si certains arrêts retiennent l'absence de remords à titre de circonstance aggravante, la tendance majoritaire consiste à la considérer comme un élément neutre qui ne doit aucunement entraîner une peine plus sévère que celle qui serait autrement appropriée. De même, la mauvaise conduite de la défense ne saurait justifier une peine plus sévère puisque cela consisterait à punir l'accusé pour une infraction dont il n'a pas été reconnu coupable. Comme l'écrit le juge Rowles, dans R. v. Zeek, précité :

[22]  It is well settled that the misconduct of an accused at trial cannot be treated as an aggravating factor attracting an additional sentence. That follows from the basic proposition that an accused person should not be sentenced for a crime with which he has not been charged and convicted.

[30]           C'est également l'opinion exprimée par le juge Beauregard dans R. c. Beauchampprécité :

[97]  […] En effet, même si le juge jouit d'un pouvoir discrétionnaire pour compter en double le temps de la détention provisoire, je suis d'avis que le moyen utilisé par le juge fait que, comme en l'espèce, l'accusé est puni, non pas pour le crime qu'il a commis, mais pour le crime qu'il a commis et sa conduite abusive lors de l'instruction. Désirant contester en appel la conclusion du juge selon laquelle il se serait mal comporté lors de l'instruction, l'accusé ne pourrait exercer son droit d'appel qu'à l'intérieur d'un pourvoi contre la sentence. Cette façon de faire compliquerait la situation tant pour l'accusé que pour la Cour d'appel, laquelle, à l'intérieur d'un pourvoi contre une sentence, serait appelée à déterminer la «culpabilité» de la conduite répréhensible alléguée par le juge.

[31]           Qu'en est-il dans le présent dossier?

[32]           Le juge de première instance ne pouvait retenir, à titre de circonstance aggravante, le type de défense présentée par l'appelant. Si l'on estime qu'il s'est parjuré, il doit être accusé de parjure, avoir la possibilité de se défendre et être reconnu coupable avant que l'on puisse le punir davantage pour cette raison. Autrement, cela irait à l'encontre du principe dont je viens de faire état et pourrait constituer une menace susceptible d'empêcher bien des accusés de se défendre. Voici ce que dit à ce sujet le juge Smith dans R. v. Vu, précité, au paragraphe 10 :

[10]  It is not clear whether the trial judge concluded that what he viewed as false testimony by the appellant should be punished as an independent aggravating circumstance. If he did so, that would be an error, in my view. To treat disbelieved testimony as an aggravating factor on sentencing would tend to dissuade innocent persons from testifying in their own defence for fear that their testimony, if disbelieved, would make matters worse for them.

[33]           Il ne s'agit pas davantage d'un cas où le juge pourrait tenir compte des circonstances d'une infraction dont le délinquant n'aurait pas été accusé, ce qui pourrait constituer une preuve du caractère et de la personnalité du délinquant selon le sens retenu dans les arrêts R. c. Angelillo2006 CSC 55 (CanLII), [2006] 2 R.C.S. 728 et R. v. Edwards (2001), 2001 CanLII 24105 (ON CA), 155 C.C.C. (3d) 473 (Ont.C.A.). D'une part, il s'agirait d'une circonstance aggravante qui devrait être prouvée hors de tout doute raisonnable : alinéa 724 (3) e) C.cr. et R. c. Angelillo, [2006] 2 R.C.S. 728, aux paragr. 20 et 32. D'autre part, l'accusé devrait à tout le moins être avisé de la situation, ce qui ne fut pas le cas ici, et avoir l'opportunité de contester l'existence de ces faits, auquel cas la poursuite devrait en faire la preuve formelle : R. c. Angelillo, pré

vendredi 13 juin 2025

La nature, la gravité et les conséquences à long terme des blessures subies par la ou les victimes sont des considérations hautement pertinentes, parmi toutes les autres, pour déterminer quelle est la peine appropriée à imposer à un délinquant déclaré coupable d’une infraction qui implique une atteinte à l’intégrité physique

R. c. Sylvain, 2020 QCCA 1173

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[19]        La juge note que les éléments essentiels d’une infraction ne peuvent, en soi, être considérés à titre de facteurs aggravants et elle affirme appuyer ce propos en isolant une seule phrase d’un jugement de cette cour dans l’arrêt Lacelle Belec[4]. Cette large proposition doit être considérée avec prudence puisqu’elle peut induire en erreur et, sans  être nuancée, elle est inexacte pour deux raisons. Premièrement, la jurisprudence constante établit que dans des dossiers de voies de fait graves, la nature et l’importance des blessures subies par la victime sont pertinentes non seulement à l’égard de la détermination de la culpabilité, mais également à l’égard de la détermination d’une peine proportionnelle et appropriée. Deuxièmement, la jurisprudence reconnaît que la nature et l’importance d’une blessure doivent être prises en compte conjointement avec d’autres facteurs pertinents et objectifs dans la détermination d’une peine appropriée parce que l’importance des blessures, et donc la dénonciation et la dissuasion, ne peuvent être les seuls objectifs dans la détermination d’une peine appropriée. Il est vrai que la nature et l’importance des blessures subies dans une cause de voies de fait graves ne peuvent être invoquées afin d’aggraver d’avantage ce qui est déjà définit comme un facteur aggravant dans le libellé même de l’infraction. Cela dit, la jurisprudence  ne supporte pas la large proposition avancée par la juge d’instance, tel que l’illustre le récent arrêt Lacelle Belec :

 [84]        Dans sa décision, il est indéniable que le juge mentionne le jeune âge de l’appelant au moment de l’accident, qu’il était sans antécédents judiciaires, avait un bon emploi et bénéficiait d’un bon encadrement. Le juge mentionne également la situation actuelle de l’appelant, soit sa vie familiale avec sa conjointe et un enfant de deux ans.

[85]        Il est aussi indéniable que les blessures et les conséquences pour la victime représentent un facteur pertinent : Brais c. R., 2016 QCCA 356, par. 27Silbande c. R., 2014 QCCA 1952R. c. Michaud2012 QCCA 891, par. 20. Le Code criminel façonne d’ailleurs la sévérité de la peine en rapport avec la présence de blessures. En d’autres termes, la présence de lésions corporelles est déjà un élément de l’infraction et cela ne peut pas, en principe, devenir un élément aggravant distinct.

[86]        Néanmoins, pour déterminer la peine appropriée à la faute, elle-même aggravée par la présence de lésions, la logique veut qu’il faille tenir compte de la nature et de l’étendue des lésions corporelles causées. Cela ne demeure toutefois qu’un facteur parmi d’autres. Il ne doit pas devenir déterminant au point d’occulter les autres, plus favorables.

[87]        Avec égards pour le juge, l’appelant a raison et, en donnant à ce facteur un poids déterminant au détriment d’autres facteurs, le juge commet une erreur dont la portée est évidente au vu de ses motifs.[5]

[20]        Parmi les éléments essentiels de l’infraction de voies de fait graves figure l’exigence que l’agression « blesse, mutile ou défigure le plaignant ou met[te] sa vie en danger ». Ces termes se recoupent à certains égards, mais ils ne sont ni synonymes ni interchangeables. Ils distinguent tous les voies de fait graves d’autres infractions de voies de fait prévues dans le Code. Il est également primordial de noter qu’ils envisagent tous des degrés variables de gravité. Ainsi, toutes les blessures ne sont pas aussi graves. Il s’ensuit que ces degrés variables de gravité doivent être pris en compte par les juges afin que la peine imposée soit proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de culpabilité morale du contrevenant[6]. Une peine qui fait défaut de prendre acte de ces différences pourrait être contestée au motif qu’elle est disproportionnée. La Cour l’a récemment rappelé :

[45]        Il est entendu qu’un élément essentiel de l’infraction reprochée ne devrait pas être considéré comme une circonstance aggravante, puisqu’il participe déjà de la gravité objective de l’infraction et qu’il faut éviter de « punir doublement » l’accuséD’autre part, la gravité des blessures subies par la ou les victimes est constamment retenue comme circonstance aggravante par la jurisprudence, incluant celle en matière de voies de fait graves, et la doctrine. De toute évidence, il y a des blessures plus ou moins graves qui répondent également à la définition des éléments de l’infraction. L’importance des blessures est hautement pertinente à la pondération de la gravité de l’infraction et le degré de responsabilité du délinquant. C’est l’essence de la proportionnalité.

[46]        L’argument de l’appelant est fondé sur une prémisse erronée. Une blessure permanente n’est pas un élément essentiel de l’infraction de voies de fait graves. Celle-ci comprend par définition une blessure, une mutilation, une défiguration de la victime ou la mise en danger de sa vie. Si ces termes réfèrent tous à un niveau de gravité passablement élevé, rien n’exige des séquelles permanentes. Chaque infraction de voies de fait comprend des éléments distincts, mais chacune couvre une large variété de comportements et de conséquences qui justifieront des peines plus ou moins sévères selon le cas. La jurisprudence recèle d’exemples de voies de fait graves commises sans qu’il y ait de séquelles permanentes et même sans qu’il y ait de lésions corporelles quand l’application de la force crée un risque pour la vie.

[47]        La nature, la gravité et les conséquences à long terme des blessures subies par la ou les victimes sont des considérations hautement pertinentes, parmi toutes les autres, pour déterminer quelle est la peine appropriée à imposer à un délinquant déclaré coupable d’une infraction qui implique une atteinte à l’intégrité physique.[7]

[21]        Bref, l’exclusion catégorique de l’évaluation de la gravité relative de la conduite de l’intimé constitue une erreur de principe, incluant la gravité des bleassures.

Les principes de dénonciation et de dissuasion

[22]        La jurisprudence de cette cour indique clairement que les impacts de la dissuasion individuelle ou générale sont incertains, mais elle indique tout aussi clairement que, dans des cas de voies de fait graves, ces objectifs devraient être pris en compte par le juge qui prononce la peine dans son évaluation des divers objectifs de la peine, tout particulièrement dans un cas de violence gratuite. Par ailleurs, la dénonciation et la dissuasion, tout comme les autres objectifs, peuvent avoir un poids trop important ou insuffisant dans la détermination d’une peine proportionnée et appropriée. En l’espèce, la juge a mentionné ces deux objectifs, mais ses motifs n’indiquent pas le poids qu’elle attribue à l’un et l’autre d’entre eux, exception faite de son affirmation selon laquelle les perspectives de réhabilitation devraient être privilégiées. À cet égard, il y a une différence évidente entre tenir compte avec circonspection des objectifs de dénonciation et de dissuasion et ne pas en tenir compte du tout, et encore davantage lorsque le rapport présentenciel mentionne explicitement que les passages de l’intimé au sein du système de justice criminelle paraissent avoir eu peu d’impact dissuasif à son endroit[8].

[23]        La dénonciation et la dissuasion sont souvent mentionnées du même souffle, comme en l’espèce, mais ces notions ne sont pas identiques. Bien que l’effet dissuasif d’une peine, et particulièrement la généralisation de cet effet, puisse être incertain, la jurisprudence a toujours affirmé que les cas de voies de fait graves exigent une expression suffisante, proportionnelle à la gravité de l’espèce et à la responsabilité morale du contrevenant, du principe de dénonciation[9]. Vu la conduite de l’intimé, il est excessivement ardu de voir en l’imposition d’une peine d’emprisonnement discontinue une expression du principe de dénonciation qui est commensurable à la gravité objective de l’infraction ou la responsabilité morale du contrevenant[10]. Cela, également, témoigne non seulement d’une erreur de principe, mais aussi d’une sous-évaluation marquée d’un facteur pertinent qui a eu un impact sur le prononcé de la peine. La juge, avec raison, a rappelé que les peines d’emprisonnement doivent être utilisées avec modération et même évitées si d’autres avenues permettent d’atteindre les principes et objectifs de la peine édictés par le Code et affirmés par la jurisprudence. Mais, ici également, tout est question de degré. Même la prise en compte la plus optimiste de la réhabilitation d’un contrevenant ne peut avoir une importance telle qu’elle supplante l’application des autres principes et objectifs essentiels à l’imposition d’une peine proportionnée. En l’espèce, la juge n’a aucunement tenu compte des antécédents judiciaires de l’intimée, qui incluent six inscriptions en tant qu’adulte entre 2001 et 2016. Le jugement omet de prendre en compte, à toutes fins utiles, le risque de récidive, ce qui, concurremment avec les autres facteurs pertinents, donne un poids exagéré et démesuré à l’objectif de réhabilitation[11]. La juge note que le rapport présentenciel décrit ce risque comme « présent ». Ce terme ne peut être considéré comme un synonyme d’« élevé », mais il est loin d’être neutre lorsqu’il est lu conjointement avec l’observation selon laquelle les accusations criminelles dont l’intimé a antérieurement fait l’objet avaient eu peu d’effet dissuasif.

Le principe d’harmonisation

[24]        Quoique les principes de l’individualisation de la peine excluent l’uniformité entre et parmi les peines, un niveau de disparité acceptable milite en défaveur de l’imposition de peines qui sont radicalement différentes pour des infractions qui sont comparables et des contrevenants qui se trouvent dans des circonstances semblables. C’est là l’utilité des fourchettes qui ont été établies pour plusieurs types d’infractions. Ces fourchettes sont des lignes directrices qui indiquent la tendance de la jurisprudence pertinente et elles fournissent des points de repère qui permettent d’éviter des peines qui sont disproportionnellement sévères ou clémentes. Un écart par rapport à une fourchette de peines ne justifie pas l’intervention en appel, à moins que cet écart ne soit si important qu’il constitue une erreur de principe, telle une contravention au principe de proportionnalité, ou encore que la peine soit manifestement non indiquée[12].

[25]        Cette cour a constamment reconnu que, si la gamme de sentences dans le cas de voies de fait graves est vaste, la plupart des affaires donneront lieu à l’imposition d’une peine d’emprisonnement d’une durée se situant entre quinze et vingt-quatre mois et une peine de pénitencier de trois à cinq ans pour les infractions plus graves[13]. Une peine d’emprisonnement discontinue est inhabituelle, quoique légale dans un cas approprié, mais l’imposition d’une telle peine exigerait une démonstration convaincante qu’elle est proportionnelle à la gravité objective de l’infraction et à la culpabilité morale du contrevenant. La peine imposée en l’espèce ne repose pas sur pareille démonstration.

[26]        Certains éléments factuels du dossier pourraient justifier une réduction du quantum de la peine, dont la cessation apparente de la consommation d’alcool de l’intimé, sa thérapie pour la gestion de la colère, ses perspectives d’emploi et le soutien de sa famille immédiate. Ils ne peuvent aisément être qualifiés de facteurs atténuants dans la mesure où ils n’ont pas d’impact véritable sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et de la responsabilité du contrevenant eu égard à cette infraction. Dans l’éventualité où ces facteurs pourraient être pertinents, à quelque égard, afin d’imposer, au final, une peine appropriée, ils ne peuvent non plus atténuer ou supplanter des facteurs qui sont essentiels à la détermination d’une peine proportionnée.

[27]        L’agression en l’espèce était un acte violent, sévère et injustifié à l’endroit d’un inconnu. L’attaque de la victime l’a blessée, mutilée, défigurée ou mise en danger non pas parce que la victime a eu des séquelles permanentes, mais parce que le caractère intrinsèquement vicieux de l’attaque et ses conséquences étaient apparents au moment où elle a eu lieu et, pour ces raisons, doit être sanctionnée par une peine plus sévère. De plus, la peine doit tenir compte des antécédents judiciaires de l’intimé et du risque continu de récidive dont fait état le rapport présentenciel.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les délais préinculpatoires peuvent être considérés en vertu de la Charte

R. c. Ketchate, 2019 QCCA 557 Lien vers la décision [ 16 ]          Plus récemment, dans l’affaire  Hunt , il a été réitéré que les délais p...