Rechercher sur ce blogue

Aucun message portant le libellé Code criminel - Article 35. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé Code criminel - Article 35. Afficher tous les messages

dimanche 3 août 2025

La défense des biens

R v Chaboyer, 2020 SKPC 6

Lien vers la décision


[41]           Defence of property has long been recognized as a limited defence in Canada. This defence is codified in s. 35 of the Criminal Code. The defence applies to a wide range of offences and to any type of property. The defence is triggered when a person subjectively believes that the actions of another person are threatening the peaceable possession of the subject’s property. See: Cormier v R2017 NBCA 10 at paras 37 & 47, 348 CCC (3d) 97 [Cormier].

 

[42]           Section 35 provides that a person is not guilty of an offense (including in this case - assault) if four essential elements are present: (1) the person must have peaceable possession of property or alternatively they reasonably believe they are entitled to such possession; (2) the person must have a reasonable belief that their property is threatened by trespass, theft or vandalism; (3) the person’s actions must be for the purpose of retaking or preserving that property; (4) the person’s actions must be reasonable under the circumstances.  See: Cormier at para 47. See also: Pankiw at para 34.

 

[43]           For the trier of fact, the subject’s belief in their entitlement to peaceable possession in certain property and their perception of a threat to that property is assessed on a subjective basis (from the subject’s perspective). However, the reasonableness of the subject’s response to that threat is measured on an objective basis (what would a reasonable person have done under the circumstances). See: Cormier at para 47.

 

[44]           Much like the defence of self-defence, “reasonableness” is the principle filter for the application of the defence of property to justify an action that would otherwise be an offence. Assuming the other elements are present, if the actions of the accused are objectively reasonable under the circumstances, they are justified at law and the subject is not guilty of the concomitant offense.

 

[45]           Finally, Mr. Chaboyer need not prove the application of this defence.  If I find there is an air of reality to the defence arising from the evidence, then s. 35 applies unless the Crown can prove beyond a reasonable doubt that at least one of the elements of the defence was not present. See: R v Caswell2013 SKPC 114 (CanLII), 421 Sask R 312.

Survol des règles de droit applicables en matière de légitime défense et de défense des biens

Cormier c. R., 2017 NBCA 10

Lien vers la décision


[40]                                                                       Le paragraphe 34(1) énumère trois critères, qui doivent tous être remplis pour que ce moyen de défense puisse intervenir. Autrement dit, la légitime défense n’est pas applicable si le poursuivant prouve hors de tout doute raisonnable que l’on n’a pas satisfait à un de ces critères. Ces critères sont les suivants :

 

1.                  La croyance raisonnable : l’accusé doit avoir cru, pour des motifs raisonnables, que la force était employée ou qu’on menaçait de l’employer contre lui ou une autre personne (la perception subjective est objectivement vérifiée);

2.                  L’objectif défensif : il doit avoir réagi à la menace dans le but subjectif de se protéger ou de protéger une autre personne (il s’agit d’un état d’esprit subjectif);

3.                  La réaction raisonnable : il doit avoir agi de façon raisonnable dans les circonstances (cela est évalué de façon objective).

 

Voir l’arrêt R. c. Bengy2015 ONCA 397[2015] O.J. No. 2958 (QL), au par. 28.

 

[41]                                                                       L’amendement est venu codifier deux éléments de la légitime défense qui découlent de la décision de la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Lavallee1990 CanLII 95 (CSC)[1990] 1 R.C.S. 852[1990] A.C.S. no 36 (QL); l’un étant que l’imminence de l’attaque n’est pas une condition qui doit être strictement respectée pour que ce moyen de défense puisse être accueilli, mais seulement un facteur à considérer lorsque l’on évalue le caractère raisonnable de la réaction d’un accusé; l’autre étant que la nature de la relation de violence entre l’accusé et la victime est aussi un facteur à considérer lorsque l’on cherche à déterminer si l’accusé a agi de façon raisonnable.

 

[42]                                                                       La notion d’agression « illégale » comme condition d’application du moyen de défense au titre des dispositions maintenant abrogées a été éliminée. On y a substitué le concept de perception raisonnable de l’emploi ou de la menace d’emploi de la force. De plus, l’appréciation du caractère raisonnable de la réaction de l’accusé à une menace a changé. Dans l’arrêt R. c. Gunning2005 CSC 27[2005] 1 R.C.S. 627, la Cour suprême avait laissé entendre que le caractère raisonnable de la réaction pourrait être substitué au concept voulant qu’une personne ne doive faire « usage que de la force nécessaire » (par. 22). La question de savoir si une personne a agi de façon raisonnable est maintenant évaluée à la lumière des neuf facteurs non exhaustifs qui sont énoncés au par. 34(2).

 

[43]                                                                       Le professeur Kent Roach, dans un article intitulé A Preliminary Assessment of the New Self-Defence and Defence of Property Provisions (2012), 16 Rev. can. D.P. 275, commente ce qu’il qualifie [TRADUCTION] d’« élément essentiel des nouvelles dispositions sur la légitime défense et la défense des biens »; nous souscrivons à ses commentaires. Il y déclare ce qui suit :

 

[TRADUCTION]
L’élément essentiel des nouvelles dispositions sur la légitime défense et la défense des biens se trouve à l’alinéa 34(1)c) et à l’alinéa 35(1)d) qui prescrivent respectivement que la personne qui commet des actes dans le but de se défendre ou de défendre d’autres personnes ou des biens doit agir « de façon raisonnable dans les circonstances ». Cette exigence sera la question cruciale et sans doute la plus difficile à trancher dans la plupart des instances.  Les nouvelles dispositions, toutefois, n’apportent que fort peu de précisions en ce qui concerne la façon de trancher cette question. Dans le cas de la légitime défense, le nouveau paragraphe 34(2) enjoint simplement au juge des faits de prendre en considération les neufs facteurs énumérés mais non exhaustifs. Dans le cas de la défense des biens, le texte législatif ne donne aucune orientation en ce qui concerne la façon de déterminer ce qui peut être raisonnable dans les circonstances. On est tenté d’affirmer que le nouveau paragraphe 34(2) en dit trop en ce qui concerne les facteurs à considérer pour déterminer si l’accusé a agi de façon raisonnable alors que l’article 35 ne donne aucune précision à cet égard. Le résultat est toutefois le même dans les deux cas. Le caractère raisonnable d’une conduite ou d’un acte en particulier sera considéré comme un archétype de la question de jugement qui est associée aux décisions du jury, que le procès soit ou non un de ces rares procès tenus devant jury. Autrement dit, toute évaluation des nouvelles dispositions sera forcément préliminaire. Dans les instances à venir, les tribunaux devront étoffer le sens du mot « raisonnable » et préciser son rapport avec les anciennes dispositions sur la légitime défense et la défense des biens.

 

[44]                                                                       Dans un article intitulé The New Defence Against Force (2014), 18 Rev. Can. D.P. 269, le juge David Paciocco fait les observations suivantes sur les nouvelles dispositions relatives à la légitime défense :

 

[TRADUCTION]
Il ne fait aucun doute que ce nouveau moyen de défense contre l’emploi de la force est non seulement plus simple que les anciennes règles de droit sur la légitime défense et la défense d’autrui, mais également plus généreux. Il en est ainsi malgré le fait que les trois prérequis factuels maintenant énoncés à l’article 34 existaient également dans le cas de chacune des dispositions maintenant défuntes qui régissaient la légitime défense. Ce qui permet aux nouvelles dispositions d’avoir une application plus généreuse dans les cas de légitime défense est la souplesse de leurs facteurs d’évaluation. L’ancien texte législatif imposait, de diverses façons, des conditions fixes et strictes à la légitime défense, y compris l’absence de provocation, la proportionnalité (la force proportionnelle); la nécessité (la force requise); et même, dans certains cas, la tentative d’abandon ou de fuite. Bien que les décideurs doivent prendre en considération des facteurs semblables en application des nouvelles dispositions, ils possèdent maintenant un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l’incidence que ces facteurs auront, ce qui les laisse libres d’accueillir le moyen de défense en leur absence, chose qui n’était pas possible en application des anciennes dispositions.

 

Bien que cette éventualité ait été qualifiée de plus théorique que réelle, il y a également des situations où les moyens de défense que sont la légitime défense et la défense d’une autre personne pourraient être rejetés en application des nouvelles dispositions alors qu’ils auraient pu être accueillis en application des anciennes dispositions. Pour en donner un exemple simple, certaines des dispositions existantes autorisaient l’emploi d’une force excessive, même si elle n’était pas proportionnelle à l’agression contre laquelle on se défendait. Les dispositions actuelles n’imposent aucune limite de cette nature et autorisent le décideur à déclarer l’accusé coupable parce que la force qu’il a employée pour se défendre a excédé la force que l’on menaçait d’employer contre lui. De même, les dispositions antérieures énonçaient un concept restreint de la provocation; la provocation ne pouvait être prise en compte que dans certains cas et ce n’est qu’alors que l’on déterminait les facteurs qui pouvaient être pris en compte. La provocation n’était pas, en soi, un facteur d’évaluation. Maintenant, le rôle joué par l’accusé lors de l’incident, y compris, notamment, la provocation, est un facteur d’évaluation que le décideur est libre d’utiliser dans tous les cas. Il s’ensuit qu’il est tout à fait possible que l’accusé se voie refuser ce moyen de défense parce qu’il a été l’artisan de son propre malheur alors même que les dispositions précédentes n’auraient pas permis que cela soit pris en compte.

 

[45]                                                                       Les premières décisions dans lesquelles les modifications ont été interprétées traduisent le sentiment que les nouvelles dispositions sur la légitime défense semblent plus faciles à appliquer que leurs prédécesseures. Voici ce qu’a dit le juge d’appel Beveridge dans l’arrêt R. c. Levy2016 NSCA 45[2016] N.S.J. No. 211 (QL) :

 

[TRADUCTION]
[…] À première vue, le moyen de défense est beaucoup plus simple. Un article s’applique à toutes les formes de légitime défense. Si la légitime défense a une apparence de vraisemblance, aucune infraction n’est commise à moins que le ministère public ne réfute l’existence d’au moins un des éléments suivants : 1) l’accusé croyait, pour des motifs raisonnables, que la force était employée ou qu’on menaçait de l’employer contre elle ou une autre personne; 2) l’accusé a commis les actes en question dans le but de se défendre ou de se protéger ou de défendre ou de protéger une autre personne; 3) l’accusé a agi de façon raisonnable dans les circonstances. En ce qui concerne le dernier élément, il est précisé que le juge des faits doit tenir compte des neufs facteurs non exclusifs qui sont énumérés au par. 34(2). [par. 107]

 

[46]                                                                       Dans un Guide technique à l’intention des praticiens publié par le ministère de la Justice et intitulé Réforme de la légitime défense et défense des biens : Guide technique à l’intention des praticiens, ministère de la Justice, Canada, mars 2013, les auteurs soulignent que l’intention du législateur était de simplifier le texte législatif; toutefois, l’amendement n’avait pas pour but de modifier substantiellement les principes de la légitime défense. En réalité, toutefois, les nouvelles dispositions ont substantiellement modifié les principes de la légitime défense. Dans l’arrêt R. c. Evans2015 BCCA 46[2015] B.C.J. No. 189 (QL), le juge d’appel Frankel a conclu que les nouvelles dispositions marquent une modification fondamentale du droit applicable qui entraîne une application plus généreuse susceptible de donner lieu à plus d’acquittements que l’ancien régime. Nous sommes du même avis.

 

(2)               La défense des biens

 

[47]                                                                       En ce qui concerne les dispositions sur la défense des biens, elles semblent avoir une portée très large. L’article 35 s’applique à une vaste gamme d’infractions et à tous les biens de quelque nature qu’ils soient. La disposition établit les genres d’obstruction à la « possession paisible » d’un bien qui peuvent susciter une réaction défensive. Ce moyen de défense s’applique lorsqu’une personne croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle a la possession paisible d’un bien et qu’une autre personne est sur le point de commettre des actes précis relativement à ce bien, c’est-à-dire, selon le cas, qu’elle : (1) est sur le point ou est en train d’entrer dans ou sur ce bien ou y est entrée, sans en avoir légalement le droit; (2) est sur le point, est en train ou vient de le prendre; ou (3) est sur le point ou est en train de l’endommager, de le détruire ou de le rendre inopérant. Lorsque le moyen de défense s’applique, un acte commis pour empêcher l’événement déclencheur est justifié si son auteur agit « de façon raisonnable dans les circonstances ». La condition ressortissant à l’objectif défensif doit être évaluée de façon subjective. Par contre, le caractère raisonnable de la réaction est évalué objectivement. Toutefois, contrairement au par 34(2) qui énumère des facteurs susceptibles de faciliter cette évaluation en matière de légitime défense, l’art. 35 ne donne aucune orientation.

 

[48]                                                                       C’est la jurisprudence qui devra déterminer ce qui est raisonnable au sens de l’art. 35. Avant l’entrée en vigueur de la Loi sur l’arrestation par des citoyens et la légitime défense, la jurisprudence avait clairement établi qu’il n’était pas raisonnable de tuer quelqu’un pour empêcher un crime ne visant que des biens : R. c. Gee1982 CanLII 198 (CSC)[1982] 2 R.C.S. 286[1982] A.C.S. no 69 (QL), le juge Dickson (tel était alors son titre) qui citait l’ouvrage intitulé Halsbury’s Laws of England (4e éd.), vol. 11, à la p. 630. C’était là la règle de droit qui était en vigueur depuis longtemps, ainsi que le souligne l’arrêt Rossignol c. R.2005 NBCA 11[2005] A.N.-B. no 36 (QL), à propos du par. 41(1) du Code criminel, aujourd’hui abrogé, qui autorisait une personne ayant la possession paisible d’un bien réel à employer la force nécessaire pour empêcher une intrusion ou expulser un intrus :

 

Il est de jurisprudence constante que l’article 41 du Code criminel ne s’applique pas lorsque le geste posé par la personne en possession de l’immeuble occasionne le décès de l’intrus. Un tel geste ne peut être justifié que par l’application de l’article 34 : voir R. c. Price (1835), 7 Car. & P. 178, 173 E.R. 78R. c. Baxter (1975), 1975 CanLII 1510 (ON CA)27 C.C.C. (2d) 96 (Ont. C.A.), R. c. Scopelliti (1981), 1981 CanLII 1787 (ON CA)34 O.R. (2d) 524 (C.A.), R. c. Clark (1983), 1983 ABCA 65 (CanLII)44 A.R. 141 (C.A.) et R. c. Bacon[1999] A.Q. n19 (C.A.). [par. 12]

 

[49]                                                                       Le professeur Kent Roach, dans son article, se désole du fait que le législateur soit resté muet sur la question de la proportionnalité à l’art. 35 bien qu’il en ait fait une considération en matière de légitime défense en le mentionnant parmi les facteurs à prendre en compte en application du par. 34(2). On se rappellera que « la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force » sont mentionnées à l’al. 34(2)g), comme facteur à considérer. Le professeur Roach se dit d’avis que [TRADUCTION] « les tribunaux devraient considérer qu’une obligation de proportionnalité fait implicitement partie de la disposition en l’absence d’un texte législatif clair écartant l’abondante jurisprudence sur la proportionnalité ». Dans le sommaire de son article, le professeur Roach souligne que l’absence de la proportionnalité parmi les critères énoncés à l’art. 35 pourrait permettre [TRADUCTION] « de façon troublante que le fait de tuer une personne intentionnellement afin de défendre ses biens puisse potentiellement mener à un acquittement ».

 

[50]                                                                       Franchement, il est difficile de concevoir comment un tribunal pourrait jamais conclure que le fait d’avoir tué une personne dans le seul but de défendre un bien constitue une réaction raisonnable dans les circonstances. Ce qui se produit habituellement, c’est que l’intrus oppose une résistance à la force employée pour l’empêcher de s’en prendre à un bien et du fait de l’agression commise par l’intrus, la situation devient un cas de légitime défense. Le professeur Roach fait valoir ce qui suit :

 

[TRADUCTION]
Les anciennes dispositions sur la défense des biens disposaient que l’intrus qui résistait à une tentative en vue de protéger des biens personnels ou réels serait réputé avoir commis des voies de fait. Ces dispositions complexes ne sont pas présentes dans le nouvel article 35. Néanmoins, cela n’empêche pas un chevauchement fréquent entre les dispositions sur la défense des biens et celles sur la légitime défense. Par exemple, une personne qui protège un bien pourrait aussi être fondée à invoquer la légitime défense si elle croit, pour des motifs raisonnables, que l’on emploie la force ou que l’on menace d’employer la force contre elle.

Le moyen de défense fondé sur l’article 35 du Code criminel

Jacob c. R., 2024 QCCA 651

Lien vers la décision


[50]      Selon l’appelant, la juge s’est méprise au sujet des conditions d’application de l’article 35 C.cr.

[51]      Comme cette Cour l’a reconnu dans Molley c. R.[33], cette défense permet d’expulser quelqu’un qui refuse de quitter, même si son entrée sur les lieux était de consentement. Pour être légitime, « la conduite défensive doit également se limiter à ce qui est nécessaire pour empêcher l’intrusion ou pour éloigner l’intrus »[34].

[52]      La Cour est d’avis qu’en l’espèce, la juge traite de ce moyen de défense, et même si elle n’écrit pas spécifiquement qu’un invité peut devenir un intrus dans certaines circonstances, une lecture de ses motifs convainc qu’elle a effectivement rejeté sa défense fondée sur l’article 35 C.cr., en raison de sa conclusion factuelle relative aux blessures qu’il a alors infligées à la plaignante, en tentant de la faire sortir de son domicile[35], estimant qu’il était invraisemblable que l’appelant ait usé du degré de raisonnabilité requis en vertu de l’art. 35(1)d) C.cr., dans ces circonstances.

La défense du bien immeuble permet d’expulser quelqu’un qui refuse de quitter, même si son entrée sur les lieux était de consentement et pour être légitime, « la conduite défensive doit également se limiter à ce qui est nécessaire pour empêcher l’intrusion ou pour éloigner l’intrus »

Boilard c. R., 2018 QCCA 1025

Lien vers la décision


[11]      La défense prévue à 41(1) C.cr. (en vigueur au moment de la commission des infractions reprochées) suppose, pour être exonératoire, la présence de trois conditions cumulatives : (1) l’appelant doit être en possession paisible de l’immeuble, (2) les plaignants doivent être des intrus et (3) la force employée pour les expulser ou les éloigner doit être raisonnable dans les circonstances[6].

[12]      Si ce moyen de défense peut, d’après les faits, être invoqué[7], il incombe alors à l’intimée d’établir que l’appelant n’a pas agi pour défendre son bien immeuble. Le juge du procès a manifestement conclu que les faits donnaient ouverture à ce moyen de défense, car il a analysé exhaustivement les arguments de l’appelant à cet égard.

[13]      Celui qui est d’abord autorisé par le propriétaire à se trouver dans un lieu devient un intrus, lorsque sa présence n’est plus désirable ou qu’elle dépasse les limites de son invitation[8], et qu’après avoir été sommé de quitter, il refuse de le faire[9]. En l’espèce, le juge du procès a conclu que les plaignants étaient ainsi devenus des intrus sur la propriété de l’appelant après que ce dernier leur a ordonné de quitter.

[14]      Celui qui est en possession paisible de l’immeuble n’est, en pareilles circonstances, autorisé à employer la force pour éloigner l’intrus que s’il laisse à ce dernier un délai raisonnable pour quitter. Est donc injustifiée l’agression survenant simultanément ou immédiatement après la sommation[10].

[15]      Pour être légitime, la conduite défensive doit également se limiter à ce qui est nécessaire pour empêcher l’intrusion ou pour éloigner l’intrus. Le caractère raisonnable de la réaction du possesseur paisible tient nécessairement compte de sa croyance subjective du tort appréhendé fondée sur des motifs raisonnables[11].

La défense des biens - conditions d'ouverture de cette défense

Molley c. R., 2015 QCCA 2052



[4]           La défense des biens comporte quatre volets[2] :

1)   L’accusé doit avoir été en possession du bien (ici, une maison d’habitation);

2)   Sa possession devait être paisible;

3)   Le plaignant doit être un intrus;

4)   La force employée pour expulser l’intrus doit avoir été raisonnable.

dimanche 3 novembre 2024

Le droit applicable à la défense des biens

R. c. Calmès, 2021 QCCQ 1933

Lien vers la décision


[72]      Il est reconnu que la maison de chacun est pour lui son château et sa forteresse[85], tant pour se défendre contre l’injure et la violence que pour son repos[86]. Dit autrement, la demeure de chacun est en principe sacré et inviolable[87].

[73]      Pour éviter qu’une personne qui cherche à prévenir ou à repousser une intrusion chez lui en ayant recours à la force soit déclarée coupable d’une infraction criminelle, le législateur a mis à sa disposition un moyen de défense particulier[88].

[74]      L’article 35 du Code criminel codifie ce moyen de défense et en balise les conditions d’ouverture[89]. Cet article se lit en partie comme suit :

35.      (1)     N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

   a) croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle a la possession paisible d’un bien ou agit sous l’autorité d’une personne – ou prête légalement main-forte à une personne – dont elle croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle a la possession paisible d’un bien;

   b) croit, pour des motifs raisonnables, qu’une autre personne, selon le cas :

              (i)     sans en avoir légalement le droit, est sur le point ou est en train d’entrer dans ou sur ce bien ou y est entrée,

            (ii)     est sur le point, est en train ou vient de le prendre,

        (iii)   est sur le point ou est en train de l’endommager, de le  détruire ou de le rendre inopérant;

   c) commet l’acte constituant l’infraction dans le but, selon le cas :

            (i)      soit d’empêcher l’autre personne d’entrer dans ou sur le bien, soit de l’en expulser,

            (ii)      soit d’empêcher l’autre personne de l’enlever, de l’endommager, de le détruire ou de le rendre inopérant, soit de le reprendre;

   d) agit de façon raisonnable dans les circonstances.

[75]      L’article 35 du Code criminel prévoit donc quatre conditions cumulatives qui doivent être remplies pour que le moyen de défense puisse s’appliquer[90].

[76]      Cela dit, pour bénéficier de ce moyen de défense, l’accusé doit d’abord en démontrer un air de vraisemblance[91].

[77]      À cette étape, le Tribunal doit s’assurer de la plausibilité apparente de la défense sans évaluer la crédibilité de l’accusé ou soupeser les différents éléments de preuve[92].

[78]      Si l’accusé rencontre son fardeau de présentation, il appartient à la poursuivante de convaincre le Tribunal que la défense ne s’applique pas en démontrant hors de tout doute raisonnable l’inexistence d’une des conditions[93].

[79]      Tout doute raisonnable concernant l’une ou l’autre des quatre conditions doit jouer en faveur de l’accusé[94].

         La possession paisible d’un bien

[80]      Le terme « bien » inclut les biens meubles et immeubles[95]. Elle vise aussi le terrain et les espaces qui mènent à la résidence[96]. La propriété du bien n’est pas requise[97] et sa possession n’a pas à être exclusive[98].

[81]      La possession « paisible » désigne une possession qui n’est pas sérieusement contestée physiquement ou juridiquement par d’autres personnes[99]. Cela dit, une croyance honnête, mais erronée d’un accusé quant à la possession paisible du bien doit reposer sur la présence de motifs raisonnables[100].

         Un intrus

[82]      La croyance du possesseur paisible à l’effet qu’une personne est un intrus doit être fondée sur des motifs raisonnables[101].

[83]      De façon générale, un « intrus » est une personne qui n’est pas autorisée à pénétrer dans un immeuble[102]. Dans la décision R. c. Hassani, le juge Salvatore Mascia précise qu’une personne peut être un intrus dans trois situations :

[76]        Premièrement, une personne est un intrus lorsqu’elle « [réussit] à s'introduire sur un terrain ou dans une bâtisse, sans droit, sans invitation, en cachette, sans autorisation quelconque. »

[77]      Deuxièmement, est un intrus la personne qui s’introduit dans un immeuble sur invitation du propriétaire, mais qui, pour une raison ou une autre, voit son invitation révoquée et dont la présence devient non-désiréeLorsque cette situation se présente, l’accusé doit toutefois donner à l’intrus une opportunité raisonnable de quitter les lieux avant de pouvoir poser un acte en vue de protéger son bien.

[78]      Troisièmement, une personne se qualifie d’intrus lorsqu’elle « [dépasse] les limites de l'invitation notamment en adoptant un comportement inacceptable compte tenu de la destination des lieux, ou [si elle agit] dans la poursuite d'un but illégal »[103].

[84]      Par ailleurs, le statut d’invité dans une maison ou un établissement ouvert au public est toujours tributaire de la volonté du possesseur des lieux[104]. En fait, quel que soit le contexte ou la raison invoquée par le possesseur, ce dernier a le droit de demander à quiconque de quitter sa propriété[105], et ce, même si la personne a initialement pénétré normalement ou légalement dans son immeuble, à titre d’invité ou de client[106]. Une fois informé de quitter, l’invité qui n’obtempère pas est dès lors considéré comme un intrus[107]. Il est entendu que chaque cas est un cas d’espèce[108].

         Une conduite défensive en lien avec l’intrusion

[85]      Comme le souligne l’auteur Hugues Parent, cette troisième condition renvoie à l’intention de l’accusé au moment de recourir à la force[109]. La condition ressortissant à l’objectif défensif doit être évaluée de façon subjective[110]. Pour être justifiés, les gestes posés par le possesseur paisible doivent être faits dans le but de préserver le bien[111] ou pour éloigner l’intrus[112]. Par ailleurs, la conduite défensive du possesseur paisible doit se limiter à ce qui est nécessaire pour empêcher l’intrusion ou pour éloigner l’intrus[113]. Dit autrement, cette défense n’est pas applicable lorsque le possesseur paisible utilise la force pour satisfaire son mécontentement[114], pour se venger ou pour donner une leçon à l’intrus[115].

         Un agir raisonnable

[86]      Un possesseur paisible est justifié d’appliquer une force raisonnable contre un intrus pour défendre cette possession. Pour être jugé raisonnable, l’acte posé doit se limiter à une conduite nécessaire pour éloigner l’intrus[116] ou pour protéger ses biens[117].

         Un délai raisonnable pour obtempérer

[87]      Le droit de recourir à la force nécessaire pour expulser un intrus n’est pas automatique[118]. À moins que l’intrus ait un comportement inapproprié autorisant le possesseur des lieux à l’expulser sans plus attendre[119], la règle veut que le possesseur paisible accorde à l’intrus un délai ou une occasion raisonnable pour lui permettre de donner suite, volontairement, à la demande de quitter[120]. Une personne ne devient un intrus que lorsqu’elle ne quitte pas dans un délai raisonnable après s’être vu intimer l’ordre de quitter[121]. Si la personne se retire dans un délai raisonnable, elle n’est pas une intruse durant la durée de son départ[122]. Une agression survenant simultanément ou immédiatement après une sommation de quitter n’est donc pas justifiée en vertu de la défense des biens[123].

         L’usage de la force est-elle nécessaire ?

[88]      Le Tribunal fait siens les propos de l’auteur Hugues Parent lorsqu’il indique :

« Bien que la perception de l’accusé soit pertinente pour déterminer si la force est nécessaire, elle ne l’est que dans la mesure où elle est raisonnable. En ce qui concerne les facteurs qui se rapportent plus immédiatement à l’acte reproché, disons simplement que l’imminence du danger ainsi que l’absence ou la présence d’autres moyens d’agir pour assurer la protection du bien en question constituent des éléments pertinents »[124].

         Le degré de force utilisé est-il raisonnable ?

[89]      Lors de l’évaluation de la raisonnabilité des gestes du possesseur paisible, le Tribunal doit utiliser un critère objectif contextualisé[125]. Ainsi, la croyance subjective du possesseur paisible quant à la force requise est pertinente, mais cette croyance doit être fondée sur des motifs raisonnables, c’est-à-dire qu’elle doit être fondée sur des motifs qui sont objectivement raisonnables dans les circonstances[126]

[90]      Il est entendu que l’obligation d’agir raisonnablement n’équivaut pas à un standard de perfection[127]. Par ailleurs, l’ensemble des circonstances inclut notamment[128] : l’historique des relations entre les parties[129]; l’existence de menaces antérieures; l’utilisation d’une arme à feu ou d’un objet dangereux; l’heure de l’intrusion; la taille et le poids de l’intrus; sa condition physique ou émotionnelle; sa persistance et son insistance à demeurer sur les lieux malgré les avertissements de quitter; son agressivité; sa mauvaise réputation; son état d’ébriété; les caractéristiques personnelles du possesseur des lieux[130]; ainsi que le contexte juridique[131].

         La proportionnalité de la réponse

[91]      Également, la « proportionnalité » de la réaction fait partie des facteurs pertinents pour déterminer si le possesseur paisible a utilisé une force raisonnable[132]. À cet égard, la Cour suprême indique dans l’arrêt R. c. McKay, qu’il ne faut pas croire qu’elle souscrit à l’opinion voulant que la défense des biens ne justifie jamais, à elle seule, le recours à une force autre que minime contre un intrus[133].

[92]      Par ailleurs, ce n’est pas parce que d’autres options s’offraient au possesseur paisible que celle qu’il a privilégiée n’est pas nécessairement raisonnable[134]. Par exemple, le défaut d’appeler les policiers et d’attendre leur arrivée ne peut pas nécessairement être reproché à un possesseur qui a le droit de protéger son bien[135].

[93]      De même, selon les circonstances, l’usage d’un répulsif dans un but défensif n’est pas, en soi, un obstacle à l’application de la défense des biens[136]. Toutefois, il est clair qu’une gradation dans les moyens utilisés par un possesseur paisible, pour protéger son bien ou éloigner un intrus, sera plus facilement jugée raisonnable[137].

[94]      Le possesseur paisible est en droit d’appliquer une force nécessaire, en continu, tant que l’intrus n’a pas été éloigné[138]. Cependant, une fois l’intrusion écartée, le possesseur paisible ne peut plus recourir à la force sans s’exposer à des poursuites pour voies de fait[139].

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...