R. c. Branchaud, 2003 CanLII 55382 (QC C.M.)
[35] Pour que le tribunal soit en mesure d’accorder une absolution selon l’article 730 du Code criminel, laquelle ne constitue pas une mesure extraordinaire (R. v. Scheper, [1986] J.Q. no. 1806 (C.A.)), la sentence doit être prononcée dans le meilleur intérêt de l’accusé et ne pas être contraire à l’intérêt public (R. c. Fallofield, 1992 CanLII 3313 (QC C.A.), (1974) 76 C.C.C. (3d) 181, 185 (C.A.)).
[36] La première condition suppose que l’accusé est une personne de bon caractère, habituellement sans antécédents judiciaires, qui ne nécessite pas de dissuasion ni de réinsertion sociale et qu’un jugement de culpabilité aurait des conséquences sérieuses.
[37] À ce sujet, le juge Béliveau, dans Rozon c. La Reine (R.E.J.B. 1999-11797 (C.S.)), écrivait au paragraphe 33 :
Par ailleurs, l’intérêt véritable de l’accusé suppose que ce dernier est une personne de bonne moralité, qui n’a pas d’antécédent judiciaire, quoique cela ne soit pas dirimant (R. c. Chevalier), qu’il n’est pas nécessaire d’enregistrer une condamnation pour le dissuader de commettre d’autres infractions ou pour qu’il se réhabilite et que cette mesure aurait à son égard des conséquences particulièrement négatives.
[38] Les éléments reflétant les caractéristiques personnelles de l’accusé, considérés par le tribunal pour favoriser l’octroi d’une absolution, incluent de façon non limitative l’âge, la condition physiologique, le statut civil, la réputation et le genre d’emploi occupé :
Voir : Hélène Dumont, Pénologie. Le droit canadien relatif aux peines et aux sentences, Montréal, Les Éditions Thémis, 1993, p. 455.
[39] D’autres facteurs peuvent également être considérés dans l’appréciation du premier critère. Je retiens les suivants :
1- Un geste isolé;
2- Un agir impulsif, non prémédité;
3 La présence du caractère dissuasif;
4- L’exemplarité potentielle et prévisible;
5- La gravité objective de l’infraction commise;
6- Les conséquences sur la victime;
7- Un agir sous l’influence de boisson ou d’une drogue;
8- Les circonstances particulières entourant la commission de l’infraction;
9- L’attitude du défendeur après la perpétration de l’infraction;
10- L’absence d’antécédents judiciaires.
[40] La deuxième condition implique une appréciation du principe de dissuasion générale, en tenant compte particulièrement de la gravité de l’infraction, son incidence sur la collectivité, l’attitude de la société vis-à-vis une telle absolution et la confiance du public dans l’administration de la justice.
[41] Il faut user du jugement d’une personne raisonnable et renseignée pour l’appréciation de ce deuxième critère (R. c. Lamothe, 1990 CanLII 3479 (QC C.A.), (1990) R.J.Q. 973, 98, (C.A.)).
[42] Relativement à la perte probable d’un emploi, le juge Béliveau écrivait dans l’affaire Rozon (paragraphe 36) :
[…] même si l’absolution sera parfois accordée à des personnes qui invoqueront qu’elles perdront vraisemblablement leur emploi ou le droit d’exercer leur profession, cela ne saurait vouloir dire qu’il s’agit d’une mesure qui permet un traitement différent sinon privilégié à leur égard. Au contraire, l’article 730 vise un principe égalitaire, en empêchant qu’un délinquant particulier ne subisse des conséquences disproportionnées par rapport à tous ceux qui se sont rendus coupables d’un semblable délit.
[43] Le juge Rothman dans R. c. Moreau, J.E. 92-1237 (C.A.) opinait de façon plus restrictive sur cette question :
Discharges should, of course, only be granted when the conditions of Sec. 736 have been met and where the sentencing judge considers that it would be in the best interests of the accused and not contrary to the public interest. Beyond that, the section requires no specific proof of employment jeopardy, although this may, in some cases, justify the granting of a discharge.
[44] Finalement rappelons que l’absolution ne cible pas une catégorie spécifique d’infractions.
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