Duguay c. R., 2006 QCCS 7707 (CanLII) |
[32] L’arrêt O’Connor de la Cour suprême du Canada dicte une analyse à deux étapes pour évaluer le bien-fondé d’une demande de production et d’une divulgation de renseignements en possession de tiers.
[33] Citons le cadre analytique du régime O’Connor tel que résumé par la juge McLachlin dans l’arrêt Mills.
« En ce qui concerne l'ordonnance de communication de dossiers qui sont en la possession de tiers, le juge en chef Lamer et le juge Sopinka ont exposé une procédure en deux étapes. À la première étape, il s'agit de savoir si le document demandé par l'accusé devrait être communiqué au juge; à la deuxième étape, le juge du procès doit évaluer les intérêts opposés pour décider s'il y a lieu d'ordonner la communication à l'accusé. À la première étape, il incombe à l'accusé d'établir que les renseignements en cause sont d'une "pertinence probable" (par. 19 (souligné dans l'original)). Contrairement au contexte de la communication par le ministère public, où la pertinence est interprétée comme signifiant "l'utilité que [cela peut] avoir pour la défense", le seuil de la pertinence probable dans ce contexte exige que le juge qui préside le procès soit convaincu "qu'il existe une possibilité raisonnable que les renseignements aient une valeur logiquement probante relativement à une question en litige ou à l'habilité à témoigner d'un témoin" (par. 22 (souligné dans l'original)). Ce déplacement d'obligation ainsi que le seuil plus élevé, comparativement aux cas où les dossiers sont en la possession du ministère public, sont devenus nécessaires du fait que les renseignements en cause ne font pas partie de la "preuve à charge" de l'État, que ce dernier n'y a pas eu accès et que les tiers ne sont pas tenus d'aider la défense.
Le juge en chef Lamer et le juge Sopinka ont statué que le seuil de la pertinence probable à cette première étape ne constitue pas un fardeau important ou onéreux. Il vise à empêcher les demandes de communication "qui reposent sur la conjecture et qui sont fantaisistes, perturbatrices, mal fondées, obstructionnistes et dilatoires" (par. 24). Même s'ils ne partageaient pas l'avis du [page707] juge L'Heureux-Dubé que les dossiers thérapeutiques sont rarement utiles à l'accusé, le juge en chef Lamer et le juge Sopinka ont refusé d'établir des "catégories de pertinence" (par. 27).
Si la première étape est franchie, le dossier est communiqué au tribunal et la demande de communication passe à la deuxième étape, où le juge décide s'il y a lieu de communiquer le dossier à l'accusé. Le juge en chef Lamer et le juge Sopinka exigent qu'à cette étape le juge du procès évalue les intérêts opposés afin de déterminer si une ordonnance de non-communication constituerait une limite raisonnable à la capacité de l'accusé de présenter une défense pleine et entière. Ils énumèrent une série de facteurs dont le juge du procès devrait tenir compte pour prendre sa décision (au par. 31):
(1) la mesure dans laquelle ce dossier est nécessaire pour que l'accusé puisse présenter une défense pleine et entière; (2) la valeur probante du dossier en question; (3) la nature et la portée de l'attente raisonnable au respect du caractère privé de ce dossier; (4) la question de savoir si la production du dossier reposerait sur une croyance ou un préjugé discriminatoires; et (5) le préjudice possible à la dignité, à la vie privée ou à la sécurité de la personne [du plaignant] que pourrait causer la production du dossier en question. »
a) La première étape : L’analyse de la pertinence probable.
[34] Lorsqu’un juge évalue le critère de la pertinence probable selon la procédure de common law de l’arrêt O’Connor, il doit tenir compte des principes additionnels suivants :
(i) Le requérant a le fardeau d’établir la « pertinence probable »; cette pertinence ne se présume pas. (O’Connor, par. 19)
(ii) Il ne faut pas perdre de vue qu’on peut commettre une erreur judiciaire en établissant une procédure qui restreint indûment la capacité pour un accusé d’avoir accès aux renseignements qui peuvent être nécessaires à une défense pleine et entière qui soit significative. (O’Connor, par. 18)
(iii) L’étape de la « pertinence probable » devrait se limiter à la question de savoir si les renseignements figurant dans un dossier ont une incidence sur le droit de présenter une défense pleine et entière. (O’Connor, par. 21; Pontbriand[5], par 14)
(iv) Le critère initial de la « pertinence probable » vise à établir un fondement pour la production des renseignements. (O’Connor, par. 19)
(v) Le critère de la « pertinence probable » vise à empêcher que la défense ne se lance dans des demandes de production qui reposent sur la conjecture et qui sont fantaisistes, perturbatrices, mal fondées, obstructionnistes et dilatoires. (O’Connor, par. 24, Pontbriand, par. 14)
(vi) Il faut reconnaître que l’accusé est très mal placé pour produire une preuve de « pertinence probable » étant donné qu’il n’a pas accès aux dossiers recherchés. (O’Connor, par. 19 et 25; Mills, par. 45)
(vii) Le fardeau imposé à l’accusé est important, mais pas onéreux. Il est léger. (O’Connor, par. 24)
(viii) La « pertinence probable » de renseignements peut concerner uniquement la question de l’évaluation de la crédibilité des témoins. (O’Connor, par. 22)
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