mercredi 28 février 2024

Le témoin doit avoir l'opportunité de donner une explication à savoir pourquoi sa version n'est pas acceptée

R v. S.C.D.Y., 2020 ABCA 134 

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[63]           Counsel complies with the Browne v. Dunn rule if he or she challenges the witness called by a party adverse in interest on “matters of substance on which the party seeks to impeach the witness’ credibility and on which the witness has not had an opportunity of giving an explanation because there has been no suggestion whatsoever that the witness’ story is not accepted”.[58]

[58] The Queen v. Quansah2015 ONCA 237, ¶ 81; 323 C.C.C. 3d 191, 207 (emphasis in original). See also The Queen v. Fenlon71 Cr. App. R. 307, 313 (1980) per Lord Lane, C.J. (“It is the duty of counsel who intends to suggest that a witness is not telling the truth to make it clear to the witness in cross-examination that he challenges his veracity and to give the witness an opportunity of replying. It need not be done in minute detail, but it is the duty of counsel to make it plain to the witness ... that his evidence is not accepted and in what respects it is not accepted”); McDonagh v. Sunday Newspapers Ltd., [2017] IESC 46, ¶ 59 (“what the rule is truly focused on and what it seeks to achieve is to ensure that evidence intended to be impugned is put in issue in a manner or way, whatever that might be, which conveys to all parties and the relevant witnesses that such evidence is being challenged. Is it in dispute or contention? Is it being contradicted? Simply put, is it in controversy? If so, and if in a manner obvious or known to all, then such is sufficient to ‘put it in issue’. This therefore is the yardstick. How it is done is not the test: the basis for the rule does not demand more”) & D. Paciocco & L. Stuesser, The Law of Evidence 438 (6th ed. 2011) (“In order to comply with the [Browne v. Dunn] rule, counsel is not required to slog though every single detail to be contradicted. The necessary unfairness that triggers the rule only arises when there is a failure to cross-examine on central features or significant matters”).

Pour déterminer si le témoin a pu répondre à l'attaque contre sa crédibilité, il faut tenir compte du contexte

Demontigny c. R., 2022 QCCA 2 

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[53]      Toutefois, pour déterminer si le témoin a pu répondre à l'attaque contre sa crédibilité, et le bémol est à la fois important et essentiel, il faut tenir compte du contexte. Cette « décision relève du pouvoir discrétionnaire du juge du procès, eu égard à toutes les circonstances de l’affaire » : R. c. Lyttle2004 CSC 5 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 193, par. 65. Comme le rappelait la Cour suprême, « l'effet à donner à l'absence de contre-interrogatoire ou à sa brièveté dépend des circonstances de chaque affaire. Il ne peut y avoir de règle générale ou absolue » : R. c. Palmer1979 CanLII 8 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 759, 781. En écrivant ainsi, le juge McIntyre, pour la Cour, approuvait sans réserve la citation tirée de l’arrêt Browne v. Dunn, à la p. 79 où Lord Morris expliquait :

I therefore wish it to be understood that I would not concur in ruling that it was necessary, in order to impeach a witness’s credit, that you should take him through the story which he had told, giving him notice by the questions that you impeached his credit.


[56]      La vraie question est de savoir si la manière de procéder avec le témoin autorise ensuite l'attaque de sa crédibilité sur la base d'un ou des points importants alors que ce témoin ne pouvait s'attendre à cette attaque, n'ayant jamais eu raison de croire que ce ou ces points étaient importants pour soutenir sa crédibilité : Browne v. Dunn, p. 71 ; R. c. Chandroo2018 QCCA 1429 ; R. v. Quansah2015 ONCA 237.

[57]      Évidemment, s'il connaît les embûches susceptibles d'affecter sa crédibilité, cela fait partie du contexte et permet de conclure à l'absence d'iniquité : à titre d’exemples, voir R v. Malou2013 ABCA 167, par. 20 ; R. c. Shephard2019 NBCA 76, par. 78 ; R. v. Dieckmann2017 ONCA 575, par. 62.

Un élément testimonial contesté doit être raisonnablement prévisible pour ne pas entraîner l'application de la règle établie dans l’arrêt Browne c. Dunn

Shephard c. R., 2019 NBCA 76

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[75]                                                           Dans l’arrêt R. c. Lyttle2004 CSC 5[2004] 1 R.C.R. 193, la Cour suprême du Canada a défini la règle, quoiqu’elle l’ait fait en obiter dictum, comme obligeant la partie qui mène le contre‑interrogatoire à donner avis au témoin du fait qu’elle a l’intention de mettre en doute son témoignage (par. 64). Soyons clairs : la Cour n’a pas limité la possibilité de mettre en doute le témoignage en question à la présentation « ultérieure » d’une preuve contraire. Voici ce qu’a dit la Cour :

 

[…] La règle établie dans Browne c. Dunn oblige l’avocat à prévenir les témoins dont il entend mettre en doute la crédibilité ultérieurement. La justification de cette règle a été expliquée ainsi par lord Herschell, aux p. 70-71 :

 

[traduction] […] Bien, vos Seigneuries, je ne peux m’empêcher d’affirmer qu’il m’apparaît absolument essentiel au déroulement régulier d’une instance, lorsqu’un avocat entend suggérer qu’un témoin ne dit pas la vérité sur un point en particulier, d’attirer l’attention de ce témoin sur ce fait en lui posant en contre-interrogatoire certaines questions indiquant qu’on fera cette imputation, et non d’accepter son témoignage et d’en faire abstraction comme s’il était absolument incontesté puis, lorsqu’il lui est impossible d’expliquer – ce qu’il aurait peut-être pu faire si ces questions lui avaient été posées – les circonstances qui, prétend‑on, montrent que sa version des faits ne doit pas être retenue, de soutenir qu’il n’est pas un témoin digne de foi. Vos Seigneuries, il m’a toujours semblé que l’avocat qui entend mettre en doute le témoignage d’une personne doit, lorsque cette personne se trouve à la barre des témoins, lui donner l’occasion d’offrir toute explication qu’elle est en mesure de présenter. De plus, il me semble qu’il ne s’agit pas seulement d’une règle de pratique professionnelle dans la conduite d’une affaire, mais également d’une attitude essentielle pour agir de façon loyale envers les témoins. On souligne parfois le caractère excessif du contre‑interrogatoire auquel un témoin est soumis, reprochant à ce contre‑interrogatoire d’être abusif. Toutefois, il me semble qu’un contre-interrogatoire mené par un avocat péchant par excès de zèle peut se révéler beaucoup plus équitable pour le témoin que le fait de ne pas le contre-interroger puis de suggérer qu’il ne dit pas la vérité, je veux dire sur un point à l’égard duquel il n’est par ailleurs pas clair qu’il a été pleinement informé au préalable qu’on entendait mettre en doute la crédibilité de sa version des faits.

 

Bien qu’elle vise à faire en sorte que les témoins et les parties soient traités équitablement, cette règle n’a pas un caractère absolu. La mesure dans laquelle elle est appliquée est une décision qui relève du pouvoir discrétionnaire du juge du procès, eu égard à toutes les circonstances de l’affaire. Voir Palmer c. La Reine, [1980] 1 R.C.R. 759, p. 781-782; J. Sopinka, S. N. Lederman et A. W. Bryant, The Law of Evidence in Canada (2e éd. 1999), p. 954 et 957. Quoi qu’il en soit, la règle susmentionnée établie dans l’arrêt Browne c. Dunn demeure un principe valable d’application générale, bien qu’elle ne soit pas pertinente pour la question dont était saisi le juge du procès en l’espèce. [Par. 64 et 65]

[Le soulignement est de nous.]

 

[76]                                                           Dans l’ouvrage intitulé McWilliams’ Canadian Criminal Evidence, 5éd. (Toronto : Thomson Reuters, 2019), le champ d’application de la règle établie dans l’arrêt Browne c. Dunn est décrit comme étant large :

 

[TRADUCTION]
Une partie qui entend attaquer la crédibilité d’un témoin, soit au moyen d’une preuve contraire, soit simplement dans son exposé final au juge des faits, devrait en règle générale offrir au témoin la possibilité de traiter ou d’expliquer la question au sujet de laquelle sa crédibilité est attaquée.
 En termes simples, le témoin devrait être confronté en contre‑interrogatoire sur toute question importante au sujet de laquelle sa crédibilité sera attaquée. L’omission de le faire peut réduire la valeur probante de la preuve de cette partie et donner un recours à la partie adverse qui a appelé le témoin. [P. 21‑109]

[Le soulignement est de nous.]

 

Cette description de la règle concorde avec notre interprétation de celle‑ci.

 

[77]                                                           Il n’y a pas de doute que la règle établie dans l’arrêt Browne c. Dunn s’applique aux cas où la partie qui mène le contre‑interrogatoire entend présenter une preuve contraire. Toutefois, avec égards, nous sommes d’avis que sa portée est plus large que cela. La raison d’être de cette règle est de prévenir toute injustice envers le témoin, envers la partie adverse et, certains diraient, envers le juge des faits. Son application serait déclenchée chaque fois que la partie qui mène le contre‑interrogatoire entend demander au juge des faits de ne pas ajouter foi à des témoins sur un point au sujet duquel leur témoignage n’a pas été contesté, mais sur lequel elle se fonde pour mettre en doute leur crédibilité, ce que la partie qui a appelé ces témoins n’aurait pas pu raisonnablement prévoir (voir Gillis c. R., 2014 NBCA 58426 R.N.‑B. (2e) 1, par. 92 à 96, autorisation de pourvoi refusée à [2014] C.S.C.R. no 496 (QL); Crowley c. R., 2015 NBCA 61441 R.N.‑B. (2e) 146Mockler c. Nouveau‑Brunswick et autres2019 NBCA 50[2019] A.N.‑B. no 170 (QL), par. 76; et R. c. Hart (1932), 23 Cr. App. R. 202 (C.A.), à la p. 207). Comme il est expliqué dans l’arrêt Lyttle, le juge du procès a un large pouvoir discrétionnaire pour apprécier l’équité et déterminer si la règle entre en jeu et, dans l’affirmative, pour établir la réparation appropriée en cas d’atteinte.

L'opportunité exclusive peut justifier à elle seule la condamnation d'un accusé

R. v. Doodnaught, 2017 ONCA 781

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[70]      Evidence of mere opportunity to commit an offence is one thing, evidence of exclusive opportunity to commit an offence quite another. Indeed, evidence of exclusive opportunity, on its own, may be sufficient to prove the guilt of an accused beyond a reasonable doubt: See, R. v. Imrich1977 CanLII 27 (SCC), [1978] 1 S.C.R. 622, affirming (1974), 1974 CanLII 42 (ON CA), 21 C.C.C. (2d) 99 (Ont. C.A.).

mardi 27 février 2024

Le consentement à des rapports sexuels peut être conditionnel à l’utilisation d’un condom

R. c. Kirkpatrick, 2022 CSC 33 

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[2]                             Je conclus que lorsque le consentement à des rapports sexuels est conditionnel à l’utilisation d’un condom, le seul cadre d’analyse conforme au texte, au contexte et à l’objet de l’interdiction de l’agression sexuelle est qu’il n’y a pas de consentement à l’acte physique qui consiste à avoir des rapports sexuels sans condom. Les relations sexuelles avec ou sans condom sont des formes fondamentalement et qualitativement distinctes de contact physique. Une personne plaignante qui consent à une relation sexuelle à la condition que son partenaire porte un condom ne consent pas à une relation sexuelle sans condom. Cette approche respecte les dispositions du Code criminel, la jurisprudence constante de notre Cour sur le consentement et sur l’agression sexuelle, ainsi que l’intention du Parlement de protéger l’autonomie sexuelle et la dignité humaine de toutes les personnes au Canada. Puisque seul oui veut dire oui et que non veut dire non, « non, pas sans condom » ne peut vouloir dire « oui, sans condom ». Si le partenaire de la personne plaignante fait fi de sa condition, le rapport sexuel est non consensuel et l’autonomie sexuelle de la personne plaignante ainsi que sa capacité d’agir en toute égalité sur le plan sexuel ont été violées.

[42]                        Pour décider si l’accord de la plaignante à des rapports sexuels avec un condom signifie également qu’elle a donné son accord à des rapports sexuels sans condom, nous partons du principe de l’arrêt Hutchinson selon lequel « l’activité sexuelle » à laquelle la personne plaignante doit donner son accord est « l’acte sexuel physique spécifique » (par. 54 (italique omis)). L’accent doit donc être mis sur l’acte ou les actes sexuels spécifiques, définis par renvoi aux actes physiques en cause. Dans l’arrêt Hutchinson, notre Cour a également donné des exemples de différents actes physiques, comme « les baisers, les caresses, le sexe oral, les rapports sexuels ou l’utilisation d’accessoires sexuels » (par. 54). Les exemples donnés n’étaient que des illustrations et ils ne s’appliquent qu’en comparaison les uns avec les autres, en ce sens que les baisers ne constituent pas le même acte physique que les caresses, que les caresses ne sont pas la même chose que le sexe oral et que les rapports sexuels ne sont pas la même chose que l’utilisation d’accessoires sexuels. Il ne s’agit pas de catégories juridiques fermées ou d’application obligatoire d’activités sexuelles au sens large, sans égard aux allégations et aux éléments de preuve particuliers en cause.

[43]                        Compte tenu de l’accent que met l’arrêt Hutchinson sur « l’acte sexuel physique spécifique », l’utilisation du condom peut faire partie de l’activité sexuelle, puisqu’un rapport sexuel sans condom est un acte physique fondamentalement et qualitativement différent d’un rapport sexuel avec un condom. Il va sans dire que la différence physique est qu’un rapport sexuel sans condom implique un contact direct peau contre peau, tandis que le rapport sexuel avec un condom consiste en un contact indirect. De fait, certains hommes affirment que c’est cette différence, celle d’une expérience physique qui n’est pas la même, qui explique pourquoi ils préfèrent ne pas porter de condom (K. Czechowski et autres, « That’s not what was originally agreed to » : Perceptions, outcomes, and legal contextualization of non‑consensual condom removal in a Canadian sample, dans PLoS ONE, 14(7), 10 juillet 2019 (en ligne), p. 2).

[44]                        Le droit reconnaît que le consentement à la pénétration dans une partie du corps ne vaut pas consentement à la pénétration dans une autre partie, puisqu’il s’agit d’actes physiques distincts (Hutchinson, par. 54). De même, le consentement à une forme de contact peut dépendre de ce qui est utilisé pour toucher le corps, parce que le droit reconnaît qu’il y a une différence physique entre être touché par un doigt, un pénis, un accessoire sexuel ou un autre objet. Il est également clair, par exemple, que le droit voit des actes sexuels physiques spécifiques différents lorsqu’une personne qui a obtenu le consentement de toucher la poitrine d’une femme par‑dessus ses vêtements glisse la main sous ses vêtements pour toucher directement la peau de son sein nu. De la même façon, se faire toucher par un pénis couvert d’un condom n’est pas le même acte physique spécifique que se faire toucher par un pénis nu. Logiquement et juridiquement, un contact sexuel direct est un acte physique différent d’un contact indirect. De fait, vu l’importance de la distinction, la question de savoir si un condom est exigé est fondamentale à l’acte physique.

[45]                        Tous les principes d’interprétation législative commandent la conclusion selon laquelle un rapport sexuel avec un condom est une activité sexuelle différente d’un rapport sexuel sans condom. Il s’agit de la seule interprétation de l’expression « l’activité physique » qui considère l’art. 273.1 dans son ensemble et d’une manière qui s’harmonise avec la jurisprudence de notre Cour sur le consentement subjectif et affirmatif. En outre, elle répond à l’objectif du Parlement de donner effet aux finalités d’égalité et d’affirmation de la dignité qui sous‑tendent les interdictions d’agression sexuelle; elle est sensible au contexte et aux préjudices causés par le refus ou le retrait non consensuel du condom; et elle respecte le principe de la modération en droit criminel. Bien que la viciation par la fraude puisse survenir dans d’autres affaires, elle ne s’applique pas lorsque l’utilisation du condom est une condition du consentement.

a)               Il s’agit de la seule interprétation cohérente de l’art. 273.1 dans son ensemble

[46]                        Les principes d’interprétation législative exigent que le texte des dispositions soit lu dans son ensemble et de manière cohérente. On présume que les dispositions forment un cadre rationnel, intrinsèquement cohérent et qu’elles fonctionnent en harmonie comme les diverses parties d’un tout (R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (6e éd. 2014), §11.2; R. c. L.T.H.2008 CSC 49, [2008] 2 R.C.S. 739, par. 47). Il s’ensuit qu’en interprétant la définition du consentement énoncée par le Parlement à l’art. 273.1, les par. (1) et (2) doivent être lus ensemble d’une manière cohérente.

[47]                        En adoptant une définition du consentement, le Parlement a énuméré, au par. 273.1(2), des situations dans lesquelles il n’y a aucun consentement en rapport avec les infractions d’agression sexuelle. Les alinéas 273.1(2)d) et e) en particulier prévoient qu’il n’y a pas de consentement si la personne plaignante « manifeste, par ses paroles ou son comportement, l’absence d’accord à l’activité » ou si, « après avoir consenti à l’activité, [elle] manifeste [. . .] l’absence d’accord à la poursuite de celle‑ci ». Pour que l’actus reus soit établi, il n’est pas nécessaire que la personne plaignante ait manifesté l’absence de consentement; toutefois, lorsqu’elle l’a manifestée, ce fait se rapporte directement à la question de savoir si elle a subjectivement consenti à l’activité sexuelle, et il peut également avoir une incidence sur la question de savoir, dans le cadre de l’analyse de la mens rea, si une croyance erronée au consentement pouvait être raisonnable (J.A., par. 23‑24, 41 et 45‑46).

[48]                        Ces alinéas mettent en évidence en quoi les paroles et les gestes de la personne plaignante se rapportent directement à la question de savoir s’il y a eu consentement ou non à l’activité sexuelle. D’après le témoignage de la plaignante en l’espèce, elle a manifesté, par ses paroles et son comportement, une absence d’accord à un rapport sexuel sans condom. L’alinéa 273.1(2)d) confirme expressément que le rejet manifeste d’une activité spécifique doit être respecté pour que le consentement ait un sens. L’utilisation d’un condom ne saurait être dépourvue de pertinence, secondaire ou accessoire, lorsque la personne plaignante a expressément rendu son consentement conditionnel à son utilisation. Comme l’a affirmé la juge L’Heureux‑Dubé dans l’arrêt Ewanchuk, l’al. 273.1(2)d) « reconnaît que, lorsqu’une femme dit “non”, elle communique son absence de consentement, indépendamment de ce que l’accusé croyait qu’elle signifiait, et que cette manifestation de volonté a un effet juridique contraignant » (par. 101).

[49]                        En outre, reconnaître que l’utilisation du condom puisse faire partie de l’activité sexuelle est la seule façon de répondre à la nécessité que la personne plaignante ait donné son consentement affirmatif et subjectif à chaque acte sexuel, et ce, à chaque fois. En plus d’affirmer que tout individu a le droit de décider qui touche leur corps et de quelle manière, cela situe l’utilisation du condom au cœur de la définition du consentement, comme il se doit. Il s’agit de la seule interprétation cohérente avec les principes fondamentaux du consentement exprimés à l’art. 273.1 et dans la jurisprudence de longue date de notre Cour, y compris l’arrêt Hutchinson.

[50]                        Inclure l’utilisation du condom comme partie de l’activité sexuelle met à bon droit l’accent sur la question suivante qui est au cœur théorique de l’analyse de l’actus reus : y a‑t‑il eu consentement véritable au sens de l’art. 273.1? Depuis l’arrêt Ewanchuk, notre Cour a toujours insisté sur l’importance fondamentale du point de vue subjectif de la personne plaignante à l’étape de l’actus reus (J.A., par. 23 et 45‑46Barton, par. 87‑89G.F., par. 29 et 33). L’appréciation du consentement au sens de l’art. 273.1(1) est déterminée par rapport à l’état d’esprit subjectif dans lequel se trouvait en son for intérieur la personne plaignante à l’égard des attouchements, lorsqu’ils ont eu lieu (Ewanchuk, par. 26 et 61). Il s’agit d’une approche purement subjective où seul le point de vue individuel de la personne plaignante est déterminant : elle a consenti ou elle n’a pas consenti (Ewanchuk, par. 27 et 31J.A., par. 23Barton, par. 89). Le point de vue de la personne accusée n’est pas pertinent à cette étape (Barton, par. 87 et 89).

[51]                        Selon les principes fondamentaux du consentement, les raisons qu’a la personne plaignante de donner ou de refuser son consentement et d’insister sur l’utilisation d’un condom ne sont pas pertinentes : « Si la plaignante n’a pas consenti subjectivement à l’activité (pour quelque raison que ce soit), l’actus reus est alors établi » (G.F., par. 33 (je souligne)). Que chacun ait droit de refuser un contact sexuel quelles que soient ses raisons, est un principe fondamental du droit canadien en matière d’agression sexuelle (J.A., par. 43G.F., par. 33). Toutes les personnes « ont le droit inhérent d’exercer un contrôle complet sur leur corps, et de ne prendre part à des actes sexuels que si elles le désirent » (R. c. Park1995 CanLII 104 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 836, par. 38 et 42Ewanchuk, par. 75, la juge L’Heureux‑Dubé, motifs concordants). La capacité de chaque personne de fixer les limites et les conditions dans lesquelles elle accepte d’être touchée repose sur des notions aussi importantes que l’inviolabilité physique, l’autonomie sexuelle et la capacité d’agir sur le plan sexuel, la dignité humaine et l’égalité (Ewanchuk, par. 28G.F., par. 1). Comme l’a expliqué la juge en chef McLachlin dans l’arrêt Mabior, « [d]e nos jours, la répression de l’agression sexuelle vise à protéger le droit de refuser un rapport sexuel : l’agression sexuelle est répréhensible en ce qu’elle nie la dignité de la victime en tant qu’être humain », omet de reconnaître chacun des partenaires sexuels comme « une personne autonome, égale et libre », et consiste en « l’exploitation illicite d’un être humain par un autre. Se livrer à des actes sexuels avec une autre personne sans son consentement c’est la traiter comme un objet et porter atteinte à sa dignité humaine » (par. 45 et 48). Voir aussi J. McInnes et C. Boyle, « Judging Sexual Assault Law Against a Standard of Equality » (1995), 29 U.B.C. L. Rev. 341, p. 353, note 30, et p. 357, note 38.

[52]                        On ne saurait faire abstraction du « non » de la personne plaignante à un rapport sexuel sans condom pour l’application tant du par. 273.1(1) que du par. 273.1(2), parce que, « [a]ujourd’hui, non veut dire non, et seul oui veut dire oui » (R. c. Goldfinch2019 CSC 38, [2019] 3 R.C.S. 3, par. 44). Par conséquent, lorsqu’une plaignante dit : « non, pas sans condom », notre droit en matière de consentement affirme haut et fort que cela veut réellement dire « non », et ne saurait être réinterprété pour devenir « oui, sans condom ».

[53]                        L’accord volontaire aux rapports sexuels avec un condom ne suppose pas un consentement aux rapports sexuels sans condom, puisque le consentement ne peut se déduire des circonstances ou de la relation qu’entretenaient la personne accusée et la personne plaignante (J.A., par. 47Ewanchuk, par. 31G.F., par. 32Barton, par. 98 et 105). Rien ne remplace le consentement véritable de la personne plaignante à l’activité sexuelle au moment où celle‑ci a lieu, qui suppose son « accord volontaire [. . .] à chacun des actes sexuels accomplis à une occasion précise » (J.A., par. 31). Une personne plaignante doit avoir donné son accord à l’acte sexuel spécifique, puisque « donner son accord à une forme de pénétration ne vaut pas consentement à toute forme de pénétration, et consentir à ce qu’une partie de son corps soit touchée ne vaut pas consentement à toute forme de contacts sexuels » (Hutchinson, par. 54; R. c. Olotu2017 CSC 11, [2017] 1 R.C.S. 168, conf. 2016 SKCA 84, 338 C.C.C. (3d) 321; R. c. Poirier2014 ABCA 59R. c. Flaviano2014 CSC 14, [2014] 1 R.C.S. 270, conf. 2013 ABCA 219, 309 C.C.C. (3d) 163).

Comment apprécier le caractère suspect ou non de l'absence d'enregistrement de l'interrogatoire policier

R. v. Marshall, 2005 CanLII 30051 (ON CA)

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[98] As noted in Oickle and Moore-McFarlane, the failure to record interrogations does not render them inherently suspect. Rather, a non-recorded interrogation becomes suspect when the following circumstances, which do not exist in this case, are all present: (1) the suspect is in custody; (2) recording facilities are readily available; and (3) the police deliberately interrogate the suspect without giving any thought to making a reliable record. The only custodial interrogation of the appellant took place after his arrest on September 29, 1997. It was completely recorded on videotape. In my view, the finding that the five impugned statements were voluntary was not tainted solely because they were not audio or videotaped, or because some of the attending officers did not testify on the voir dire.

Un individu détenu au poste de police ne perd pas automatiquement sa capacité d'exercer son choix d'aller en salle d'interrogatoire et de parler ou non au policier

R v Saretzky, 2020 ABCA 421

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[47]           That is a significant factor as he had obviously lost his liberty and his movements within the institution were strictly controlled. However, while his incarceration provides important context, it does not answer the relevant question, which is whether the appellant’s freedom to choose to meet and talk with the officer was lost or impaired. In the unique circumstances of this case, the appellant’s refusal to meet with the officer when invited to do so only two months before, and the repeated advice that he need not stay or talk but could return to his cell if and when he wished, overcame any suggestion that his being an inmate denied him the freedom of choice to leave the interview room and return to his cell: see R v Wood1992 ABCA 27 at paras 19-20;  R v Heppner2019 BCCA 108 at para 68.