R. c. Genest, 2009 CanLII 9568 (QC C.M.)
[19] La poursuite doit faire la preuve des éléments suivants :
a) une entrave;
b) un agent de la paix ;
c) dans l’exercice de ses fonctions;
d) le défendeur a volontairement entravé l’agente de la paix.
i. Définition d’entrave
[21] Le Code criminel ne définit pas ce que constitue une "entrave". C’est la jurisprudence qui la définit :
«L’entrave… est une offense d’intention générale pénale, dont la composante factuelle est simplement d’avoir posé un geste… un comportement qui rend plus difficile – pas nécessairement qui empêche – mais qui rend plus difficile, plus onéreux… le travail de l’agent de la paix…»
[22] Lorsque le Tribunal évalue le comportement reproché, les principes suivants doivent être considérés:
«…in order for an accused to be guilty of obstruction …. It must have caused the officer to expend more than trifling additional effort. … it must result in more than a fleeting or momentary diversion or expenditure of effort. »
«It would be wrong for the courts to trivialize the offence by casting their nets so widely as to catch all momentary lapses of good judgment exhibited by humans when they are dealing with police officers…
«…. Every occupation …. carries with it some inherent difficulties …. one of these is dealing with those members of the public who are inconsiderate, rude …. , only when those individuals cause a problem of consequence for the officer should their conduct be characterized as criminal.»
[23] Afin de mieux saisir la portée de cette expression, il est à noter qu’une entrave peut être commise même en l’absence d’un geste physique. À titre d’exemple, constitue une entrave:
- un avocat qui dit à son client de quitter les lieux afin d’éviter de se faire arrêter;
- détruire ou cacher la preuve;
- aviser des citoyens de la présence policière.
[24] Une entrave peut aussi être commise par le refus d’obéir à un ordre d’un agent de la paix. Cet ordre doit, par contre, avoir comme fondement une assise juridique fondée sur une disposition législative (i.e. : loi, règlement, Code criminel) ou sur la common law.
[25] Lorsque la poursuite invoque une disposition législative, cette disposition doit être claire quant au pouvoir d’émettre un ordre et l’obligation par le citoyen de s’y soumettre.
[26] Il est à noter qu’il n’existe aucune obligation générale d’obéir à un ordre émis par un agent de la paix.
[27] Un tel pouvoir peut aussi être fondé sur la common law qui peut se retrouver soit dans un cas où un tel pouvoir a déjà été reconnu par les tribunaux ou il peut être créé par le juge dans l’instance devant lui.
[28] En droit criminel, de tels pouvoirs sont parfois créés par le judiciaire afin de permettre le service de police d’accomplir leurs fonctions de «… preserve the public peace, as it relates to the protection of life and property… effectively investigate and prevent crimes» et appliquer les règlements municipaux.
[29] Voici des exemples de pouvoirs fondés sur la common law :
- refus par un tiers d’obtempérer à un ordre de quitter la salle d’interrogatoire;
- refus d’arrêter de fuir les lieux;
- défier un ordre de se disperser;
- refus d’ouvrir la porte pour permettre à l’agent de vérifier une plainte pour de la musique excessive;
- refus de quitter les lieux;
- refus d’un photographe de cesser de faire des photos d’une patiente.
[30] Dans R. c. Knowlton, la Cour suprême a reconnu un pouvoir, fondé sur la common law, pour les policiers, d’établir un périmètre de sécurité sur la voie publique pour protéger un diplomate en visite au Canada. Un citoyen qui tente d’y pénétrer commet une entrave.
[31] Dans l’arrêt R. c. Worrell, le juge utilise ce principe pour conclure qu’un agent de la paix peut établir un périmètre de sécurité autour de son véhicule de police alors qu’il y a un attroupement sur les lieux.
[32] Les tribunaux reconnaissent par contre qu’un citoyen qui fait l’objet d’une arrestation, ainsi que toute personne se trouvant à proximité, peut soumettre de l’information ou une explication pertinente quant à la légalité de l’arrestation; surtout dans le cas où l’agent n’est pas un témoin oculaire de l’incident.
[33] Il est à noter qu’un refus de l’agent d’écouter les explications ne transforme pas une arrestation légale en arrestation illégale uniquement de ce fait.
[34] Toutefois, ce droit de fournir des explications doit être exercé sans troubler la paix et d’une façon qui ne nuit pas à un agent dans l’exécution de ses fonctions. L’exercice de ce droit ne constitue pas une entrave «… unless it is intemperate, unduly persistent, irrelevant or be made in an unreasonable manner».
[35] Dans R. v. J.L.R., alors qu’un agent procède à l’arrestation d’un prévenu, le défendeur (un ami) s’approche constamment des agents. Il refuse de quitter les lieux et est arrêté et déclaré coupable d’entrave.
[36] Finalement, il est évident que lors de l’interception d’un véhicule pour une infraction en vertu du Code de sécurité routière, le conducteur est détenu.
ii. Caractère volontaire
[37] L’entrave à un agent de la paix est une infraction où l’intention coupable (mens rea) requise en est une d’intention générale.
[38] Entraver volontairement un agent de la paix signifie de façon délibérée, de façon consciente :
«… sachant que ce geste est susceptible d’entraver, de nuire, de déranger… »
[39] R. c. Huard définit cette intention ainsi :
«… est la prévisibilité de cette conséquence pour l’auteur des gestes intentionnels… c’est la négligence de l’accusé.»
[40] La preuve doit donc établir que le défendeur a posé un geste volontaire sachant ou prévoyant que l’effet est de nuire au travail de l’agente ou le rendre plus difficile.
iii. Dans l’exercice de ses fonctions
[41] Le jugement le plus souvent cité pour le sens à donner à ces termes est la décision de R. c.. Noël :
«A peace officer does not have to be involved in the investigation of a specific crime, … in order to be " in the execution of his duty". If, …, a peace officer’s activities fall within those … [to ensure public peace and to prevent crime][26] or … by … the statutes … then the officer will be engaged in the execution of his or her "duty»
…, the law recognizes a distinction between a peace officer being " engaged in the execution of his duty " and simply being on duty… »
[42] Naturellement, l’agent doit être légalement dans l’exécution de ses fonctions.
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