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[24] L'article 490 C.cr. prévoit un régime pour la gestion des « choses » (en anglais « things ») saisies et détenues. Il prévoit que les choses saisies seront remises à leur propriétaire légitime à moins qu'elles ne soient nécessaires aux fins d'une enquête, d'une enquête préliminaire, d'un procès ou de toute autre procédure (490(1) C.cr.). Il fixe la période durant laquelle on peut détenir les choses saisies (490(2) et (3) C.cr.). Il détermine qui doit détenir les choses durant le procès (490(4) C.cr.) et comment on peut s'en départir lorsque leur détention n'est plus requise (490(5) et (6) C.cr.).
[25] L'article 490(9) C.cr. prévoit la remise des choses à leur possesseur légitime ou, à certaines conditions, la confiscation par Sa Majesté lorsqu'il n'existe pas de propriétaire légitime.
[26] L'argument principal de l'appelante a pour prémisse que les choses saisies ne peuvent être confisquées au moment de la comparution, avant qu'une condamnation n'ait été prononcée contre elle. Il est toutefois erroné de croire que les pouvoirs prévus à l'article 490 (9) C.cr. n'existent qu'au moment du prononcé de la peine. D'ailleurs, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique écrit ceci :
28 With respect to the relationship between s.490(9) of the Code and Part XII.2 the Provincial Court judge came to the curious conclusion that the provisions of Part XII.2 encompassed all of the rights of the Crown to lead evidence to prove possession to have been unlawful. In effect he incorporated into s.490(9) the s.462.37 requirement to prove, as a condition to forfeiture, that the offender had been "convicted or discharged under s.736 of an enterprise crime offence":
[…]
29 There is, of course, no such condition precedent of conviction or discharge in s.490(9). Furthermore the conclusion by the Provincial Court judge is in direct conflict with the provision in s.462.49(1) to the effect that Part XII.2 does not affect other forfeiture provisions:
462.49(1) This Part does not affect the operation of any other provision of this or any other Act of Parliament respecting the forfeiture of property.
What is more, the legislative scheme embodied in the provision of s.490, first enacted in 1955, and the scope and meaning of that section, should not be regarded as having been changed by the enactment of Part XII.2 in 1988 unless a change was clearly intended by Parliament. Not only is such a change not clearly intended but it is negated by s-s.462.49(1). So the terms of s.490, as it was enacted in 1955, must be given the same interpretation as they would have been given immediately after enactment and before the enactment of Part XII.2.[2]
[27] La jurisprudence reconnaît que l'article 490(9) C.cr. autorise « the extraordinary remedy of forfeiture before conviction ». L'appelante n'a pas démontré une incompatibilité de principe entre, d'une part, la comparution et, d'autre part, la tenue contemporaine d'une audition qui mènerait à une ordonnance de confiscation en vertu de l'article 490(9) C.cr. Bien entendu, le juge qui préside à la comparution doit respecter toute garantie procédurale qui s'impose à cette étape de l'instance et le souci de la présomption d'innocence doit guider l'exercice de sa fonction. Mais rien ne s'oppose, en principe, à l'ordonnance de confiscation au même moment que la comparution à la condition, bien entendu, que toutes les exigences de l'article soient satisfaites, ce qui ne sera le cas que dans de rares circonstances, comme ici.
[28] Pour ce qui est de la présomption d'innocence qui empêcherait la confiscation avant la condamnation, rappelons une fois encore que les admissions de l'appelante déposées devant la Cour du Québec n'ont pas été remises en cause. L'appelante a admis que les 530 130 $ sont des produits de la criminalité et qu'ils lui appartiennent. Elle consent à la confiscation de l'argent par Sa Majesté. Dans les circonstances, il va de soi qu'il n'existe pas de propriétaire légitime de cet argent. À la lecture des admissions de l'appelante, cautionnées par son avocat, « l'illégalité de la possession » par l'appelante au sens de l'article 490(9) C.cr. est établie. Les admissions faites par l'appelante offrent, dès la comparution, une preuve convaincante que les choses confisquées sont « tainted by criminality ».
[29] Subsidiairement, l'appelante soutient que même si l'article 490(9) C.cr. est susceptible d'application au moment de la comparution, la juge aurait outrepassé sa compétence puisque les conditions nécessaires à la confiscation ne sont pas réunies. Elle plaide notamment que la condition selon laquelle la détention continue de l'argent n'était plus requise (articles 490(1) et 490(5) C.cr.) n'est pas respectée ou, du moins, que la juge ne la mentionne pas. Même si l'appelante a reconnu, dans le document qu'elle a signé avec son avocat, que « la totalité des sommes saisies dans les deux coffres-forts ci-haut mentionnés lui appartiennent exclusivement et sont le produit de la criminalité », la juge aurait dû refuser d'ordonner la confiscation en raison d'une réclamation possible par un tiers. De plus, l'appelante plaide que ni le ministère public ni la juge n'ont dit expressément que la détention de l'argent n'était plus requise.
[30] Cet argument ne convainc pas. En demandant la confiscation de l'argent saisi, l'avocat du ministère public a manifestement pris la décision que la détention des billets de banque saisis, comme choses matérielles, n'était pas nécessaire pour prouver, lors du procès, l'existence des sommes saisies dans les coffres-forts. C'est bien le sens qu'il faut prêter à l'affirmation de l'avocat de la poursuite, citée plus haut, selon laquelle « [d]e toute façon, c'est parce que s'il y a un procès, ce montant-là va ressortir ». Il réfère ici au « montant » d'argent (chose fongible) et non aux billets dans les coffres-forts (choses non fongibles). Aussi, le poursuivant reconnaît-il, en signant le document, que la détention continue n'est plus requise au sens de l'article 490 C.cr. Dans les circonstances exceptionnelles de l'affaire, vu l'étendue de l'admission de l'appelante, la signature des avocats de la défense et de la poursuite et l'acquiescement du tribunal à la confiscation, il va de soi que l'ordonnance de la juge satisfait à la condition de l'article 490 C.cr. voulant que la détention des billets ne soit plus requise.
[31] Il convient également de noter que le régime mis sur pied à l'article 490 C.cr. prévoit, à l'article 490(1), que les choses qui ont été saisies sont apportées devant le juge de paix ou qu'un rapport à l'égard des choses saisies lui est fait. En l'espèce, l'avocat du ministère public a lu lors de l'audience, à haute voix, le document signé par l'appelante, par son avocat et par les avocats de la poursuite avant de demander formellement à la juge la confiscation de l'argent. Ce document relate les circonstances de la saisie de l'argent en détail et comporte, comme je le dis, une attestation du ministère public quant à sa véracité. L'avocat du Ministère public a déposé le document devant la juge qui l'a reçu et étudié avant de rendre son ordonnance. Je suis d'avis que le document et le fait de sa lecture devant la juge font office de « rapport à l'égard de choses saisies » au sens de l'article 490(1) C.cr.
[32] De plus, la procédure prévue à l'article 490(9) C.cr. requiert aussi qu'il y ait eu ordonnance de détention des biens conformément aux paragraphes (1) à (3). Je suis d'avis que dans le contexte particulier de cette affaire, compte tenu notamment du document déposé devant la juge et de la nature de la chose saisie, la décision de la juge tient lieu à la fois d'ordonnance de détention et d'ordonnance de confiscation.
[33] La juge pouvait, dans les circonstances, s'appuyer sur le dernier alinéa de l'article 490(9) pour fonder son ordonnance de confiscation. Je propose le rejet l'appel.
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