R. c. Leblanc, 2009 QCCQ 5735 (CanLII)
[2] Au départ, littéralement, il n'y a aucune infraction reprochée à l'accusé puisque dans notre droit, le poivre de cayenne n'est ni une arme, n'est ni prohibé et aucun permis n'est nécessaire pour en posséder.
[3] Le poivre de cayenne est une épice que l'on peut acheter en vente libre dans la majorité des épiceries du pays et que l'on retrouve dans les armoires à épice des cuisines de nos résidences et restaurants. Il est aussi une plante médicinale qui provient du piment dont on extrait le fruit mûr et séché.
[4] Ce que le législateur a inclus et prohibé dans sa définition et sa description d'une arme prohibée, c'est :
"Un dispositif qui est conçu (donc, qui peut) comme moyen, de blesser une personne de l'immobiliser, de la rendre incapable par dégagement d'un gaz et/ou du poivre de cayenne."
[14] La loi interdit la POSSESSION d'un dispositif conçu (fait pour, qui permet) par dégagement d'une substance qui peut paralyser un être humain.
[15] Le poivre de cayenne n'est pas un dispositif, c'est une épice et il n'est pas interdit de posséder des épices à titre d'arme prohibée.
[20] Lorsqu'un texte est clair, il n'est nul besoin de l'interpréter. La définition d'arme prohibée est donc dans son texte épuré la suivante :
"Une arme prohibée c'est tout arme… désignée comme telle par règlement…donc … tout dispositif conçu comme moyen de blesser une personne, de l'immobiliser ou de la rendre incapable par dégagement… d'une poudre ou d'une autre substance pouvant blesser une personne, l'immobiliser ou la rendre incapable."
[26] Encore une fois, ce n'est pas le poivre de cayenne qui est l'arme, mais bien le dispositif qui permet par dégagement d'utiliser la substance.
[27] Le présent débat soulève de graves questions. Ces armes prohibées que constituent ces bonbonnes de poivre de cayenne sont en vente libre.
[28] On fait état en plaidoirie que l'on peut se les procurer dans les magasins de grande surface, tels que Walmart, Canadian Tire, les pharmacies Jean Coutu, et ce, sans aucun avertissement ou réserve. Ces bonbonnes sont aussi en vente libre au commerce de l'accusée, "Dragon Anti-Intrusion".
[29] La seule réserve sur la bonbonne sera l'étiquette qui indique que l'USAGE est pour (ou contre) les chiens et les ours. On peut par simple recherche sur internet avec les moteurs de recherche disponibles inscrire "Dog Repelent" et obtenir ces bonbonnes de même marque que celles produites ici, soit de marque "Sabre".
[31] Le législateur a choisi de déclarer ces dispositifs, armes prohibées. Il aurait pu choisir une définition qui permet d'en posséder en petits formats ou en doses réduites pour l'utilisation contre les animaux par exemple, il ne l'a pas fait et il n'appartient pas aux tribunaux de s'y substituer.
[33] Un des éléments essentiels que la poursuite doit prouver concerne l'accusation qui indique que la possession d'arme prohibée peut être légale si l'on est titulaire d'un permis qui l'y autorise.
[34] La preuve révèle que l'accusée n'a pas de permis; au surplus, on m'informe qu'elle n'aurait pas pu obtenir ce permis de possession d'arme prohibée, soit du dispositif avec poivre de cayenne, pour la bonne et simple raison que ce permis n'existe pas.
[35] L'accusée a la charge de la preuve et c'est à elle qu'incombe finalement de prouver qu'elle est titulaire d'un permis. (art.117.11, C.cr.)
[36] Même dans ce cas, elle n'a pas à prouver l'existence, ni l'inexistence d'un élément essentiel de l'infraction, conclut la Cour suprême
[40] Le permis n'existe tout simplement pas, car le législateur a choisi plutôt, dans ce cas, de faire la liste des personnes qui "ne sont pas coupables", "no public officer is guilty". Il a inclus au Code criminel sous le titre "dispense", "exempted person". (article 117.07).
[41] Le législateur ne parle jamais pour ne rien dire. Comment expliquer ce non-sens juridique apparent; trouver l'intention du législateur est plus difficile, voir impossible. Comment un crime peut-il dépendre d'une condition impossible?
[47] Dans l'affaire R. c. Jordan, la Cour d'appel a ordonné un nouveau procès suite à l'acquittement de la Cour suprême de la Colombie Britannique qui modifiait la condamnation en première instance devant un juge de la Cour provinciale de la Colombie Britannique. Les extraits qui suivent sont à mon avis le raisonnement juridique qui doit prévaloir et que je fais mien :
"In my view, the Crown's appeal was not resolved on a question of fact. The uncontradicted evidence of the police officer, which the trial judge accepted, was that the canister found in the appellant's possession met the definition of a prohibited weapon as set out in the regulations; i.e., that it was "designed to be used for the purpose of injuring, immobilizing or otherwise incapacitating any person by the discharge therefrom of . . . any liquid . . . capable of . . . incapacitating any person."
As noted at para. 14 above, the trial judge concluded that, although the evidence was sufficient to establish the item's status as a prohibited weapon, he could not say that it was a prohibited weapon in light of the fact that the same substance, when sold as "bear spray", was not prohibited.
In my view the trial judge erred in basing his decision on two legally irrelevant considerations: first, that the substance in both containers could be used to incapacitate humans; and second, that possession of the larger canisters of "bear spray" was not illegal. What is prohibited is an item designed to be used to incapacitate humans; that the substance in both types of canister may be used to incapacitate humans is immaterial.
It was also wrong for the trial judge to ask whether the smaller can of spray should be illegal to possess when a larger canister of the same substance is not. What should or should not be criminalized is a question for Parliament.
In my view these were errors of law requiring that the verdict be set aside."
[48] On peut retrouver sous la plume du juge Scanlan dans R. c. Porter, les mots suivants et je cite:
"In as far as what the Appellant's use or purpose was in possessing the tear gas was, I have already stated that it is irrelevant. There was sufficient evidence for the court to find that the cannister was a device designed to be used for the purpose of injuring, immobilizing or otherwise incapacitating any person by discharge thereform which is not now in effect."
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