dimanche 24 janvier 2010

Dans les cas de malhonnêteté (abus de confiance), la détermination de la peine doit souligner la gravité des infractions et le sursis doit être écarté

R. c. Grenier, 2006 QCCQ 2081 (CanLII)

[1] L'accusée a plaidé coupable à une fraude commise contre son employeur, le gouvernement du Québec (Ministère de l'Éducation), entre le 23 janvier 2002 et le 12 février 2004, pour un montant de 191 547$, le tout contrairement à l'article 380 (1)a) du C.cr.

[33] C'est toujours dans ce même arrêt R. c. Juteau, que le juge Proulx s'exprimait ainsi quant à l'opportunité de l'emprisonnement avec sursis dans ces matières de fraude et je le cite:

«La Cour d'appel de l'Ontario, dans l'arrêt R. v. Pierce 1997 CanLII 3020 (ON C.A.), (1997), 114 C.C.C. (3d), 23, précise que dans les cas de malhonnêteté qui se distinguent particulièrement par un abus de confiance, la détermination de la peine doit souligner la gravité des infractions et le sursis doit être écarté».

[34] D'ailleurs en 1999, la juge Thibault de la Cour d'appel du Québec s'exprimait ainsi dans l'arrêt Verville c. R., à la page 11 du texte intégral:

«On a fait valoir qu'en raison des critères de dissuasion et de dénonciation du comportement du contrevenant, le sursis d'emprisonnement ne serait pas approprié en matière de vol ou de fraude.

J'estime que cette information est trop générale et qu'elle doit être nuancée. En matière de peine, chaque cas doit être étudié à son mérite. Le législateur n'a pas choisi de soustraire ces crimes de l'application du régime de l'emprisonnement avec sursis aussi, je vois mal comment les cours de justice pourraient le faire. En réalité, ce que la jurisprudence majoritaire enseigne, c'est qu'il est inapproprié d'ordonner une telle mesure lorsque la malhonnêteté se distingue particulièrement par un abus de confiance, ce qui n'est pas le cas ici. En effet, l'appelant a utilisé une méthode peu sophistiquée, au vu et au su de tous».

[35] D'ailleurs dans l'affaire précitée, R. c. Juteau l'accusée avait été, en première instance, condamnée à une peine de 23 mois d'emprisonnement à purger dans la collectivité et ce, pour une fraude totalisant 472 000$ alors qu'elle agissait comme gérante de bureau. Il s'agissait donc d'un abus de confiance auprès de son employeur. La Cour d'appel a modifié cette peine devant être purgée dans la collectivité pour y substituer une peine de six mois d'emprisonnement ferme et ce, pour la simple et unique raison, qu'elle avait déjà purgé une bonne partie de sa peine dans la collectivité et effectué d'ailleurs plusieurs heures de travaux communautaires. D'ailleurs, voici comment s'exprimait le juge Proulx à la page 1679 de l'arrêt et je cite:

«En conclusion, je suis d'avis que l'erreur du premier juge porte donc sur l'opportunité d'accorder le sursis et non sur la quotité de la peine: l'examen des facteurs de qualification en matière de fraude qui permettent de mesurer la responsabilité intrinsèque de l'intimée ne justifie d'aucune façon une ordonnance d'un sursis à l'emprisonnement mais à tout le moins l'année d'emprisonnement ferme proposé par le ministère public en première instance. Par ailleurs, comme l'intimée a déjà purgé sa peine dans la collectivité pour une certaine période de temps et exécuté la majeure partie de ses travaux communautaires, je proposerais de lui en donner crédit et de ne pas intervenir quant aux travaux communautaires».

[50] Compte tenu de tous ces facteurs tant atténuants qu'aggravants, il ne serait être question d'une simple mesure probatoire ni encore d'une peine d'emprisonnement au pénitencier.

[51] Une peine d'emprisonnement s'impose et ce, compte tenu de l'ampleur de la fraude et surtout de l'existence de tant d'éléments aggravants.

[52] Un des facteurs importants dans le présent dossier est l'abus de confiance. Récemment, mon collègue, le juge Plante dans l'affaire de R. c. Blais-Paré,[6] imposait à l'accusée une peine de 15 mois d'emprisonnement ferme. Cette personne travaillait comme secrétaire auprès d'un médecin qu'elle a fraudé pour une somme de 223 000$ sur une période de plus de 20 ans.

[53] Il cite, mon collègue, le juge Proulx dans l'affaire R. c. Fortin, lequel a imposé à l'accusée qui avait volé son employeur d'une somme de 178 000$, alors qu'elle occupait un poste de confiance au sein de la compagnie, une peine d'emprisonnement ferme de 2 ans moins 1 jour. Il faut dire que l'accusée avait deux antécédents judiciaires de vol.

[54] Dans l'arrêt Verville c. R. de la Cour d'appel du Québec, on a substitué à une peine d'emprisonnement ferme de 12 mois, une peine à être purgée dans la collectivité avec comme condition additionnelle d'effectuer 240 heures de travaux communautaires dans une délai d'un an. Il faut dire que dans cette affaire, il s'agissait d'une fraude de 186 488$, que l'accusé avait plaidé coupable, qu'il n'avait aucun antécédent judiciaire et qu'il ne s'agissait pas d'un abus de confiance pas plus qu'il ne s'agissait de sommes qui étaient destinées, à partir de deniers publics, à l'assistance de personnes en difficultés.

[55] Compte tenu de ces nombreux facteurs aggravants, de la jurisprudence pertinente, la peine à être prononcée doit mettre l'accent sur les facteurs de dissuasion tant généraux qu'individuels, et sur la dénonciation. Ces facteurs doivent évidemment primer sur tous les autres facteurs, en particulier, à cause de l'abus de confiance et de l'appropriation de deniers publics destinés à des personnes déficientes. L'imposition d'une peine à être purgée dans la collectivité ne satisfait pas ces deux facteurs ci-haut énumérés.

[56] En conséquence, je condamne l'accusée, Sylvie Grenier, à purger une peine d'emprisonnement ferme de 12 mois. À la fin de sa période d'emprisonnement, elle sera soumise à une ordonnance de probation d'une durée de 3 ans avec un suivi probatoire pour une période de 24 mois.

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