R. c. Bartle, 1994 CanLII 64 (C.S.C.)
Il existe une obligation d'informer les personnes détenues de l'existence de services d'avocats de garde.
L'alinéa 10b) impose trois obligations aux représentants de l'État: informer la personne détenue de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat, lui donner la possibilité raisonnable d'exercer ce droit et s'abstenir de l'interroger jusqu'à ce qu'elle ait eu cette possibilité raisonnable.
La première obligation touche à l'information. Les deuxième et troisième sont des obligations de mise en application qui ne prennent naissance que si la personne détenue indique qu'elle veut exercer son droit à l'assistance d'un avocat. Le droit à l'assistance d'un avocat garanti par l'al. 10b) n'est pas absolu. À moins que la personne détenue ne fasse valoir son droit et qu'elle ne l'exerce avec diligence, l'obligation correspondante des policiers de lui donner la possibilité raisonnable de l'exercer et de s'abstenir de tenter de lui soutirer des éléments de preuve, soit ne prendra pas naissance, soit sera suspendue.
La personne détenue peut renoncer aux droits garantis par l'al. 10b), mais la norme est stricte, surtout lorsque la renonciation alléguée a été implicite. Le volet information du droit à l'assistance d'un avocat doit donc avoir une portée large et les policiers doivent donner les renseignements «promptement et d'une manière compréhensible». À moins d'être clairement et complètement informées de leurs droits dès le début, les personnes détenues ne sauraient faire des choix et prendre des décisions éclairées quant à savoir si elles communiqueront avec un avocat et, en outre, si elles exerceront d'autres droits, comme celui de garder le silence.
Qui plus est, étant donné la règle selon laquelle, en l'absence de circonstances particulières indiquant que la personne détenue ne comprend pas la mise en garde prévue à l'al. 10b), les policiers ne sont pas tenus de s'assurer qu'elle comprend pleinement ses droits, il importe que la mise en garde type soit aussi instructive et claire que possible.
La jurisprudence a ajouté deux éléments au volet information: les renseignements sur l'accès à l'aide juridique et à des avocats de garde.
L'imposition d'exigences supplémentaires aux policiers en matière d'information est justifiée par la nécessité de réaliser l'objectif sous‑jacent du droit à l'assistance d'un avocat que garantit la Charte. Le volet information de l'al. 10b), c.‑à‑d. l'information donnée dans tous les cas aux personnes détenues et dont dépendent les obligations corrélatives de l'État, revêt un caractère essentiel.
L'arrêt R. c. Brydges énonce le principe que les autorités policières sont tenues d'informer les personnes en détention de l'existence dans leur province ou territoire de services d'aide juridique et d'avocats de garde. La mise en garde type faite en vertu de l'al. 10b) devrait comprendre des renseignements de base sur la façon d'avoir accès aux conseils juridiques préliminaires gratuits qui sont à la disposition de ces personnes. L'omission de donner ces renseignements constitue une violation de l'al. 10b).
Si les policiers ne se sont pas conformés à leurs obligations découlant de l'al. 10b), on n'a pas à se demander si la personne détenue a exercé son droit de se voir faciliter le recours à l'assistance d'un avocat (toutefois ces questions peuvent être pertinentes lorsqu'il faut décider s'il y a lieu d'écarter, conformément au par. 24(2) de la Charte, les éléments de preuve obtenus par suite de la violation de la Charte). La violation de l'al. 10b) est complète, sauf dans les cas de renonciation ou d'urgence, quand les représentants de l'État n'informent pas la personne détenue comme il se doit de son droit à l'assistance d'un avocat et ce, jusqu'à ce que cette omission ait été corrigée.
Pour qu'une renonciation à un droit procédural soit valide, il faut qu'il soit bien clair que la personne renonce au moyen de procédure conçu pour sa protection et qu'elle le fait en pleine connaissance des droits que cette procédure vise à protéger. Ce critère s'applique également aux droits garantis par la Charte. Dans le cas du volet information de l'al. 10b), pour qu'une personne renonçant au droit le fasse en «pleine connaissance», elle doit être déjà pleinement informée des renseignements qu'elle est en droit de recevoir. Si une personne détenue indique qu'elle ne désire pas entendre lecture des renseignements figurant sur la «mise en garde» habituelle donnée en vertu de l'al. 10b), ce fait ne constituera pas en soi une renonciation valide au volet information de l'al. 10b).
Lorsque les circonstances révèlent qu'une personne détenue ne comprend pas la mise en garde habituelle, les autorités doivent prendre des mesures additionnelles pour s'assurer qu'elle comprend ses droits en vertu de l'al. 10b) et les moyens qui lui permettront de les exercer. Par contre, il peut à l'occasion y avoir des cas où l'obligation des autorités de prendre des moyens raisonnables d'informer la personne détenue des droits que lui garantit l'al. 10b) sera respectée même s'il y a omission de certains éléments de la mise en garde habituelle. Cela sera possible seulement si la personne détenue renonce explicitement à son droit de recevoir la mise en garde habituelle et si les circonstances révèlent des motifs raisonnables de croire qu'elle connaît ses droits, les a invoqués et est au courant des moyens de les exercer.
Le fait qu'une personne détenue indique simplement qu'elle connaît ses droits n'établira pas en soi l'existence de motifs raisonnables de croire qu'elle en comprend pleinement l'ampleur ou qu'elle est au courant des moyens de les mettre en oeuvre. Il doit exister des motifs raisonnables de croire qu'une personne détenue qui renonce au volet information de l'al. 10b) est véritablement au courant de la totalité ou d'une partie des renseignements contenus dans la mise en garde habituelle. Dans ce cas, il peut ne pas y avoir violation de l'al. 10b) si l'on omet les renseignements en question dans la lecture de la mise en garde habituelle.
La norme relative à la renonciation au droit d'être informé est stricte. Compte tenu de l'importance du volet information dans l'atteinte des objectifs de l'al. 10b), on ne devrait reconnaître la validité d'une renonciation que dans les cas où il est évident que la personne détenue comprend pleinement les droits que lui garantit l'al. 10b) ainsi que les moyens qui lui sont offerts pour les exercer, et qu'elle invoque ces droits. En exigeant le respect de ces conditions, on s'assure qu'une renonciation au droit à l'assistance d'un avocat, qui suit une renonciation au droit d'être informé, est une décision prise en pleine connaissance de cause. Puisque les obligations d'informer que l'al. 10b) impose aux autorités de l'État ne sont pas écrasantes, il n'est pas déraisonnable d'insister pour que ces autorités dissipent toute incertitude quant à la connaissance que la personne détenue a de ses droits.
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