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lundi 15 septembre 2025

Les facteurs pertinents pour évaluer le risque de récidive en matière d'emprisonnement dans la collectivité

R. c. Proulx, 2000 CSC 5

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(i)  Risque de récidive

 

70                              Divers facteurs sont pertinents pour évaluer le risque de récidive.  Dans Brady, précité, aux par. 117 à 127, le juge en chef Fraser de la Cour d’appel de l’Alberta suggère de vérifier si le délinquant a respecté les ordonnances des tribunaux dans le passé et, de manière plus générale, s’il a des antécédents judiciaires tendant à indiquer qu’il ne respectera pas les conditions de son ordonnance de sursis à l’emprisonnement.  Dans Maheu, précité, à la p. 418, Madame le juge Rousseau‑Houle a énuméré certains autres facteurs qui pourraient être pertinents:

 

. . . 1)  la nature de l’infraction, 2) les circonstances pertinentes de celle‑ci, ce qui peut mettre en cause les événements antérieurs et postérieurs, 3) le degré de participation de l’inculpé, 4) la relation de l’inculpé avec la victime, 5) le profil de l’inculpé, c’est‑à‑dire son occupation, son mode de vie, ses antécédents judiciaires, son milieu familial, son état mental, 6) sa conduite postérieurement à la commission de l’infraction, 7) le danger que représente pour la communauté particulièrement visée par l’affaire, la mise en liberté de l’inculpé.

 

71                              Cette liste est fort utile, mais elle ne doit pas être considérée comme exhaustive.  Le risque que pose un délinquant donné pour la collectivité doit être apprécié au cas par cas, selon les faits propres à chaque affaire.  De plus, les facteurs énumérés précédemment ne devraient pas être appliqués de façon mécanique. Comme a conclu le juge en chef Fraser dans Brady, précité, au par. 124:

 


[traduction]  Le fait qu’un délinquant a oublié de comparaître devant le tribunal une fois il y a dix ans ne le rend pas d’office inadmissible à l’octroi du sursis à l’emprisonnement.  Le simple fait de se présenter à son procès ne garantit pas non plus au délinquant l’obtention du sursis.  Le tribunal doit évidemment tenir compte de tous les aspects des manquements antérieurs aux ordonnances des tribunaux, notamment la fréquence des manquements, l’âge et la maturité du délinquant, le temps écoulé depuis les derniers manquements, leur gravité et leurs circonstances.

 

72                              Le risque de récidive devrait aussi être apprécié à la lumière des conditions assortissant l’ordonnance de sursis à l’emprisonnement.  Dans les cas où il y a un certain risque que le délinquant puisse mettre en danger la sécurité de la collectivité, il est possible de réduire ce risque au minimum en assortissant l’ordonnance de conditions appropriées:  voir Wismayer, précité, à la p. 32; Brady, précité, au par. 62Maheu, précité, à la p. 418.  De fait, une telle mesure est envisagée par l’al. 742.3(2)f), qui habilite le tribunal à imposer au délinquant l’obligation d’observer «telles autres conditions raisonnables que le tribunal considère souhaitables [. . .] pour assurer la bonne conduite du délinquant et l’empêcher de commettre de nouveau la même infraction ou de commettre d’autres infractions».  Par exemple, il est possible que le tribunal veuille prononcer, à l’endroit d’un délinquant souffrant d’une dépendance à la drogue, une condamnation à l’emprisonnement avec sursis assortie d’une ordonnance de participation à un programme de traitement, malgré le fait que le délinquant possède de nombreux antécédents judiciaires liés à cette dépendance, dans la mesure toutefois où il estime que les chances de réadaptation sont bonnes et que le degré de surveillance sera suffisant pour assurer l’observation par le délinquant des conditions de son ordonnance de sursis à l’emprisonnement.

Quant à la sécurité de la collectivité en matière d'emprisonnement dans la collectivité, il s’agit essentiellement du risque de récidive

Goyette c. R., 2023 QCCA 1657

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[20]      Jusqu’à récemment, l’emprisonnement dans la collectivité ne pouvait être envisagé lorsque l’infraction était punissable par une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité[17]. L’article 742.1 C.crfut récemment modifié par le Parlement afin de l’élargir à une gamme beaucoup plus importante d’infractions, incluant l’invasion de domicile[18]. Cet article est maintenant ainsi rédigé :

742.1 Le tribunal peut ordonner à toute personne qui a été déclarée coupable d’une infraction de purger sa peine dans la collectivité afin que sa conduite puisse être surveillée — sous réserve des conditions qui lui sont imposées en application de l’article 742.3 —, si elle a été condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans et si les conditions suivantes sont réunies :

742.1 If a person is convicted of an offence and the court imposes a sentence of imprisonment of less than two years, the court may, for the purpose of supervising the offender’s behaviour in the community, order that the offender serve the sentence in the community, subject to the conditions imposed under section 742.3, if

a) le tribunal est convaincu que la mesure ne met pas en danger la sécurité de la collectivité et est conforme à l’objectif essentiel et aux principes énoncés aux articles 718 à 718.2;

(a) the court is satisfied that the service of the sentence in the community would not endanger the safety of the community and would be consistent with the fundamental purpose and principles of sentencing set out in sections 718 to 718.2;

b) aucune peine minimale d’emprisonnement n’est prévue pour l’infraction;

(b) the offence is not an offence punishable by a minimum term of imprisonment;

c) il ne s’agit pas d’une infraction prévue à l’une ou l’autre des dispositions suivantes :

(c) the offence is not an offence under any of the following provisions:

(i) l’article 239 (tentative de meurtre), pour laquelle une peine au titre de l’alinéa 239(1)b) est infligée,

(i) section 239, for which a sentence is imposed under paragraph 239(1)(b) (attempt to commit murder),

(ii) l’article 269.1 (torture),

(ii) section 269.1 (torture), or

(iii) l’article 318 (encouragement au génocide);

d) il ne s’agit pas d’une infraction de terrorisme ni d’une infraction d’organisation criminelle poursuivies par mise en accusation et passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans ou plus.

(iii) section 318 (advocating genocide); and

(d) the offence is not a terrorism offence, or a criminal organization offence, prosecuted by way of indictment, for which the maximum term of imprisonment is 10 years or more.

[21]      Puisque l’infraction en cause dans cet appel ne tombe pas sous les exceptions énoncées aux paragraphes b), c) et d) de l’article 742.1 C.cr. précité, et que la peine d’emprisonnement imposée est de moins de deux ans, le juge pouvait permettre à l’appelant de purger sa peine dans la collectivité s’il était convaincu que cette mesure 1) ne met pas en danger la sécurité de la collectivité; et 2) qu’elle est conforme à l’objectif essentiel et aux principes applicables à la détermination de la peine énoncés aux articles 718 à 718.2 C.cr.  Or, dans ce cas-ci, le juge était convaincu que ni l’une ni l’autre de ces deux conditions n’était satisfaite.

[22]      Quant à la sécurité de la collectivité, il s’agit essentiellement du risque de récidive. À cet égard, deux facteurs doivent être pris en compte : 1) le risque que le délinquant récidive; et 2) la gravité du préjudice susceptible de découler d’une récidive. Si à la lumière de l’ensemble des circonstances, notamment les antécédents judiciaires et le respect passé des ordonnances judiciaires, le juge conclut que le risque de récidive est réel, le délinquant doit être incarcéré[19]. Si, au contraire, le juge estime que ce risque est minime, la gravité du préjudice susceptible de découler d’une récidive doit également être prise en considération[20].

Comment apprécier la raisonnabilité des délais au stade de la détermination de la peine et les remèdes possibles face à un accroc

Émond c. R., 2019 QCCA 317

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[37]        Le juge a rejeté la deuxième requête en arrêt des procédures parce que l’appelant n’avait pas démontré que les délais étaient déraisonnables. Il soutient maintenant que le juge a erré en ne considérant pas ces délais comme facteur atténuant dans la détermination de la peine. Cet argument est mal fondé.

[38]        Dans la détermination de la peine, l’objectif ultime est d’infliger au délinquant une peine juste, appropriée et indiquée. Pour atteindre ce résultat, toute peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant[19]. Un facteur aggravant ou atténuant est uniquement, par définition, un facteur qui est pertinent pour apprécier la gravité de l’infraction ou le degré de responsabilité du délinquant dans la commission de l’infraction[20]. La réflexion à ce sujet est une étape nécessaire à l’examen de la proportionnalité de la peine. Ces deux aspects circonscrivent nécessairement ce qui peut être considéré comme facteur aggravant ou atténuant. Toutefois, les facteurs aggravants et atténuants ne sont pas les seuls éléments pertinents qui peuvent être considérés lors de la détermination d’une peine.

[39]        Il est d’ailleurs largement reconnu que des délais excessifs qui ne violent pas le paragraphe 11b) de la Charte peuvent tout de même constituer un facteur à prendre en compte pour réduire une peine afin de s’assurer que le résultat net est juste, approprié et indiqué.  Tout comme peuvent être considérées l’inconduite de l’État[21] et les conséquences collatérales de la peine[22]. Il ne s’agit toutefois pas de facteurs intrinsèques qui influent de quelque manière sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du degré de responsabilité du délinquant.  Ce sont plutôt des facteurs extrinsèques qui pourront s’avérer pertinents pour la détermination ultime d’une peine juste, appropriée et indiquée.

[40]        Aussi, même s’il est fréquent pour les tribunaux, ici et ailleurs au Canada, de référer à tout facteur qui mène à une peine plus ou moins sévère comme constituant un facteur «aggravant» ou «atténuant»[23], il demeure que l’emploi informel des termes « aggravants » ou « atténuants » pour qualifier des facteurs qui sont sans lien avec la gravité de l’infraction ou le degré de responsabilité du délinquant est techniquement inexact. Un tel usage n’est acceptable que dans la seule mesure où le facteur est considéré en rapport avec la détermination finale d’une peine juste, appropriée et indiquée.

[41]        Il importe d’insister sur cette distinction entre les facteurs aggravants et atténuants au sens strict par rapport au principe de proportionnalité et la vaste étendue des autres considérations et facteurs pertinents au résultat final d’une peine indiquée. Le respect du principe fondamental de la proportionnalité de la peine est essentiel à toute peine et une erreur à cet égard justifiera plus aisément l’intervention en appel puisqu’il s’agit alors d’une erreur de principe.  Les facteurs extrinsèques à l’évaluation de la proportionnalité entrent inévitablement dans la discrétion du juge qui impose la peine, car leur pertinence et pondération les prêtent moins à une évaluation objective. L’appréciation de ces facteurs dans la détermination d’une peine indiquée relève de la discrétion du juge qui impose la peine et mérite la déférence des cours d’appel à moins que la peine infligée ne soit manifestement non indiquée.

[42]        Comme ce n’est pas le cas en l’espèce, la décision du juge de ne pas réduire la peine pour tenir en compte la longueur des délais ne constitue pas une erreur qui justifierait l’intervention de la Cour.

Les trois principales considérations pour évaluer la gravité de l'infraction lors de la détermination de la peine

R v Merasty, 2023 SKCA 33

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[49]           The fundamental principle of sentencing is set out in s. 718.1 of the Criminal Code. Pursuant to that provision, a sentence “must be proportionate to the gravity of the offence and the degree of responsibility of the offender”. I would therefore begin the sentencing exercise by considering the gravity of the offence.

[50]           As explained by Kalmakoff J.A. in Bear, there are “three key considerations that define the gravity of an offence: (i) the nature and comparative seriousness of the offence; (ii) the circumstances of its commission; and (iii) the harm caused by it” (at para 119, citing R v Yuzicapi2011 SKCA 134 at para 28377 Sask R 133). I would reiterate that Mr. Merasty perpetrated a sexual assault against a helpless victim who trusted him enough to sleep in the same bedroom. The gravity of this offence is obvious. It was an offence against a sleeping, helpless victim with personal circumstances that Parliament has described as making her vulnerable, thus mandating a primary emphasis on deterrence and denunciation when constructing a fit sentence. It was also a violent crime which caused serious emotional and psychological harm to the complainant. The gravity of this was compounded by Mr. Merasty’s insistence that he had done nothing wrong and that she was either lying or exaggerating. While he did not engage in any additional violence, and while he did not persist after she resisted, these factors only serve to prevent the circumstances from being even worse than they were.

dimanche 14 septembre 2025

Le rôle joué dans la perpétration de l’infraction, le degré de participation, les comportements et attitudes adoptés, les risques sciemment encourus et leurs conséquences, la motivation sous-jacente et la volonté d’accomplir le dessein criminel sont tous des éléments qui influenceront le niveau de responsabilité morale d’un délinquant

R. c. Brisson, 2014 QCCA 1655

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[19]        Cela dit, le degré de responsabilité morale du délinquant est l’autre volet du principe de proportionnalité qui sert de contrepoids à la seule considération de la gravité objective du crime. L’auteur Ferris décrit ce concept comme suit :

“Degree of responsibility’’ covers whether a defendant played a major or a minor part in the offence. It also covers moral blameworthiness, for instance, what results the offender foresaw, and whether the harm that actually resulted was intended.[4]

[20]        Ainsi, le rôle joué dans la perpétration de l’infraction, le degré de participation, les comportements et attitudes adoptés, les risques sciemment encourus et leurs conséquences, la motivation sous-jacente et la volonté d’accomplir le dessein criminel sont tous des éléments qui influenceront le niveau de responsabilité morale d’un délinquant :

[…]      En contexte criminel, par contraste, le châtiment se traduit par la détermination objective, raisonnée et mesurée d'une peine appropriée, reflétant adéquatement la culpabilité morale du délinquant, compte tenu des risques pris intentionnellement par le contrevenant, du préjudice qu'il a causé en conséquence et du caractère normatif de sa conduite.[…][5]

[Je souligne.]

[21]        Peu importe le processus légal par lequel plusieurs délinquants sont reconnus coupables d’une même infraction, la culpabilité morale distincte de chacun sera examinée au stade de la détermination de la peine :

In Canada, any party to an offence and the principal offender are equally culpable, though different penalties are provided for accessories after the fact. But the offender’s actual conduct and its effect should be the primary determinant of sentence regardless of the method by which culpability in each case is achieved.

Where more than one offender is involved, the role played in the commission of the offence is a relevant factor in sentencing, as it enables the court to deal with an important consideration: assessing the offender’s personal responsibility pursuant to section 718.1 of the Criminal Code. A minor role will tend to produce a lower sentence, and the principal offender can expect to be dealt with more severely. […][6]

[Je souligne.]

[22]        Dans tous les cas où il y a plusieurs parties à une infraction, la responsabilité morale peut être distinguée de la responsabilité pénale selon les circonstances propres à chacune.

[23]        Un juge peut donc, à bon droit, tenir compte des différences entre la responsabilité morale de chacun des coaccusés selon leurs comportements respectifs, les risques engendrés par leurs comportements et leurs conséquences[7]. C’est précisément ce qu’a fait le juge de première instance.

Quels sont les critères d'évaluation du degré de responsabilité d'un délinquant?

R. v. Overacker, 2005 ABCA 150 

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[23]           The “degree of responsibility of the offender” concerns the role played by the offender in the commission of the offence. It requires an assessment of such factors as whether the offender’s participation was peripheral or integral to the offence, whether the offender had knowledge of the scope of the offence, and the offender’s motivation in committing the offence. Factors aggravating or mitigating the conduct of the offender must be taken into account.

vendredi 12 septembre 2025

La fourchette des peines pour possession d'une livre de cocaïne à des fins de trafic

R. v. Bryan, 2011 ONCA 273

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[1]               Normally, in cases of this nature, sentences of 5 to 8 years would reflect the proper range for someone, without a record, convicted of possession for the purpose of trafficking in slightly more than a pound of cocaine. This case should not be taken as suggesting otherwise.

[2]               However, in the unusual circumstances of this case, where there are fairness concerns arising out of the way in which the respondent was persuaded to plead and where there was some litigation risks involved, we are not satisfied that appellate intervention is warranted. In so concluding, we reiterate that the sentence imposed fell below the norm.

La fourchette de peines en ce qui concerne les individus reconnus coupables de trafic et de possession dans le but de trafic de drogues dures

R. c. Genest, 2014 QCCQ 8177

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[85]        La revue de la jurisprudence permet de dégager une fourchette de peines en ce qui concerne les individus reconnus coupables de  trafic et de possession dans le but de trafic de drogues dures.

[86]        Dans l'affaire Bonenfant c. R.[16], notre Cour d'appel  a confirmé une peine de cinq ans infligée à un accusé ayant reconnu sa culpabilité à six chefs de trafic de cocaïne et à trois chefs de possession dans le but de trafic de près d'un kilo de cocaïne.

[87]        L'accusé n'avait pas d'antécédents judiciaires et il s’agissait de trafics de petites quantités de stupéfiants avec un agent double.

[88]        Dans l'affaire Leboeuf c. R.[17], la Cour d'appel a refusé la permission d'en appeler de la peine de six ans infligée à l'accusé pour complot et trafic de cocaïne.

[89]        Bien que la peine ait été considérée sévère puisqu'il ne s'agissait dans les faits que d'une seule transaction, elle n'était pas déraisonnable selon la Cour d’appel.

[90]        Sous la plume du juge Doyon, la Cour rappelle :

[…] ce qui importe, c'est d'abord et avant tout la préméditation, la planification, le lien avec la criminalité organisée, l'importante quantité et la nature de la drogue (même sans en connaître avec précision le degré de pureté), les condamnations antérieures pour complot et trafic de cocaïne, l'absence de dépendance aux drogues, qui aurait pu expliquer la commission du crime, et les objectifs de dénonciation et d'exemplarité.[18]

[91]        Dans l’affaire D’Amours c. R.,[19] la Cour d’appel confirme une peine de neuf ans et demi, infligée à l’accusé pour complot de trafic de stupéfiants, trafic de LSD, trafic de méthamphétamines et de cocaïne, trafic de cannabis, gangstérisme, recel, complot de trafic d’armes et possession d’une arme prohibée.

[92]        Après avoir rappelé l’important rôle occupé par l’accusé dans le réseau de trafic, le fait qu’il avait des antécédents judiciaires et avait vendu une quantité importante de cocaïne, la Cour discute en ces termes de la fourchette des peines :

Une revue de la jurisprudence nous indique par ailleurs que pour des infractions similaires à celles commises par l’appelant, la fourchette varie de trois à douze ans, avec une plus grande concentration entre six et dix ans.

[93]        Dans l'arrêt Dufour c. R,[20] la Cour d'appel refuse la permission d'en appeler de la peine infligée à un accusé trouvé coupable de complot de trafic de cocaïne et de trafic de cocaïne. Le Tribunal a infligé à l’accusé une peine de 42 mois sur les chefs de trafic de stupéfiants et de 30 mois consécutifs pour gangstérisme.

[94]        L’accusé jouait un rôle important au sein de l’organisation criminelle. Il n’avait pas d’antécédents judiciaires, exprimait des remords et présentait de bonnes possibilités de réhabilitation.

[95]        Discutant de l'étude jurisprudentielle effectuée par les professeurs Parent et Desrosiers relativement à la fourchette de peines applicables en matière de trafic de stupéfiants, la Cour souligne :

Les professeurs Hughes Parent et Julie Desrosiers ont fait une étude de la jurisprudence en cette matière. Ils identifient deux niveaux : i) les structures criminelles générant des profits de très grande importance et ii) les structures criminelles générant des profits importants. À titre indicatif « très grande importance » correspond à la situation décrite dans R. c. Beauchamp2004 CanLII 26645 (QC CS) […], où des profits de 111 millions de dollars avaient été générés sur une période d’un an par l’organisation criminelle (Hells Angels Nomads).

Le présent cas correspond davantage aux structures criminelles générant des « profits importants ». À la lumière de la jurisprudence, les auteurs retiennent la fourchette des peines de cinq à neuf ans pour les têtes dirigeantes du groupe, de trois à cinq ans pour les personnes importantes et de vingt mois à trois ans pour celles qui occupent un rôle plus secondaire. Ces peines incluent généralement une condamnation pour complot, trafic et gangstérisme.

[96]        Dans l'affaire R. c. Camillucie,[21] l'honorable Pierre Tessier, JCS a infligé une peine de neuf ans de pénitencier à un accusé déclaré coupable de trafic de cocaïne et de crack ainsi que de complot de trafic.

[97]        Les infractions s’étaient déroulées sur une période de quatre mois. Le réseau était structuré et s'approvisionnait auprès de groupes criminalisés. Un kilo et demi de cocaïne et de cocaïne base (crack) a été saisi lors d'une perquisition. Il est en preuve que ce réseau avait écoulé 12.28 kilos de cocaïne en treize semaines et demie.

[98]        L'accusé était la tête dirigeante du réseau. Il possédait deux antécédents de trafic de stupéfiants et un antécédent de complot.

[99]        Dans l'arrêt R. c. Laprise[22], l'honorable Raymond W. Prononvost, JCS a infligé une peine de huit ans à l'accusé trouvé coupable de trafic de cocaïne, de trafic de méthamphétamines et trafic de cannabis. L'accusé a été condamné à des peines concurrentes de deux et quatre ans pour un chef de production de cannabis et un chef de trafic d'amphétamines.

[100]     Lors de son arrestation, l'accusé transportait plusieurs grammes de cannabis, des boutures, 1479 comprimés d'amphétamines et de méthamphétamines et un kilo de cocaïne.

[101]     L'accusé avait de nombreux antécédents judiciaires, dont un pour possession de stupéfiants en vue de trafic, infraction pour laquelle il avait été condamné à six mois d'emprisonnement dans la collectivité.

[102]     Le juge Pronovost reprend les propos suivants, tenus par le juge Jean-Paul Decoste, JCQ dans l'affaire R. c. Martin Pelletier[23]:

Par ailleurs, en matière de peines relatives aux stupéfiants, la situation a ses particularités. Contrairement aux autres crimes, le trafic et la possession aux fins de trafic ont une connotation de permanence. C’est le « continuing criminal enterprise », d’où le risque de récidive si fréquent. Et si ce « continuing criminal enterprise » fonctionne si bien, c’est que chaque participant, petit, moyen ou gros (qui invoquera toujours à l’étape du prononcé de la peine que sa situation est exceptionnelle) constitue un maillon essentiel à la « chaîne », la loi du silence s’appliquant à tous les échelons.

On voudrait dans certains milieux banaliser le phénomène, ou nous inviter à laisser tomber les bras. En l’instance, répondant au représentant du ministère public qui expliquait que dans notre région la culture et le trafic de stupéfiants sont devenus dramatiques, on répond que « c’est partout pareil ». Nous aimerions que ce ne soit pas le cas, mais la remarque est tristement exacte, et cela devrait envoyer un message aux tribunaux de continuer à avoir une attitude ferme face à ceux qui vivent des fruits de ce méprisable commerce.[24]

[103]     Dans R. c. Robertson[25], l'honorable François Huot, JCS a infligé une peine de six ans à un accusé trouvé coupable de possession en vue de trafic de 11,52 grammes d'héroïne, de 1500 comprimés de méthamphétamine, de 3,2 litres de GHB et d'un peu plus de 297 grammes de résine de cannabis.

[104]     L'accusé avait des antécédents judiciaires en matière de stupéfiants. Son implication était moindre que celle de son complice qui s'était vu infliger une peine de 37 mois et demi suite à une suggestion commune des parties. Le complice avait aussi des antécédents judiciaires plus nombreux que ceux de l’accusé.

[105]     Dans l'affaire R. v. Bajada[26], la Cour d'appel de l’Ontario a réduit de huit à six ans la peine imposée à un accusé reconnu coupable de possession en vue de trafic de cocaïne. L'accusé s’était présenté chez un trafiquant de drogues alors que les policiers effectuaient une perquisition. Il était en possession d'un demi kilogramme de cocaïne au moment de son arrestation. Âgé de 51 ans, l'accusé avait des antécédents judiciaires, dont deux antécédents de trafic de stupéfiants.

[106]     La Cour d'appel mentionne : [traduction] « Il semble que des peines de cinq à cinq ans et demi d’emprisonnement ne soient pas rares pour un accusé qui a plaidé coupable à une accusation de possession aux fins de trafic d'une importante quantité de cocaïne ou qui n’a pas d’antécédents judiciaires » [27].

[107]     Dans l’affaire R. c. Bryan,[28] la Cour d’appel de l’Ontario confirme que la fourchette de peines pour un accusé sans antécédents judiciaires, reconnu coupable de possession dans le but de trafic d’environ une livre de cocaïne, se situe entre cinq et huit ans.

[108]     Dans l'affaire R. c. Oraha[29], la Cour d'appel de l'Ontario a confirmé une peine de neuf ans pour un individu sans antécédents judiciaires, reconnu coupable de possession en vue de trafic de cocaine, de méthamphétamines et de MDMA.

[109]     La Cour d'appel confirme également une fourchette de peine entre six et huit ans pour un individu sans antécédents se livrant au trafic de drogues dures. Soulignons que le juge de première instance avait tenu compte de nombreux facteurs atténuants ainsi que des fortes probabilités de réhabilitation de l'accusé.

[110]     Dans R. v. Bernard,[30] la Cour supérieure de l'Ontario a infligé une peine de douze ans à un accusé qui avait reconnu sa culpabilité à trois chefs de trafic, à trois chefs de possession dans le but de trafic et à un chef de possession de méthamphétamines.

[111]     Les activités criminelles de l'accusé s’étaient déroulées sur une période d'un mois, pendant laquelle il avait vendu douze kilogrammes de méthamphétamines à un agent double.

[112]     L'accusé était sans antécédents judiciaires. Il était impliqué directement auprès des producteurs et occupait une place importante dans l'organisation. Il était capable de s'approvisionner rapidement et d’obtenir des quantités considérables de stupéfiants. 

[113]     La Cour rappelle que l'objectif de dissuasion doit être privilégié afin de décourager un commerce qui s’avère très profitable pour les trafiquants.

[114]     Dans l'affaire R. v. Grant,[31]la Cour d'appel du Manitoba a confirmé une peine de quinze ans infligée à un accusé trouvé coupable de trafic de méthamphétamines, de trafic de cocaïne, d'extorsion et de recel.

[115]     Dans cette affaire, la Cour d'appel confirme qu'une fourchette de peines entre huit et douze ans est appropriée pour un accusé occupant une place importante dans la hiérarchie d'un réseau structuré qui trafique de grandes quantités de drogues dures.

[116]     L'accusé avait quelques antécédents judiciaires dont un antécédent de trafic en 2002.

[117]     Dans  R. v. DiQuinzio[32], la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a confirmé une peine de douze ans infligée à un accusé reconnu coupable de complot de trafic de cocaïne.

[118]     L'accusé et un complice avaient comploté en vue de l'achat de cinquante kilos de cocaïne. Leur interlocuteur étant un agent double, ils ont été arrêtés avant d'avoir compléter leur transaction.

[119]     L'accusé avait de nombreux antécédents judiciaires dont certains pour complot, possession dans le but de trafic et trafic de drogue.

[120]     Dans cette affaire, le Tribunal souligne que l'accusé - un homme éduqué - bénéficiait de l'appui de sa famille et avait eu plusieurs opportunités au niveau professionnel. Malgré tout, il avait choisi d'ignorer ces opportunités pour emprunter la voie facile de la profitabilité par la perpétration d'actes criminels.

[121]     Dans R. c. Bacon[33], la Cour suprême de la Colombie-Britannique a infligé une peine de douze ans à un accusé reconnu coupable de complot de trafic de cocaïne.

[122]      L’accusé avait des antécédents judiciaires mais aucun en matière de stupéfiants.  Discutant de la gravité de l’accusation de complot, le juge Collen énonce :

[…] to a great extend, the gravity of the offence of conspiracy lies in the willingness of people to combine together and in the propensity and attitude it betrays, rather than in the actual harm that it is capable of achieving.[34]

[123]     En 2013, cette peine a été portée à 14 ans par la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique.[35]

[124]     Dans R. c. Nguyen,[36] la Cour d’appel de l’Alberta confirme une peine de dix ans infligée à un accusé pour complot de trafic et trafic de cocaïne. L’accusé était l’instigateur et le principal décideur d’un réseau qui avait trafiqué plusieurs kilos de cocaïne sur une période de quatre mois. 

[125]     La fourchette de peines en matière de trafic et de possession en vue de trafic de drogues dures nous apparaît donc être celle dégagée par les professeurs Parent et Desrosiers et confirmée par la Cour d’appel en 2012 dans l’arrêt Dufour.[37]

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

L’incapacité d’un individu à se rappeler ce qu’il a fait ne prouve pas qu’il agissait involontairement et commentaires de la Cour d'appel sur l’intoxication extrême

Guapacha c. R., 2025 QCCA 344 Lien vers la décision [ 43 ]        La Cour constate que cette nouvelle preuve est insuffisante pour soulever ...