dimanche 27 mars 2011

L'état du droit sur la divulgation du registre d’entretien de l’appareil Alco-Sensor

R. c. Rochon, 2010 QCCQ 5763 (CanLII)

[5] Dans les deux causes précitées, des experts avaient été entendus sur ce point précis. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

[6] Dans le jugement Legault, mon collègue le juge Healy, au paragr. 16, considère que « la preuve des deux parties fait en sorte que l’entretien peut avoir une incidence sur le fonctionnement de l’appareil et, par conséquent, que le registre d’entretien pourrait être pertinent aux fins de communication par la poursuite. » Au paragr. 19, il conclut que la preuve d’expert, faite devant lui, démontre que le registre d’entretien doit être communiqué à la défense pour la préparation du procès.

[7] Dans la décision Dufour, ma collègue la juge Pelletier, aux paragr. 107 et 108, estime, de l’ensemble des témoignages, que les informations contenues au registre d’entretien ne sont pas utiles pour déterminer la fiabilité et l’exactitude des analyses au moment des tests passés sur un sujet donné, à un moment précis et que les tests de contrôle constituent la meilleure mesure du bon fonctionnement de l’appareil. Celle-ci réfère à plusieurs décisions rendues au Québec et, ailleurs au Canada, où l’on a rejeté des demandes de divulgation similaires à celle en l’espèce au motif que les renseignements demandés étaient non pertinents et que ces requêtes s’apparentaient davantage à une expédition de pêche (paragr. 85 et 87).

[8] Les affaires Legault et Dufour ont cependant en commun qu’une preuve fondée sur le témoignage d’experts a été entendue au soutien de la requête en divulgation. Dans le premier dossier (Legault), les deux experts convenaient qu’il pouvait y avoir un lien entre l’entretien d’un appareil et son fonctionnement (paragr. 4 et 5) tandis que dans l’autre (Dufour), le Dr Langille spécifiait que le registre d’entretien n’était d’aucune utilité pour savoir si un appareil a bien fonctionné à un moment précis (paragr. 39). Voilà pourquoi, selon moi, les conclusions des juges d’instance diffèrent alors que la requête a été accueillie dans Legault et rejetée dans Dufour.

[9] En l’occurrence, aucune preuve d’expert n’a été soumise pour appuyer la requête en divulgation. Par conséquent, j’estime que la défense n’a pas établi le fondement de sa prétention. Elle devait prouver minimalement que l’entretien pouvait avoir une incidence sur le bon fonctionnement de l’appareil et que le registre d’entretien pouvait être pertinent à cet effet. Sur cet aspect de l’exigence minimale de pertinence, la Cour suprême, dans l’arrêt R. c. McNeil, 2009 CSC 3 (CanLII), [2009] 1 R.C.S. 66, au paragr. 28, spécifie ce qui suit :

[28] À la première étape d’une demande contestée visant la production de renseignements non privilégiés en la possession d’un tiers, il incombe à la personne qui demande la production – l’accusé en l’espèce – de convaincre la cour que les renseignements sont vraisemblablement pertinents. […] L’auteur de la demande doit alors justifier à la cour l’utilisation du pouvoir de l’État d’imposer la production – d’où son fardeau initial de démontrer la «- pertinence vraisemblable ».

[10] Puis, au paragr. 29, la Cour suprême souligne qu’on ne saurait trop insister sur l’importance d’empêcher les demandes de production inutiles d’épuiser les ressources judiciaires limitées :

[29] […] D’une part, cette exigence de pertinence vraisemblable est « importante » parce que la cour doit pouvoir participer de manière significative au filtrage des demandes pour « empêcher que la défense ne se lance dans des demandes de production “qui reposent sur la conjecture et qui sont fantaisistes, perturbatrices, mal fondées, obstructionnistes et dilatoires” » (O’Connor, par. 24, citant un extrait de R. c. Chaplin, 1995 CanLII 126 (C.S.C.), [1995] 1 R.C.S. 727, par.32).

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